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est constituée d'extaits du livre "La Direction du PCF dans la Clandestinité (1941-44)"
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La drôle de guerre et l'évasion
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Jeunesse, la guerre d'Espagne
Fils, petit-fils, arrière-petit-fils de mineurs, le jeune Auguste, après
avoir quitté l'école à 12 ans, aurait dû, lui aussi, venir grossir la
corporation des garçons bouchers, mais la tentative avorta, il quitta sa place
d'apprenti boucher après s'être rendu compte que son patron n'envisageait pas
de le payer. A 13 ans, il descend à la mine, mais dès quatorze ans, il met également
fin à sa carrière de mineur.
En février 1937, Auguste Lecoeur, 26 ans, était doubleur aux laminoirs et tréfileries de Lens, c'est-à-dire que dans un vacarme infernal, il découpait à la cisaille le ruban métallique qui sort du laminoir. Communiste, mais surtout responsable syndical à l'échelon du département, il avait passé son certificat d'étude à l'armée, pour pouvoir lire des ouvrages marxistes. Des responsables communistes l'attendaient à la sortie de l'usine "Viens, on a quelque chose à te dire, parlons en marchant... La qualité de beaucoup de volontaires des brigades internationales laisse à désirer, on a besoin de cadres pour lutter contre la démoralisation créée par les anarchistes et les trotskistes... Réfléchis et donne-nous ta réponse ce soir." Le 19 février au soir, soixante militants quittaient le siège du Parti, direction Perpignan, accompagnés par Léon Mauvais, membre du Comité Central, dirigeant de la CGT, membre de l'ISR, l'Internationale Syndicale Rouge, le pendant syndical du Komintern. La base des brigades à Albacete étaient sous l'autorité d'André Marty , inspecteur général des Brigades Internationales, membre du Bureau Politique du Parti et membre du secrétariat exécutif de l'IC. Marty était un caractériel, mais Staline reconnaissant à l'ancien mutin de la mer Noire de son geste de solidarité vis-à-vis de l'URSS lui gardera sa confiance. C'est dans cet environnement qu'Auguste Lecoeur fit ses classes dans le contre-espionnage et la police interne, mais il demanda à être muté sur le front et combattit à Pena Roya, et à Brunete. Il fut l'un des soixante et un rescapés des 380 combattants de son bataillon. En octobre 37, la fin des brigades internationales ayant été décidée en haut lieu, il organisa les comités d'aide à l'Espagne du Pas-de-Calais et devient rapidement premier secrétaire du département.
La drôle de guerre et l'évasion
En septembre 1939, Auguste Lecoeur n'est pas encore un dirigeant national, mais il est quand même secrétaire fédéral du Pas-de-Calais. Après l'annonce du Pacte germano-soviétique, Auguste poursuit la diffusion de "l'Enchaîné", le journal communiste du Nord, et participe à des réunions pour la défense du pacte. C'est pourquoi, lorsqu'il fut mobilisé, il se retrouva dans une "prison départementale militaire", gardé par des gendarmes débonnaires, jusqu'au mois de janvier. Ensuite, il fut affecté dans une compagnie qui tenait position sur la ligne Maginot.
Auguste Lecoeur, se retrouve au mois de juin avec dix mille autres
prisonniers dans un camp de Meurthe-et-Moselle.
"L'état
d'esprit était tel, dans ce camp, que personne, quoique ce fut facile, ne
songeait à s'en aller... Je rencontrais un Lensois qui habitait la même rue
que mes parents... Il était persuadé que la liberté était proche et que les
Allemands attendaient seulement la remise en marche des moyens de transport pour
nous renvoyer à la maison... A la dernière minute, je trouvais un Espagnol
qui, à la déclaration de guerre, se trouvait dans un camp de Républicains
installé en France. Nous décidâmes de partir sans délai."
Lecoeur et son camarade Espagnol s'infiltrent dans une équipe de
volontaires pour une corvée aux champ. Il s'agissait de détruire les
doryphores un par un. Dés la première matinée, ils faussent compagnie aux
soldats allemands qui les surveillaient paresseusement en s'enfonçant tout
simplement dans un champ d'avoine qui les mène à un petit bois. Le 12 juillet,
Lecoeur entre dans Paris par la Porte de Vincennes sur une bicyclette trouvée
à Provins. Le 14, par un coup de chance, il croise sur les grands boulevards
Jean Jérôme qui l'aiguille sur Jean Catelas
désireux
de renouer des contacts avec la région du Nord Pas-de-Calais d'où est
originaire Lecoeur.
De retour dans le Pas-de-Calais le 20 juillet, Lecoeur fut consterné par l'état de sa fédération, où tout le dispositif clandestin mis en place avant-guerre avait été démantelé par la défection de ses deux responsables, et où les dirigeants de la fédération vivaient légalement, chez eux. Le Nord vivait la semi-légalité au diapason avec Paris.
Lecoeur reprit ses fonctions de
dirigeant de la fédération du Pas-de-Calais, et un peu plus tard, il devint
secrétaire de l'inter-région 5, celle qui comprend le Nord et le
Pas-de-Calais. Entre temps, il aura été un des principaux animateurs de la
grande grève des mineurs de mai-juin 41. Cette grève représenta, dans les
premières années de l'occupation, le seul mouvement de rébellion d'une
certaine ampleur développé sur le territoire national. L'organisation
syndicale clandestine qui s'était mise en place dans le bassin minier, les
C.U.S.A. (Comités d'Unité Syndicale et d'Action),
avait, dés la fin 40, développé en-dehors des directives nationales
une ligne revendicative qui n'excluait pas l'affrontement avec les Allemands.
Les traditions patriotes étaient plus vivaces qu'ailleurs dans cette région
qui avait déjà connu l'occupation pendant la première guerre mondiale et qui
de surcroît était directement rattachée à l'administration allemande de
Bruxelles. Les conditions de vie sont aussi dures que dans tout le pays, mais
les allemands maintiennent les cadences de production à un niveau extrêmement
élevé. A la suite d'un incident banal entre des mineurs et un chef porion, le
débrayage de la fosse numéro
7 de Dourges s'étendit en quelques jours à tout le bassin minier. Lecoeur et
la direction des CUSA avaient lancé le mot d'ordre de grève. Les mineurs
obtinrent rapidement satisfaction, mais les allemands se lancèrent ensuite dans
une sanglante chasse aux meneurs. Jusqu'à la fin de l'occupation, la résistance
ouvrière demeura Particulièrement vivace dans la région du Nord.
Lecoeur va devenir de plus en plus important à partir de la mi-42, bien que
l'ordre hiérarchique ne le place qu'en quatrième position. Appelé par Duclos,
en mai 42, à prendre en main l'organisation du Parti, en remplacement de Jean
Laffitte
,
arrêté très peu de temps après sa prise de fonctions, vers la même époque
que son camarade responsable des cadres, Robert Dubois
.
La période Lecoeur, qui couvre les deux dernières années de la guerre fait
suite aux périodes Tréand
et
Dallidet.
Le premier objectif que s'assigna Lecoeur quand il prit ses fonctions fut
de mettre un terme à l'hécatombe qui frappait les cadres dont le niveau de
responsabilité était situé à l'échelon immédiatement inférieur au secrétariat.
A l'exception du triangle majeur, la direction du Parti avait été complètement
démantelée avec les arrestations de Catelas
,
Cadras
,
Dallidet, Bréchet, Laffitte
et
Dubois
pour
ne citer que quelques uns des plus importants. Les impératifs générés par la
volonté de maintenir en fonctionnement un Parti centralisé tout en préservant
efficacement la direction suprême conduisaient à exercer une pression énorme
sur ces cadres de niveau intermédiaire. La survie même du Parti impliquait de
protéger plus efficacement ceux pour qui l'esprit de sacrifice était inhérent
à leur engagement dans la résistance. Voici deux témoignages qui illustrent
certaines habitudes à risque. D'abord celui d'Ouzoulias concernant Arthur
Dallidet.
La scène se passe en août 41, au café "le François Coppée" où
Danielle Casanova a organisé une rencontre entre Ouzoulias, Hénaff
et
Dallidet:
"...Avec son bec-de-lièvre,
Arthur
Dallidet
était un homme qu'on n'oublie pas. Je fus surtout impressionné par sa façon
de brasser les mille affaires du combat clandestin, les réglant avec le minimum
de mots... Le rendez-vous du François Coppée me montra le point de saturation
où en était arrivé Arthur Dallidet. Ce n'était pas un bon exemple de se réunir
à quatre responsables dans un café, d'autant que ce soir-là, dans ce même
endroit, à certains clins d'oeil et à l'allure d'autres clients, nous n'étions
visiblement pas les seuls à l'attendre...".
Le deuxième témoignage, émanant de Lecoeur lui-même, montre que le
café François Coppée a dû faire de bonnes affaires pendant ces années-là.
L'action se passe au début 42, quand Lecoeur était responsable de l'inter-région
5:
"... Un matin, Breton (Robert Dubois
),
responsable national aux cadres, qui avait succédé à Dallidet après
l'arrestation de celui-ci, me donna rendez-vous au café François Coppée. Il
me demandait une liste de militants du Pas-de-Calais susceptibles de prendre des
responsabilités dans d'autres départements. Comme il me fallait réfléchir,
nous convînmes de nous retrouver une heure plus tard au même endroit.
J'achetai un journal et m'installai à l'intérieur du café pour préparer mes
propositions. A trois reprises, je vis passer Breton sur le trottoir, accompagné
à chaque fois d'interlocuteurs différents..."
Lecoeur était un dur, un homme à poigne, il parvint à imposer les règles
minimum de sécurité, en dépit des contraintes de travail qui pesaient sur
tous les cadres.
"...J'imposai une discipline rigoureuse. Pour commencer, je fis suivre
tel ou tel camarade responsable par un camarade de mon service. Au début, il ne
s'apercevait de rien et se montrait tout étonné quand je lui rendais compte
minute par minute de son emploi du temps pour tel jour. Par la suite, ils se méfièrent
tous et se montrèrent plus prudents, ce que je désirais. J'interdis
progressivement aux responsables les rendez-vous dans les cafés de Paris ou aux
stations de métro, puis, en fin de compte, tout rendez-vous dans Paris. Peu à
peu, ces consignes furent respectées par les militants de toutes les fédérations..."