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LA DIRECTION DU PCF DANS LA CLANDESTINITE (1941-44)

"Les Cyclistes du Hurepoix"

Auteur: Emmanuel de Chambost, dessins de Vanessa Pinheiro, préface de Jacques Girault

Editeur: L'Harmattan, 1997, collection "Mémoires du XXe siècle" ISBN 2-7384-5515-8


BONUS

(Avril 2010)

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Quoi de neuf depuis 1997 ?

Si je voulais procéder à une réédition du livre, qu'est-ce que je changerais en avril 2010 ?

Le Trésor de Villebon/Yvette 

D'abord, ce complément sur l'affaire du trésor, que j'ai écrit en 1998 après avoir accédé à ce qu'en disaient les journaux de l'époque (Voir L'affaire du Trésor de Villebon/Yvette , 1998). J'étais passé à côté du compte-rendu de l'Aurore du 26 avril 1947 sous le titre "Thorez, Marty et Cie interviennent, Le parti veut garder le trésor de Villebon-Sur-Yvette". Il y est rapporté que Dalllidet "passe pour avoir été pendant l'Occupation, un des rares militants à avoir connu l'adresse [...] de Duclo. On va même jusqu'à raconter qu'une mystérieuse Mme X... réputée jalouse et volontiers bavarde, eut le grand tort de découvrir le secret de ces adresses. Il lui en coûta, en 1942, de ne pas revenir d'une promenade imprudente à Rambouillet."

Si j'étais allé consulter l'Aurore, cette mystérieuse Mme X m'aurait bougrement intrigué, et je n'aurais pas eu les moyens de l'interprêter. Berlière et Liaigre l'ont fait (Voir ci-dessous "Affaires de femmes..."). Ils ont aussi accédé aux archives de la police judiciaire et établi que les policiers de 1947 avait fait le lien avec una autre affaire... beaucoup plus troublante.

Martinet, le petit noiraud des bois de Chevreuse

Et puis plus récemment, ce que Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre ont trouvé dans les différentes archives qu'ils fréquentent avec une ferveur jamais démentie. Franck Liaigre, d'abord, a mis fin au mystère qui plannait sur le fameux Martinet que Duclos avait affecté au service de Tillon pour créer un service de renseignements des FTP et qui disparait mystérieusement , lâchant le contact avec Tillon au cours de l'hiver 1942 (p.89). Franck a retrouvé sa trace, il est FTP au moment de la libération de Paris, il m'a dit son vrai nom, mais je ne m'en souviens plus, attendons qu'il publie.


Affaire de femmes autour de Frachon

Qu'il y avait des affaires pas très nettes autour de ces "bonnes camarades"  qui s'occupaient du ménage de Frachon, je m'en étais bien rendu compte, et cela transparait plus ou moins à la page 166 ou à la page 249. Que ces histoires aient pu déboucher sur un meurtre dans la forêt de Montfort-L'Amaury, c'est ce que je devais découvrir en lisant Liquider les traîtres, la face cachée du PCF 1941-1943, que Berlière et Liaigre ont publié en 2007 chez Robert Laffont.  La triste histoire de Mathilde Dardant est racontée ci-dessous.

Dominique Voynet débaptise une place Frachon

J'apprends qu'en décembre 1989, Dominique Voynet, maire de Montreuil, a débaptisé une place Frachon pour faire honneur à Aimé Césaire. Voynet a-t-elle lu "Liquider les traitres" ? Je ne sais. En tous cas, si elle voulait vraiment faire honneur à Aimé Césaire, elle n'était pas obligée pour autant de déshabiller Frachon qui condense quand même sur sa personne, 60 ans du mouvement ouvrier, de l'arnacho-syndicalisme au stalinisme. En fait, il y a deux Français importants au XXeme siècle: Jean Monnet et Benoît Frachon. J'ai souvent dit à propos de Voynet que je je n'étais pas toujours d'accord avec ses idées, mais que je partirais bien en vacances avec elle, car elle me semblait bonne fille. Cest fini, qu'elle parte de son côté! Je suis sûr que Duflot n'aurait jamais débaptisé une place Benoît Frachon à Montreuil !


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L'exécution de Mathilde Dardant dans les bois de Monfort-l'Amaury

Le 6 octobre 1942, Marius Bourbon prend le train à Montparnasse, à 12H04 accompagnée de Solange Welter. Bourbon est responsable du du détachement Valmy, le groupe de choc dépendant directement de la commission des cadres et dont la mission première est de liquider les traîtres. A 14 heures, ils descendent en gare  de Montfort-l'Amaury et prennent la route de Saint-Léger. Ils marchent une demi-heure, s'arrêtent à un carrefour où ils ont rendez-vous avec un responsable  du parti qui arrive dans une camionnette Panhard peinte au couleurs du "secours national". Il est accompagné d'une femme d'environ 35 ans. Solange Welter attend au carrefour et n'a pas le droit de voir le visage du responsable. Bourbon, le responsable et la femme qui l'accompagnait s'éloignent sur la route puis rentrent dans la forêt. Le responsable marche en tête, suivi de la femme et de Bourbon. Au bout de 300 mètres, le responsable se retourne, fait signe à Bourbon qui tire une balle dans la tête de la femme. Le responsable et Bourbon la déshabillent entièrement. Bourbon doit tirer une seconde balle. Les deux hommes reviennent sur les lieux un peu plus tard car ils avaient oublié de retirer l'alliance au doigt de la victime. Deux jours plus tard, Bourbon remet à Solange Welter le sac contenant les vêtements pour qu'elle les fasse disparaître.

Le 29 octobre, arrêté par les policiers de la BS2 qui l'amènent à se mettre à table. Les policiers lui montrent des photos. Celui qu'il identifie comme étant le responsable est Raymond Dallidet alias Raph. Bourbon dit également aux policiers que la femme devait être exécutée parce qu'elle avait dénoncé une "jeune accouchée". 

En 1949, l'un des policiers publie ses mémoires  et parle de la jeune femme de Montfort-l'Amaury comme "une agente de liaison au service d'un membre extrêmement important du Parti, et qui fut en même temps sa maîtresse, se livra à un chantage sentimental. Il donna l'ordre de l'abattre.

Soixante ans plus tard, Berlière et Liaigre identifient avec une quasi-certitude la victime comme étant Mathilde Dardant, la soeur de Marguerite Montré. Quand ils m'avaient demandé si j'avais une petite idée, j'ai tenté une liste de ces militantes fidèles, proches de la direction, et je dois dire que j'ai loupé Mathilde Dardant dont Mounette Dutilleul m'avait appris l'existence, sinon le nom.

Un rapport manuscrit de Marcel Servin à l'attention de Maurice Thorez, daté du 28 septembre 1949 et cité par Berlière et Liaigre, fait état de la femme retrouvée à Montfort-l'Amaury et l'identifie, de fait, comme Mathilde Dardant. Ce rapport a été récupéré par Pierre Ravery. Selon ce rapport qui pointe les responsabilités de Duclos et de Frachon, Mathide Dardant n'avait rien à se reprocher et Raph Dallidet aurait menti sciemment.

Quel est le mobile de cet assassinat se demandent en conclusion Berlière et Liaigre (p.378) ? " la dangerosité de Mathilde du fait de sa myopie ou plus vraisemblablement, comme l'avaient subodoré les policiers de la BS, la crainte que par dépit amoureux, la jeune femme  ne cherche à se venger ? Quoiqu'il en soit, la direction du Parti a bien donné l'ordre d'abattre Mathilde Dardant « par précaution ». Elle connaissait trop de choses, à commencer par les adresses des membres de la direction clandestine dont elle était agent de liaison "

 

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Quand Mounette Dutilleul évoquait Mathilde Dardant

  17 mars 1995, je me rends pour la première fois chez Mounette Dutilleul, accompagné de son beau-frère, Raph. J'ai demandé cet entretien pour avoir des commentaires autorisés sur la personnalité de Benoît Frachon. Parfois Mounette me demande d'interrompre l'enregistrement lorsque nous glissons sur les versants de la vie privée de la vie de Frachon. Comme il est d'usage, je lui soumets ensuite le produit de l'enregistrement qu'elle corrige et annote.

J'en viens à poser des questions assez directes: "Même s'il n'y a pas tellement d'écrits sur Frachon, on discerne bien, dans la littérature existante, qu'il s'agissait, disons, d'un chaud lapin...".

Réponse de Mounette (enregistrée: Je préfèrerais dire que c'était un polygame. Il y avait chez Benoît Fracon un respect de la femme, et jamais il n'y a eu de scandale autour des rencontres qu'il a pu avoir. Il y en a qui étaient très connues, par exemple, la petite institutrice de Saint-Etienne, Mimi D... mais tout le monde au village le savait. C'est vrai qu'il n'a pas eu du tout de vie de famille. Lui pensait qu'il fallait prendre chez chacun ce qu'il y avait de bon, qu'un seul être ne pouvait avoir toutes les qualités auxquelles on prétendait... Il était très sensible aux femmes, et il les aimait, tout en respectant la femme. Pour lui, la femme était un être supérieur. Il trouvait chez la femme beaucoup plus de courage et d'intelligence que chez les hommes. Il n'était pas homosexuel, si c'est ce que vous voulez savoir.

Autre réponse (OFF): A côté des enregistrements retranscrits, il y a aussi les anecdotes dont Mounette était friande, mais elle me demandait de couper l'enregistrement. Pour illustrer que la tendance "chaud lapin" de Frachon était revendiquée, elle me raconte cette histoire qu'il faut situer avant la débâcle de juin 40. Frachon est astreint à rester dans une planque dans les HBM des boulevards périphériques. Il peut apercevoir au cinquième étage une belle rouquine. Un jour, en compagnie de Mounette, de Marguerite Montré et de sa soeur, il s'épanche de ses tourments "Il va falloir que l'une d'entre vous y passe, sinon, je monte voir la rouquine !". Une plaisanterie mêlant le chantage à la sécurité. Mounette se défosse la première en invitant les soeurs Montré (c'est ainsi que je les identifiait, je ne savais pas que leur nom de jeune fille était Dardant). Comme on sait, Marguerite Montré est devenue l'une des maitresses officielles de Frachon. 

De temps en temps, je jette un coup d'oeil sur Raph qui est à ma gauche, face à Mounette. Il est rouge, congestionné. J'en garde la conviction que ces histoires de mœurs de Frachon ne lui sont pas indifférente du tout. Je ferai évidemment le lien avec cette bizarre histoire de dénonciation à la maternité. Marguerite Montré avait été arrêtée avant que Frachon ne s'installe à Forges. Je n'ai pas pensé que sa soeur ait pu avoir un rôle de premier plan. 

Est-ce que Mounette savait ? C'est possible, et j'aurais tendance à penser que c'est probable. De toutes façons, même diminuée par le Parkinson qui l'envahissait lentement, elle restait parfaitement capable de contôler parfaitement l'entretien et de ne me dire que ce qu'elle voulait bien me dire. Pourquoi fait-elle allusion à Mathilde en face de celui qui l'a exécutée ? Ignorance ? Lapsus ? Action préméditée ?  Je ne sais.
EdC, avril 2010

 


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