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Gaston Cusin et l'Enigme des trente tonnes d'or
Emmanuel de Chambost (Janvier 2005)
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L'énigme Cusin
Résumé de la Biographie, de Gaston Cusin, d'après le Maitron |
Quand on cherche trace de Gaston Cusin sur le Net, on tombe sur Papon, et pourtant, Cusin, c'est quand même autre chose. Cette page vise d'abord à réparer cette injustice, et ensuite à poser ce qu'il faut bien appeler "l'énigme Cusin"
Gaston Cusin est reconnu comme un acteur important de l'Histoire du milieu du XXe siècle pour son rôle de premier plan dans la mise en place d'un formidable réseau de "douaniers-contrebandiers" qui permit, en collaboration avec le Kommintern, de tourner le blocus des armes officiellement décrété vis-à-vis de l'Espagne par le gouvernement du Front Populaire et de permettre à Léon Blum de soulager sa conscience. Gaston Cusin est également connu comme Commissaire de la République dans la région de Bordeaux, nommé à ce poste par le Général de Gaulle en Octobre 43. Entre ces deux périodes, son action dans la Résistance reste assez obscure - Tout au moins, dans la présentation qu'en donne le Maitron (Voir ci-dessous), mais je ne connais pas d'autres ouvrages publiés avant 1998 qui développent une présentation plus détaillée de l'action de Cusin pendant l'occupation.
En 1998, dans "Vies et Morts de Jean Moulin", Péan fait état, entre autres, d'un détournement de trente tonnes d'or au profit de la France Libre. Trente tonnes d'or, ce n'est pas rien, ça représente, à cette époque-là quelque 1,2 milliards de Francs, à comparer avec un salaire ouvrier moyen de 2000 francs - de quoi payer 50000 personnes pendant un an. Avec ça on ne devient pas une grande puissance, mais on gagne une certaine indépendance vis-à-vis des Anglais. Ces trente tonnes d'or, je n'en trouve pourtant pas trace dans la littérature de la France Libre. Pas de références à l'action de Cusin - Mais je ne connais pas tout.
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EdC, 15 Janvier 2005
Résumé de la Biographie, de Gaston Cusin, d'après le Maitron
Dans le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (Maitron), l'article Gaston Cusin est rédigé par Claude Pennetier. Voici un résumé de cet article
Gaston Cusin naquit en Haute-Savoie le 15 Juin 1903 dans une famille de douaniers : « fils, deux fois petit-fils et neveu de douaniers », aimait-il à répéter. Son père et son oncle prirent part aux activités des Amicales et premier syndicat des douanes. Après des études secondaires au lycée Berthollet d'Annecy, Gaston Cusin devint, par concours, en janvier 1921, contrôleur adjoint des douanes. Il fit son service militaire au 27e Bataillon des chasseurs alpins en 1923 et en sortit sous-lieutenant. Il exerça sa profession à Modane (Savoie), Mulhouse (Haut-Rhin) puis Paris, tout en participant activement au syndicalisme CGT. En poste dans le Sud-Est, il avait été fortement impressionné par les récits de la résistance passive des cheminots italiens pendant la marche sur Rome des 27-29 octobre 1922. Une corporation comme celle des douaniers pouvait se battre avec d'autres armes que la grève traditionnelle pensa-t-il. Aussi, en 1926, organisa-t-il la première grève douanière par application du règlement (appelée couramment grève du zèle). La CGT utilisa ses compétences administratives et financières en le faisant participer, en 1928, à une commission sur le classement dans la fonction publique et, en 1930, aux projets syndicaux de réforme de l'administration et de création d'une école de douanes. Nommé le 1er août 1930 receveur des douanes à Saint-Gingolph (Haute-Savoie), Gaston Cusin fut candidat au concours de l'Inspection des finances en 1934 et 1935. À la même époque la CGT lui demanda de prendre part à des conférences sur la planification et la direction du crédit, avec J. Duret, A. Philip, R. Belin, R. Lacoste Gaston Cusin entra dans un cabinet ministériel dès mai 1936, en qualité de chef adjoint du cabinet du sous-secrétaire d'État aux travaux publics. Il joua un grand rôle à l'époque du premier ministère Blum (juin 1936-juin 1937) comme sous-chef de cabinet du ministre des finances, Vincent Auriol. Il se chargea immédiatement d'organiser la nationalisation de la Banque de France et d'arbitrer les conflits sociaux dans les banques en bénéficiant du soutien de la CGT. Cusin déclara en 1965 avoir été hostile à la multiplication des arrêts de travail décidés pour ce qu'il estimait être des raisons politiques. Avec d'autres experts, il s'intéressait aux thèses économiques de Keynes. Les événements d'Espagne firent de l'ancien douanier un contrebandier pour raison d'État. Léon Blum l'avait choisi comme délégué pour les relations interministérielles avec la République espagnole. Il conserva cette fonction dans tous les cabinets jusqu'en 1939. Le 13 août 1936, il rencontra secrètement Thorez et Duclos : « je leur faisais savoir que pour tout ce qui concernait l'aide clandestine à l'Espagne, je serais le responsable au sein de l'appareil d'État, et le seul désormais auquel il leur était loisible de s'adresser ». Son interlocuteur désigné du côté communiste était Giulio Cerreti dit Allard qui reconnut en Gaston Cusin l'homme de la situation : « Lorsque Cusin répondait oui à une question, aucun ministre n'aurait pu le faire revenir sur sa décision.» Blum posa toujours comme condition au soutien socialiste aux différents ministères à direction radicale, la totale liberté de Cusin, quelles que soient les décisions officielles concernant la fermeture des frontières et la politique du Quai d'Orsay. Utilisant la complicité de ses amis du syndicat des douanes et les renseignements que lui fournissaient les Affaires étrangères, le ministère de la Guerre et la Sûreté nationale, il put faire transiter par la France le contenu de près de quatre cents navires chargés de matériel militaire soviétique. Ses fonctions officielles qui servaient surtout à couvrir ses activités en faveur de l'Espagne républicaine furent successivement: directeur du cabinet du sous-secrétaire d'État aux finances (juillet 1937), chef adjoint du cabinet du ministre du commerce (janvier 1938, le directeur était Jean Moulin), chef de cabinet du ministre chargé de la coordination à la Présidence du conseil (Blum-Auriol) en mars 1938, directeur de l'Imprimerie nationale le 2 Juillet 1938 (Ministère Daladier. Mobilisé le 21 août 1939, il fut affecté, sur sa demande, au 150e Régiment d'infanterie (front de Lorraine) puis, sur ordre, à l'État-major de la 4e armée avec grade de capitaine. Le gouvernement Paul Reynaud le nomma chef du service du blocus le 2 avril 1940, puis, après l'Armistice, le ministère Pétain le rétrograda aux fonctions de contrôleur financier à l'office de navigation. Gaston Cusin entra en contact avec la CGT clandestine et avec les mouvements de résistance Libération-Nord et l'OCM. On note sa présence comme prisonnier politique au camp de Compiègne en avril-mai 1942, arrêté préventivement comme otage. Mais, libéré, il devint, le 1er juillet 1942, chargé de la coordination des services régionaux de l'Économie nationale dans la zone sud. Le réseau de douaniers syndicalistes mis en place pendant la guerre d'Espagne lui servit à nouveau pour créer un service de renseignement et d'aide à la Résistance. De Gaulle le désigna aux fonctions de commissaire régional de la République le 3 octobre 1943 puis, à celles de délégué du Gouvernement provisoire de la République française à la Libération du Sud-Ouest le 28 août 1944. Après la Libération de la France, Gaston Cusin fut un haut-fonctionnaire sans appartenance politique, mais, qui bénéficiait de bons rapports avec les milieux syndicaux et les diverses composantes de la Gauche. Ses principales fonctions furent : délégué du gouvernement provisoire au ministère de l'Économie nationale (1945), inspecteur général de l'Économie nationale (1946), secrétaire général du Comité économique interministériel (1947), président de l'Institut d'émission des États associés d'Indochine (1951-1954), Haut-commissaire de la République en Afrique occidentale française (1956-1958), conseiller d'État en service extraordinaire (1959), et membre du Conseil économique et social de1964 à 1974 d'abord au titre des Territoires et départements d'outre-mer puis au titre des Activités diverses (touristiques). Après la fin de sa carrière publiques, il mena des activités « privées » dans le groupe UYA puis dans l'organisation des distributeurs indépendants du pétrole. Gaston Cusin avait épousé le 6 septembre 1936 Huguette Milet dont il eut une fille : Michèle. Elle se maria en 1960 avec Louis Mexandeau, professeur d'histoire, élu député socialiste du Calvados en 1973 et nommé ministre des PTT en mai 1981.
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Sources citées par Claude Pennetier: « État signalétique des services civils et militaires de M. Gaston Cusin », 8 pages, communiqué par G. Cusin. -- « Allocution de Gaston Cusin à la Direction nationale des enquêtes douanières, le 26 mai 1977, pour l'inauguration de la salle Jean Dorval », 7 pages. -- « Contribution à l'histoire de la politique de la non-intervention : documents inédits », Cahiers Léon Blum, numéros 2 et 3, décembre 1977-mars 1978. -- Actes du colloque Léon Blum chef de gouvernement : 1936-1937, Paris, FNSP, 1967 (intervention de G. Cusin, p. 291-295). -- D. Grisoni et G. Hertzog, Les Brigades de la mer, Paris, 1979 (témoignage de G. Cusin, p. 105-112). -- G. Cerreti, À l'ombre des deux T, Paris, 1973. -- Who's who in France, 1975-1976. -- Témoignage de G. Cusin.
Compléments Biographiques selon Péan
Dans "Vies et Morts de Jean Moulin", Fayard, 1998, Pierre Péan apporte un certain nombre d'éléments supplémentaires
Avril 40, Ministère du Blocus | Les relations avec Moulin |
Gaston Palewski a également poussé son ami Gaston Cusin à entrer au ministère du Blocus et à en prendre la direction effective (Sources, Mémoires d'action, Palewsli ?). De fait, Cusin travaille tout de suite en harmonie avec Jean Laurent, directeur de cabinet du Général de Gaulle, lui-même camarade de promotion du directeur de cabinet du ministre du Blocus avec qui travaille Cusin. Celui-ci réveille un service qui a somnolé tout l'hiver. Il bat le rappel de ses amis douaniers qui l'ont naguère épaulé dans l'aide aux républucains espagnols.. Il s'appuie complètement sur le SR des Douanes. Sur son impulsion, les tankers italiens qui ont constitué pendant l'hiver des réserves d'essence pour les Panzerdivisionen sont arraisonnées à Gibraltar. Il met fin à des exportations de ferraille destinées à la Belgique. Mettant à profit sur place les liaisons de Bizot avec les douanes belges, il commence à implanter un réseau de renseignement à la frontière allemande. Cusin noue également des relations avec Hugh Dalton qui va devenir le patron du SOE, le service anglais chargé de la subversion en Europe occupée (p.222, Source, allocution à la DNED, 77) |
Le 17 Juin, Pierre Cot et Gaston Cusin sont à Bordeaux. (p.243)… Probable rencontre de Cusin avec Antoinette Sachs, l'amie de Jean Moulin. Gaston Cusin fait l'interim du préfet pendant que ce dernier prend un peu de sommeil (p.245)
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Après l'arrivée au pouvoir de Pétain, Gaston Cusin continue ce qu'il considère comme sa mission, confiée par Reynaud et Palewski, à savoir de saboter l'économie allemande et de planquer les résistants potentiels et le matériel " …Il anticipe à l'évacuation d'avions basés à Mérignac; favorise l'embarquement de l'or de la banque de France vers la Martinique et la Guinée; s'occupe avec les Britanniques de la destruction des raffineries, du transfert en Angleterre d'eau lourde, de l'évacuation de chevaux qui auraient pu être utilisés par les Allemands… pour cela, il utilise ses anciens réseaux, rodés pendant la guerre d'Espagne, et notamment "ses" douaniers..." (p.251) Sur la route de Vichy, il fait une halte au château de Querreac, maison de repos des syndicats ds contributions indirectes, pour fêter les soixante ans de Léon Jouhaux. Il y rencontre d'anciennes relations du syndicalisme, Charles Lauren, Robert Lacoste, Pierre Neumeyer (syndicat des fonctionnaires). "là, nous avons fait le point sur toutes les possibilités de compter sur tel ou tel syndicaliste. Certains s'étaient compromis au moment de Munich… On a dressé un inventaire des gens sur qui on pouvait compter, ou tout au moins chez qui on pouvait éveiller une coopération sans se compromettre…" Cusin part ensuite visiter Vincent Auriol à Muret où il rencontre quelques parlementaires qui n'ont pas voté les pouvoirs spéciaux, notamment Léon Blum. Il y a aussi des Belges dont Paul-Henry Spaak A Vichy, le nouveau ministre des finances Bouthillier a décidé de le reléguer à l'Imprimerie Nationale. Cusin se rend donc à Paris pour prendre ses fonctions. Il y apprend que l'Abwehr a essayé, sans succés de trouver son dossier dans le labyrinthe des différentes administrations où il est passé. Bouthilier le mute de l'Imprimerie Nationale à l'Office de Navigation où il constitue un noyau de Résistants, en étroite relation avec Robert Lacoste , Charles Laurent et Léon Jouhaux. Cusin rencontre également Meunier, un ancien de la bande à Cot, qui lui donne des nouvelles de Moulin qu'il est allé voir à Chartres en Septembre. (p.275) Cusin renoue également avec le Suisse René Berthollet, avec qui il avait collaboré pendant la guerre d'Espagne et qui travaille pour l'Intelligence Service. (p.283)
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Cusin avait déjà renoué des contacts avec "son" SR des Douanes quand il était au ministère du Blocus. Des douaniers étaient disposés sur les 70 kilomètres de frontière avec la Suisse. "Ils ont été affectés en priorité à la lutte contre les Allemands. J'ai moi-même continué à considérer ce service comme le service du Blocus, qui de Pétain à De Gaulle, rendait d'autre services…". Ce sont eux qui assurèrent le transfert clandestin de trente tonnes d'or de la Banque de France vers la Suisse pour financer la France Libre. " Les gens qui étaient à Londres n'avaient pas de fonds. Les Anglais leurs payaient bien entendu le vivre et le couvert, mais ils ne leur donnaient pas suffisamment de fonds pour acheter des armes et des radios, alors il leur fallait de l'argent. Les Allemands, eux, n'ont jamais rien compris. Tout se passait à une petite gare sur la frontière suisse. Le chef de cette petite gare était farouchement pétainiste et unpeu idiot. Par conséquent, il ne nous favorisait pas. Mon ancien planton, que mon successeur avait d'ailleurs gardé, avançait l'horloge de la gare endant la nuit. Le ttrain arrivait, on le faisait passer aussitôt de l'autre coté, sans visite. La commission d'armistice arrivait, on disait :"vous êtes en retard, le train est passé. Les Suisses nous ont demandé de la faire passer tout de suite, on ne pouvait pas attendre." On a passé un tas de choses comme ça, grâce auxquelles les Français qui étaient en liaison avec nos services à Berne disposaient de suffisamment d'argent pour pouvoir faire des opérations et ne plus dépendre des Anglais. C'était très important, car les Anglais ne donnaient rien pour rien. Evidemment, nous étions dans la même bataille, mais ils tenaient à avoir le contrôle des gens à qui ils donnaient de l'argent. Ils ne donnaient pas d'argent pour qu'on puisse travailler avec les Américains… Voilà: tout ça, c'était le réseau rodé au cours des évènements d'Espagne…" (p.285) Toujours avec le concours de "ses" douaniers, Cusin a également monté des réseux à la frontière avec l'Espagne. (p.286)
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Cusin revendique d'avoir, avec Ludovic Tron, convaincu Weygand et Noguès (commandant en chef des troupes d'Afrique du Nord) d'avoir une attitude ferme vis-à-vis des Allemands et leur interdire l'accés de l'Afrique En septembre 1940, Cusin est mis au fait de choses si importantes que même cinquante ans plus tard, il ne souhaitait toujours pas en faire état: "A ce moment-là, tout le monde pensait que l'on était au fond de l'abîme et qu'il n'y avait aucune possibilité de remonter rapidement. Notre attitude était tout à fait différente de la panique, parce que nous avions examiné un compte-rendu qui, pour le moment, est encore confidentiel. Quatre personnes seulement en ont eu connaissance, et je pense que cela permet de comprendre les origines de la paléo-Résistance." (p.284)
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Novembre 40: Cusin, Dolivet et Moulin sont en contact, mais chacun œuvre de son coté. Dans leurs récits, Cusin et Dolivet excluent au demeurant un quelconque rapport de dépendance avec Moulin.; ils travaillent avec lui, mais pas pour lui. En novembre, Moulin rencontre Cusin aux Deux-Magots. "Le rassemblement et l'inventaire, c'est ce que nous avons fait immédiatement avec Jean Moulin… Nous avons cherché à rassembler tout de suite, matériellement, avec des moyens d'action, tous les gens dont nous étions sûrs. Ç'a était l'objet d'une recherche. Nous avons pris des contacts avec Jean Moulin. Nous avons repéré l'un et l'autre, compte-tenu de notre expérience de l'archéo-Résistance: on savait quels étaient les préfets résistants, les cheminots résistants. On marchait sur un terrain encore solide…" Dans ses interviews, Gaston Cusin a situé toutes les actions menées depuis son départ de Bordeaux dans le cadre d'un combat commun avec Jean Moulin, comme si elles s'inscrivaient tout simplement dans le prolongement de la lutte menée dans lea clandestinité quelques années plus tôt. Péan n'a pas réussi à en savoir plus sur la rencontre des Deux-Magots (p.293)
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A partir de novembre 40, Gaston Cusin ne revoit plus Moulin. Jusqu'à sa nomination comme commissaire de la République à Bordeaux, il reste un "electron libre" de la Résistance. On étiquette Cusin "Libé-Nord", mais il n'a jamais appartenu formellement à un réseau ou à un mouvement. Il semble qu'un certain nombre d'envoyés de Londres rencontre Cusin pour une raison ou pour une autre: Yvon Morandat, qu'il a connu à l'union départementale de Chambéry, Bingen, l'un des successeurs de Moulin, voit également Gaston chez qui il prend son courrier à Vichy. (p.588) Cusin conserve un bureau à Vichy, mais il n'y va qu'épisodiquement. Il a toujours affirmé avoir trouvé dans l'administration beaucoup de dévouement et d'aide, y compris chez les gens mal catalogués: "Même autour du maréchal Pétain, il y avait des gens qui nous aidaient." Grâce à une carte de circulation et à un ordre de mission, il transmet les renseignements des uns aux autres. Arrêté et interné pendant un mois à Compiègne, il est libéré sur l'intervention d'amis du ministère des finances. Pendant toute la guerre, Cusin utilise ses propres réseaux de douaniers et de syndicalistes. Il reste en contact avec Robert Lacoste, et c'est à son domicile, rue des Arcs, qu'Alexandre Parodi et Lacoste confient à Mme Cusin un message destiné à Londres, demandant que les allocutions et communiqués du Général ne se terminent plus par "Honneur et Patrie", mais par "Vive la France! Vive la République!", et que référence soit faite à la IIIe République - à défaut de quoi "Ils iraient voir une autre personne"! Cusin participe à certaines études sur l'économie de la France d'après guerre. Connaissant bien la "carte" de fonctionnaires sur lesquels on peut compter, il propose un certain nombre de noms qui seront repris par Lacoste, puis par Michel Debré, pour devenir commissaires de la République.. Lui-même sera nommé, dés 1943 commissaire de la République de Bordeaux du fait de ses antécédents espagnols et de ses réseaux dans la région. (p.588) |
Pendant toute la guerre, Cusin restera en contact avec les Anglais. Au Blocus, il a travaillé avec Hugh Dalton qui devint responsable du SOE, les réseaux de sabotage que les Anglais veulent mettre sur pied en Europe occupée. Hugh Gaitskell, le chef de cabinet de Dalton était une relation syndicale de Cusin. Un peu plus tard, il sera en relation avec Tony Brooks, chef du réseau anglais Pimento. (p.283) |
Péan écrit: " Dans toutes ses interviews - y compris avec moi - , Cusin s'en prenait toujours à la conception "résistantialiste" de l'histoire de cette époque, qui donnait, selon lui, une fausse idée de ce qu'avait été la Résistance en présentant les mouvements et réseaux réseaux comme intégrés au sein d'une vaste armée. Pour lui, tout était fait de relations personnelles, chacun pouvant appartenir à plusieurs réseaux sans parfois même le savoir d'ailleurs. Il insistait beaucoup sur la complexité de cette période où la frontière entre le Bien et le Mal n'était pas si bien définie que les historiens l'avancent aujourd'hui. Il racontait qu'il avait discuté avec le "Diable" et que les "méchants" l'avaient aidé. " (p.283) Après la guerre, Cusin fut d'ailleurs très agacé par la façon dont les "résistantialistes" décrivirent cette période. Lui-même se décrivait comme étant devenu un gaulliste de raison à partir de 1942. "Dans les réseaux actifs de résistance à l'intérieur, jusqu'en 1942, jusqu'à Jean Moulin, il y avait des gens qui n'étaient ni derrière De Gaulle, ni derrière personne. De Gaulle était un concurrent, si l'on peut dire. Nous ne reconnaissions pas du tout De Gaulle. On ne savait pas que c'était intéressant de coopérer avec lui. On ne le reconnaissait pas comme un gouvernement." (p.588)
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Gaston Cusin nommé commissaire de la République à Bordeaux, confirma Maurice Papon dans ses fonctions et le défendra jusqu'à sa propre mort. (p.283) |