Le SR de Rivet et le mystère de la source K (texte de Michel Bergès) octobre 2025 |
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Le Sr de Rivet et le mystère de « la source K »
(texte de Michel Bergès, avril 2025)
« Toutes les semaines, et plus fréquemment si nécessaire, je me rendais à Vichy auprès de mon Patron (Villa d’Amiens à Royat-Chamalières) pour lui faire part de la vie à Cadix, lui apporter les derniers enseignements émanant des décryptements machine et humer l’ambiance du lieu : très rarement, j’en recevais des instructions. » |
Couvert par une Compagnie d’assurance, La Nationale, dont le sous-directeur, Gérard Grimpel accepta de fournir une carte professionnelle d’inspecteur, Édouard Jung découvrit et loua un petit pavillon à Noisy-le-Grand financé par l’intermédiaire de Combaux. Il se situait à 6 mètres de la LGD en question, enterrée elle à 1 m 20. Une première tranchée fut creusée depuis la bâtisse. Les travaux de branchement commencèrent dans la nuit des 15-16 février 1942. La jonction fut réalisée par Keller et son équipe d’hommes sûrs : deux vérificateurs, postés, l’un à la Centrale de Paris Saint-Amand – Lobreau –, l’autre au poste répétiteur juste en amont à La Ferté-sous-Jouarre – Fugier. Il fallait contrôler les variations des voltmètres sans éveiller les soupçons de techniciens allemands à ces deux extrémités. Enfin, intervinrent 4 techniciens de ligne retenus par Keller – Pierre Guillou, Louis Matheron, Abscheid et Levavasseur. Il leur fallut souder puis camoufler les accroches avec chaque fil, ce sur 70 circuits choisis en fonction des indications dont Keller disposait à sa centrale. L’écoute devint opérationnelle le 19 février suivant.
Un second opérateur fut donc formé pour les remplacements : Robert Rocard, évadé d’Allemagne en janvier 1942, signalé par son frère aîné, physicien reconnu, lié lui à la fois à des Anglais et au SR. C’est ce dernier – père du futur premier ministre Michel Rocard – qui le fit connaître à Simoneau et à Crest de Villeneuve. L’offre d’embauche fut immédiate au regard de sa connaissance de la langue.
La « cueillette » allait s’avérer gigantesque. Simoneau
révèle, après-guerre 2 :
«
La nature des renseignements obtenus était d’une valeur inappréciable,
les Autorités allemandes considérant que ces câbles permettaient les
communications secrètes. C’est ainsi que le Maréchal Goering lui-même,
Hitler, les Amiraux Raeder et Doenitz, les Généraux Schtülpnagel et
Braueur, ont été interceptés. La création de nouvelles unités et leur
mise en place, les mouvements de flotte sous-marine, les préparatifs de
lancement d’engins spéciaux, V.1 et V.2, ont été connus. On peut même
ajouter un nombre |
«
70 grands circuits étaient à notre disposition. Les uns étaient
spécialisés pour la Luftwaffe, les autres pour la Kriegsmarine. Des
circuits d’usage général écoulaient les communications des Forces
terres, de la Gestapo, du Contrôle économique, des commissions
allemandes d’Armistice et en général de tous les services ennemis
installés sur notre sol. Un deuxième opérateur me fut rapidement
envoyé. Dans le fleuve ininterrompu de secrets qui coulait ans arrêt
dans le câble, il n’y avait plus qu’à pêcher pour voir surgir des
renseignements d’une valeur incomparable sur les unités, leurs
stationnements, leurs effectifs, leurs armements, la composition
nominative des états- majors. Les forces aériennes livraient la
situation de leurs escadrilles, leurs pertes, les effets des raids
alliés. Sur les circuits de la marine, des comptes rendus échangés
entre Kiel et les bases sous-marines de la Manche et de l’Atlantique
nous apprenaient la constitution des flottilles, le mouvement des
bâtiments, leurs pertes, leurs avaries, leurs ravitaillements, le
déficit des équipages et projetaient même d’importantes clartés sur les
opérations allemandes en mer du Nord et en Norvège. Dans le domaine
politique enfin, il n’était pas jusqu’aux noires tractations d’un Laval
qui ne venaient au jour dans les conversations des services d’Abetz
avec ceux du Dr. Goebbels. L’extraordinaire puissance de l’instrument
que Robert Keller avait mis à notre disposition apparut dans toute son
ampleur lorsque nos alliés britanniques exécutèrent sur Dieppe [en août
1942, opération “Jubilée”] leur raid de commandos. Les renseignements
recueillis alors furent si abondants et si précis qu’ils permirent de
révéler entièrement le mécanisme de la |
«
Après la guerre, une confusion fut souvent faite avec une autre source
d’information dénommée aussi K en raison de l’initiale du nom de
l’ingénieur Keller. Celui-ci fournissait, en effet, de temps en temps
au SR-Air et à certains réseaux de Résistance (le réseau Vengeance) les résultats d’écoutes
occasionnelles fort intéressantes faites par le personnel des centraux
PTT (entre autres, le central télégraphique Paris-Central et le central
téléphonique interurbain). |
«
Nous décollâmes comme prévu ; le premier avion vers 2h 30, le second à
3h 30 du matin pour franchir de nuit la côte algérienne et arriver de
jour à Biskra, le 10 novembre vers 5h 30 et 7h 30 du matin. |
Date |
Situation |
Résultats, Problèmes |
22 décembre 1942 |
Dans un rapport attribué à
l’Abwehr, mais pouvant émaner de la
section IV du KDS de Paris, il
est marqué dans le registre journalier que «
quelqu’un s’était “branché” sur le câble principal de la
ligne Paris-Strasbourg ». Est noté ensuite : « Keller serait le responsable de ce branchement. Grâce à l’arrestation de l’ouvrier des PTT Lobreau, nous avons pu fixer l’endroit exact où s’est effectué le branchement. Cet endroit se trouve au n° 21 avenue Turgot à Livry-Gargan, Une maison isolée, gérant ou propriétaire, le nommé Couvreur, chargé de l’écoute Prosper Riss. Riss était porteur de faux papiers d’identité au nom de Risset. Son mandataire l’appelle encore Thiébaut André, ou encore Marcel Eft (?). En outre on a cité encore un personnage, Zeilmann (?) Gelbert. Ce serait un officier-aviateur de Vichy, qui s’appellerait commandant Béard, qui aurait donné ordre d’installer cette table d’écoute (Abhörstelle) » |
Les archives du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre
mondiale, restent imprécises sur les fiches ainsi saisies, attribuées à
l’Abwehr. Alors même qu’un rapport de la DST résumé par cette même source, s’étonne que ce ne soit pas l’Abwehr, précisément, qui ait eu à gérer ce dossier, puisque les services allemands de contrôle des lignes relevaient du ressort de l’administration militaire de Paris, donc de l’Armée, et non de « la Gestapo ». On peut pencher pour l’hypothèse que le rapport considéré, présenté sous forme de journal quotidien, fut dressé plutôt par la Section IV du BDS de Paris, dirigé par Boemelburg, par Stindt, et à cette date, par Kieffer, assisté de son adjoint, le Kriminal Kommissar Sinnhoff, meneur de l’enquête contre le réseau PTT de Keller. Notons encore que les recherches ne s’étendirent qu’au agents autour de Keller, et ignorèrent les ingénieurs Combaux, Sueur, comme les membres de la première dérivation de « la Source K » du SR (Simoneau notamment), ou tout autre membre lié à ce dernier. Les noms de Jung et de Robert Rocard, les deux autres opérateurs, n’apparurent pas non plus dans les fiches d’enquête. Preuve que Keller ne parla pas, et que les cloisonnements de la première dérivation Paris Metz, qui avaient bien fonctionné, confirment la séparation des deux branchements sur les lignes de communication allemandes. |
22 décembre 1942 |
Le
Chef du Service des communications souterraines allemandes, Rœder,
apprend de son supérieur, le général Koersten, que le BDS, Section IV
(« la Gestapo »), avait eu connaissance d’une dérivation sur l’Axe
Paris-Strasbourg-Berlin (source : rapport de la DST de 1949, cité en
note). |
Koersten
demanda à Roeder de découvrir le lieu de l’interception signalée, le
dénommé Keller, du Service concerné étant « fortement soupçonné ». |
23 décembre 1942, 7h 30 |
Visite
au domicile de Robert Keller,2 rue du docteur Landouzy, Paris, 13e. L’interpellé était à son travail. |
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23 décembre 1942, 8h 30 | La
Gestapo se présente au domicile de Georges. Lobreau, ouvrier PTT, 4 rue
Curie à Kremlin-Bicêtre. Parti au travail, ce dernier est arrêté à 9h
40, dans son service, 8 rue des entrepreneurs. |
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23 décembre 1942, 9h |
Le
Directeur des Lignes à Grande distance, Aguillon, téléphone à Keller de
son Cabinet 24 rue Bertrand. Ce dernier, informé que la Gestapo voulait
l’interroger, demande à son collègue de Bureau, Clavaud de camoufler
des objets compromettants (révolver, cartouches, papiers…). Ce dernier
appela Clavaud, le second de Keller, 8 rue des Entrepreneurs pour faire
de même dans son autre bureau (mousqueton, révolver 7. 65, grenades à
dissimuler …). |
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3 janvier 1943 |
Après
avoir précisé les recherches parmi la vingtaine d’ouvriers concernés
dans les fiches du service allemand des communications présent
éventuellement sur le lieu de dérivation de la ligne, dans son journal
de bord, le préposé écrit : « Nous
avons l’intention d’adresser une note à la Délégation générale française
[dirigé alors par Fernand de Brinon]. |
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14 janvier 1943 | La
Gestapo se présente 8 rue des Entrepreneurs pour arrêter les ouvriers
soudeurs Laurent Matheron et Pierre Guillou. Seul le premier est
arrêté. Il sera rejoint par le second le 17 janvier à son lieu de
travail. |
Le
Chef de service, Rougecreille, demanda à un officier allemand des
communications les motifs de leur arrestation. Ce dernier répondit
qu’ils devraient être relâchés bientôt, n’étant pas considérés comme
coupables … |
Ainsi, le mercredi 23 à 8 h 30, la Gestapo visita effectivement le domicile de Keller déjà parti au travail. Celui-ci, qui eut un laps de temps pour effacer toute trace et avertir Mme Combaux, sera arrêté plus tard dans la journée à son service au 24 rue Bertrand, « pour comparaître en vue d’un interrogatoire devant un Tribunal allemand ».
Une heure
avant, Lobreau, vérificateur au Centre des lignes, était, on l’a vu,
interpellé rue des Entrepreneurs par quatre Allemands en civil. Une
fois rue des Saussaies, Keller fut interrogé avant Lobreau. Ce dernier
révéla dans son rapport sur les faits rédigé en 1945 11 :
Keller
l’avait effectivement reconnu le premier … Le KDS fut-il alerté par le service
technique allemand des « LGD » ? On sait, comme l’a indiqué le tableau
ci-dessus, que celui-ci, l’Abschaltabteilung, fut
informé dès le 22 d’un
« dérangement » sur la ligne. La recherche en premier lieu de Keller et
de Lobreau pourrait indiquer que c’est ce service allemand qui fut à
l’origine de toute l’affaire. Ou du moins que, possédant toutes les
données concernant les équipes françaises des PTT, leurs tâches et leur
agenda d’intervention, repérèrent les deux agents suspects rapidement,
peut-être pour des raisons d’anomalie technique. En réalité, c’est le
général Koersten qui apprit à son subordonné allemand, le chef du
service des LGD, Roeder, que la Section
IV du BDS était
informée antérieurement que la ligne était écoutée – selon une
information tirée de l’enquête réalisé par la DST en 1949, sans autre
précision …
En tout cas, le soir du 23 vers 18 h, eut lieu la confrontation des
deux agents arrêtés, l’ouvrier de chantier Lobreau et son chef Keller.
Le premier a précisé dans la lettre précitée 12 :
« Tard dans la soirée, menottes aux poignets, on m’a fait monter dans une voiture avec des SS. Dans une autre voiture, et dans la même situation que moi, on a fait monter M. Keller. Puis une troisième voiture s’est jointe aux deux autres et la caravane a pris le chemin de Livry-Gargan. Elle s’est arrêtée, après une hésitation, à l’endroit de la dérivation. Des soldats ont perquisitionné dans le pavillon et après un certain temps, on a amené un jeune homme près de moi. Un SD nous a demandé si nous nous connaissions ; sur notre réponse négative, nous avons été attachés ensemble. Puis deux voitures partirent pour la rue des Saussaies où il y eut une courte confrontation entre M. Keller et le jeune homme. C’est alors que j’ai appris que ce dernier avait une carte d’identité au nom de M. Risley ; peu après, les deux voitures repartaient pour la prison de Fresnes. Arrivés devant le bâtiment 3 de la prison de Fresnes, à un certain moment nous nous sommes trouvés ensemble et nous avons pu échanger quelques mots : “Est-ce ma faute ?” demande M. Risley à M. Keller. – “Non, répond M. Keller, c’est de la mienne.” Puis, se tournant vers moi, il ajoute : “Triste Noël pour nos gosses !” il me dit encore : “Tu t’en tireras, moi je suis fichu. J’ai pu savoir que nous avons été dénoncés par une lettre anonyme. » |
Riss, quant à lui, restera au secret à Fresnes jusqu’en juillet 1943, avant d’être déporté au camp du Struthof avec Keller en Alsace. Ce dernier pensa jusqu’à son transfert ultérieur, qu’il avait été dénoncé par une lettre anonyme que lui aurait mise sous les yeux ses interrogateurs, peut-être émanant d’une femme ou d’un ouvrier choqué(e) par sa direction assez dure des travaux, voire opposé(e) à ses idées politiques, connues dans le service … Dans son témoignage 14, Riss crut à tort que Simoneau et de Villeneuve avait continué la liaison après l’envahissement de la zone sud le 11 novembre, et qu’ils n’étaient partis en Afrique du Nord seulement après la dislocation de la seconde écoute de décembre 1942.
Deux déportés revinrent donc vivants. De leur côté, Combaux, Jung, Simoneau et Rocard purent, on l’a noté, gagner Alger ou Londres. L’ami et collègue partageant le bureau de Keller, Georges Clavaud – précité –, lança fin janvier 1943 une démarche d’aide aux épouses et familles de ces déportés. Mais les Allemands et surtout les autorités des PTT dépendantes du ministre Bichelonne, liées à Vichy, cessèrent d’assumer les traitements des incarcérés. Avec l’aide de collègues, Clavaud organisa alors une collecte clandestine auprès du personnel et des industriels travaillant pour les lignes à grandes distances, favorables à la Résistance. À partir de mars 1943, grâce aux interventions de l’ingénieur des PTT Paul Guérin, tous les mois, jusqu’à l’arrestation de ce dernier en juillet 1944, une somme fut distribuée aux familles par Londres et par d’autres correspondants 15.
Les auteurs
du drame, l’héroïque Keller en tête, ne comprirent pas à travers leur
calvaire – ou leur chance d’y avoir échappé –, qui était à l’origine de
la destruction de leur entreprise résistante. L’historiographie du
sujet a-t-elle de son côté fait progresser l’information en termes
d’interprétation ?
Des
pratiques de népotisme et de clientélisme lourdes de luttes internes
taraudèrent cette organisation. Un de ses délégués en Autriche – à
Salzbourg –, Gérard Hisard, âgé de 22 ans, fut gagné par « l’attentisme
», puis, face à l’évolution du conflit après 1942, il la quitta
finalement. Il en vint à rejoindre un « corps franc » de la Résistance lié au « Réseau F2 » dans sa région
natale du Pas- de-Calais. Recensé ainsi au BCRA gaulliste de Londres 17, il fut ensuite engagé dans la DGER de l’immédiat après-guerre, au
moment de la direction un temps d’André Dewavrin – colonel « Passy »
dans la Résistance. À sa retraite, passionné par l’histoire de l’armée, dont l’aviation, il
engagea des recherches dans les Archives allemandes, notamment à
Coblence, connaissant bien la langue et non sans liens avec son
précédent emploi à la « DGER », devenue « SDECE ». Au regard de son passé à la DOF notamment, il allait
parvenir à
« démarcher » des
documents qui
firent bientôt le
miel de certains hebdomadaires d’investigation et d’essayistes, ce, à trois reprises.
En premier lieu, dans les années 1978-1980, avant une présidentielle de 1981 en ébullition idéologico-politique. Il apporta à l’Express alors dirigé par Jean- François Revel des éléments d’information sur le secrétaire général Georges Marchais, récupérateur d’après-guerre du « PCF » qui, pendant l’occupation, avait lui aussi été« de la Relève », en France puis en Allemagne, dans les usines de la Luftwaffe et chez Messerschmidt – ce qu’il avait dissimulé par des mensonges pourtant déjà relevés en 1970 par Charles Tillon et André Marty – résistants, eux, sous l’occupation, mais rapidement « épurés » par les dirigeants de ce parti aux ordres de Moscou. Le « cas Marchais » fit alors les choux gras de l’Express, puis du Point, hebdomadaires contactés par Hisard pour des « révélations » – bien placé que ce dernier avait été pour en faire 18.
En second lieu, à partir de mai 1983 lors de l’instruction contre Barbie, Hisard refit surface, moyennant finances au-delà de son statut de retraité, en devenant l’assistant de Me Jacques Vergès, l’avocat du responsable au KDS de Lyon Klaus Barbie, acharné en 1943 contre l’Armée secrète, un des bourreaux aussi – entre autres – de Jean Moulin puis un acteur majeur des déportations de petits enfants juifs recueillis dans la maison de sauvegarde d’Izieu. Après avoir déposé en 1983 au Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, traduits par lui avec les photographies des originaux, trois rapports importants émanant des archives de la Wilhelm Strasse19, il en utilisa le contenu au bénéfice de Me Jacques Vergès pour aider celui-ci à fabriquer un faux, intitulé «Mémoires de Klaus Barbie», amalgame grossier des trois rapports précédents. Il réglait peut-être là de vieux comptes enfouis dans sa tête 20.
En troisième lieu, enfin, traitant de l’affaire Keller en termes inédits, Hisard apporta sa contribution en signant sa collaboration explicite à un article dans le Point du 21 janvier 1991 avec Jacques Duquesne. Celui-ci le confirme dans un chapitre de ses propres mémoires intitulé : « Pourquoi certains scoops font pschitt », précité. Action nouvelle d’Hisard, deux ans après l’engagement de plaintes contre René Bousquet en 1989 initiées par le célèbre Serge Klarsfeld, au nom des parties civiles juives réprimées sous Vichy 21.
Avec
l’affaire Keller, comprimée comme en surplomb à côté de la politique du
STO, seulement évoquée, la nouvelle « enquête » consista à mettre en
épingle René Bousquet présenté comme « une énigme » de la période, mais
isolé dans son sac. Les mêmes données, non sans liens avec maints
engagements journalistico-militants d’alors, furent reprises en chaîne
dans l’enquête sur le même Bousquet de la journaliste Pascale Froment
du Nouvel Obs – ouvrage dédié à son compagnon René Backmann,
humanitaire à Médecin sans Frontières puis journaliste d’investigation
au même hebdomadaire 22.
« Si j’ai tympanisé le lecteur [sur le cas Georges Marchais]
de tant de détails en dépouillant ce dossier, c’est pour deux raisons.
La première est mon désir de répondre une fois pour toutes aux nombreux
journalistes qui, au moment où sortit l’affaire Marchais, écrivirent ou
dirent sur un ton péremptoire que les documents publiés “ne prouvaient
rien”. Je devais bien montrer, ici, qu’ils constituent des preuves fort
claires, pour quiconque consent à les examiner sans parti pris. La
deuxième raison est que je redoute la même légèreté et la même mauvaise
foi de la part des historiens futurs. L’âge venant, je vois paraître
des ouvrages consacrés à des événements que j’ai vécus, à des
personnalités que j’ai connues, à des discours que j’ai entendus, voire
à de petits rôles que j’ai pu jouer, dans les lettres ou la politique.
Et je suis éberlué par le fourmillement des erreurs qui sautent au
visage, à chaque page, presque, de ces livres à étiquette scientifique.
Erreurs de faits, erreurs d’interprétation, erreurs d’atmosphère et,
surtout, erreurs par omission ou par négligence. Dans une biographie
parue en 1994 de René Bousquet, chef de la police de Vichy, l’auteur,
Pascale Froment, mentionne (p. 577) un Gérard Hisard qui est, dit-elle,
“à l’origine des révélations sur le passé de Georges Marchais sous
l’Occupation”. L’origine, elle est due exclusivement à Tillon et Lecœur
en 1970 et à L’Express en 1980, ce qui est très facile à vérifier. J’ai
souvent vu ce Gérard Hisard, qui vint me tanner après la publication de
la fiche Marchais pour tâcher de me vendre, sur les hauts faits de
celui-ci en 1944 et 1945, d’autres informations, qu’il proposait
également au Point d’ailleurs, mais sans parvenir jamais à les étayer
assez pour que je me risque, pas plus que Le Point, à les utiliser. Il
est vrai, Mme Froment est journaliste et non-historienne de métier,
mais bien des synthèses portant sur les années soixante à
quatre-vingt-dix, dues à des universitaires ou à des professeurs à
l’École des sciences politiques, sont émaillées de bévues du même
acabit ou déformées par une partialité délibérée. Coincée entre
l’incompétence et le parti pris, la pauvre histoire “scientifique” se
voit infliger à sa racine d’irréparables mutilations, au moment où elle
a pourtant le privilège de se trouver encore |
« Le Reichsführer – Ss Feld-Kommando du 26 Décembre 1942
Affaires secrètes de commandement
Concerne : Installation d’une dérivation sur la ligne principale Paris-Strasbourg-Berlin. |
Les enjeux de l’Affaire Keller dans le contexte politique de décembre 1942
La conférence de Presse pro-hitlérienne de Laval le13 décembre 1942
«
Je ne sais pas qui gagnera la guerre ; mais je souhaite que ce soit
l’Allemagne ; je le souhaite de tout mon cœur ; la défaite de
l’Allemagne, ce serait le triomphe du communisme, la nuit sur l’Europe
et sur notre civilisation. [p. 2.] […] |
Enfin,
Pierre Nicolle, un des confidents de ce président du Conseil qui
désormais avait obtenu sur pression hitlérienne tous les pouvoirs,
confirme dans son éphéméride de la période, la politique explicite
d’épuration lavaliste alors déchaînée 25:
« Lundi 14 décembre – Ce sont les échos de la conférence de presse de l’après-midi d’hier qui font l’objet de tous les commentaires aujourd’hui à Vichy. Le président Laval a fait une impression très forte sur ses auditeurs. Il les a autorisés à lui poser toute sorte de questions. On dit aujourd'hui que le Président est décidé, coûte que coûte, à mener à bien sa politique. Il sait quelle est seule capable de sauver le pays ; il brisera tous ceux qui voudront se dresser contre elle. Il a déjà été procédé à sept mille arrestations : des généraux, des hommes politiques, des financiers sont sous les verrous. Pucheu serait, paraît-il, en Espagne, ses amis seraient sous une étroite surveillance. Les anciens collaborateurs de l’amiral Darlan font l’objet d’enquêtes : le commandant Duvivier, l’ancien chef de la radio, est arrêté. On peut déjà constater un effet salutaire de la conférence d’hier dans l’attitude très réservée des adversaires connus du gouvernement. Ils cherchent déjà des excuses, quand ils ne font pas leurs paquets pour quitter Vichy. La Semaine qui vient aura pour le pays la plus grande importance suivant la réussite ou l’échec des négociations qui vont s’ouvrir en Allemagne. Le Président quitte Vichy dans l’après-midi pour Paris. Il poursuivra sans doute son voyage. Le terrain est préparé par la lettre du Maréchal au chancelier du Reich en réponse à celle que celui-ci avait adressée le 11 novembre au chef de l’État. L’atmosphère est toujours lourdement chargée. Le voyage du Président reste secret ; l’opinion est que, malgré la sincérité du chef du gouvernement, celui-ci se trouve aujourd’hui devant des faits qui sont loin de faciliter son entreprise. » |
Un Laval arrêtant rageusement ses propres adversaires politique de la veille, supports de Darlan ! Le diapason était ainsi donné … Le « voyage secret » en question sur lequel l’historiographie a levé peu de voiles, allait être accompli deux jours avant la date indiquée de « la trahison » alléguée de Bousquet concernant la« source K », décrite par le document précédemment cité, acte fixé au 21 décembre 1942.
La rencontre Hitler-Laval du 19 décembre 1942
L’événement annoncé par Nicolle dans son journal concerna bien l’invitation de Laval le 19 décembre 1942 par Hitler à son quartier général « tanière du loup » (Wolfsschanze) dans les bois du hameau de Forst Görlitz près de Rastenburg, en Prusse-Orientale, à l’ancienne frontière lituanienne.![]() Photo de la rencontre de Forst Görlitz du 19-20 décembre 1942 entre Hitler et Laval en présence de l’interprète Paul Schmidt, du comte Ciano, de Goering, et (de tête de dos) de Von Ribbentrop. |
« 19-20 décembre. Laval a fait un voyage qu’il pouvait s’éviter. Après deux jours de train, les Allemands l’ont fait s’asseoir pour prendre le thé, puis lui ont donné le dîner et ne lui ont pas laissé ouvrir la bouche. À peine avançait-il un argument que le Führer l’interrompait et lui faisait la leçon (au fond, je crois qu’Hitler est content d’être Hitler, car cela lui permet de toujours parler). Dans l’ensemble, Laval est un Français dégoûtant, le plus dégoûtant des Français. Pour bénéficier des bonnes grâces de ses patrons allemands, il n’hésite pas à rejeter ses compatriotes et à dénigrer son malheureux pays. Il a dit une chose spirituelle : il lui était difficile de gouverner la France étant donné que, de toute part, il n’entendait crier que “Laval au poteau”. Et pourtant, comme les Allemands subissent le charme des Français ! Même ce Français ! Si ce n’est Hitler, les autres se concurrençaient pour lui parler, pour l’approcher : cela ressemblait à l’entrée d’un grand seigneur déchu dans un cercle de parvenus enrichis. Même Ribbentrop a fait de son mieux, mais a conclu sur une gaffe. Il a rappelé à Laval que son “éminent compatriote” Napoléon s’était trouvé dans cette forêt. Sauf erreur, c’était dans d’autres conditions ». |
Le chef du gouvernement de fait, ainsi transporté de Berlin en voiture au lieu convenu, fut donc reçu le samedi 19 à l’anglaise, « à l’heure du thé ». Au vu des commentaires de la presse parisienne – ou allemande et italienne –, on ressent qu’il ne se passa pas grand-chose.
Dans ses mémoires, parlant surtout de lui, l’Ambassadeur Abetz, à qui Ribbentrop intima l’ordre de rester à Berlin « pour raisons de santé » – comme s’il s’était agi de punir indirectement un Laval porteur de mauvaises nouvelles – ne détailla point le contenu des « discussions » concernant la France 29. Il est vrai que tous les participants allemands et italiens, pour une seconde fois après l’hiver de 1941, ressentirent profondément en novembre 1942 le malaise lié à l’effondrement russe à Stalingrad, ainsi que les déboires qui commençaient à poindre en Afrique du Nord. Ce qui n’était pas une condition idéale d’accueil pour un Laval se croyant négociateur d’égal à égal avec un Führer qui lui avait avoué à plusieurs reprises qu’« il ne croyait plus qu’en lui avant d’infliger à la France un Gauleiter ». Que d’honneur effectivement, venant du Tartarin bavarois…
Dans sa thèse sur Abetz et les Français, Barbara Lambauer a apporté d’utiles précisions à partir de la retranscription livrée par le traducteur et ministre plénipotentiaire Paul Schmidt présent à toutes les rencontres – Laval ignorant l’allemand comme Hitler le français 30. Débarrassé de la présence d’un Pétain, Laval présenta à sa guise « un catalogue de questions à régler ». Mais celui-ci n’allait être discuté qu’après la rencontre, lors d’une réunion d’Hitler avec ses chefs d’armée et Ribbentrop le 22 décembre suivant.
Fut examiné deux jours avant ce cahier de doléances français : création d’une Armée de transition remplaçant la précédente dite « d’Armistice » ; formation d’une phalange africaine pour contrer les Alliés en Algérie, dans les protectorats du Maroc et de la Tunisie ; suppression de la ligne de démarcation ; réintégration des départements du nord dans l’administration du pays ; retour du gouvernement à Paris ; formation ou non d’un parti unique ; amélioration des transferts de travailleurs français vers l’Allemagne ; statut évolutif de la réserve d’otages que constituaient les prisonniers de guerre ; harmonisation de la politique de censure de l’opinion dans le Sud par rapport à la zone nord ; équilibre de la collaboration financière, industrielle, commerciale et économique, dont les indemnités d’occupation.
Hitler, à la dent dure, refusa le transfert gouvernemental de Vichy à Paris ; le parti unique ; la suppression totale de la ligne de démarcation – dont les contraintes seront assouplies en marchandant en 1943 ; la réintégration des départements du Nord ; la transformation du statut des prisonniers de guerre en travailleurs civils. Seules furent acceptées l’uniformisation nord-sud de la censure de l’opinion française et la création d’une « phalange africaine » 31. Sans oublier la création d’une sorte de « police supplétive », qui deviendra la Milice instaurée par Laval le 30 janvier 1943. Mais avec l’avantage pour ce dernier – crut-il – de sauvegarder l’appareil policier entre ses mains bien tenu en main par son homme lige Bousquet. Ce qui lui permit aussi d’effacer le rôle de la Légion des Combattants présidée par Pétain – structure qui, elle, n’allait pas tarder à se fissurer avec l’entrée en dissidence de son président François Valentin en août 1943, mais encore, avec la montée en faveur de Darnand auprès d’Oberg, futur remplaçant de Bousquet en décembre suivant – fait non prévu par Laval.
Aux yeux de beaucoup, le tout puissant chef du gouvernement en titre, prêt à manger du lion, vint en fait à Goerlitz se donner des bâtons pour se faire battre.
C’est ce que perçut Ciano qui reconnut qu’il avait « fait un voyage qu’il pouvait s’éviter ». Peut-être aussi dans l’intention de se légitimer sur place et à son retour à Vichy, surtout pour faire croire que lui, Laval, « le vrai grand chef », avait « l’appui d’Hitler » – ce qui était loin d’être le cas, comme la suite le montrera rapidement. En effet sur ce point, dès le mois de mai 1943, Pétain ayant compris ses erreurs forcées, décida, à cette date, de tout tenter pour changer une fois encore de gouvernement – en vain.
Laval ne risquait-il pas de devenir le « Quiesling français », complémentaire des autres Quieslings du nord de la Finlande aux frontières de l’Espagne, qu’Hitler souhaitait installer pour renforcer ses défenses et dresser un mur face à une invasion possible des forces alliées côté Atlantique, Mer du Nord et Baltique ? C’est bien ainsi que le perçurent maints observateurs, dont ceux de la presse résistante de Londres et de New York, ou ceux des pays neutres, de Suisse, de Stockholm …, attentifs à l’événement de façon plus libre que les terminaux journalistiques « sous la botte » soutien de Laval – tels Le Matin, Le Petit Parisien, ou encore L’Œuvre de Déat. La rencontre du 29-20 novembre ? Contrairement aux apparences, en réalité un non-événement, car l’hitlérisme allait bientôt sévir encore plus durement contre la France, même sous l’habit râpé du « lavalisme ».
Le rebondissement de « l’affaire Keller » dans la recherche des responsabilités
Sans Abetz, Laval arriva à la Gare de l’Est le lundi 21 décembre à 11 h 15 précise, avec Rochat et Bichelonne. À leur descente du train, les accueillirent le Dr. Ernst Achenbach de l’Ambassade, le ministre des Finances et ami personnel de longue date de Laval, Cathala, le secrétaire d’État à la Police, René Bousquet, son préfet de Police de Paris, Amédée Bussière – que Laval venait de promouvoir à ce haut poste en août précédent.
Les salutations d’usage présentées, d’après les comptes rendus publiés, Laval se rendit à l’Hôtel Matignon – en «bon maquignon» – image accolée à ce dernier de longue date –, prêt à rendre compte desdits «échanges» au sommet hitlérien. Il réunit d’urgence : Cathala ; Abel Bonnard, ministre de l’Éducation – toujours gai comme un pinson ; le docteur Grasset, ministre de la Santé ; de Brinon, son truchement avec les Allemands ; enfin, René Bousquet 32. Abandonnons-les là à leurs conciliabules. Mais point Bousquet, qui sera épinglé donc par des journalistes « du futur » concernant ce même lundi 21 décembre 1942. Un chef de la police censé avoir « déjeuné » aux dires de Jacques Duquesne, « avec Oberg et Knochen ».
« Déjeuner » avant la conférence avec Laval l’après-midi à Matignon – pourquoi pas, tant qu’on y est, à la demande de ce dernier, inquiet de la tournure qu’avaient pris les échanges non plus au nid d’aigle, mais dans la « Taverne du loup » entre lui et Hitler. Dans la foulée d’une journée si chargée, aux deux hommes d’Himmler, Oberg et Knochen, Bousquet aurait donc « livré la piste du réseau Keller. Sans plus de précision » 33.
Ainsi informés, non lors du déjeuner mais plus vraisemblablement lors d’un dîner les deux chefs nazis auraient juste après transmis un rapport à leur chef Himmler, au plus tôt (dans la soirée, comme le prétendra plusieurs décennies après Jacques Duquesne … le seul à en parler, mais qui n’aura pas eu le réflexe d’en vérifier la source archivistique ni de le préciser dans son article du 21 janvier 1991 dans le Point.
Question : connaissant mieux l’informateur Hisard, était-ce vraiment « un scoop » ou bien « un coup monté », utile pour aggraver « le cas Bousquet » – déjà pas mal « chargé » pourtant ? Cette conjecture vient à l’esprit si l’on se remémore l’avertissement précité de Jean-François Revel concernant les flottements de maints esprits échauffés de l’époque, « compatissants » à de « bonnes causes », pour qui il était difficile de fermer la bouche, de se cacher les yeux, de se boucher les oreilles, de se coiffer d’un bonnet d’âne de Buridan et de mettre leurs petites cellules grises en repos.
Quelques points interpellent cependant. Dès le 21 décembre, Bousquet, pour en revenir à lui, aurait donc été informé en personne de l’existence du second branchement sur la ligne Paris-Strasbourg. Mais comment l’aurait-il su et repéré ? Par des écoutes téléphoniques, là autour de Paris ? Par lettre anonyme adressée à la police française que lui seul supervisait et pouvait déclencher ? Dont il aurait informé immédiatement le relais Oberg et Knochen ? À cause d’indiscrétions venant de Vichy, supposées par certains Allemands interrogés par le DST de Wybot en 1949, alors même que toutes les sources se trouvaient fermées depuis le 11 novembre, côté SR-Air et SR Guerre ?
Certes, le prétendu rapport signé Oberg et Knochen adressé à Himmler après le déjeuner ou le dîner avec Bousquet, aurait pu apporter des détails quant aux sources émanant de ce dernier. On a vu supra que le jour même, ou le lendemain mardi 22 décembre, Berlin, ainsi averti, aurait alors déclenché les ordres d’enquêtes au KDS de Paris pour agir. Ce que fit la Section IV de Kieffer, mais seulement dès le 23 décembre au matin, on l’a noté. On sait aussi que le 22, le responsable allemand des « LGD », Roeder, avait été informé par son supérieur, le général Koersten, que la Gestapo connaissait le branchement sur la ligne Paris- Strasbourg (dixit le rapport de la DST de 1949). Mais ne l’avait-elle pas été par un allemand du service chargé du fonctionnement des lignes – alors même que le chef du poste allemand de Saint-Germain avait signalé à Keller qu’il souhaitait brancher de nouveaux fils sur la ligne Paris-Strasbourg-Berlin ?
De plus, dans sa note à Hitler datée du 26 décembre, Himmler parle d’une source émanant « du deuxième Bureau de Vichy » – étonnamment confondu par le chef des SS avec le SR-Air. Or, on sait que cette information ne pouvait venir que des interrogatoires de Keller commencés le 23 décembre ; eux ayant livré à ce moment précis cette fausse information à ses interrogateurs – donc en dehors de la « confidence » livrée par un Bousquet qui, le 21 décembre, ne connaissait manifestement pas encore le lieu de la dérivation, révélé par l’ouvrier Lobreau le 23, ni non plus le nom des responsables – Keller, Combaux, et alii … jamais inquiétés d’ailleurs, eux, par la Gestapo à la suite. Un Bousquet qui ne pouvait pas connaître non plus ce même 21, des faits relevant d’une période bien antérieure – concernant le dénommé Beard du 2ème Bureau, seulement révélé par Keller le 23 suivant – cf. supra la note d’information d’Himmler à Hitler, ainsi formulée : « Des interrogatoires menés jusqu’ici, il résulte que le dispositif d’écoutes a été installé sur ordre du Major Beard, officier du Deuxième Bureau à Vichy ».
Au passage, au sujet maintenant de ce document du 26 décembre, révélé par un Georges Hisard plus attaché à ses fins de mois de retraité, semble-t-il, qu’à la localisation et à la cote de sa source miraculeuse jamais « révélées » ni l’une ni l’autre, de même que pour le rapport « théorique » Oberg-Knochen à Hitler du 21 ou 22 décembre présumé, un nouveau constat peut être avancé : une version autre que l’« original » indiqué ci-dessus a été présentée dans le film évoqué supra
«
Hitler sur table d’écoute ». Elle révèle une forme plus « officielle »
et attirante du document supposé, dont voici les images captées :
Concernant le SR de Rivet en tant que tel, deux réactions méritent d’être signalées enfin, qui émanent de l’AASSDN – Association des Anciens des Services Secrets de la Défense nationale à la suite des révélations médiatiques en question après la publication du Point du 21 janvier 1991.
D’abord
dans un Bulletin de l’association, le colonel Paillole communiqua
l’information en publiant ledit document d’Himmler à Hitler du 26
décembre 1942. Dans la foulée, une publication du Bulletin présentant
le contre-espionnage clandestin (« Travaux ruraux », dit « TR ») d’août
1942 au 11 novembre 1942, rédigé par le colonel Paul Bernard, s’attacha
à décrire le rôle de son collègue le colonel Laffont – alias « Verneuil
» dans sa lutte résistante. On y découvre l’impact des révélations
venant d’Hisard dans ce passage 34 :
«
Pour mesurer le degré de pourrissement de certains milieux
collaborateurs, signalons seulement que le 21 décembre 1942, c’est le
Secrétaire général à la Police Française, M. Bousquet, qui prendra
l’initiative de dénoncer au Brigadeführer Oberg, une des meilleures
sources de notre S.R., la source K. L’ignoble trahison de Bousquet nous a coûté, dans l’immédiat, l’arrestation d’une dizaine de patriotes dont trois seulement survivront à la déportation. Ce deuil, si douloureux soit-il, est encore peu de choses à côté du désastre qu’a représenté, pour le Commandement allié, la disparition d’une source de Renseignements d’une valeur exceptionnelle. Elle aurait dû atteindre sa pleine efficacité lors du débarquement allié en Normandie et sans doute atténuer les souffrances de notre pays en précipitant sa Libération. La dérive, relativement rapide, d’une « collaboration » de façade à la trahison la plus éhontée risquait d’être d’autant plus dangereuse que la mise sur pied d’une Résistance structurée s’avérait, elle, relativement lente et difficile . » |
Un « 21 décembre 1942 » contradictoriel
Nous nous trouvons en effet en face d’un 21 décembre révélateur de faits croisés à des niveaux de coïncidences parallèles. La chronologie révèle dans leur bousculement des réalité irréductibles à cette date, où la question des écoutes radio et de l’origine de certaines sources surgit crument. En prendre connaissance rapidement permet de mieux percevoir les enjeux que représenta « la Source K » et « l’Affaire Keller ».
D’abord, ce même 21 décembre, date du retour de Laval de Poméranie, notons – le hasard (ce « Dieu qui se promène incognito » comme l’écrivit Einstein), les résistants de l’Isère réfugiés sur le plateau d’Ambel dans le Vercors, instaurèrent le premier maquis de France, donnée ignorée apparemment des journaux du pouvoir lavaliste sous perfusion nazie à Paris.
En
effet, là, on pouvait lire dans Le Matin, quotidien de Bunau-Varilla
inféodé à Laval, à Jean Luchaire et à Abetz, sous contrôle de la Propagandastaffel
de Goebbels, cet avertissement très menaçant contre tous les opérateurs
de radio de la Résistance engagés dans le même sillage que les hommes
des PTT autour de Keller 35 :
« UN ESPION à la solde de l’Angleterre condamné à mort. Par son action criminelle, il est responsable de nombreuses morts dans la population civile ! Le Français Pérot, 43 ans, reconnu coupable d'espionnage au profit de l’Angleterre, a été condamné à mort par un conseil de guerre allemand. Plusieurs de ses complices ont été condamnés à de sévères peines d’emprisonnement. Pérot s’était fait embaucher par un agent du service d’espionnage anglais comme opérateur pour plusieurs postes émetteurs clandestins. Il se servait de ces appareils de radio pour communiquer avec Londres et pour signaler à l’aviation anglaise certains objectifs en France. Il est hors de doute que les actes criminels de ce Français ont également voué à la mort plusieurs de ses compatriotes, qui furent victimes d’attaques aériennes anglaises. Par sa néfaste activité Pérot n’a pas seulement tenté de nuire aux troupes allemandes d’occupation, mais a aussi porté préjudice à la France et aux Français. La sentence de mort, qui a déjà été exécutée, n’a châtié que partiellement la faute dont cet homme s’était rendu coupable . » |
« La Pologne a été transformée par Hitler en “abattoir pour les Juifs”. Les premiers renseignements sur l’anéantissement des Juifs par l’Allemagne sont parvenus entre les mains de M. Mikolajczyk, vice-président du Conseil et ministre de l’Intérieur polonais, vers la mi-novembre. Leur authenticité ne pouvant prêter à aucun doute, M. Mikolajczyk les a aussitôt rendus publics. Il les révéla d’abord aux membres du Conseil National, réunis en séance spéciale, puis permit leur publication. La note du Comte Raczynski, le ministre des Affaires Étrangères, saisit officiellement de la mesure incroyable ordonnée personnellement par Hitler. Cette mesure fut prise au moment où les bombardements de l’Allemagne par la RAF atteignirent leur point culminant ; au moment où Hitler se brisait contre le roc de la résistance russe devant Stalingrad. C’est alors qu’il prit la décision de “faire disparaître au moins la moitié des Juifs européens.” Puis les alliés anglo-américains ayant promis à la Russie “d’ouvrir un second front avant la fin de 1942” Hitler, après, avoir longuement cherché sa riposte, fit connaître son intention de procéder à l’extermination “de la moitié des israélites d’Europe avant la fin de 1942”. Il résulte des documents tombés entre les mains de M. Mikolajczyk que la Pologne tout entière a été transformée par Hitler en un “abattoir pour les Juifs.” Les Allemands y tuent d’abord les Juifs polonais ; puis ils massacrent ceux qu’ils déportent en Pologne des autres pays envahis. Ils ne se contentent d’ailleurs pas “d’opérer” sur place : ils tuent aussi en cours de route, lors des “voyages” organisés ad hoc, on ne sait où, ni pourquoi. Mais ces voyages durent plusieurs jours. Et les malheureux qui sont enfermés dans des wagons plombés, sans eau ni nourriture, sans air ni lumière, entrent parfois en agonie au bout de quelques jours. Quand on ouvre les portes des wagons, la plupart des malheureux sont déjà morts et la plupart des survivants sont devenus fous. Vu l’exiguïté de la place, les cadavres sont debout appuyés contre les survivants, et des survivants se trouvent enserrés entre les cadavres. On jette les cadavres à la fosse commune, on amène les survivants au cimetière où ils sont abattus à bout portant. L’étendue de cette besogne exige du personnel. Les Allemands n’y suffisent plus. Ils se font aider par des Ukrainiens, des Lithuaniens et des Lettons. Qu’est devenue la jeunesse juive ? Il n’y en a plus. La statistique officielle allemande le prouve : d’une population de 250 000 Juifs, destinée à être “transférée” par wagons plombés, on voulut distraire des ouvriers pour le travail en Allemagne. C’est à peine si l’on put en trouver 4000. Les mêmes statistiques – officielles allemandes, publiées en mars 1942 – donnent le chiffre de 433 000 Juifs emmurés dans le ghetto de Varsovie au début de cette année. Ce chiffre est resté longtemps stationnaire, malgré les ravages de la famine, des épidémies, de la folie, de la tuberculose, des suicides. Pourquoi ? Parce que des frais “arrivages” de Hollande, de Norvège, de France, d’Autriche, comblaient les vides. Cependant, en septembre, – et toujours d’après les données officielles allemandes, —on n’a distribué aux Juifs que 120 000 cartes de ravitaillement, et en octobre 40 000 ! Les Allemands n’ont pas encore publié de statistiques concernant les Juifs étouffés dans des chambres à gaz et tués dans des salles d’électrocution. Ces centres d’expérience qui se trouvent notamment dans le camp de Belzec (Pologne méridionale), n’ont pas encore fourni des rapports satisfaisants. M. Mikolajczyk, qui est le président du parti paysan polonais, conclut son exposé devant le Conseil National par la lecture d’un appel en faveur des Juifs, lancé par le mouvement de la Pologne clandestine. “Dans le ghetto de Varsovie”, lit-on dans cet appel, dont les murs les séparent du monde, des centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants attendent la mort. Ils savent qu’ils n’ont rien à espérer, qu’aucune aide ne leur viendra de nulle part. Ils attendent la mort. “Les rues du ghetto sont périodiquement parcourues par des sbires hitlériens. Ils abattent les passants, tirent aux fenêtres, s’arrêtent parfois et déchargent au hasard sur les passants leurs fusils et leurs revolvers. Ces jours-là, les rues sont jonchées de cadavres. “Chaque jour les Allemands exigent qu’on leur remette un contingent de Juifs à tuer, s’élevant de 8 à 10 000. Ce sont les Juifs eux-mêmes qui doivent choisir entre eux leurs coreligionnaires destinés à l’holocauste et les remettre aux Allemands par l’intermédiaire des policiers juifs du ghetto. Les policiers sont exécutés si le contingent n’est pas atteint. “Les enfants sont jetés vivants dans des tombereaux, et de façon si brutale que beaucoup se brisent le crâne. Parfois, les mères, devant ce spectacle, deviennent folles. Le nombre des cas de folie dus au désespoir et à l’horreur dépasse souvent le nombre des massacrés ou des fusillés … “Ceux qui sont condamnés à être remis aux Allemands préfèrent se suicider. Les Allemands l’ont prévu. Ces jours-là toutes les pharmacies du ghetto doivent être fermées. Les malheureux en sont réduits à se jeter par la fenêtre d’un immeuble élevé, à condition d’avoir pu y pénétrer. “Les catholiques, ayant quelque sang juif dans les veines, meurent comme les autres, mais avec la croix du Christ entre leurs mains … Sur les trois millions de Juifs que la Pologne comptait avant la guerre, plus d’un million a déjà disparu.” L’appel de la Pologne clandestine se termine ainsi : “Il nous est impossible de demeurer indifférents devant tant de crimes commis sous nos yeux chaque jour. Notre conscience chrétienne se révolte. Nous ne pouvons rien faire. Nous sommes impuissants. Le seul salut est de hâter la victoire.” Au nom du gouvernement polonais, M. Mikolajczyk, puis tout le Conseil National se sont solidarisés à l’appel lancé par la Pologne clandestine. À Tel-Aviv, où il se trouve actuellement, le professeur Kot, ancien ambassadeur de Pologne en Russie, a fait une déclaration dans laquelle il proteste solennellement au nom du monde civilisé contre cette extermination systématique. Il a ajouté que le gouvernement du général Sikorski avait porté à la connaissance du monde entier ces actes de bestialité allemands. Sous les auspices du gouvernement polonais ont été élaborés certains projets pour tenter de limiter autant que possible les conséquences de la fureur de meurtre hitlérienne. Le professeur Kot a annoncé que le général Sikorski ne manquera pas durant son séjour à Washington d'attirer sur la question du massacré des Juifs l’attention des hommes d’État américains. Enfin, le grand historien polonais conclut : “L’opinion publique des pays démocratiques a quelque peine à croire que l’on puisse commettre de tels crimes envers une population innocente. Elle sait aujourd’hui de la façon la plus sûre que l’Allemagne est capable d’un pareil forfait. Le monde est tout entier uni contre l’Allemagne. Quant à nous, Polonais et Juifs, des liens de souffrance commune et de fraternité nous unissent désormais les uns aux autres. Ces liens ne sauraient se briser après cette guerre.” … » |
Les réactions de Laval au problème des « fuites »
Au regard des enjeux qui accaparaient et hantaient Laval et son équipe de fidèles engageant une politique fatale, « l’affaire des écoutes » sur le câble Paris- Strasbourg, même atténuée par la lettre d’Himmler à Hitler révélant la collaboration « impeccable » du chef de la police lavaliste à l’égard d’Oberg supposée vraie –, il fallait atténuer le problème de ladite « fuite ».
Un échange de télégrammes entre Laval, de Brinon, les chefs allemands militaires de Paris et, au-dessus, le commandement allemand de l’Ouest – l’OKW – éclaire en partie le problème. Du moins, ces documents montrent les difficultés immédiates que la découverte des écoutes des communication allemandes à grande distance – pourtant aussitôt découvertes qu’effectuées – allait occasionner au dirigeant vichyssois.
Officiellement, dès informé de l’Affaire Keller, mais sans jamais n’avoir cité dans ses échanges ni Oberg ni Knochen – qui eux n’en n’ont non plus jamais parlé lors de leurs dizaines d’interrogatoires d’après-guerre –, Laval allait tenter d’en limiter les retombées.
Ébruité, érigée en « affaire d’État », celle-ci ne pouvait que desservir sa position politique entre un Pétain auquel il devait rendre un minimum de comptes, et un Hitler qui savait à quoi s’en tenir sur les fluctuations à répétition « de ces Français toujours les mêmes » en matière de « collaboration ».
Cette « affaire », humiliante en soi pour le camp allemand, risquait encore ailleurs de compliquer voire de rendre impossible la signature d’une paix et d’une intégration de « Vichy » dans une stratégie « à venir » – Darlan, comme Giraud, étant des exemples tout flagrants et récents de « la trahison des Français ». Nécessité donc de minimiser la question, de la banaliser …
On
découvre ici ainsi dans le dossier d’instruction ultérieur contre
Fernand de Brinon – alors sorte d’« ambassadeur » dans les Territoires
occupés –, cet échange de télégrammes avec Laval, incomplet, qui révèle
que les échanges concernant l’affaire de la seconde « Source » d’écoute
allait être traitée uniquement avec les forces militaires d’occupation,
sans passer par l’échelon des Ss et de la Gestapo, prétendument mis en
avant dans le document « Himmler à Hitler » du 26 décembre 1942. De
Brinon alerte alors Laval dans ces termes :
« Message n° 79 du 23 janvier 1943 Personnel et Confidentiel Message pour Monsieur le Président Laval Je vous prie de trouver ci-dessous le texte d’une lettre que je viens de recevoir du maréchal Von Rundstedt en réponse à la communication que je lui avais faite des instructions que vous m’aviez données en date du 13 janvier et d’une autre lettre de M. le général Stülpnagel. Voici ladite lettre reçue de Berlin (Von Rundstedt) concernant le chef de l’Administration militaire en France en poste à Paris à l’Hôtel Majestic, Von Stülpnagel : “[…] – 1) “Le Cdt en chef des forces militaires de l’Ouest (réf. votre lettre du 13 janvier 43 à Mr l’ambassadeur De Brinon, délégué général du Gouvernement Français : Le commandant en chef de l’Armée a donné des instructions qui diffèrent essentiellement des propositions du 1er janvier 43 de M. le chef du Gouvernement. J’ai en conséquence présenté les propositions de M. le Chef du Gouvernement Français pour décision au Commandement en chef de l’armée. signée Von Rundstedt ” – 2) “Le Cdt en chef des Forces Militaires en France au Délégué général du Gouvernement Français dans les Territoires occupés : Il a été établi, en fin 1942 qu’un dispositif d’écoutes avait été installé à Livry-Gargan (Seine-et-Oise) sur le câble téléphonique principal Paris-Strasbourg-Berlin. Un service d’écoute avait été aménagé, ne laissant rien à désirer du point de vue technique, dans l’immeuble sis 21 avenue Turgot pour 70 branchements environ. Les renseignements conduisirent à différentes arrestations parmi lesquelles se trouvent en particulier les fonctionnaires des PTT suivants : a) Keller,Robert Louis François Né le 8 Mai 1899 au Petit-Quevilly Ingénieur de l’administration des PTT français Domicilié dernièrement à Paris, 2 rue du Dr. Landouzy b) Lobreau, François Georges François né le 22.1.1906 à Châlon s/Saône vérificateur des PTT domicilié dernièrement à Paris, 3 rue Pierre Curie Keller a exécuté tous les travaux techniques alors que Lobreau était chargé de la pose du câble supplémentaire. Keller a déclaré qu’il avait reçu l’ordre d’installer un poste d’écoute de la part d’un Officier du 2ème bureau français. L’ordre avait été soi-disant provoqué par le Gouvernement Français. Comme suite à l’échange de correspondance entre M. le commandant en chef de l’Ouest (Lettre Ob. West Nr 4175/42 du 31 décembre 1942) et M. l’Ambassadeur de Brinon, il est rappelé à nouveau qu’il est défendu d’exercer une surveillance quelconque sur le trafic téléphonique et télégraphique des services allemands. Nous vous prions de saisir cette occasion pour informer à nouveau les fonctionnaires, en particulier les fonctionnaires des PTT de cette défense et les avertir que les contrevenants devront s’attendre aux mesures les plus sévères. Le Gouvernement Français a la responsabilité d’éliminer ces fonctionnaires, en particulier ceux des PTT qui compromettent par de tels agissements la collaboration du Gouvernement français avec la puissance occupante. Signée : Le Commandant en Chef de l’Armée Signée : Von Stülpnagel. » |
«
D’autre part l’Officier de liaison du Commandant en Chef des Forces
Militaires en France m’a fait part ce matin qu’à la suite de l’accord
que je lui avais donné en votre nom quant au principe de la
surveillance par les autorités françaises des prisonniers nègres
libérés comme travailleurs, il avait pris la décision de libérer dès
maintenant à titre d’expérience 300 prisonniers noirs. Il conviendrait
donc d’envoyer, aussitôt que possible le personnel nécessaire à la
surveillance de ces prisonniers afin d’en prendre livraison, en accord
avec les autorités allemandes au Front Stalag 141 à Vesoul et au Front
Stalag 194 à Nancy, chacun de ces camps devant libérer 150 prisonniers. Je vous serais reconnaissant de me faire part des dispositions prises afin que je puisse les transmettre le plus rapidement possible à l’État-Major du Général Von Stülpnagel. Brinon. » |
« Message N° 565 – Vichy, le 25 janvier 1943. Je réponds à votre message 79 paragraphe 2, du 23 janvier. Il est rappelé que la découverte du dispositif de Livry-Gargan (Seine et Oise) est due à la diligence d’un Sous-Ingénieur des PTT et au loyalisme de ses chefs qui ont rendu compte sans hésitation ni perte de temps au ministère compétent. Le fonctionnaire qui a découvert le dispositif irrégulièrement établi a été officiellement félicité. À cette occasion, les défenses formelles d’exercer une surveillance quelconque sur les services télégraphiques et téléphoniques des Services allemands ont été rappelées à tous les fonctionnaires. Un nouveau rappel sera adressé. Le Gouvernement Français exerce et continuera d’exercer une surveillance vigilante en vue de mettre hors d’état de nuire tout fonctionnaire suspect. Signé Pierre Laval » |
«
[Fin 1943] la situation intérieure en France devenait de plus en plus
difficile. Une rencontre eut lieu [à Berlin] entre RIBBENTROP, KNOCHEN
et OBERG. Tous trois furent d’accord pour reconnaître que les forces
d’occupation étaient insuffisantes pour maintenir l’ordre en France.
Plus que jamais le concours et l’appui de la police française étaient
nécessaires, mais pour cela, il fallait à sa tête un homme moins
scrupuleux que BOUSQUET, afin qu’elle soit engagée à fond dans la lutte
contre la résistance. OBERG tint cependant à continuer de protéger politiquement BOUSQUET afin de lui permettre d’occuper une place dans un nouveau gouvernement, formé dans le cadre d’une nouvelle organisation européenne à laquelle les Allemands croyaient encore à cette époque. Les relations d’OBERG, de KNOCHEN et les miennes avec BOUSQUET se sont toujours déroulées dans une atmosphère de camaraderie. À mon avis, des deux côtés les espoirs étaient fondés sur une nouvelle organisation de l’Europe au sein de laquelle la France occuperait une des premières places. BOUSQUET était très estimé par OBERG et son entourage en raison de son énergie et de sa droiture de caractère. Cette estime était partagée par HIMMLER lui-même qui tint à le rencontrer lors d’un de ses passages à Paris. Le Secrétaire général à la Police était dominé par l’idée de constituer une police forte et fonctionnant avec le maximum d’autonomie. Il ne cachait pas ses sentiments envers les partis de collaboration, y compris la Milice. Il disait souvent chez OBERG qu’il ne se basait jamais sur les informations émanant de ces partis pour faire effectuer des opérations de police. BOUSQUET paraissait très bien introduit auprès de PETAIN. Je fis moi-même cette constatation lors de la réception de OBERG par le Maréchal. Ce dernier félicita vivement le Secrétaire général pour les accords qu’il avait réussi à conclure. C’était d’ailleurs les premiers accords franco-allemands signés depuis l’Armistice. En ce qui concerne ses relations avec LAVAL, BOUSQUET ne semblait pas être attiré par une sympathie quelconque par le chef du Gouvernement. Leurs relations se bornaient uniquement au service, et il paraissait qu’ils n’étaient pas toujours d’accord. Tantôt LAVAL laissait au Secrétaire général la responsabilité des mesures de police à prendre, tantôt il se réservait lui-même cette responsabilité quand il s’agissait de choses importantes. Pendant tout le temps que nous avons collaboré avec BOUSQUET, nous avions la certitude que, dans le domaine politique et renseignement, il entretenait des relations qui allaient contre nos intérêts. (Ce fait fut surtout remarqué à partir du moment où il devenait de plus en plus clair que les dirigeants du Reich et de sa politique étrangère ne semblaient pas décidés à conclure un accord définitif avec la France). Parmi ces relations je vous cite celles avec MÉNÉTREL (médecin personnel du Maréchal) qui était en liaison constante avec le Colonel GUILLAUME, chef du 2e Bureau en Suisse. Ces faits connus de nous furent souvent reprochés à BOUSQUET et à LAVAL, mais nous ne prîmes aucune mesure contre le Dr. MÉNÉTREL en raison de son intimité avec le Maréchal PETAIN. Comme dans son attitude générale BOUSQUET était décidé à ne plus nous céder en rien qui ne réponde aux intérêts français, il devint gênant à notre politique et inapte à son poste. Il fut remplacé par DARNAND. Comme prétexte à son remplacement, on lui fit savoir que nous avions recueilli des renseignements et des preuves que des attentats étaient tramés contre lui. Pour assurer sa protection, nous devions nous assurer de sa personne pendant un certain temps. BOUSQUET se plia sans réagir contre cette mesure. Par ordre du RFSS [Reichsführer SS Himmler], il fut emmené en Allemagne. On le laissa libre d’emmener sa femme et son enfant. Il les emmena tous deux. Comme résidence on lui assigna une villa au Tegernsee, où il eut comme compagnon l’écrivain Hanns JOHST, ami personnel de HIMMLER . » |
Après l’exploration des mystères de cette « source K », un autre point mérite d’être abordé concernant en partie cet exploit du SR de Rivet dans cette période sous « haute surveillance » de la part de l’occupant, jusqu’ici peu ou mal abordé, mais qui n’est pas sans lien avec les informations dérobées ainsi à l’ennemi qui allaient être retransmises aux forces alliées par la Centrale « Cadix » implantée dans le Gard.
[1] Exemple de fiche tirée du documentaire « Hitler sur table d’écoute », production Label Image, avec la participation de France Télévision. Le scénario du film a été écrit par Marie Gatard et réalisé par Laurent Bergers. Il fut diffusé sur France 5 le 23 septembre 2018 et peut être visionné sur le site : https://www.histelfrance.fr/page-559a5c6175340.html
[2] Source : Archives nationales, documents du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72 AJ/77/I/pièce 14, en libre accès sur Internet. Lettre du colonel Simoneau, 30 septembre 1958.
[3] Source : Archives nationales, documents du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72AJ/76/II/pièce 25, en libre accès sur Internet. Discours d’Edmond Combaux, 3 novembre 1946.
[4] Cf. Roger Rouxel, Les Mystères de la Source K, Bordeaux, Les Dossiers d’Aquitaine, col. « Mémoires de France », 1999.
[5] Source : Archives nationales, documents du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72 AJ/ 76/ II/ pièce 24, en libre accès sur Internet. Papier de Daniel Claux, Service des Lignes sous-terraines à grande distance (LSGD), Ministère des PTT, 24, rue Bertrand, Paris VIIe, Annexe n° 11 à la Lettre du 14 Juin 1945, « Extrait du rapport du Lieutenant-colonel Combaux du 22 Avril 1943, adressé à Mr. Le Général De Gaulle ».
[6] Source : Archives nationales, documents du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72AJ 76/ Dossier III/ pièce 16, en libre accès sur Internet. Entretien avec Mme Robert Keller.
[7] Henri Navarre, Le Service de Renseignement, op. cit., p. 158, note 1.
[8] Jean Bezy, Le SR-Air, Préface du colonel Paul Paillole, Paris, Éditions France-Empire, 1979, p. 90.
[9] Après la
lecture des ouvrages de responsables du SRT et du documentaire
précités, enrichie de celle de quelques quotidiens d’information de
Paris parus entre le 18 décembre 1942 et le 31 janvier 1943 (Le Matin, L’Œuvre, Le Petit Parisien, Die
Parizer Zeitung), ont été ajoutées les sources suivantes :
• les dossier d’instructions Brinon, Bousquet, Oberg
et Knochen, dans leur ensemble ;
• le dossier Résistance PTT au Comité de la Deuxième
Guerre mondiale (AN, série 72 AJ 76 et 77) ;
• Henri Michel, « La Résistance dans les PTT – la
Source “K” », Paris, La Revue des
Transmissions, juillet-août 1958, n° 79 ;
• Raymond Ruffin, Résistance
PTT, Paris, Presses de la Cité, 1983 ;
• l’article du Point du 21 janvier 1991 de Jacques
Duquesne et Gérard Hisard, « Révélation sur l’énigme Bousquet », p.
68-76, à compléter par Jacques Duquesne, Histoire vraie, une vie de journaliste,
Paris, Albin Michel, 2016, révélant une source allemande tirée des
Archives de Coblence ;
• Robert Rouxel, La
Source K et ses mystères, Les Dossiers d’Aquitaine, col. «
Mémoires de France », Bordeaux, 1995 ;
• François Romon, Les
Écoutes radio dans la Résistance française, 1940-1945, Paris,
Nouveau Monde Éditions, 2017 ;
• AntoineLefébure, Conversations
secrètes sous l’Occupation, Paris, Tallandier, 2018 ;
• Document Hommage à M. L’Ingénieur des Ptt Robert
Keller, en libre accès sur le site Internet :
https://www.histelfrance.fr/page-559a5c6175340.html
• AASSDN (Anciens et Amis des Services secrets de la
Défense nationale), Les Écoutes. La Source K, le SSC. Ce qu’il faut en
savoir, sans date, Paris, en libre accès sur le site,
https://www.aassdn.org/ECOUTES.pdf.
[10] Source : Archives nationales, documents du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72AJ 76/Dossier IV / Pièce 7, en libre accès sur Internet. On peut discuter le titre de ce document : « Fiches de l’Abwehr sur l’Affaire Keller », car il apparaît que c’est plutôt la Section IV du BDS de Paris, dirigée Par Kieffer, qui instruisit le dossier, en relation avec la Gestapo de Berlin (hypothèse forte, mais ouverte en l’absence d’autres documents d’origine allemande). Cf. également, à la même source, le dossier « 72AJ 76/Dossier IV /Pièce 4, intitulé : « Arrestation de R. Keller (dossier 1147286 à la Surveillance du Territoire) ». Le jour de la dérivation du câble Paris-Strasbourg-Berlin est indiqué au 11 décembre. D’autre documents, parlent du 16 décembre …
[11] Source : Archives nationales, documents du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72 AJ/ 76/ III/ pièce 23, en libre accès sur Internet.
[12] Robert Rouxel, op.cit., p.144-145
[13] Robert Rouxel, ibidem, p.111-112
[14] Archives nationales, documents du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, 72 AJ/ 76/ III/ pièce 21, entretien recueilli par l’historien Henri Michel le 9 mars 1957, en libre accès sur Internet.
[15] Robert Rouxel, ibidem, p.112
[16] Il faut noter que Gérard Hisard a livré un témoignage sonore à l’Institut d’Histoire du Temps présent, mené par l’historien Henry Rousso, où il décrit son passage dans les chantiers de Jeunesse, mais aussi, lors entretiens du centre, consacrés à Sigmaringen. Cf. BNF, Fonds de l’IHTP/CNRS – entretiens (1976-1997), cotes DONAUD1304-99-DONAUD1304-177, Consultable sur le Site : https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc98908n
Sur la traversée de Hisard du reste de l’Occupation, cf. surtout de Patrice Arnaud, « Gaston Bruneton et l’encadrement des travailleurs français en Allemagne (1942-1945) », Vingtième Siècle, revue d’histoire, n°67, juillet-septembre 2000, p. 95-118. Cet auteur s’est entretenu avec Gérard Hisard (1920-2002). Article très précis, en libre accès sur Internet : https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_2000_num_67_1_4597
[17]
Cf. sur le Site Internet, concernant les « titres, homologations et
services pour faits de résistance », à « Gérard Hisard » :
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/client/mdh/recherche_tr
ansversale/bases_nominatives_detail_fiche.php?fonds_cle=24&ref=2806772&debut=0
Cf. aux archives du SHDN, les côtes suivantes du dossier : GR 28 P 4 410/30/ (1945) GR 16 P 294214.
[18] À ce propos, les mémoires de deux journalistes concernés confirment leur lien avec Gérard Hisard :
◦ Jean-François Revel,
Mémoires, Édition intégrale, établie et présentée par Laurent Theis,
Paris, Robert. Laffont, col. Bouquins, 2018, p. 533-534. Ce dernier
écrit à ce sujet : « J’ai souvent vu ce Gérard Hisard, qui vint me
tanner après la publication de la fiche Marchais pour tâcher de me
vendre, sur les hauts faits de celui-ci en 1944 et 1945, d’autres
informations, qu’il proposait également au Point d’ailleurs, mais sans
parvenir jamais à les étayer assez pour que je me risque, pas plus que
Le Point, à les utiliser. »
◦ Jacques Duquesne,
Histoires vraies. Une vie de journaliste, Paris, Albin Michel, 2016,
version ebook non paginée, chapitres : « Georges Marchais, faux déporté
du travail : une histoire déformée de tout côté » ; « Pourquoi certains
scoops font pschitt ». Ce dernier écrit au moment où Le Point chercha à
poursuivre l’enquête précédente de L’Express sur Marchais :
« C’est à ce moment-là que nous, au
Point, reprîmes l’affaire. En partie alertés par une ancien de la DGER
(Direction générale des études et recherche de la France libre à
Londres, commandée par le colonel Passy-Dewavrin), nommé Georges Hisard
[sic]. Celui-ci avait alors “travaillé” notamment sur l’aviation
allemande. Après la publication de l’Express, il avait envoyé à Claude
Imbert un petit dossier qui incita à le recevoir. Et, l’ayant reçu, il
me repassa l’homme et le dossier.
Commença alors une collaboration de
plusieurs années. Nous n’avons jamais, me semble-t- il, payé Hisard
comme pigiste (il était retraité), mais bien entendu, l’avons dédommagé
de tous ses frais. Il avait suivi une piste qui se révéla fructueuse :
celle des usines travaillant pour l’aviation allemande avant et après
la guerre (puisque Marchais, passionné d’aviation avant et après la
guerre, était réapparu dans l’une d’elles en 1947, en France bien sûr).
Ce qui conduisit Hisard à découvrir que, dans l’été 1940, le jeune
(vingt ans) Georges Marchais, alors chômeur dans la région parisienne
(après avoir tenté de se faire embaucher chez Renault), s’était engagé
dans une Frontreparaturbetrieb (ateliers de réparation, sur le front,
de l’aviation allemande, la Luftwaffe) appartenant à une société privée
travaillant pour la Luftwaffe, l’AGO (Aktion Gesselschaft Otto) et
installée dans la banlieue parisienne. Il est habituel dans bien des
pays que les ateliers de réparation ou d’entretien des constructeurs
d’avions suivent leurs appareils en opération. Cet atelier réparait
donc notamment les avions allemands engagés dans la bataille
d’Angleterre durant l’été quarante. Marchais, en s’engageant dans
l’AGO, avait signé un contrat de travail qui permettait à cette
entreprise de le déplacer dans n’importe laquelle de ses installations.
Dans n’importe quel pays, donc, où elle aurait besoin de ses
connaissances concernant tel modèle d’avion. Ce qu’elle fit à la fin de
1942 et qui n’avait rien à voir avec le STO. »
[19]
Les trois rapports en question ont été publié dans l’ouvrage suivant :
Michel Bergès, Le SD en France, III. Interrogatoires du responsable du
KDS de Paris, Helmuth Knochen, et documents complémentaires, Montréal,
Chicoutimi, Classiques des Sciences sociales, Mai 2024, p. 202-174, en
libre accès sur le site Internet :
https://classiques.uqam.ca/contemporains/berges_michel/Le_SD_en_France_vol_3/Le_SD_ en_France_vol_3.html
[20]
Sur le rôle de Gérard Hisard lors de l’instruction et du procès Barbie,
cf. les publications suivantes, la première parlant d’« historien
amateur », la seconde de « chercheur » concernant Hisard :
◦ Jacques Gelin, L’Affaire Jean Moulin. Trahison ou complot ?,
Paris, Gallimard, 2013, cf. notamment les p. 195, 217-219, 512, 515,
532. L’auteur, qui a rencontré Hisard en 1986, a résumé ses positions
sur « son rôle ambigu » notamment dans son accusation de Raymond
Aubrac, dans un entretien avec Marie-Anne Vandroy-Schaumasse du 19
juillet 2013, consultable sur le site suivant de Clionautes :
https://clio-cr.clionautes.org/entretien-avec- jacques-gelin.html
◦ Olivier Wieviorka, « Au
sujet de la sortie de l’ouvrage de Gérard Chauvy, Aubrac, Lyon 1943,
Albin Michel, 1997 », Libération, 15 mars 2007.
[21] Le Point du 21 janvier 1991, n° 957, p. 68-76.
[22]
Cf. Pascale Froment, René Bousquet, Paris, Stock, 1994 ; nouvelle
édition revue et augmentée, Paris, Fayard, Préface de Pierre Laborie,
col. « Pour une histoire du XXe siècle », 2001. Gérard Hisard,
rencontré par la journaliste, lui a confié divers documents, dont un
sur Darlan, une fiche sur Bousquet dressée par l’administration
militaire allemande de Paris, prévoyant à ce dernier « une brillante
carrière ». Enfin, le document concernant Bousquet, signé Himmler et
transmis à Hitler. Elle précise dans la seconde édition de son enquête,
de 2001 :
« Le 21 janvier 1991, Le Point révèle un document apparemment accablant pour René Bousquet : selon un rapport adressé à Hitler par Himmler le 26 décembre 1942, Bousquet aurait dénoncé à Oberg l’existence d’un branchement d’écoutes effectué par des résistants, pour le compte des Alliés, sur le câble téléphonique reliant Paris à Berlin ; l’ingénieur des PTT Robert Keller et ses complices, auteurs de la dérivation, furent arrêtés. Keller ne revint pas de déportation. Le document allemand a été déniché à Coblence par un retraité, Gérard Hisard. En même temps que Le Point, le bulletin de l’Amicale des anciens des services spéciaux, animée par le colonel Paillole, publie ce rapport. René Bousquet accueille la nouvelle avec stupéfaction. »
[23] Jean-François Revel, Mémoires, Édition intégrale, op. cit., p. 533-534.
[24]
Sur ladite conférence, cf. notre article paru sur le site de
l’Association Hsco (Pour une Histoire scientifique et critique de
l’occupation) le 24 janvier 2025 :
https://hsco-asso.fr/la-conference-de-presse-de-pierre-laval-du-13-decembre-1942/
[25] Pierre Nicolle, Cinquante mois d’Armistice. Vichy, 2 juillet 1940-26 août 1944. Journal d’un témoin, Paris, Éditions André Bonne, 1947, Tome 2, p. 76-78.
[26] Galeazzo Ciano, p. 479, Journal, t. II, 11 juin 1940-8 février 1943, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2015, consultable sur le site Open Editions :
http://books.openedition.org/pumi/12649
[27] Galeazzo Ciano, Ibidem, p.479-480
[29] Cf. Otto Abetz, Histoire d’une politique franco-allemande, 1930-1950, Paris, Stock, p. 283-285.
[30] Barbara Lambauer, Otto Abetz et les Français, ou l’envers de la collaboration, Préface de Jean-Pierre Azéma, Paris, Fayard col. « Pour une histoire du XXe siècle », 2001, notamment les p. 629-630.
[31] Barbara Lambauer, ibidem, p. 631-632.
[32] Selon le compte-rendu autorisé du Matin du 22 décembre 1942, en libre accès sur le Site Internet Gallica de la Bibliothèque nationale de France (BNF).
[33] Ce sont les termes même du chapitre des mémoires précitées de Jacques Duquesne, récepteur des «révélations de Gérard Isard».
[34] Colonel Paul Bernard, « La Saga Verneuil », Bulletin n° 155 de l’Association des anciens des Services secrets de la Défense nationale (AASSDN), en libre accès sur le Site Internet : https://aassdn.org/xlde11551.htm
[35] Source Le Matin, 21 décembre 1942, p. 1, consultable en libre accès sur le Site « Gallica » de la BNF.
[36] Source, « France : Liberté, Égalité, Fraternité », quotidien des Français de Londres, consultable sur le Site Internet « Gallica » de la BNF.
[37]
Cf. Michel Bergès, Le SD en France, Volume documentaire III, Herbert
Hagen. L’interrogatoire. Direction de la Sûreté du Territoire, Paris,
1947, Février 2024, p. 25-26. En libre accès sur le Site Internet des «
Classiques des Sciences sociales », Universités de Montréal et de
Chicoutimi au Québec :
https://classiques.uqam.ca/contemporains/berges_michel/Le_SD_en_France_vol_2/Le_SD_
en_France_vol_2.html
At the end of 1941, Captain Edmond Combaux, Signals Officer, was assigned to the PTT (Postes, télégraphes et téléphones, the French administration of postal services and telecommunications) because of the downsizing of the Army required by the Armistice of June 22 1940. Combaux and Captain Léon Simoneau, an officer of the Army Intelligence Service had the idea to set up wiretaps to spy on German communications that had requisitioned most of the long-distance telephone lines in the Zone Occupée. This telephone network was maintained by the French PTT administration.
Combaux found complicity among the PTT staff including engineer Robert Keller and his team whose job was to intervene in the field, often at the request of the occupant to repair breakdowns or make new connections. A suburban house was rented along the Paris-Metz underground cable. in Noisy-le-Grand, in the name of Robert Jung who was the first operator trained by Simoneau. The operators were actually required to understand the German perfectly and to be skillfull in stenodactylo, but also to have a good knowledge of the operating structures of the German command. It was also necessary to develop a number of equipments, including high impedance amplifiers so that the Germans could not detect any anomaly on the cables.
On April 15, 1942, Robert Keller created an artificial defect on the Paris-Metz cable and received therefore a complaint from the Feldschalt-Abteilung, the German Direction of the long-distance lines. He was then given a proper mission order and began works at the vicinity of the cable route and opened several trenches, one of which was located by the Noisy-le-Grand rented house. On the night of April 18 to 19, Keller, Guillou and Matheron carried out the branching of 70 wires out of the 97 that were contained within the cable, benefiting from the complicity of both "verifiers" based in the repeater centers flanking Noisy-le-Grand: Lobreau at Paris-Saint-Amand center and Fugier in La Ferté-sous-Jouarre center. Both lobreau and Fugier were constantly surveyed by German technicians. The technical job was achieved quite successfully. At five o'clock in the morning, the branching was over, the cable was coated again in a sheath and the trench was closed. The 70 lines selected were those corresponding to the Kriegsmarine, Luftwaffe, Wehrmacht and Gestapo connections between Paris and Berlin.
Edouard Jung, who had an official front as an insurance agent, began his tapping work on April 20. He was then the single operator, but was quickly supported by Robert Rocard, brother of the physicist Yves Rocard and uncle of the future french prime minister Michel Rocard. In July 1942, a third operator joined the team, Prosper Riss. The work of the operators was very tiring, because not only did they spend a lot of time listening to the german communications, but then they had to retranscribe the records of the tapping with invisible ink.
Combaux used employees of the French railway compagny SNCF to send the tapping reports to Simoneau, in the Zone Libre. Simoneau and his chief, Colonel Rivet, sorted out this information, which then could be passed on to the chief of staff of admiral François Darlan, then commander-in-chief of the Vichy armed forces, or transmitted to the British through the various channels of communication between MI6 and the French intelligence agencies.
According to Edmond Combaux, the information provided was regarding the setting up and transformation of German large units of both the Wehrmacht and the Luftwaffe, submarine bases, assessments of the quality and behavior of leaders. Very top leaders were listened to: Hitler, Goering, Keitel, Von Rundstedt, Jödl, Stülpnagel ... The reports on the Dieppe operation in August 1942 revealed how all the German units reacted to this kind of events.
Tapping on the Paris-Metz line continued for five months, but the security of the house of Noisy-le-Grand became more and more threatened: the Germans had decided to establish a major unit east of Paris, in the area of Noisy-le-Grand, and for this purpose, they set up a vast operation to seek new cantonments and began to requisition housing. In the vicinity of the house rented by Jung, people were claiming to the town hall that before requisitioning the dwellings of the Noisy inhabitants, it would be better to take an interest in this house frequented by suspicious individuals. Combaux then decided to withdraw from this Noisy clandestine tapping station, and on the night of September 16 to 17, Keller and his team erased all traces of the branching.
This withdrawal of the Noisy station accelerated the execution of another similar operation on the Paris-Strasbourg cable. On the same model as in Noisy-le-Grand, a suburban house was rented by Prosper Riss, along the Paris-Strasbourg cable route. The Noisy amplifiers were installed in the new plant and the tapping was operational after Keller and his team achieved the branching on the night of December 16 to 17. Jung, Riss and Rocard could start their listening sessions, but between the cessation of Noisy's tapping and the commissioning of those of Livry-Gargan, the Zone Libre was invaded by German troops following the Anglo-American North Africa landing. French intelligence officers were pursued by the Germans. Combaux failed to trace his colleague Simoneau in Vichy. He left for Lyon on December 22nd, and when he came back on the 25th, he learnt that Keller had been arrested. On the morning of the 24th, when he had come to Livry-Gargan for service, Rocard was met by German soldiers but he managed a narrow escape.
Keller, Guillou, Matheron and Lobreau were
deported and only Lobreau survived the deportation.
Edmond Combaux crossed the Spanish border in January 1943, then went on to London, joined the Free French Forces and was then assigned to the Free French BCRA (central bureau of Intelligence and Operations). In 1946, he reported that in May 1944 a senior officer of the British Admiralty told him that the information of "Source K" had proved of paramount importance. Leon Simoneau crossed the spanish border, like Combaux, in the course of January 1943, but joined his chief, Colonel Rivet, in Algiers. In April 1944, in a context of rivalry between the BCRA and the former intelligence services of the French Army, de Gaulle retired Rivet with the rank of general (actually, a dismissal) and promoted Simoneau at the head of SR Guerre (The intelligence agency of the french army) by transforming this body into SR "operationel" (SRO) of B army (future army of de Lattre who landed in Provence in august 1944), in formation. Simoneau died on April 7, 1993, and he had, in the words of Paul Paillole, kept his lucidity and exceptional confidence until his death… But he never left any testimony concerning the source K.
It remains to be seen how the Gestapo (it is
indeed the Gestapo and not the Abwehr who intervened) was put on the
trail of Robert Keller and the house of Livry-Gargan. Raymond Ruffin,
the historian of the K source, who exploited essentially the 1946
report of Combaux, mentions an
investigation after the Liberation which would have shown that the
Gestapo was convinced a few days before the arrest of Keller, that
there was a leak on the Paris-Strasbourg line.
On January 21,
1991, Le Point, a french weekly magazine published a
compromising document regarding René Bousquet, The Secrétaire Général of the french Police under Laval
government in 1942.This was a report from Himmler to Hitler
dated 26 December 1942
Das Reichsführer-SS Report to the führer,
december 26 1942 Subject: The installation of a branching on the main Paris-Strasbourg-Berlin telephone link
[... ]On
21 December 1942, the Secrétaire Général
of the French police Bousquet [...] informed SS-Brigadeführer Oberg
that a connection had been made to the main cable of the Wehrmacht
Paris-Strasbourg-Berlin [...]
|
This summary is drawn essentially from the book written by Raymond Ruffin, Résistance PTT, Presses de la Cité, 1983, which quotes as sources, concerning the Source K:
- Report of Henri Michel (Revue des P.T.T.
de France No. 3)
- Report of Colonel Combaux (The Source K, 3-11-1946)
- Notes by Mr. Simon (Keller's Superior) (3-11-1946)
- Documents from the city of Noisy-le-Grand
And some notes from regional correspondents in the
history of the PTT
A documentary based on this
book and broadcast in September 2018 on a French TV channel: “Hitler
sur table d'écoutes”. In march 2019, this film can be downloaded on
the internet.
There is no question of doubting the existence of
Source K: A sufficient number of witnesses gave overlapping versions :
The Paris-Metz and Paris-Strasbourg cables were hacked and German
communications were listened to for 5 months on the Paris-Metz line.
We have never found any German archive reporting
tapping of the Paris-Metz line. The Germans may never have known that
they were being heard at Noisy-le-Grand. Maybe they discovered it, but
they preferred not to pass this
information back to Berlin.
Captain Simoneau on whom the tapping reports were
converging left no testimony on this case, unlike his Intelligence
colleagues ; Bertrand or Paillole or Navarre who wrote their memoirs.
It is even more embarrassing that the most important
coup performed by the French intelligence services is not corroborated
by any English work. To date, it seems that no English-speaking author
has ever mentioned the K Source. Namely, Simon Kitson, who published
his PhD work (The Hunt for Nazi Spies, University of
Chicago Press ,2008 ) dealt a lot with the intelligence services of the
Vichy army but did not mention the source K.
Many thanks to Arif Husein for his work in proofreading and correcting English
Ce texte en anglais est un résumé succinct de ce que l'on sait de la source K. Il a pour but de porter à la connaissance des historiens anglophones ce que l'on sait de la Source K dans le but de susciter des recherches dans les archives britanniques car il est vraiment génant de n'avoir aucune confirmation de l'apport de la source K aux Britanniques.
Je serai également heureux d'avoir des contacts avec des historiens ou des amateurs français. Bien des questions se posent sur le rôle exact du capitaine Simoneau.