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 Jacques Weil, dit Robin


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            En Juin 40, Jacques Weil est un célibataire Juif de 47 ans, de nationalité Suisse. Industriel et homme d'affaires, possédant plusieurs entreprises, dont l'une d'entre elles se trouve à Vernon, au Nord-Ouest de Paris.  Sa famille consiste en une mère alsacienne de 80 ans, deux sœurs, un beau-frère et un neveu qui habitent tous dans sa maison de campagne de Beaugency. Né à Berne et élevé à Montreux, Jacques Weil a quand même passé l'essentiel de sa vie en France. On connaît de lui ce qu'il a raconté à Charles Wighton, un journaliste anglais qui écrivit sur son histoire un roman de gare quelque peu romancé sur un zorro de la résistance "Le Saboteur", traduit en français et publié chez Fayard (1959). Le personnage de Jacques Weil est présenté comme "Robin". Le fait que "Robin" ait été le pseudo de Jacques Weil est contesté. C'est peut-être celui de Jean Worms.

            D'après cette biographie romancée, Weil décide de mettre sa disponibilité de célibataire et sa fortune au service de l'Angleterre et contacte un colonel du deuxième bureau français qu'il avait eu l'occasion de rencontrer. Le colonel lui donna le contact avec un agent de l'Intelligence Service qui tient une épicerie à Asnières, et Jacques Weil va donc monter un réseau de renseignements pour le compte de l'IS. Au moment-là, c'est-à-dire dans la première quinzaine de Juillet 40, la grande affaire était le débarquement que les Allemands préparaient plus ou moins en Angleterre, et l'observation des mouvements de troupes dans les gares et dans les ports constitue la principale activité du réseau.

            Jacques Weil, en effet, met d'abord à profit sa connaissance parfaite de la langue allemande pour soutirer quelques renseignements à des soldats ivres, mais il constitue également un réseau, au premier rang duquel il faut mettre Jean Worms, homme d'affaire juif comme Weil, mais de nationalité Française, un ami d'ami avec lequel il entre en relation dés la fin du mois de Juillet 40. Worms dirigeait, avec som père, une grosse compagnie d'assurances. A la fin 40, le réseau Worms-Weil comprend de nombreux informateurs dans la zone occupée, et les renseignements qu'il collecte sont transmis en Angleterre via l'épicerie d'Asnières. D'après la biographie de Wighton, Weil puisa toujours dans ses fonds personnels pour faire tourner son réseau.

C'est vers la fin 40 que l'épicier d'Asnières disparut de la circulation, et Weil dut d'abord recourir aux services d'une jeune fille émettant depuis Reims, et ensuite, il partagea le radio d'un autre réseau, dont le chef, un bijoutier, est appelé "Pierre Blanc" dans la biographie de Wighton. Quelques mois plus tard, vers février 41, il y eut un contact direct, dans la Manche, au large de Saint-Malo, entre Weil, "Blanc" et un représentant des services anglais qui leur remit des radios plus performantes que celles qu'ils avaient utlisées jusqu'alors. A cette époque, en dépit du mot d'ordre de Churchil "Set Europe ablaze !", seules des missions de renseignement sont données à Weil et à son associé.

Il semble que l'opérateur radio qui travaillait dans les locaux de "Blanc", à la porte Saint-Denis, avec l'appareil qu'ils avaient reçu au milieu de la Manche tomba après quelques mois d'activité. Comme dans tous les réseaux de renseignements, les radios étaient les plus exposés. Weil dut recourir à nouveau aux relations qu'il avait encore au deuxième bureau français. Comme on sait, le deuxième bureau de l'armée de Vichy, dirigée par Paillole, a continué à travailler avec les Anglais jusqu'à l'invasion de la zone libre. Les renseignements étaient alors acheminés en zone sud et centralisé vers le deuxième bureau qui utilisait pour le courrier avec les services anglais un bateau de pêche portuguais qui faisait la navette entre la côte d'azur et Gibraltar  jusqu'à la cote d'azur.

Worms continuait à mettre son bureau de la rue Taitbout au service du réseau. La femme de Worms et leurs deux enfants avaient déménagé en zone libre, dans une ferme des Alpes. Worms ne fit qu'une escapade en zone libre pour voir le bébé dont sa femme avait accouché.

Quelques semaines après la chute du radio de la porte Saint-Denis, le bureau de la rue Taitbout tomba également. Ce devait être vers Juin 41. Suzanne, la secrétaire de Worms fut internée plus d'une année à Fresnes, dans des conditions suffisamment dures pour qu'elle en garde des séquelles à vie. Worms s'enfuit précipitamment eu zone libre. Avant de gagner l'Angleterre, il aurait développé une branche du réseau Robin. Les membres de ce réseau, constitués en "dizaines" devaient se préparer à faciliter un débarquement des Anglais. Ce genre d'activités en zone libre semble très proches de celles du réseau carte. Il n'est pas sûr qu'elles se soient réellement déroulées dans le cadre du réseau Robin.

Le QG du réseau avait été transféré rue Paradis. Jacques Weil avait constitué autour de lui un service d'ordres avec un juif tchèque et un truand Français. Il raconte que le Tchèque, qu'il appelle "Toni" était doué d'une force herculéenne et qu'il ne pouvait se retenir de liquider à mains nues les soldats allemands isolés qu'il rencontrait. D'après Wighton, à cette époque, Weil " se trouvait à la tête d'une organisation pyramidale de plusieurs centaines d'agents… et était devenu en quelque sorte le chef de l'Intelligence Service pour Paris et une partie du Nord de la France". Cette dernière information est bien sûr tout à fait invérifiable.

Quelques lignes plus loin, il est écrit que l'IS finit par lui donner le contact avec un autre radio, qui avait une couverture de banquier rue Caumartin. Weil ne représentait sans doute qu'une partie des sources d'informations de l'IS à Paris et n'a jamais supervisé l'IS.

Le livre de Wighton place à cette époque l'intégration de Sonia Olschanezky au réseau sur présentation de son frère qui aurait déjà appartenu au groupe de choc de Weil. En fait, c'est sous le nom de "Tania" que Wighton mentionne Sonia Olschanezky dans son bouquin. Peu importe, la présentation de Wighton est en contradiction avec l'enquête de Rita Kramer auprès de la famille Olschanezky qui place cet épisode après l'internement de Sonia à Drancy, en Juin 42, et qui inverse également l'ordre d'entrée de Sonia et de son frère Enoch dans le réseau.  Dans les archives des réseaux de la section F qu'Elizabeth Nicholas avait retrouvé à Paris, il était fait mention d'une entrée de Sonia en Mars 42 et d'Enoch en Juin 42, ce qui pose la question "Que veut dire une entrée dans un réseau du SOE ? Est-ce possible avant Septembre 42, date du parachutage de Prosper sur le sol Français ?"

Elle aurait eu 18 ans, ce qui correspond arithmétiquement à l'année 41. D'après Weil, rapporté par Wighton, elle aurait été douée d'un grand sens de l'organisation et devint la collaboratrice personnelle de Weil. Selon Wighton, il aurait "complètement perdu la tête" pour elle dés le début.

Au printemps 42, il y eut le durcisement de la politique anti-juive et la rafle du Vel-D'hiv (17-18 Juin). Weil décide d'expédier sa famille, c'est-à-dire sa mère de 80 ans, ses sœurs et son neveu en Suisse. Sa famille vivait jusqu'alors à Paris, elle part en Suisse dans un convoi spécial de juifs Suisses. Tania reste avec lui à Paris.

Weil serait intervenu en tant que "Jaques Walter, germanophile" auprès de la RHSA (division de la SD pour la lutte contre les juifs) pour sortir les juifs sépharades du statut de juif. Il aurait eu sous cette identité d'autres contacts avec des officiels allemands, contacts connus de la seule Sonia. Il fréquente notamment le représentant de Speer à Paris (Speer était le ministre de la production et du ravitaillement.)

En Octobre 42, Weil fut contactée par Andrée Borrel, agent du SOE parachutée avec Suttill, le chef du réseau Prosper.  Andrée Borrel se recommanda de Worms qu'elle avait vue à Londres. Repéré par des agents allemands à Cannes, Worms avait décidé de gagner Londres en Juin 42. Un bateau de pêche portugais qui travaillait pour les services anglais l'évacua à Gibraltar. Ensuite, Andrée Borrel (Denise) présenta Weil à Stuttill (Prosper), chef du réseau SOE du même nom qui vient d'être parachuté en France.

Stuttill ne lui cache pas les instructions qui interdisent tout contact entre le SOE et l'IS. D'après Wighton, il continue de communiquer des informations à l'IS, par l'intermédiaire du banquier de la rue Caumartin, et met son réseau à disposition du SOE, ce qui arrangeait Stuttill venu précisément pour recruter. Worms fut parachuté en même temps que Déricourt, en Décembre 42, selon Wighton, ou en Janvier 43, selon Lartéguy, en Touraine où il fut accueilli par Weil.

Il advint que le banquier de la rue Caumartin qui assurait le contact avec Londres disparut de la circulation. Les liaisons radios de Weil passent donc par Archambaud, du réseau Prosper avant qu'un nouvel opérateur radio, Cohen, ne soit affecté au réseau Juggler. Weil se considère comme l'allié et non le subordonné de Prosper. Pour le SOE, le chef de réseau était Worms.

Parmi les opérations dont s'acquitta le réseau Juggler, on peut citer l'opération "Indicateur", il s'agit de photocopier un horaire de chemin de fer allemands à Chalons/Marne. Opération reconduite jusqu'à l'été 43 à chaque changement d'horaire.

Weil est sollicité par Archambaud pour libérer les sœurs Tambour (Voir ci-dessus, le réseau Prosper). Il essaye de corrompre des allemands par l'intermédiaire de l'inspecteur Dubois. Il négocie 500 000 francs (20 salaires annuels d'ouvriers)  avec 2 SS un peu truands. A ce moment, selon ses dires, son compte en France aurait été à sec, et il puisait dans ses réserves en Suisse. Il demande à Londres le demi-million. Ils donnent un acompte de 125000 F à Dubois mais récupèrent 2 prostituées au lieu des demoiselles Tambour . Il essayent de remettre ça pour 2 Millions livrés par Londres. Une camionnette déverse 20 Feldgrau au café de la porte Maillot où ils avaient rendez-vous. (Voir Wighton p.148, et Lartéguy p.137, les 2 versions divergent un peu. Je ne sais pas où Lartéguy a pris ses sources.)

C'est à cette époque que le SOE multiplia les parachutages. 240 containers contenant 50 tonnes d'armes, d'explosifs et d'équipements divers seront largués sur la Sologne au cours du mois de Juin. Le  réseau juggler se réoriente vers le sabotage, comme celui d'une usine de courroies avec Sonia dans le rôle d'une ouvrière. Il y eut aussi beaucoup de sabotages de trains.

            Après l'arrestation de Suttill et de son entourage, le 24 Juin, Worms, Weil et Cohen constatèrent la rupture des contacts, mais curieusement, ils continuent à prendre leurs repas dans le même restaurant de la rue Troyon, Chez Tutulle que tout l'état-major de prosper avait fréquenté assidûment pendant des mois et que Déricourt utilisait comme boite à lettres. Arrivé en retard à un rendez-vous Chez Tutulle, Weil voit la Gestapo embarquer Worms. Il sera déporté au camp de Flossenberg en Bavière et exécuté en Avril 45. Selon Wighton, en juillet 43, la tête de juggler, c'est-à-dire de Weil est mise à prix, à 3MF.

            Durant l'été 43, Weil apprit par l'un de ses nombreux contacts extérieurs à la section F, qu'à l'avenue Foch, l'Obersturmbannführer Kieffer était extrêmement bien informé sur ses activités. Selon Wighton, il conclut "qu'il était certain qu'il y avait un traître quelque part dans leur milieu" et que Prosper partageait également ce sentiment. Il dit qu'il confia à Sonia que "Prosper semble presque être devenu fataliste".

     Weil décida de passer en Suisse. Sonia voulut rester. Après des retrouvailles à Annecy, ils se séparèrent.

 

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