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 Le Réseau PROSPER


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De tous les réseaux SOE, prosper, du nom du pseudonyme de Suttill, fut le plus fourni. Après avoir absorbé un certain nombre de sous-réseaux, il compta près de 1500 agents en 1943. Suttill et une équipe de quatre personnes (une collaboratrice française, Andrée Borrel, et deux radios) furent parachutés en Septembre 42. Avec le grade de lieutenant, Andrée Borrel devançait de quelques jours son patron. Francis Suttill était né en 1910 à Lille d'un père Anglais et d'une mère Française. Avant la guerre, il était devenu avocat un avocat tout à fait anglais, et passait aux yeux des Français pour le type même du gentleman britannique. La première tâche de l'équipe fut de recruter de nouveaux agents en se servant du fichier de carte. Ainsi, à son arrivée en France, Andrée Borrel avait mission de contacter un couple de Français, les Tambour, extraits du fichier carte.

            D'autres agents, parachutés peu de temps après, développèrent des sous-réseaux rattachés à prosper: Par exemple, donkeyman, sous la responsabilité d'Henri Frager, était implanté en Bourgogne. Juggler, un autre sous-réseau centré à Chalons-sur-Marne était essentielement composé de juifs, comme son chef, Worms, qui avait comme nom de code Robin. A la fin du printemps 43, le réseau Prosper avait des ramifications dans l'ensemble de la moitié Nord de la France. Cette extension rapide avait été parfois réalisée au détriment de la sécurité: La règle de cloisonnement n'était pas toujours respectée.

             En Novembre 42, à la suite du débarquement Américain en Afrique du Nord, les Allemands envahirent l'ex-zone libre. Ce fut l'occasion pour l'Abwehr d'étendre son périmètre d'activité, précisemment là où carte était le plus développé. Le 22 Mars, Bleicher, celui qui avait réussi à retourner le réseau interallié met la main sur Marsac qui était en relation à la fois avec les soeurs Tambour que fréquentait assidûment Suttill à Paris, avec Peter Chuchill, l'homologue de Suttill dans le Sud de la France, et avec Bardet, l'adjoint de Frager. Bleicher réussit à retourner Marsac et Bardet, comme il avait retourné Czerniawski, l'ancien chef du réseau interallie. Les demoiselles Tambour et Peter Churchill seront arrêtés.

            Non seulement l'Abwehr a réussi d'innombrables infiltrations au sein de Prosper, la Gestapo n'est pas en reste. Un ancien aviateur Français, Henri Déricourt a été parachuté le 23 Janvier 43 en tant qu'officier des opérations aériennes pour le réseau Prosper, c'est-à-dire qu'il prépare des zones d'aterrissage et supervise les rotations de Lysanders qui débarquent et embarquent des passagers, apportent et remportent du courrier et des documents. Très peu de temps après son arrivée en France, Déricourt a pris contact avec le responsable de la Gestapo à Paris, Boemelburg qu'il avait connu à Paris avant la guerre. Tous les documents transitant par la ligne de Déricourt sont prélablement photocopiés par les Allemands.

            L'Intelligence Service n'ignorait pas que le réseau interallié avait été retourné par l'Abwehr. Czerniawski, retourné par l'Abwehr, et envoyé à Londres pour tenter d'infiltrer les services Anglais s'est remis au service du MI6. C'est l'un de ces grands jeux dont raffolent aussi bien l'Abwehr que le MI6: L'Abwehr a créé un faux maquis, lisania, à qui les Anglais envoient des armes bien que le MI6 sache que c'est un faux maquis. De la même façon, le MI6 est probablement informé que Déricourt a rencontré Boemelburg. En tous cas, Bodington est au courant. Il faut dire que Bodington avait connu à la fois Déricourt et Boemelburg quand il était à Paris avant-guerre. Sans doute Déricourt ne lui dit-il pas tout ce qu'il dit à Boemelburg de même qu'il ne dit pas tout ce qu'il sait à Boemelburg ou à son adjoint Kieffer.

            Revenons aux sœurs Madeleine et Germaine Tambour, arrêtées le 22 Avril 43. Madeleine a été la secrétaire du peintre Girard, le fondateur du réseau Carte. Leur appartement de l'avenue de Suffren sert de boites aux lettres, mais leur salon est ouvert à toutes sortes de gens du monde, plus ou moins résistants, anglophiles, parmi les quels Suttill et Norman sont à l'aise pour prendre le thé. Suttill en sera d'autant plus choqué lorsqu'il prendra connaissance de leur arrestation.  Avec l'aide de Weil, l'adjoint de Worms, dans le réseau Juggler, il était même en train de concocter des plans, pour obtenir leur libération (voir ci-après, les tentatives de libération des sœurs Tambour) lorsqu'à la mi-Mai, il fut convoqué à Londres, où en compagnie d'un autre officier de la section F, le major Antelme, il fut reçu par Winston Churchill en personne. Inutile de préciser que ce genre de rencontres était tout à fait inhabituel. On ne connaît pas bien sûr le contenu de cette rencontre, mais de nombreux témoins ont par la suite affirmé qu'à son retour de Londres, Suttill croyait à un débarquement imminent.

            Un peu plus d'un mois après son retour en France, le 21 Juin 43, le même jour que l'arrestation de Jean Moulin à Caluire, Prosper et ses amis, attablés à un café, à l'extérieur de la gare d'Austerlitz, attendaient l'arrivée des deux Canadiens, Macalister et Pickersgill, qui venaient d'être parachutés en Sologne. Ils devaient être convoyés par les agents Culioli et Rudellat. En fait tous les quatre étaient déjà entre les mains des Allemands. Il ne faudra pas trois jours pour qu'Archambaud, Denise et Prosper lui-même tombent à leur tour.

            Le 23 Juin, Suttill était arrêté avec son équipe de proches collaborateurs, et en même temps, une grande partie de son immense réseau s'effondrait. Il signa un pacte avec le gestapiste Kieffer: Il révéla tout ce qu'il savait, et notamment la localisation des planques d'armes contre la vie de ses hommes. Son radio Norman (Archambaud), quant à lui se laissa carrément retourner, si bien que le SOE ne réalisa que deux mois plus tard que Prosper était tombé. Jusqu'au débarquement, de nombreuses radios continuèrent à émettre sous le contrôle des Allemands.

            Il n'est pas question d'élucider complètement tous les coups tordus que se livrèrent les différents services de renseignement. Toujours est-il que les historiens s'accordent en général pour estimer que le réseau prosper a été délibérément sacrifié pour une entreprise d'intoxication faisant croire à un débarquement en été ou en automne 43. Churchill, qui était friand de ce genre de coups se serait personellement investi dans l'entreprise.

            Dés lors, on peut imaginer beaucoup de choses, par exemple, que les multiples infiltrations dont le réseau était victime, connues du MI6, l'auraient désigné pour servir de leurre aux Allemands.

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