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 1940-42, le Réseau Interallié, Carte


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Le Réseau Interallié Le réseau Carte

 

 

Le Réseau Interallié


Le commandant Roman Czerniawski était officier de renseignements à la Première Division Polonaise qui combattait en France après l'invasion de la Pologne par les nazis en Septembre 1940. Ce brillant ancien élève de l'Ecole Supérieure de Guerre de Paris avait à peine trente ans au moment de la débacle et se trouvait cantonné à Lunéville avec son régiment. Fait prisonnier, il s'évade avec un autre officier Polonais, quitte Lunéville et, de ce fait, abandonne également la jolie veuve qui était devenue sa maîtresse. On le retrouve bientôt à Toulouse où il séduit une autre jeune femme, Mathilde Carrée, que la guerre avait libérée d'une morne vie conjugale à Oran.  Engagée comme infirmière dans quelques hôpitaux militaires, et finalement emportée jusqu'à Toulouse par la vague de la débâcle. Par romantisme et goût d'aventure, elle s'est jurée, comme Jeanne d'Arc, de bouter les Allemands hors de France.

Le bel officier Polonais la prend au mot. Son professionalisme vient en renfort de la fougue de sa partenaire, il lui propose de mettre sur pied un réseau d'espionnage avec les relations qu'il s'est faites parmi les alliés. Il connaît une organisation polonaise de Marseille, elle-même en relation avec les Anglais. Il devait également avoir des contacts avec ses homologues Français, car il envoie Mathilde à Vichy auprès d'officiers du Deuxième Bureau, les capitaines Simoneau et Achard. Beaucoup d'officiers de renseignement Français, à l'instar de Paillole, restent fidèles à leurs alliés anglais et ne dédaignent pas de travailler avec ceux de leurs camarades qui ont rejoint De Gaulle à Londres. Quelle est la position de ceux qu'elle a rencontrés ? D'après Gordon Young, ils lui promettent d'aider les Polonais et les Anglais, mais lui demandent, en revanche, de leur communiquer des informations sur les réseaux alliés en zone occupée. C'est à Vichy, alors qu'elle fréquente les bars des hôtels de luxes, pelotonnée sur les banquettes de cuir que des journalistes américains la surnomment La Chatte.

A l'automne 40, on retrouve à Paris La Chatte et Czerniawski qui a pris comme peudonyme Armand. Ils sont recommandés auprès de Me Brault, un avocat spécialisé dans les affaires anglaises et américaines, qui accepte de les mettre en rapport avec nombre de ses relations professionnelles. Le cabinet de Me Brault sert de couverture aux deux membres fondateurs de ce que l'on appellera le réseau Interallié. Entre temps, Mathilde, de passage à Toulouse avait définitivement éconduit son mari, revenu de Syrie où il avait été mobilisé.

Le réseau Interallié n'est qu'une branche d'un réseau plus vaste créé par des officiers polonais. Les Anglais appellent ce réseau F2. Au milieu de 41, il comptait 250 agents dont 40 Polonais. C'est l'un des réseaux de renseignements les plus étoffés du début de l'occupation. Dans le milieu plutôt anglophile qui gravite autour de Brault, Mathilde et Armand recrutent à tour de bras et s'acquittent plutôt bien de la mission qui leur a été confiée par les officiers de l'IS: Communiquer le plus d'informations possibles sur les positions de l'armée allemande. Mathilde excelle dans ce rôle et fait preuve d'un grand pouvoir de convictions, non seulement auprès des relations de l'avocat, mais aussi de ses propres amis d'enfance, et des amis d'amis.

Armand utilise ses amis polonais pour envoyer des microfilms de l'autre coté de la ligne de démarcation, jusqu'à Marseille où ils sont acheminés sur Londres. Ce n'est qu'au début 41 qu'Armand entreprend de monter un émetteur radio pour communiquer directement avec Londres et éviter ainsi le détour par Marseille. Les messages qui traversaient la Manche commençaient toujours par "N°55A, Ministère de la Guerre, Londres: La Chatte vous parle..." Le parc radio s'étoffe, le réseau s'étend progressivement sur la zone occupée, et particulièrement sur les points sensibles, comme les ports. C'est précisemment à Cherbourg qu'un grain de sable va dérégler la machine: En octobre 41, à la suite d'une dénonciation d'un docker qui avait été approché par sa voisine pour fournir des renseignements, l'Abwehr, le service de renseignements de l'armée allemande est mis sur les traces du réseau dont beaucoup d'agents qui n'avaient pas encore connu de menace étaient loin de prendre les mesures de sécurité qui allaient s'imposer chez les clandestins. Les Allemands trouvèrent chez la voisine du docker des documents et une liste d'une vingtaine de correspondants locaux. Raoul Kieffer, un ancien officier qui assurait la liaison entre Cherbourg et Paris fut arrêté et retourné. Assez vite, l'Abwehr remonta jusqu'à la tête du réseau. Or, le moins qu'on puisse dire est que les relations s'étaient rafraîchies entre la Chatte et Armand: Ce dernier avait fait venir de Lorraine son ancienne maîtresse de Lunéville Renée.

La haine que la Chatte portait vis-à-vis de sa rivale est peut-être l'une des explications de sa trahison. On dit également qu'elle ne supporta pas la puanteur des tinettes de sa cellule lors de la première nuit nuit qu'elle passa en prison, le 17 Novembre. La nuit suivante, elle était déjà dans le lit d'Hugo Bleicher, sergent de l'Abwehr qui fut l'artisan du premier retournement massif d'un réseau de résistance.

Hugo Bleicher n'était ni jeune - il avait dépassé la quarantaine- ni beau, mais pouvait se prévaloir d'un grand talent et sans doute d'un certain charme. Entré dans l'Abwehr en raison de sa connaissance des langues, c'est comme interprète qu'il avait été envoyé à Cherbourg après que les bavardages du docker eussent permis aux Allemands de mettre à jour ce qui avait tout l'air d'être un vaste réseau de renseignements. Hugo avait raté sa vocation de pianiste, mais il avait conservé un bon sens de l'improvisation. 2 jours après son arrestation, au QG de l'Abwehr de Maison-Lafitte, la Chatte, en pyjama, fraternisait avec un groupe d'officiers fêtards autour du piano de son nouvel amant.

Par ailleurs, Bleicher avait su se montrer aussi convaincant avec Armand. En échange semble-t-il de la promesse que les agents de son réseau soient traités comme des prisonniers de guerre, Armand accepta également de travailler pour l'Abwehr qui pris le contrôle du parc radio du réseau et continua d'émettre en direction de Londres. Les promesses ne furent pas tenues pour les agents du réseau qui refusèrent de collaborer: Ils furent torturés et déportés; beaucoup ne revinrent pas des camps. Le radio qui était avec Armand au moment de son arrestation avait réussi à s'échapper, mais Bleicher parvint à mettre la main sur un ancien radio du réseau qu'il força à émettre sous son contrôle. Ce fut l'un des premiers Funkspiel de la guerre. L'Abwehr avait une certaine prédilection pour ces "jeux" qui consistent à entretenir l'apparence d'un réseau en activité pour intoxiquer l'ennemi. Les Anglais de l'Intelligence Service aimaient bien jouer également. Quand ils avaient découvert le pot aux roses, ils faisaient semblant de n'avoir rien vu pour faire croire aux Allemands qu'ils étaient intoxiqués.

Avant que ces activités ludiques ne connaissent leur rythme de routine, tous les malheureux qui avaient des contacts avec la Chatte tombent les uns après les autres, tel le lieutenant Duvernois, du 2eme bureau de Vichy, arrêté dés le 19 Novembre. Mais Bleicher encourage la Chatte à fréquenter ses anciennes relations, comme l'avocat Brault. Le 25 Décembre 41, elle dîne en compagnie de l'avocat qui lui présente Pierre de Vomécourt parachuté en Mai 41 par le SOE Anglais pour monter un réseau de sabotage. Pour Vomécourt, cette rencontre est une aubaine, il n'a plus de liaison radio. 

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Le Réseau Carte


Carte était le pseudonyme d'André Girard, un artiste décorateur de théâtre, fondateur du réseau auquel il a donné son nom. Quand on parle de Carte, le mot qui revient souvent est celui de mythomane. Mystificateur, André Girard l'était certainement. Reste à savoir s'il s'agit seulement un défaut, car après tout De Gaulle n'était-il pas lui aussi un mystificateur, en Juin 40, quand il prétendait annoncer aux Français qu'il était devenu la France ? Carte n'était pas De Gaulle, on dit même qu'il était antigaulliste, comme l'étaient tant d'officiers de l'armée d'armistice qui se sentaient des envies de Résistance. Ils étaient nombreux, ces officiers à figurer dans les fichiers de Carte, car ce que l'on finit par deviner, c'est que Carte se laissait volontiers aller à comptabiliser comme membres de son réseau des individus dont il avait recueilli les noms pour les insérer dans un fichier de sympathisants. Carte était en contact avec les principaux mouvements de résistance de la zone libre, ce qui n'était pas absolument exceptionnel, mais renforçait sa crédibilité. Jean Moulin n'avait-il pas impressionné De Gaulle, quand il était arrivé à Londres le 22 Octobre, se présentant comme mandaté par les 3 principales organisations de Résistance de la zone Libre ?

Carte fit la connaisance à Antibes d'un agent britannique du SOE, Francis Bazin arrivé par la mer le 19 Septembre 1941. Ce qui impressionna l'agent Britannique, c'est que Carte lui réclamait des armes quand les autres grands mouvements de Résistance, comme Combat lui demandaient de l'argent pour leurs journaux. Sur la foi du rapport très favorable de Bazin, le 29 Juillet 42, Nicholas Bodington, l'adjoint de Buckmaster à la French Section SOE, débarqua lui-même près d'Antibes accompagné d'Henri Frager, un agent Français du SOE "Me serait-il possible d'avoir un contact avec l'Etat-Major ?", demande-t-il. Carte lui présente le colonel Vautrin qui l'assure qu'il peut compter sur la grande majorité de l'armée d'armistice. "C'est la réunion la plus importante depuis l'armistice" confiera Bodington après cet entretien. Il est décidé que dix hommes iront en Angleterre pour y suivre un entraînement. Mais le 31 Août 1942, seuls deux volontaires embarquent pour l'Angleterre. On n'en a pas trouvé plus.

Les 50 émetteurs qui seront parachutés pour Carte ne serviront sans doute pas à grand-chose, mais le carnet d'adresse, comme on sait copieusement fourni, servira de base de recrutement pour le réseau Prosper.

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