La collaboration économique en France vue par le Dr Elmar Michel (Création 11 novembre 2011) Accueil Histoire de la CSF sous l'occupation
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Le texte présenté dans cette page est la traduction en français d'un article publié le 10 avril 1942 dans la Gazette de la Bourse de Berlin (Berliner Borsen Zeitung) . Ce document est accessible dansle fonds GIM des archives nationales, à Fontainebleau (1986170-720)
L'auteur, le Dr Elmar Michel était à l'époque directeur du service économique auprès du commandant militaire en France (MBF)
L'ECONOMIE DIRIGEE EN FRANCE
par le Dr Elmar Michel
(Gazette de la Bourse de Berlin), 10 avril 1942
[Cette traduction a été trouvée dans le fonds du GIM, Archives Nationales, Fontainebleau, 19860170-720]
Vingt mois se sont écoulés de puis la signature de l'armistice. C'est peu de temps si l'on songe à la transformation profonde que l'introduction d'une économie dirigée en France a exigée. Diriger du centre toute la vie économique était, pour les conceptions françaises, rompre avec toutes les anciennes traditions.
Il ne faut pas perdre de vue cette attitude des Français pour mesurer quel pas en avant la réalisation actuelle de l'économie dirigée, suivant un plan méthodique et sur l'initiative allemande, représente dans la voie d'une concentration rigoureuse ds forces productives du continent tout entier.
Plus la guerre devient un conflit entre grands espaces et plus il est nécessaire que les parties constituantes fournissent suivant les conditions spéciales de production, leur contribution la plus forte possible à l'œuvre d'ensemble.
Le but est clair. Il ne faut plus qu'il y ait dans le territoire français occupé des réserves inemployées et des forces inutilisées. Il faut supprimer les productions non nécessaires à la guerre. Malgré la transformation indispensable, il importe de maintenir autant que possible, au moins dans une certaine mesure, l'équilibre entre l'approvisionnement en matières premières et la fabrication des marchandises, entre la production et la consommation, entre les salaires et les prix, entre le volume du crédit et la valeur de la monnaie.
Pour les services compétents de l'administration militaire allemande, il fallait considérer en conséquence que leur tâche consistait à « diriger l'économie dirigée », autrement dit, à donner des instructions et à veiller à ce que celles-ci soient effectivement suivies.
On peut dire aujourd'hui que cette façon d'agir, de la part de l'administration militaire, a fait pleinement ses preuves et que la collaboration avec les différents services administratifs et organismes français n'a, dans l'ensemble, donné aucune déception.
Le principe est encore actuellement que la direction de l'économie française se trouve entre les mains de l'État français. L'Allemagne donne, par l'intermédiaire des services du commandement militaire, et spécialement du service économique de son état-major administratif, suivant l'importance de l'affaire, soit directement des ordres à exécuter, soit seulement des instructions à suivre. pour un nombre de questions, les services allemands jouent un rôle d'entraineurs, ils communiquent des expériences faites chez eux et examinent de près les conséquences des mesures prises, afin de pouvoir présenter de nouvelles suggestions.
Pour assumer cette tâche, les dix groupes des services économiques qui ont pour attribution: les questions économiques générales, l'agriculture, les forêts, l'industrie, le commerce extérieur, les transports, le marché du travail,le régime du crédit, les finances et les prix, ont pu jusqu'à présent se contenter d'un nombre relativement réduit de spécialistes allemands; mais, par suite de l'intercalation de services français, la responsabilité du gouvernement français vis-à-vis de son peuple se trouve nettement mise en lumière , et les mesures à prendre, qui sont souvent décisives, sont communiquées à la population française sous la forme la plus opportune.
Suivant quels principes l'économie française est-elle donc dirigée ? De même que les autres territoires occupés, la France doit, dans la mesure de sa capacité et du caractère propre des facteurs de sa production, fournir une contribution courante à l'économie de guerre continentale.
C'est ce qui se produit. Mais cet appareil de production n'est pas considéré par les organes dirigeants allemands comme quelque chose de rigide. Il a souvent besoin d'être modernisé, et surtout d'être adapté et transformé suivant l'état de l'économie de guerre et les buts de la nouvelle Europe.
A cet égard, il s'agissait d'abord de réglementer rationnellement (suivant l'exemple allemand) les matières premières. Il s'agissait, en tenant compte des nécessités de l'économie de guerre, de diriger rigoureusement l'utilisation des matières premières, et de ne plus l'abandonner à la discrétion de chaque entrepreneur.
Il fut créé à cette fin, en 1941, avec la collaboration d'un délégué du service économique près du Ministère français de la production, un « Office central de répartition des produits industriels », ainsi qu'un certain nombre de sections de répartition dépendant dudit office.
De cette façon, l'économie française tout entière, y compris celle du territoire non occupé (du moins en ce qui concerne la centralisation, la répartition et l'utilisation des matières premières) fut aménagée dans une large mesure pour répondre aux besoins de l'économie de guerre allemande. D'autre part, la répartition des matières premières , y compris le charbon et l'énergie électrique, offre un moyen de diriger l'industrie d'après des plans déterminés.
Il s'agit en même temps de consacrer la capacité inutilisée de production de l'industrie française à l'exécution de commandes allemandes. Ce transfert de commandes a eu, jusqu'à présent, des résultats extraordinaires. Leur valeur exprimée en francs représente un nombre à 12 chiffres. Des expositions industrielles et des bourses de commandes ont soutenu et accéléré ce processus de fusions industrielles. entre deux économies nationales qui, jusqu'à l'armistice, travaillaient l'une contre l'autre. Cela permet non seulement de soulager sensiblement l'économie de guerre allemande, mais de supprimer, dans une large mesure le chômage en France.
Maintenant que la répartition et l'utilisation des marchandises sont dirigées et organisées en France, il s'agit également dans ce pays de réduire la consommation non nécessaire pour l'économie de guerre. Les restrictions imposées à la population française sont, depuis longtemps déjà, à l'égard de la nourriture, de l'habillement, des chaussures et du chauffage, plus rigoureuses que dans le Reich.
Mais c'est d'abord le degré de l'approvisionnement en matières premières qui détermine dans quelle mesure des biens de consommation et des produits peuvent être fabriqués à l'avenir. De même qu'en Allemagne, c'est par étape que la production de guerre atteindra en France son maximum.
On va entrer dans une nouvelle phase de restrictions de consommation de la consommation et de transformation de l'industrie. Depuis longtemps déjà, les entreprises importantes pour l'économie de guerre et qui bénéficient de commandes allemandes, ont été favorisées dans la répartition des matières premières et de l'énergie.
Le froid persistant, et surtout la sécheresse, qui ont provoqué une insuffisance de force motrice, ont également imposé de nouvelles restrictions à l'intérieur de ce groupe. Cela a permis de consacrer encore plus fortement l'industrie française à la guerre, et d'accomplir un nouveau pas vers l'incorporation plus étroite de l'économie française dans l'économie du continent européen.
Les mesures de guerre et les solutions nécessaires qui sont adoptées à l'heure actuelle auront également en France ds répercussions qui, tôt ou tard, pourront recevoir leur plein développement en dehors de toute contrainte. Cela est surtout vrai dans le domaine de la production industrielle de nouvelles matières.
A cet égard, la collaboration a été poussée à un tel point que l'Allemagne met son expérience à la disposition de l'économie française et que, étant donné la solution qui existe en ce qui concerne les matières premières, les industries françaises s'empressent d'accueillir ces suggestions.
C'est ainsi que la création de plusieurs fabriques françaises de laine artificielle est imminente. Dans le secteur des biens de consommations, des possibilités du même ordre se dessinent. De plus en plus les chapeaux français sont fabriqués en « fibrane ». Il se fonde déjà des fabriques germano-françaises, dont l'importance sera capitale pour l'avenir.
Un exemple en est fourni dans le domaine de l'industrie chimique, par la fondation de l'entreprise Francolor qui, en étroite collaboration avec l'I.G.Farben AG, s'efforce de délimiter raisonablement les marchés respectifs. L'ancien mot d'ordre « l'un contre l'autre » se transforme en « l'un pour l'autre ».
En France, la pénurie de carburants est extrême, de sorte que ce pays doit constamment importer du Reich des quantités considérables de carburants pour maintenir l'activité des communications qui sont vitales également du point de vue allemand.
D'autre part, la France possède, dans ses forêts, de grosses réserves de bois de chauffage. pour remédier à la pénurie de carburants, le bois est, depuis assez longtemps, utilisé par les Français sous forme de charbon de bois, pour faire marcher les automobiles qui, de plus en plus, sont équipées de gazogènes à charbon de bois.
Cette transformation permettra de réduire progressivement jusqu'à un minimum les importations, dans les territoires occupés de l'Ouest, de carburants liquides provenant d'Allemagne, ce qui améliorera directement le bilan allemand en matière de carburant.
Dans le domaine de la production agricole, les services du commandement militaire ont présenté des propositions fermes pour la transformation et le développement des méthodes de production. Des renseignements ont été donnés aux Français sur les méthodes pratiquées en Allemagne en matière d'alternance de cultures, de semences, de lutte contre les mauvaises herbes, de fumure rationnelle.
Les exploitations modèles de l'Ostland GmbH ont prouvé de façon pratique la fausseté des objections suivant lesquelles les méthodes allemandes de cultures ne pouvaient pas réussir en France. Déjà apparaissent les premiers résultats: peu à peu, on passe de la culture extensive à la culture intensive. Cette transformation ne peut malheureusement pas être accélérée dans toute la mesure voulue pendant la guerre à cause de la pénurie de main-d'œuvre, d'engrais, de machines et de carburant.
A l'heure où, en Allemagne, tout est mis en œuvre pour exécuter l'énorme programme de l'économie de guerre, on doit constater avec intérêt que la direction économique en France a, jusqu'ici, réussi à recruter au total 140000 ouvriers français qui sont allés travailler en Allemagne.
On reconnaît en général que l'ouvrier français est particulièrement apprécié dans le Reich. Il contribue à son poste de travail à assurer la victoire de l'Europe. Au fur et à mesure que les arrêts nécessaires de fabriques dont il a été question au début du présent article se multiplieront dans l'industrie française, de nouveaux ouvriers français deviendront disponibles et pourront aller travailler en Allemagne.
En résumé, l'économie dirigée est en marche en France, en collaboration avec les services français, les autorités allemandes d'occupation procèdent graduellement à la transformation de l'ensemble de la production française pour la mettre en concordance avec les buts de l'économie de guerre du continent européen.
En même temps se fondent dans les divers domaines de l'économie, sur l'initiative allemande, des entreprises germano-françaises qui, ouvrant de nouvelles voies, peuvent travailler en vue de resserrer encore les liens qui, dans la nouvelle Europe pacifiée, uniront les deux économies nationales.