La famine en Ukraine dans les livres d'Histoire

Historiographie de la famine en Ukraine, après la Sconde Guerre mondiale

1. Le cas du "que-sais-je ?", Histoire de l'URSS

     1.1 A propos de Jean Bruhat

     1.2 Edition de 1945

     1.3 Edition de 1961

     1.4 Edition de 1970

2. Les ouvrages généralistes

    2.1 .Pléïade, Histoire Universelle, 1958

    2.2  Braudel, "Grammaire des civilisations", 1958

    2.3 Duroselle, Nouvelle Clio, 1964

    2.4 Larousse, 1964

3. Manuels scolaires

    3.1 Hatier, 1961

    3.2 Nathan, 1964

    3.3 Bordas 1973

    3.4 Bordas 1982

    3.5 Nathan 1988

    3.6 Analyse des manuels scolaires par Chevchenko

J'ai parcouru un certain nombre d'ouvrages scolaires ainsi que des ouvrages à vocation plus ou moins encyclopédique publiés entre 1945 et 1980 pour y rechercher quelle place y était faite à la famine de 1933. Sachant que la place de la Shoah dans l'histoire de la seconde guerre mondiale avait évolué considérablement au cours des temps, j'ai parfois mentionné le traitement fait à la Shoah, à titre de comparaison. Parfois aussi, je me suis intéresé au traitement réservé au Goulag.

1      Le cas du "que-sais-je ?", Histoire de l'URSS

Jean Bruhat Ed 1945 Ed 1961 Ed 1970

Depuis 1945 jusqu'au courant des années 1970, la collection "Que-sais-je" des PUF (Presses Universitaires de France), référence dans le monde scolaire et universitaire, encyclopédie vendue par petits volumes de moins de 125 pages, et donc accessibles au plus grand nombre, choisit Jean Bruhat pour rédiger le volume "Histoire de l'URSS". De beaux diplômes, celui de la rue d'Ulm et une agrégation d'histoire, et le fait d'être militant communiste suffisent à le désigner comme spécialiste de l'URSS. On confie de la même façon à des jésuites les titres touchant de près ou de loin au catholicisme. On peut voir dans cette façon convevoir l'édition la mise en place d'un Yalta culturel ou tout simplement la mise en œuvre d'un marketing efficace qui définit des produits adaptés à leurs lectorats.

1.1 A propos de Jean Bruhat

Né le 24 août 1905 à Pont-Saint-Esprit (Gard). Mort le 11 février 1983 à l'hôpital Lariboisière. Marié à Yvonne Maugis - trois enfants. Normalien (rue d'Ulm), professeur agrégé d'histoire, docteur ès Lettres. Militant communiste.

 

Adhère au parti en 1925,en rentrant à l'ENS. Après son service militaire, nommé prof à Nantes, il assume des responsabilités à la Fédération régionale du PC et au syndicat unitaire local. Puis assume des responsabilités nationales dans le syndicalisme enseignant. A partir de 1937, collabore aux Cahiers du Bolchevisme et à l'Humanité.

 

D'après J.Maitron, "Si lors de ses vingt ans il avait eu des doutes quant à " la question russe ", Bruhat était désormais rallié au stalinisme -- le mot n'apparaîtra que plus tard" . Nommé au lycée Buffon en 1937. Historien, il est surtout " utilisé " à ce titre par le Parti. Dans ses articles de l'Humanité, il justifie les procès de Moscou Lié d'une profonde amitié avec Politzer, Solomon, il fait partie de ce petit groupe d'intellectuels qui, sans assumer de responsabilités dans l'appareil, collabore assez étroitement avec la direction du Parti. "

 

Toujours d'après Maitron, en 1939, il est "bouleversé non pas tellement par le traité germano-soviétique mais par le comportement de la direction du PCF à ce propos." Prisonnier de guerre libéré en mars 43, contacté par le Parti et toujours en désaccord sur certains problèmes, il se refuse à un engagement permanent. À la Libération,  lycée Michelet puis professeur de khagne au lycée Lakanal, et maître-assistant à la Sorbonne puis à l'Université de Paris VIII. Reste à la disposition du Parti, il organise la Commission d'éducation ouvrière de la CGT et poursuit sa collaboration à l'Humanité.

 

A propos des événements de Hongrie, il écrit à son ami Zyromski, le 24 juin 1958 : " J'étais assez désemparé et je le suis encore plus. Il y a des exclusions [...] J'étais de ceux que le XXe congrès avait enthousiasmés, des perspectives semblaient s'ouvrir sur la voie du socialisme français ", il déplore l'exécution de Nagy non justifiée " par les nécessités actuelles de la lutte des classes ".

 

Ce n'est qu'en 1980 qu'il prend officiellement ses distances avec l'URSS et la direction du PCF.il condamne (cf. Le Monde 8 janvier 1980) l'intervention soviétique en Afghanistan estimant " regrettable " que le Bureau politique du PCF n'ait pas souligné suffisamment cette violation des principes de souveraineté et d'indépendance. Il est aussi l'un des 29 intellectuels qui créent, en janvier 1980, un Comité pour la défense des Libertés et des Droits de l'Homme en Tchécoslovaquie (Le Monde, 11 janvier 1980)..

 

OEUVRE : Nombreuses études et publications sur le mouvement ouvrier. Le dernier ouvrage de J. Bruhat : Il n'est jamais trop tard, janvier 1983, Paris, Albin Michel, 292 p., apporte, sur la vie et l'oeuvre de l'auteur, une ample documentation.

 

1.2 L'édition de 1945

Les éditions de 1945 à 1970 et même après sont signées de Jean Bruhat, normalien ouvertement communiste (Il collabore à l'Humanité depuis 1937). La famine de 1921 est clairement évoquée.

 

Le chapitre 7, "L'évolution de l'URSS de 1927 à 1939" commence par une biographie, puis un panégyrique de Staline:

" Il (Staline) jouit en URSS d'une extrême popularité qu'il semble devoir non seulement aux sccés de sa politique, mais aussi à certains traits de caractère. Intransigeant sur les principes, il sera d'une extrême souplesse dans l'application. D'une très grande simplicité de vie  (qui est d'ailleurs dans la tradition bolchevique), d'une bonhomie souriante, il use dans ses rapports et discours d'une éloquence rude, dépoillée, logique, faite de raison plus que de passion, enrichie de références constantes à l'expérience populaire, comme aux meilleurs classiques de la littérature russe. L'humour n'est pas non plus pour lui déplaire, ni parfois le trait dur qui porte. et surtout, plus qu'aucun autre, il a le sens réaliste de ce qui est opportun à un moment donné, n'hésitant pas , le cas échéant, à conseiller après une sévère "autocritique" le retour en arrière qui permet de repartir de l'avant dans de meilleures conditions…"

     

4 pages sont consacrées à l'agriculture dans le 1er plan quinquenal.(1927-33)

" On pouvait en effet, pour augmenter la production favoriser les koulaks, mais on allait à l'encontre des principes du régime. On pouvait aussi, "puisqu'il était impossible de sortir de la misère par la petite exploitation" passer à la collectivisation des entreprises agricoles; c'était alors, de toute évidence, se heurter aux koulaks, qui ne pouvaient accepter la collectivisation…. C'est donc dans ce sens que va s'orienter le gouvernement. Mais il importait sans aucun retard de "liquider" les koulaks… La bataille fut rude, - on a pu parler d'un "Octobre" des paysans, - lle se termina par la liquidation des koulaks. Cette lutte va de pair avec les débuts de la colectivisation… C'est entre les koulaks et les premiers kolkhoziens  que le conflit atteint sa plus grande violence…

 pour obtenir des succés à tout prix, des administrateurs locaux précipitent la collectivisation… Ces procédés, exploités par les koulaks, provoquent un malaise, puis des incidents. On assiste à de véritable hécatombes de bétail… Dans un article célèbre, Staline proteste contre de telles pratiques (2 mars 1930). Ilrappelle qu'il ne faut en aucun cas renoncer au principe du libre consentement… "

   

Bruhat s'étend ensuite sur l'essor du mouvement kolkhozien, avec force statistiques et en vient ensuite au bilan du  1er plan

"Dans l'agriculture, les progrès avaient été plus lents du fait de la vicissitude de la collectivisation. Des résultats cependant avaient été obtenus: Blé : 717 milions de quintaux… Ajoutons que les conditions de vie des ouvriers et des paysans avaient été améliorés…"

   

Dans la partie consacrée au 2eme plan quinquenal, peu de choses sur l'agriculture, si ce n'est quelques lignes sur la prospérité des kolkhozes.

 

On en arrive donc à la période de l'épuration:

" Le pays a retrouvé, sauf aux débuts de la collectivisation, le calme nécessaire à l'élaboration des grands travaux. Le pouvoir des Soviets est maintenant consolidé. Il jouit de l'appui et de la confiance des populations. Il n'y a plus d'opposition ouverte à la direction du parti bolchevik. On note même une détente certaine dans le mécanisme de la "dictature du prolétariat". Des miliers de déportés, en particulier ceux qui avaient pris part à la construction du canal de la mer Blanche sont amnistiés et peuvent devenir kolkhoziens….

Cependant, si l'opposition ouverte est devenue impossible, les complots et les sabotages sont assez nombreux pour que soient prises contre leurs auteurs les mesures les plus sévères. Le point de départ fut l'assassinat à Léningrad de S.M. Kirov…"

   

Après quelques développements et l'énumération de queques exécutés célèbres (Toukatchevski…)

" Dans le même temps, il fut procédé à une épuration massive du parti. Le procédé n'était pas nouveau. Il avait déjà été utilisé sous la NEP pour protéger l'organisation d'une infiltration des éléments capitalistes que la NEP tolérait. C'est ce qu'on appelait un nettoyage (Tchitska). Lorsque Kirov fut assassiné, une épuration était en cours. Elle fut poursuivie avec une vigilance accrue.Certains abus s'étant produits, le XVIIIeme Congrès du parti (1939) décida la suppression des épurations massives et le respect strict de la démocratie à l'intérieur du Parti. "

 

1.3 L'édition de 1961

Le texte de l'édition de 1961 est absolument inchangé, à l'exception de petits ajouts:

Le panérygique de Staline se trouve enrichi d'une note de bas de page:

" Le jugement porté aujourd'hui sur Staline en URSS retient ces aspects positifs et met en lumière les mérites de Staline comme marxiste et comme révolutionnaire. Mais il souligne les traits négatifs de son caractère, la non-observation (par lui) du juste équilibre entre la centralisation du pouvoir - de toute façon indispensable sous le régime de la dictature du prolétariat - et la démocratie plus large qui découle de la nature même du régime socialiste, la violation des règles léninistes de la vie du Parti et de la légalité soviétique (D'après la revue Kommounist, avril 1956). L'encyclopédie soviétique (tome 40) reprend pour l'essentiel cette argumentation…"

En plus de cette note de bas de page, il y a évidemment quelques éléments nouveaux sur l'histoire récente de l'URSS, en particulier le Xxeme Congrés, qualifié d'événement le plus important de l'histoire de l'URSS depuis la guerre "…Les aspects négatifs ont été aussi fortement mis en lumière, à savoir , pour l'essentiel, la surestimation du rôle de Staline  ("le culte de la personnalité"), des violations graves de la légalité socialiste et une hypertrophie de la bureaucratie…"

 

1.4 L'édition de 1970

Dans l'édition de 1970, la note de bas de page a été remontée dans le texte, avec un petit ajout :"L'historien qui se refuse aux jugements de valeur constate que certaines options décidées sur les indications de Staline ont été déterminantes (possibilité de réaliser le socialisme dans un seul pays, primat de l'industrie lourde; collectivisation)"

 

Le passage sur la collectivisation de l'agriculture reste celle de 1945. Toujours aucune trace d'une famine en Ukraine en 1933. Par contre, le paragraphe sur l'épuration et les procés est sensiblement amendé:

"Il est impossible, encore à l'historien, de faire toute la clarté sur le début, les causes et l'expansion de cette répression…"

 

Les victimes des procés ne sont pas forcémment des saboteurs, mais aussi "des hommes qui n'avaient été mêlés à aucun groupe d'opposition mais qui n'acceptaient ni l'autoritarisme de Staline, ni la violation de la légalité socialiste."

 

Et une appréciation négative sur ces purges:

 "ces purges auront pour résultat d'affaiblir à la veille de la guerre les cadres administratifs, politiques et militaires du régime. Elles semblent toutefois avoir laissé assez indifférente la masse de la population qui ne se sent guère concernée par une répression qui atteint surtout (mais pas exclusivement) les sommets de la société soviétique"

 

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2. Ouvrages généralistes

Pléïade Braudel  (Grammaire des civilisations) Duroselle, (Nelle Clio) Larousse

2.1      La Pléïade, Histoire universelle, Tome III, 1958

-         "La crise de l'Europe", par Jean Vidalenc, qui recouvre l'époque de 1914 à 1945, 5 pages sur la SGM, zero ligne sur l'extermination des juifs.

-         "Le Monde Slave", par Alfred Fichelle, 11 pages sur l'histoire de l'URSS, dont 2 pages sur la politique intérieure de l'URSS

"La collectivisation agricole s'opéra au début dans le plus grand désordre à cause de la mauvaise volonté des paysans aisés ou koulak. Une répression cruelle s'ensuivit."

 

2.2      "Grammaire des civilisations", Braudel, 1963

Dans la Grammaire, Hitler est pratiquement ignoré, mis à part 2 lignes en référence à Napoléon "Même schéma pour l'Allemagne Hitlérienne qui a réuni contre elle une coalition à la mesure de la menace: En fait, la plus grande partie du monde."

Par contre, 27 pages sur "L'URSS de 1917 à nos jours". Beaucoup de développements sur Marx et Lénine, comparaison avec la période du comité de salut public de la Révolution française, beaucoup également sur les taux de croissance économique depuis la fin de la guerre, comparaison entre différents pays européens et l'URSS, développements sur la musique, la culture... La période de Staline est zappée, elle n'est qu'évoquée, par exemple en ces termes:

"Les tentatives soviétiques pour réorganiser la production agricole de façon collective, et qui tournent à l'échec, semblent se heurter aux résistances de la paysannerie que le stalinisme a malmenée..."

"Les duretés du régime stalinien ne s'expliquent entièrement ni par les caprices d'un homme grisé par la puissance, ni par les nécessités du socialisme, ni par celles du communisme. Elles sont aussi un drame du sous-développement, la formule étatique impitoyable inventée pour franchir rapidement , par l'investissement humain, les étapes de l'industrialisation dans un pays économiquement arriéré. Et ce drame recommence sous nos yeux en Chine au moment où l'URSS s'en délivre..."

Finalement, dans tous les textes de cette époque, on ressent la même volonté d'oublier ce qui n'avait jamais été explicité. On ne s'appesantit pas sur la spécificité meurtrière d'une époque ou d'un régime. Ce n'est pas qu'on l'enjolive, on suppose que ces choses-là sont connues, et on les théorise.

 

2.3       "Nouvelle Clio" Vol 38, "L'Europe de 1815 à nos jours",  JB.Duroselle, 1964

- 10 pages sur "La montée des périls et le 2eme guerre mondiale". zero ligne sur l'extermination des juifs. (il y a ailleurs de longs développements sur l'affaire Dreyfus)
- La révolution russe n'est traitée qu'indirectement et l'histoire de l'URSS n'intervient que dans le cadre de la SGM ou de la bipolarisation d'après-guerre.

2.4      Larousse en 10 volumes, 1967

 12 colonnes accordées à l'histoire de l'URSS, aucune mention de la famine de 1932-33. Tout juste est-il fait allusion à la "liquidation" des koulaks en 1929 et à quelques problèmes dans l'agriculture, une baisse du rendement qui conduit à autoriser les kolkhoziens à posséder une vache et un petit jardin. Rien non plus dans les articles "Staline" et "Ukraine".

 

La "terrible famine de 1921" est citée comme l'un des facteurs qui a incité Lénine à mettre en œuvre la "NEP".

 

Aucune mention n'est faite du Goulag. 

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3      Manuels scolaires

Hatier 1961 Nathan 1964 Bordas 1973 Bordas 1982 Nathan 1988 Chevchenko

3.1      Hatier 1961

Ci-dessous le texte du Duroselle (la feuille portant la date de l'édition a disparu, mais il me semble que c'est 1961. Précision : le Duroselle couvre la période 1914-1945).

Dans ce manuel de terminale, le chapitre 8 est consacré à "La Russie soviétique de 1917 à 1939", réparti en trois parties. La troisième est intitulée "Staline et l'ère des plans quiquennaux (1928-1939).

2. Les plans quinquennaux
a) Le premier plan (1928-1932)
En deux parties. La première traite de l'industrie, la seconde de l'agriculture

" Dans l'agriculture, le premier plan consista surtout à « liquider » les koulaks et à collectiviser leurs terres. Aux sovkhozes, entreprises d'État, cultivées par des salariés et qui servaient de modèle, vinrent s'ajouter les kolkhozes, vastes fermes coopératives dont le sol appartenait à l'État et dont les produits étaient partagés entre l'État et les paysans proportionnellement à leur travail. Cette réforme suscita des crises, les paysans s'opposant à la collectivisation qui s'étendait à tout, habitations, bétail, volailles. Beaucoup tuèrent leurs bêtes avant d'entrer dans les kolkhozes. Il fallut revenir en arrière et autoriser les paysans à garder en privé leurs maisons, jardins, volaille et un peu de bétail. La collectivisation fut rapide. En 1928, 1 390 000 ha étaient cultivés par les kolkhozes. En 1933, 75 millions. "

 C'est tout. Rien sur le Goulag dans tout le chapitre consacré à l'URSS. Une demi-page sur l'épuration, mais n'évoquant que la déportation de "milliers de bolchéviks en Sibérie", en faisant apparaître un certain durcissement de leurs conditions de vie.

 Par comparaison, le même manuel sur la Seconde Guerre mondiale

"L'implacable et horrible logique du système raciste hitlérien n'aboutit pas seulement à vouloir réduire les Slaves en esclavage; elle veut l'élimination des juifs, corrupteurs de la race supérieure. D'où la plus épouvantable extermination de l'histoire. Parqués dans des « ghettos » où régnait la famine et où tout incident était prétexte à des massacres, les juifs furent ensuite exterminés systématiquement. On les envoyait par trains entiers dans certains camps de concentration où, chaque jour, des milliers d'entre eux, hommes, femmes et enfants, passaient dans les chambres à gaz. De grands fours crématoires brûlaient leurs cadavres. On estime à 4 millions au moins le nombre des victimes de la pseudo-théorie raciste d'Hitler."

Dans cet ouvrage où le texte prime, on trouve en regard deux illustrations, sur une pleine page : une carte des camps de concentration nazis et une photo de l' "hôpital" au camp de Buchenwald.

Ceci fait partie de la première partie intitulée "L'Europe nouvelle" de Hitler" (2 pages). La seconde partie traite de la Résistance (5 pages), où est encore évoquée l'extermination des Juifs.

La question de l'extermination est évoquée en d'autres lieux de l'ouvrage : d'une part dans le chapitre "L'avènement du fascisme : l'Italie et l'Allemagne" ou quasiment une page* est consacrée à la doctrine de Hitler, d'autre part en fin d'ouvrage, dans la partie consacrée au bilan de la guerre.

Au passage : Dans la partie consacrée à la Résistance, on trouve mention de Katyn : "Ceux-ci [les Russes] avaient rompu avec le gouvernement [polonais] de Londres lorsque ce dernier avait protesté contre le massacre d'officiers polonais perpétré à Katyn, sans doute par les Soviétiques."

* Comme dans la plupart des manuels de cette époque, le texte est imprimé en petite taille, et les illustrations prennent assez peu de place.

   

3.2      Nathan 1964

terminale 1964/ 65 : la couverture a disparu mais je suis sûre qu'il était fait par JB Duroselle (peut être chez Nathan):

chapitre "Les plans quinquennaux", p.132 26 lignes sont consacrées au premier plan (1928-32) 

"Dans l'agriculture, le premier plan consista surtout à "liquider" les koulaks et à collectiviser leurs terres. Aux sovkhozes, entreprises d'état, cultivées par des salariés et qui servaient de modèle, vinrent s'ajouter les kolkhozes, vastes fermes coopératives dont le sol appartenait à l'Etat et dont les produits étaient partagés entre l'Etat et les paysans proportionellement à leur travail. Cette réforme suscita des crises, les paysans s'opposant à la collectivisation qui s'étendait à tout, habitations, bétail, volailles. Beaucoup tuèrent leurs bêtes avant d'entrer dans les kolkhozes. Il fallut revenir en arrière et autorises les paysans à garder en privé leurs maisons, jardins, volailles et un peu de bétail. La collectivisation fut rapide. En 1928, 1 390 000 ha étaient cultivés par des kolkhozes. En 1933, 75 millions."

  Ensuite, on passe au 2eme plan et Stakanov, puis au 3eme plan…

 

3.3      Bordas 3e 1973

dans la leçon "construction du socialisme" (1928-1941)

" Conduite avec brutalité, la collectivisation se heurte à la résistance passive ou violente de la paysannerie. Elle entraîne une grande famine pendant les années 1933 à 1935 et coûte la vie à plusieurs millions d'hommes."

   

+ en document : des extraits de Terres défrichées, Cholokhov ( il est dit que ce témoignage a été publié en 1932) et un graphique du cheptel bovin de 1913 à 1939.
L'Ukraine n'est pas citée particulièrement
Page précédente ( 1917-1928), il y a une photographie de morts sous titrée "La Russie épuisée" octobre 1921. En commentaire: la guerre civile et la mauvaise récolte réduisent le peuple russe à la misère. L'hiver 1920-21 est difficile; en été une sécheresse exceptionnelle ruine la récolte dans les plaines de la Volga. La famine fait plus de 5 millions de morts.
"

 Par comparaison, le même manuel sur la Seconde Guerre mondiale

Dans tous les pays conquis, l'économie est entièrement mise au service des Allemands. Le pillage des ressources est systématiquement organisé : matières premières, produits alimentaires, payés à bas prix, sont expédiés vers l'Allemagne.
Les biens des juifs, partout expropriés, tombent aux mains des nazis ou de leurs collaborateurs.

Les pays vaincus doivent payer de lourdes indemnités pour l'entretien des troupes d'occupation.

Pour participer à la « croisade contre le bolchevisme », des volontaires sont recrutés dans toute l'Europe; les gouvernements satellites de l'Allemagne, roumain, hongrois, finlandais, doivent fournir des contingents.

L'industrie de guerre allemande a besoin de main-d'œuvre. Elle fait appel aux volontaires; mais, bientôt, le « service du travail » devient obligatoire. Beaucoup de jeunes gens réfractaires au S.T.O. vont grossir les rangs des maquisards.

Dans l'Europe de l'Est, des millions d'hommes sont purement et simplement déportés vers les camps de travail où ils deviennent les esclaves des industriels allemands. Dans les
camps de concentration se retrouvent condamnés de droit commun, résistants, otages, populations vouées à l'extermination telles que les tziganes et les juifs.

Les nazis ont en effet décidé et mis en ocuvre l'extermination de tous les juifs d'Europe. Regroupés dans des ghettos où ils sont décimés par la faim et les épidémies, les juifs sont ensuite entassés dans des wagons de marchandises et envoyés vers les camps de concentration où ils sont exécutés. Le nazisme est responsable de la mort d'environ dix millions de juifs européens.

Si les Allemands trouvent dans tous les pays des collaborateurs par conviction politique, par peur ou par intérêt, ils rencontrent aussi des résistances de plus en plus organisées. Dans toute l'Europe, et en particulier dans les Balkans, les partisans mènent une guérilla efficace qui contraint les Allemands à d'importants efforts militaires. En Yougoslavie, ils conduisent une véritable guerre de libération nationale qui les rendra, en 1944, maîtres du pays.

+une photographie d'un déporté
+un extrait de Hosz ( Nuremberg) sur l'extermination à Auschwitz  

   

3.4      Bordas 1982

La collectivisation agricole, p.312

"Le premier plan bouleverse les structures foncières et se substitue à l'agriculture et la propriété individuelles une agriculture collective.

En 1929 94% des paysans exploitent individuellement leurs terres. Staline propose alors de développer la colectivisation soit dans des fermes d'Etat, les sovkozes où les paysans sont des salariés, soit dans des coopératives, les kolkhozes. Il lance le mot d'ordre "la liquidation des koulaks en tant que classe". La rupture est brutale: En mars 1930, 58%  des terres sont regroupées dans les kolkhozes, et en 1934, 88%. Les paysans sont contraints d'entrer dans les coopératives: Leurs terres, mais aussi leurs maisons, voire le bétail et l'outillage, sont souvent collectivisés. Les autorités locales doivent confisquer les biens des koulaks et les expulser. Menée par des comités de paysans pauvres et d'ouvriers venus des villes, cette collectivisation brutale suscite la 'résistance des paysans qui abattent leur bétail, refusent de travailler.. La "dékoulakisation" dépasse les limites assignées et touche, outre les 3 millions de koulaks, une partie des paysans moyens. Le bilan est lourd: dépossédés de tout moyen d'existence, souvent réduits au vagabondage ou déportés dans des camps de travail, 3 millions de paysans périssent. La situation est si tendue que Staline fait des concessions. A partir de mai 1932, les paysans sont autorisés à sortir du kolkhoze, la saisie du bétail et des objets personnels est interdite. Les kolkhozes peuvent commercialiser librement leurs excédents après avoir payé ses impots et constitué ses stocks réglementiares. La rémunération de chacun selon le travail accompli satisfaitles paysans. En 1933,le kolkhozien reçoit en jouissance un lopin de terre de moins d'un hectare, ainsi que le droit de posséder quelques vaches et une basse-cour; il peut vendre sa production sur le marché libre…"

Ensuite, le manuel enchaine sur les grandes purges (De 1933 à 1938, le pays est frappé par une épuration sans précédent alors que la situation se détend…)

 

3.5      Nathan, 1988

Nathan 1° dirigé par J.Marseille 1988

La collectivisation dans les campagnes 1932-33, p.275  

" La croissance de la productivité agricole apparaît comme une condition indispensable pour réaliser uns industrialisation rapide. L'agriculture doit fournir le ravitaillement quotidien d'une population en augmemtation, et de le faire avec de moins en moins de paysans, l'industrie ayant des beoins de main-d'œuvre. Elle dort de plus fournir un surplus exportable pour financer l'importation de machines. Pour ce faire, Staline et le parti estiment nécessaire de briser l'agriculture familiale, archaïque et routinière et d'imposer les formes collectives que sont le sovkhoze et le kolkhoze. Ceux-ci doivent à la fois permettre une modernisation plus rapide et faciliter les livraisons de produits agncoles à l'Etat. Tâche d'autant plus difficile que le Parti communiste est mal implanté dans les campagnes, et qu'il trouve en face de lui, et contre lui, malgré l'existence de différenciations sociales entre koulaks (environ 5% de la paysannerie) et paysans pauvres, une forte solidarité vilageoise.

Les moyens choisis sont d'abord une très forte pression exercée par l'intermédiaire des réquisitions. Elle est parfois si forte que les paysans ruinés n'ont d'autre solution pour survivre que d'intégrer les kolkhozes. Ensuite, c'est la création des MTS (Stations de Machines et de Tracteurs) qui centralisent les machines agricoles attribuées aux kolkhzes. Tenues par des ouvriers et des militants du parti, elles sont conçues comme un moyen d'encadrement de la paysannerie. Mais les résultats ne semblent pas assez rapides. Aussi, en 1930, le parti déclare nécessaire de "liquider les koulaks en tant que classe". Le terme de koulak finit par désigner tout opposant à la collectivisation. C'est le début d'une véritable guerre contre les paysans: arrestations, déportations, exécutions, touchent près de dix millions de personnes. Les paysans répondent par des jacqueries et un vagabondage de masse, mais aussi par une réduction de la production. En particulier, ils abattent leur bétail avant d'entrer dans les kolkhozes.

Si l'on fait en 1933 un bilan du premier plan quinquennal, il est violemment contrasté. Certes, la collectivisation est pratiquement faite. En quatre ans, le vieux monde rural russe a été brisé. Les effets sur la production ne sont pas ceux attendus. Le niveau de production régresse. Pendant l'hiver 1932-33, le pays connaît dans les campagnes une terrible famine qui rappelle celles du communisme de guerre et fait plus d'un million de morts dans les campagnes. "  

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3.6      Les programmes scolaires en 2006 (Jacques Chevchenko)

Ce qu'on trouve dans les manuels scolaires Commentaires

La question des manuels scolaires a également été abordée par Jacques Chevtchenko. J'ai recopié des extraits brut de brut

http://www.ukraine-europe.info/ua/dossiers.asp?1281011516

3.6.1  Ce que l'on trouve dans les manuels scolaires (Jacques Chevtchenko)

La plupart des manuels parlent d'" une grande famine de 1933 à 1935" de " la famine de 1933 ", de " la famine", d' " une famine ", " (…) des famines " , d' " une grave famine ", de " la famine (qui) réapparaît " On parle d'" affamés " et on finit par écrire le mot " famines ", au pluriel mais dans une liste des victimes du " système concentrationnaire soviétique ", mais La famine n'existe pas dans huit des manuels étudiés, français, belges et suisses.

Un seul manuel écrit : "En 1932-1933, la famine touche l'Ukraine et le Sud de la Russie, provoquant la mort d'environ 6 millions de personnes." (Le texte souligné en gras l'a été par l'éditeur ou l'auteur) c'est le Magnard de 3e publié en 2003.

Sur l'échantillon représentatif, on arrive au graphique suivant :
36% des manuels ne mentionnent aucune famine dans les pages consacrées à la collectivisation 59% parlent de famine(s) sans explication 5% de famine en Ukraine.

Le nombre des morts varie, ce qui est normal, de " plusieurs millions d'hommes" , "6 à 8 millions de morts" (ici en comptant les victimes de la répression politique), "d'au moins trois millions", "neuf millions de victimes" (de toutes les répressions de cette période), "entre 10 et 15 millions de morts" (pour l'ensemble de la période stalinienne), " environ 6 millions de personnes " pour le manuel qui parle de la famine en Ukraine et dans le Sud de la Russie.
Ce qui est moins normal, c'est l'amalgame opéré le plus souvent de toutes les victimes en un seul et grossier compte macabre de toute la période stalinienne.
Ce procédé permet de minimiser l'ampleur du phénomène " famine " surtout lorsque le terme " paysans " n'est pas employé pour parler des victimes de la collectivisation.

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3.6.2  Commentaires (Jacques Chevtchenko)

Omniprésence de la famine de 1921 en Russie
Aussi étonnant, la famine de 1921, elle, est très largement évoquée dans les manuels de 3e et illustrée dans les ouvrages du secondaire, contrairement à celle de 1932-1933.

Omniprésente, la famine de 1921 est toujours qualifiée de "grande", "terrible" ou "effroyable"  On sait aujourd'hui avec les travaux de l'historien canadien Roman Serbyn qu'elle fut aussi ukrainienne et un ballon d'essai.

Un vocabulaire loin d'être innocent
L'étude du vocabulaire utilisé conjointement avec le mot " famine" montre que l'usage de verbes comme " apparaît ", "réapparaît " tend à minimiser l'impact ou les origines d'un phénomène que l'on " sait " être récurrent, donc normal, dans l'ancien Empire tsariste. Jamais, elle n'est dite " provoquée " par Staline. Lorsqu'il est dit que la dékoulakisation " touche " 3 millions de paysans, que mettre sous le mot ? Ont-ils été dépossédés, expulsés, déportés, tués ou morts de faim ?

Le déni en guise de conclusion…

En guise de conclusion, nous avons gardé, si on peut dire, le meilleur pour la fin, c'est-à-dire l'utilisation d'une certaine terminologie pour caractériser la collectivisation et la famine ou encore la nier comme génocide. On a déjà vu les approximations des auteurs, mais quand on lit que " la dékoulakisation dépasse les limites assignées " et que " la collectivisation est conduite très violemment par les rouages inférieurs du Parti, plus durs envers les paysans que ne le souhaitait Staline ", on peut légitimement s'interroger sur le niveau de culture ou l'honnêteté intellectuelle des rédacteurs de tels manuels. Elle pose aussi le problème du sérieux du travail des .

De nombreux rédacteurs caractérisent la collectivisation et semblent en excuser, ou à défaut à admettre, ses conséquences en expliquant que l'on avait faire à une " guerre civile ", une " guerre civile contre les koulaks ", une " une véritable guerre menée contre les paysans " et même " la guerre de l'Etat contre la paysannerie ".

 

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