HISTOIRE DE LA CSF SOUS L'OCCUPATION, « l'enfance de Thales »

Annexe 12: Budget d'une famille du Maine-et-Loire en 1941 selon Raymond Déaud 


(Création  11 novembre 2012)

 

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L'auteur

Pour comprendre les mécanismes d'une société, et, en l'occurence, il ne s'agit pas de la SFR, ni de la CSF, mais de la société du Maine-et-Loire qui peuple l'usine SFR de Cholet, il est important de s'imprégner de quelques fondamentaux comme celui du budget d'une famille. Au passage, un éclairage sur Raymond Déaud, anarcho-syndicaliste beliniste.  

Raymond Déaud La Charte du travail Le rapport sur les salaires de 1941



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Raymond Déaud

Avant-guerre, Raymond Déaud, né en 1908, était secrétaire adjoint de l'Union Départementale CGT. L'ancien secrétaire de l'UD, Bertron, proche de Belin était devenu responsable de la fédération du Sous-sol du syndicat Vichyste1. Déaud avait été secrétaire du comité angevin du Front populaire, responsable des actions de défense antifascistes. Dans le Maine-et-Loire, sans doute à cause des liens très étroits entre le ministre Belin et Bertron, les structures interprofessionnelles de la CGT s'étaient fondues en douceur dans les nouvelles structures syndicales vichystes découlant de la charte du travail promulguée en octobre 1941, sans que les responsables comme Déaud aient eu à renier leurs anciennes convictions. De toutes façons ces structures interprofessionnelles tournaient à vide et avaient perdu toute influence sur les ouvriers2. Dans les usines, seuls étaient tolérés à partir de mars 1942, des syndicats professionnels uniques. Aucune trace n'est restée d'un quelconque syndicat à la SFR de Cholet qui, de création récente n'avait aucune tradition en la matière.

La Charte du travail

Déaud et Bertron se sentaient concernés par la Charte du Travail, comme leur camarade Belin devenu ministre. Belin évoquera plus tard la Charte du travail comme une « fâcheuse aventure », mais justifiera son maintien en place pour éviter « que la Charte ne se transformât en instrument de démolition du syndicalisme, ses adversaires n'ayant pas désarmé ». Belin voulait également empêcher « l'arrivée possible d'un remplaçant qui aurait pu être redoutable à plusieurs titres »3. Au congrès de l'UD des « Syndicats ouvriers et employés confédérés du Maine-et-Loire » du 19 avril, le représentant de l'Union locale d'Angers, Placet déclara en conclusion de son exposé sur la Charte du travail: « Nous désirons l'application de la Charte du Travail au plus tôt; nous la désirons parce que nous estimons qu'il est nécessaire qu'un statut régisse le monde du travail de façon nette et précise. »4. Quant aux craintes de Belin d'être remplacé par de plus fascistes que lui, elles n'étaient pas vaines. En avril 1942, Hubert Lagardelle fait son entrée au gouvernement Laval comme ministre du travail, suivi de Bichelonne et de Déat en mars 1944. L'arrivée de Déat est mal perçue par l'opinion publique du Maine-et-Loire, toujours si l'on en croit les rapports du commissaire aux Renseignements généraux: «  la nomination de Déat comme ministre du travail passe mal, tant chez le patrons que chez les ouvriers qui pensent que Déat n'a été nommé que pour accélérer les départs en Allemagne »5.

Le rapport sur les salaires de 1941

En 1941, le syndicaliste CGT Raymond Déaud adressait un rapport au préfet du Maine-et-Loire pour lui demander de relever les salaires. En annexe, il présentait le budget mensuel d'une famille de 4 enfants, le père, la mère et les deux enfants de 14 et 16 ans.

Produits alimentaires rationnés Quantité pour
4 personnes
(Kg)
Dépenses
(Fr)
Produits alimentaires en vente libre Quantité pour
4 personnes
(Kg)
Dépenses
(Fr)
Sucre 2.000 14.40 Carottes 15 76.50
Chocolat 0.375 9.00 Salades 25 pièces 62.50
Riz 0.800 4.80 Poireaux 5 37.50
Pâtes alimentaires 1.000 11.60 Navets 4 17.60
Pain 33.200 102.90 Légumes frais 10 53.00
Viande 4.000 106.85 Asperges 5 50.00
Fromage 1.040 26.00 Poisson 8 160.00
Beurre 1.200 48.00 Boisson 61 329.40
Huile 0.800 15.35


Margarine 0.600 10.10


Café 1.000 23.60


Pommes de Terre 12.000 48.00


Légumes secs 1.000 12.50


Total
433.20 Total
786.50


Produits non alimentaires Dépenses (Fr)
Récapitulatif (Fr)
Loyer 200
Alimentaire rationné 433.20
Vêtements 400
Alimentaire libre 786.50
Gaz 70
Total alimentaire 1219.70
Électricité 15
Divers alimentaire, +10% 121.95
Hygiène 60
Non alimentaire 695.00
Transports 50


Divers et impôts 100


Total 695
Total général 2236.65


Déaud estime les besoins d'un célibataire homme à 1160 francs en prenant en compte une pension de 30 fr par jours, 150 fr pour les vêtements, 20 fr pour l'hygiène, 25 fr pour les transports et 50 fr de frais divers. La célibataire femme se voit appliquée un abattement de 20%, et ses besoins mensuels sont donc estimés à 965 fr.

Liens

Sur l'Union départementale du Maine-et-Loire et l'arnacho-syndicaluisme, on se réfèrera à cette intéressante étude de Manualla Noyer:

L'Union départementale CGT-Force ouvrière de Maine et Loire de 1948 à 1956


Notes de bas de page

1 Jean-Pierre Le Crom, Syndicats, nous voilà !, Vichy et le corporatisme, les éditions de l'Atelier, 1995, pp.239-246

2 Enquête du commissaire de police sur les ouvriers et les patrons du Choletais, 23mars 1944 (AD49, 21W52)

3 Témoignage de René Belin recueilli par Jacques Julliard, Actes du colloque des 6-7 mars 1970 : Le Gouvernement de Vichy, 1940-1942, Armand Colin, 1972, p.202

4 Compte-Rendu du Congrès de l'UD des Syndicats confédérés pour les RG, (AD49, 21W52).

5 Enquête du commissaire de police sur les ouvriers et les patrons du Choletais, 23mars 1944 (AD49, 21W52,)

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