| Vichy et la Shoah : réponse à Laurent Joly ( Novembre 2025) |
Accueil
site EdC L'auteur, contact Télécharger le pdf![]() |
|
|
|
| Préambule Comme nous l’expliquons dans l’article ci-dessous, la Revue d’histoire moderne et contemporaine (RHMC) a publié dans une rubrique intitulée Débats et Combats en 2023 un article de Laurent Joly qui répondait à notre livre polémique, Histoire d’une falsification. Vichy et la Shoah dans l’Histoire officielle et le discours commémoratif publié quelques mois plus tôt . Cet article de Laurent Joly peut être consulté en ligne. Au moment de la parution de cet article, il n’y avait pas d’évidence à alimenter cette polémique jusqu’à épuisement des munitions, nous avions écrit notre bouquin en ciblant plus particulièrement Joly, ce dernier avait fait sa réponse, nous étions quitte. Mais des commentaires malveillants, voire diffamatoires sur notre livre et ses auteurs, émanant de personnes qui n’en avaient lu que la recension partisane de Laurent Joly nous ont conduit à répondre sur le fond à ses propos et à rappeler les enjeux d’une polémique. Nous avons donc soumis à la revue RHMC un article de bon niveau, conforme aux instructions données aux auteurs et répondant point par point à Laurent Joly et relevant ses erreurs. Le comité de rédaction de la revue a décidé de ne pas publier notre réponse en ces termes : Chers collègues, Nous avons bien reçu votre demande de publication d’un droit de réponse à la suite de l’article de Laurent Joly. Après discussion de l'ensemble du comité, il a décidé de ne pas y donner suite. Cette décision relève de l’appréciation éditoriale du comité, dans le respect de la politique scientifique de la revue. Étonnante revue RHMC, qui crée une rubrique Débats et Combats qui permet à un historien de traîner l’un de ses collègues dans la boue au terme d’une laborieuse démonstration, mais ne permet pas à ce dernier de lui répondre. Il faut souligner que Jean-Marc Berlière est agrégé d’histoire, titulaire d’un doctorat, professeur émérite, et qu’il a passé une partie de sa carrière sur l’histoire de la Police sous l’Occupation. Étonnante revue RHMC qui prétend que l’article de Laurent Joly a été évaluée selon les règles, mais dont les relecteurs ont laissé passé la fausse citation de Paul Morand attribuée à tort à Pierre Laval et qui ne juge pas opportun de signaler à ses lecteurs l’erreur commise par Laurent Joly. Liens utiles Présentation de notre livre : https://siteedc.edechambost.net/Paxton/Histoire_falsification_Vichy_Shoah.html Article de Laurent Joly (RHMC): https://shs.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2023-3-page-151?lang=fr Vichy et les Juifs : réponse à Laurent Joly texte soumis à RHMC (juillet 2025) Théorie du bouclier et argument du moindre mal, de quoi s’agit-il ?
Quelle polémique ? La querelle des enfants de Juifs étrangers La controverse entre Laurent Joly et Alain Michel Retour sur les questions qui fâchent Sauver les Juifs français, enjeu principal des accords policiers de l’été 1942 ? Le statut des Juifs d’octobre 1940 Refus de septembre 1942 Un État écran ? Sacrifier les étrangers : les déportations de zone sud Voyage dans la tête de Laval La politique de collaboration de Laval |
|
Dans une rubrique intitulée Débats et Combats, la RHMC, a publié en 2023 un article de Laurent Joly qui répondait à notre livre polémique1. Il n’y avait pas d’évidence à alimenter cette polémique jusqu’à épuisement des munitions, mais des commentaires malveillants, voire diffamatoires sur notre livre et ses auteurs, émanant de personnes qui n’en avaient lu que la recension partisane de Laurent Joly nous conduisent à répondre sur le fond à ses propos et à rappeler les enjeux d’une polémique qui, si elle nous paraît normale sur un sujet aussi délicat, gagnerait à éviter des arguments aussi peu pertinents que l’âge et le métier des auteurs. Au terme d’une longue démonstration à charge, l’auteur nous rattache à une lignée intellectuelle pétainiste. Parmi les pièces à conviction à l’appui de cette généalogie peu flatteuse, Laurent Joly monte en épingle le fait que deux d’entre nous sont des amateurs. Or, précisément, il a trouvé dans les années 1980 un autre amateur, Albert Ley, et ce n’était pas un cas isolé, nous précise-t-il, qui envoyait beaucoup de lettres, implorant ses correspondants de « sortir de cette histoire manichéenne ». Dans le monde de Laurent Joly, les historiens amateurs et pétainistes, catégorie dont nous ferions partie, seraient naturellement des « esprits dérangés, monomaniaques passionnés d’histoire, obscurs ressasseurs et infatigables épistoliers » (sic). Rappelons que l’histoire contemporaine bénéficie depuis longtemps des apports d’historiens non institutionnels, dont les travaux peuvent s’inscrire dans des démarches méthodologiquement rigoureuses et nourrir les recherches universitaires. Une chose au moins est exacte dans la recension de Laurent Joly, les trois auteurs font partie de « l’obscure association HSCO », l’une de ces multiples associations où se croisent, pour le plus grand bien de l’Histoire amateurs et professionnels. HSCO est née de la rencontre féconde entre un professionnel, Jean-Marc Berlière, et un amateur Gilbert Moreux frappés par la qualité des recherches et travaux conduits par des amateurs passionnés qui n’avaient besoin que d’être encadrés sur le plan méthodologique et guidés dans le labyrinthe des archives. Un engagement qui ne mérite ni sarcasme ni mépris et a produit des études intéressantes sur des sujets totalement ignorés de la recherche académique2. A titre d’exemple, l’un d’entre nous a abordé dans sa « carrière d’historien amateur », l’histoire de la radioélectricité sous l’Occupation3. Ces recherches ont été l’occasion de mettre en lumière la complexité des situations et des comportements. Dans ce secteur, le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé avec l’occupant était du même ordre de grandeur que dans l’aéronautique, c’est-à-dire qu’il pouvait atteindre 80 %. Assez logiquement, les filiales les plus engagées dans l’effort de guerre allemand étaient plus en mesure de mettre leurs salariés à l’abri du STO que les filiales qui étaient restées cantonnées à des activités purement civiles. Dans la région parisienne, la Compagnie Sans Fil (CSF), ancêtre de la société Thales, mettait à profit les recettes relativement confortables réalisées sur le marché allemand pour mener des activités de recherche qui employaient un certain nombre de scientifiques juifs exclus de l’Université. Dès la fin de 1940, la direction avait proposé à tous ses employés israélites une affectation à Lyon, en zone non occupée. Un certain nombre de faits mis en lumière dans cette histoire de la CSF illustraient ce que le sens commun laisse prévoir : en termes de souffrance amoindrie et d’avantages immédiats, la soumission est un meilleur choix que la rébellion. Ce constat banal n’en recèle pas moins un paradoxe : d’une certaine façon, toute collaboration contient en germe la possibilité d’une résistance sous forme de défection. De notre point de vue, l’établissement des faits et leur contextualisation doivent prendre le pas sur l’expression d’exigences morales a posteriori portant sur des choix effectués dans une situation de contraintes extrêmes. Théorie du bouclier et argument du moindre mal, de quoi s’agit-il ?Au terme d’un numéro de prestidigitation historiographique qui touche parfois à la virtuosité, Laurent Joly nous fait donc apparaître comme le dernier maillon d’une chaîne pétainiste, s’accrochant à une thèse dite du bouclier dont l’avant dernier maillon aurait été un livre d’Alfred Fabre-Luce publié en 19794. Pour discuter de la pertinence de rattacher notre modeste ouvrage à une « théorie du bouclier », il importe de bien définir quel sens on donne à cette appellation. Auparavant, revenons sur ce qui fut l’évènement déclencheur de notre livre, le discours du président Macron le 17 juillet 2022 à Pithiviers : « … Car pas un seul soldat de l'Allemagne nazie ne prit part à la rafle des 16 et 17 juillet 1942. Tout cela procédait d'une volonté et d'une politique gangrenée par l'antisémitisme, initiée dès juillet 1940 et dont les racines plongeaient dans les décennies de notre histoire qui précédaient. Le 3 octobre 1940, de sa propre initiative, l’État français avait institué un statut particulier des Juifs, un statut que le maréchal PÉTAIN, de sa main même, avait rendu encore plus odieux. Après la rafle du Vel d'Hiv, l'Etat français persista avec la livraison aux Allemands en zone occupée de 10 000 Juifs étrangers de la zone libre... » En partant d’une constatation juste – pas un seul soldat allemand ne prit part à la rafle des 16-17 juillet 1942 – le discours présidentiel enchaînait sur une logique génocidaire émanant du gouvernement de Vichy dès juillet 1940. Face à cette distorsion de l’histoire, nous avons choisi de réagir et de relever les écarts à la vérité historique en rappelant que la rafle dite du Vel d’hiv avait été initiée par une décision allemande de mettre en œuvre en juin 1942 le processus d’extermination des Juifs dans toute l’Europe de l’Ouest, en particulier en France. Ce faisant, nous avons donc été amenés à revoir le rôle des dirigeants de Vichy par rapport à ce que laissait accroire le discours présidentiel. De ce fait, nous nous retrouvons aux côtés des avocats défenseurs de Laval ou de Pétain dont le rôle était de minimiser les accusations visant leurs clients. Sous la plume de Laurent Joly, cela revient à faire de nous des adeptes de « la théorie du bouclier et sa jumelle du moindre mal […] définitivement rangées au rayon des idées surannées ». Très concrètement, la référence à une « théorie du bouclier » est devenue un stéréotype polémique visant à déconsidérer les présumés adeptes de cette théorie. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Comment ses contempteurs définissent-ils implicitement la « théorie du bouclier » ? À la fin de La France de Vichy, dans une section intitulée « Vichy a-t-il évité le pire », Robert Paxton a développé une argumentation d’une quinzaine de pages avant de conclure que « la théorie du bouclier ne résiste pas à l’examen ». Pour les besoins de sa démonstration, Paxton avait abordé un certain nombre de sujets : la nourriture, les frais d’occupation, les gains territoriaux, le travail obligatoire, l’extermination des Juifs, et, à en croire sa démonstration, sur aucun de ces points, les dirigeants de Vichy ne pouvaient se prévaloir d’un bilan positif5. Concernant la persécution des Juifs, le seul point qui nous préoccupe dans la polémique avec Laurent Joly, Paxton évoquera à nouveau en 1981 « la théorie du "bouclier" qui consistait à envoyer certains juifs à une mort certaine afin d’en sauver un plus grand nombre d’autres » et, pour gagner du temps, sautons en 2015, à la réédition de son livre écrit avec l’historien canadien Marrus : « Il reste la théorie du « bouclier » qui prétend que Vichy a essayé dès le début de sauver les Juifs de nationalité française, aux frais des Juifs de nationalité étrangère [En note de bas de page : « telle est l’hypothèse d’Alain Michel »]. Compte tenu des mesures prises par le régime de Vichy entre juillet 1940 et la fin de 1941 qui excluaient les Juifs de nombreux emplois et professions, les recensaient, les marquaient et les expropriaient de leur propriété et qui s’appliquèrent autant aux Juifs de nationalité française qu’aux Juifs de nationalité étrangère, cette hypothèse tient difficilement debout. De plus, les déclarations des autorités françaises chargées de l’application de ces mesures révélèrent une grande hostilité aux Juifs de vieille souche française, surtout de gauche, comme Léon Blum […] C’est seulement quand d’éminents Juifs français commencèrent à être arrêtés par la police allemande en décembre 1941 et à être déportés au printemps 1942 que le régime tenta d’éviter, ou, au moins de limiter la déportation de ses propres citoyens. Même à ce moment-là, Vichy semblait réagir davantage à une atteinte portée à son honneur et à sa souveraineté qu’au sort des personnes menacées. Laval et Pétain n’ont jamais réussi à conclure un accord en règle avec les Allemands limitant la déportation aux Juifs étrangers ; au contraire, ils ont été avertis par eux qu’en dépit des reports, ils s’empareraient en fin de compte de tous les Juifs de France. [...] Comment croire que Vichy a obtenu de haute lutte ce que les Allemands ont accordé librement à la Belgique dont le gouvernement se trouvait à Londres ? »6 Dans la réédition de 2015, ce ne sont donc plus les plaidoyers pro domo des anciens dirigeants de Vichy qui sont visés, mais l’historien Alain Michel, et son ouvrage Vichy et la Shoah, paru en 2012 dans lequel l’historien franco-israélien qui s’était fait connaître pour sa thèse sur les éclaireurs israélites avait écrit à propos des négociations de juillet 1942 : « Pourquoi Vichy accepte-t-il ce compromis ? C’est parce que cela lui permet de réaliser trois objectifs poursuivis depuis le début : se débarrasser des Juifs étrangers, protéger les Juifs français, et renforcer son autorité sur tout le territoire français, et pas seulement dans la zone libre ... »7 En fin de compte, il est bien fondé de considérer que sous la plume du Paxton du XXIe siècle, la « théorie du bouclier » s’identifierait aux idées défendues par Alain Michel en 2012. Dans son article de 2023, Joly considère que la « théorie du moindre mal » serait la jumelle de la « théorie du bouclier», et si l’on s’en tient à la définition du « moindre mal » qu’il avait donnée en 2018, « Mais l’argument le plus rebattu est assurément celui du Vichy "moindre mal" qui aurait livré les juifs apatrides aux Allemands afin de "sauver" les français.», les adeptes du « moindre mal » selon Joly ressemblent comme des frères aux adeptes du bouclier selon Paxton8 , mais la confusion entre les deux termes est source de confusion globale. Sans vouloir ergoter sur des questions terminologiques, disons qu’il est discutable de poser une quasi-équivalence entre deux termes qui recouvrent des notions de natures fondamentalement différentes. La notion de « moindre mal » revêt nécessairement un sens moral : elle implique l’existence d’un mal, moins grand qu’un autre mal qui aurait été évité. La notion de bouclier désigne un simple effet protecteur. D’après Joly, la thèse du « moindre mal » aurait été celle de Pierre Laval au moment de son procès et de Raul Hilberg dans les différentes éditions de son œuvre majeure connue en français sous le titre La destruction des Juifs d’Europe. Nous reviendrons sur l’analyse de Hilberg, mais la référence à Laval pour cette formulation du « moindre mal » est de fait pertinente, tout au moins si l’on se réfère à l’opuscule Laval Parle publié en 1948 et que la fille de Laval présente comme la transcription de notes écrites en prison par son père à destination de ses avocats9. Laval y revendique clairement d’avoir fait une politique de « moindre mal » : Il a fait le maximum pour ce qu’il appelle ses « nationaux », dont il avait la garde, mais par contre, il n’a pas pu sauver les Juifs étrangers. Il n’est pas inintéressant de revenir sur quelques-uns des arguments que Laval propose à ses avocats en ce qui concerne la persécution des Juifs : - J’ai refusé en 1943 de signer la loi de dénaturalisation. J’invoquai en dernier lieu la compétence du maréchal et je finis par décourager les Allemands. De temps en temps, à des conférences de presse, je prononçais quelques phrases qui pouvaient leur être agréables. - En juillet 1942, Le colonel Knochen m’a notifié la décision de gouvernement allemand de déporter tous les Juifs qui se trouvaient en France. Le général Oberg m’a dit « Les trains sont prêts, nous devons les remplir. La police doit se mettre à notre disposition sinon nous arrêterons les Juifs, qu’ils soient ou non français. Je voulais avant tout, à défaut de mieux défendre nos nationaux, et c’est dans ces conditions que notre police, si elle intervint, eut à agir sous la contrainte et la menace de voir frapper les Juifs français. - Je ne puis accepter la responsabilité des mesures qui frappaient les Juifs étrangers. J’ai tenté de les sauver. J’ai obtenu que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents, mais je ne pouvais agir autrement que je l’ai fait sans sacrifier nos nationaux dont j’avais la garde. Laval revendiquait clairement d’avoir mené une politique de moindre mal : il a fait le maximum pour ce qu’il appelle ses « nationaux », dont il avait la garde, mais par contre, il n’a pas pu sauver les Juifs étrangers. Au moment des faits, il avait d’ailleurs défendu sa politique de la même façon auprès de différents interlocuteurs français ou étrangers10. On peut contester l’argumentaire du moindre mal de Laval sur le plan factuel ou sur le plan politique et moral. Avant d’avoir connaissance de la copieuse documentation publiée par Serge Klarsfeld en 198311, l’historien de la Shoah Raul Hilberg se référa explicitement à Laval pour sa présentation des négociations entre Vichy et les SS en juillet 1942, mais lorsqu’il eut connaissance des travaux de Klarsfeld, il ne changea point la formulation et continua à se référer aux notes de Laval. Il est vrai que le document présenté par Klarsfeld, le compte-rendu de la réunion du 2 juillet, où face à Knochen et les SS, Bousquet accepta de faire arrêter les Juifs étrangers, était compatible avec les notes de Laval. Dans l’introduction du chapitre de 110 pages consacré au cas français, Hilberg résumait la politique de Vichy avec la formulation suivante : « Les autorités françaises cherchèrent à éviter toute action radicale. Elles reculèrent devant l’adoption de mesures sans précédent dans l’histoire. Quand la pression allemande s’intensifia en 1942, le gouvernement se retrancha derrière une seconde ligne de défense. Les Juifs étrangers et les immigrants furent abandonnés à leur sort, et l’on s’efforça de protéger les Juifs nationaux. Dans une certaine mesure, cette stratégie réussit. En renonçant à épargner une fraction, on sauva une grande partie de la totalité. » 12 Naturellement Hilberg n’a pas qualifié cette politique française de « moindre mal », il n’en est pas moins taxé par Joly de tenant de cette thèse, thèse qui aurait été délégitimée par les travaux de Paxton et Klarsfeld. Dans la foulée, Joly classe aussi Alain Michel parmi les partisans du « moindre mal » 13. Nous récusons nous aussi d’être qualifiés d’adeptes du moindre mal. De notre point de vue, le « moindre mal » s’applique à la politique que Laval revendique avoir menée. Nous nous plaçons nous mêmes dans le camp des historiens qui s’efforcent de cerner la vérité historique dans toute sa complexité et considérons nos adversaires, Laurent Joly en fait partie, comme des procureurs qui réfutent systématiquement tout argument historique qui laisserait entrevoir que la politique des dirigeants de Vichy ait pu avoir, ponctuellement, un quelconque effet positif.
Quelle polémique ?Laurent Joly note que la seconde partie de notre livre relève tout entière de la polémique. Oui, notre livre est polémique. Encore faudrait-il préciser correctement quel en est l’objet. La commémoration n’est pas l’histoire et nous avons tenté de montrer que la vision de l’époque de l’Occupation et la perception de « Vichy » telle qu’elles sont exprimées dans les médias ou dans les discours commémoratifs, évoluent de façon autonome, indépendamment de la progression des connaissances historiques. Nous regrettons que, lorsqu’ils sont convoqués pour conforter les affirmations approximatives des journalistes, beaucoup d’historiens font preuve d’une grande complaisance, prudence ou pusillanimité. A l’occasion des élections présidentielles de 2022 et de la candidature d’Eric Zemmour, la formation d’une croisade « anti-Zemmour » aura marqué le paroxysme de ces excès qui existaient cependant bien avant la candidature de l’ancien journaliste auteur de best-sellers réactionnaires. Nous avons ainsi pu montrer que la quasi-totalité des journalistes croyaient que le port de l’étoile jaune avait été imposé par le gouvernement de Vichy, une erreur que les historiens préféraient ne pas rectifier, peut-être pour ne pas être marqués par le sceau infâme de « pétainiste ». Un exemple que nous citons à cet égard est celui d’une recension en 2018, dans l’hebdomadaire l’Express du livre de Laurent Joly qui avait été parfaitement clair dans ses écrits sur la non-responsabilité de Vichy dans le port de l’étoile jaune 14 . La page de l’article était cependant titrée « Comment Vichy a imposé l’étoile jaune ». Sans doute l’erreur est-elle humaine, mais l’absence de tout rectificatif, que ce soit de la part de l’hebdomadaire ou de la part de l’historien nous a semblé révélatrice de la dérive dans l’espace médiatique d’un objet « Vichy » qui échappe à tout contrôle historique et à propos duquel on peut écrire n’importe quoi à condition que ce soit à charge pour Vichy. Il n’est donc pas convenable de rappeler que le port de l’étoile jaune en zone occupée fut imposé par une ordonnance allemande, mais il n’est pas convenable non plus de rappeler dans l’espace médiatique que les accords du 2 juillet 1942 qui engageaient la police française placée sous l’autorité du gouvernement de Vichy dans l’arrestation des juifs et leur livraison aux Allemands, épargnaient les familles juives françaises. Cette discrimination a été sourcée par Klarsfeld dès 1983 avec le rapport du SS Hagen : «… puisqu’à la suite de l’intervention du Maréchal, il n’est pas question d’arrêter les juifs de nationalité française, Bousquet se déclare prêt à faire arrêter sur l’ensemble du territoire français et au cours d’une action unifiée le nombre de juifs ressortissants étrangers que nous voudrons ...» 15. . Vérité bien connue des historiens mais, depuis le courant des années 2000, l’usage l’a peu à peu écartée du champ mémoriel et médiatique, à tel point que Laurent Joly lui-même a été amené à rappeler les faits dans l’introduction à la deuxième édition de son livre L’État contre les Juifs. « Et l’historien suscite parfois l’étonnement quand il rappelle que les rafles de 1942 visaient essentiellement des juifs apatrides, que l’étreinte nazie était redoutable, que Vichy, aussi collaborateur et antisémite qu’il ait pu être, n’a accepté de procéder aux rafles massives qu’à la condition d’en exclure les juifs français... » 16 . Cet accord a eu des répercussions immédiates : avant qu’il ne soit connu, les responsables SS de certains départements de la zone occupée avaient pris déjà pris contact avec les préfectures locales pour organiser des rafles de juifs aussi bien français qu’étrangers. A Bordeaux, par exemple, 400 arrestations étaient programmées pour le 6 juillet. La prise en considération des accords du 2 juillet qui exemptait les Juifs français fit revoir à la baisse le nombre de juifs à arrêter et décaler de 10 jours la date de l’opération. Finalement, 172 Juifs furent arrêtés et transférés à Drancy le 18 juillet17. Pour la ville de Nancy, les responsables du SD, utilisant les listes du recensement, avaient identifié plus de 900 juifs déportables. Une fois connu l’accord du 2 juillet, le total fut réduit à environ 360. L’attitude admirable des policiers du service des étrangers de la police de Nancy, réduisit le nombre effectif des arrestations à une trentaine. Partout en France occupée, l’accord du 2 juillet, permit à des préfets, des commissaires de police… de refuser l’arrestation de juifs protégés par leur nationalité. Les archives départementales sont emplies de rapports, d’échanges de courriers qui montrent de tels affrontements qui obligent les SS du SD ou le Feldkommandant à renoncer à leurs demandes18. A l’inverse, dans certains départements français, les accords du 2 juillet ne furent pas respectés19. Mais d’une façon générale, les Juifs français furent à l’abri des arrestations jusqu’en septembre 1943, date à laquelle les Allemands décidèrent que quelles que soient leurs nationalités, les juifs étaient tous de bonne prise. La querelle des enfants de Juifs étrangersAssurément, la polémique dans laquelle nous sommes engagés ne concerne pas les enfants de Juifs étrangers. Et pourtant, Laurent Joly nous cherche querelle sur ce point. Dans le fameux article où Joly voyait en nous des héritiers du pétainisme et de Fabre-Luce, une section est intitulée « Est-il " malhonnête" d’invoquer la nationalité française des enfants du Vel d’Hiv ? » 20 . Cette section est incompréhensible pour ceux qui n’auraient pas lu notre livre. Nous n’avons pas prétendu qu’il était malhonnête d’invoquer la nationalité française des enfants juifs. Il n’y a sur ce point aucun désaccord de fond. Un certain nombre d’historiens ont essayé d’affiner les statistiques de nationalité des enfants déportés, ce qui n’est pas simple, car la nationalité des déportés n’est pas automatiquement renseignée dans la base de données des déportés constituée par Klarsfeld. Un ordre de grandeur de 8000 enfants de parents juifs étrangers, déportés entre août 1942 et août 1944 est communément admis. Rien n’interdit de faire toutes les statistiques que l’on veut et d’approximer ce qui n’est pas connu avec certitude. Ainsi, si l’on considère que les 8000 enfants juifs nés de parents étrangers sont français, on aboutit à une estimation de 24000 juifs de nationalité française victimes de déportation. Rapportés à une estimation de 155000 Juifs de nationalité française en 1941, on en déduit un taux de déportation de 15,5 % que l’on peut comparer à un taux d’environ 40 % pour les juifs apatrides ou étrangers. S’il s’agit de mesurer l’efficacité de la discrimination négociée par Bousquet et Laval au début du mois de juillet, il faut comparer les catégories réellement discriminées. En ce sens, les nationalités ne sont pas pertinentes, car Laval ou Bousquet n’ont jamais œuvré d’une façon ou d’une autre pour exempter les enfants de juifs étrangers. La question n’avait d’ailleurs pas été abordée lors de la réunion du 2 juillet 1942, car il n’était encore question de ne déporter que des adultes de plus de 16 ans pour maintenir la fiction de l’envoi en camp de travail. C’est ainsi que les enfants furent séparés de leurs parents lors de la rafle dite du Vel d’Hiv et que par la suite, Laval insista pour que les enfants suivent leurs parents 21. Dans la pratique, lors des grandes rafles de 1942, la politique d’exemption de Laval n’a concerné que les familles juives dont les parents étaient de nationalité française. Dans cette catégorie, on ne dénombre « que » 16000 déportés, soit un taux de déportation d’environ 10 % qui fait apparaître plus clairement l’effet de l’exemption des Juifs français à l’époque des rafles de 1942. On se reportera au livre publié récemment par Alexandre Doulut22 pour distinguer parmi ces 16000 déportés ceux qui ont été arrêtés avant juillet 1942, ceux qui ont été dirigés sur Drancy parce qu’ils avaient fait l’objet d’une arrestation pour avoir contrevenu à une ordonnance allemande (port de l’étoile jaune notamment) ou à une loi française, ceux qui ont été arrêtés en province de la zone occupée, dans certains départements où l’exemption des Juifs français n’était pas respectée ou ceux qui furent arrêtés directement par les Allemands ou leurs supplétifs français pendant la dernière année d’occupation, lorsque les accords de juillet 1942 devinrent pratiquement caduques. La controverse entre Laurent Joly et Alain MichelLa controverse déclenchée par Alain Michel en 2012 sous-tend le différend qui nous oppose à Laurent Joly. Dans notre livre, nous nous revendiquons proches du point de vue d’Alain Michel, et quelques années auparavant, Jean-Marc Berlière, dans un livre de 1350 pages, Polices des temps noirs, consacrait un long chapitre Polices et policiers français dans la répression raciale où il collait d’assez près à la vision d’Alain Michel auquel il se référait plutôt positivement 23. Il n’en fallut pas plus pour que Laurent Joly, sans doute fâché de ce que le cordon sanitaire installé autour d’Alain Michel fut brisé, entreprenne ce qu’on pourrait qualifier une chasse aux sorcières contre les deux historiens carrément qualifiés de « révisionnistes »24. Dans son livre Vichy et la Shoah publié en 2012, Alain Michel reprenant plus ou moins à son compte la formulation de Raul Hilberg citée un peu plus haut, la mettait en exergue de son introduction. Dans le corps de l’ouvrage qui se voulait une réfutation de la « doxa klarsfeldo-paxtonienne », il épinglait, en plus de Paxton, un certain nombre d’auteurs, parmi lesquels Laurent Joly. Pour Alain Michel, il était révélateur que le titre du livre que Laurent Joly avait publié en 2006 s’intitulât Vichy dans la solution finale alors que le livre traitait du Commissariat général aux questions juives (CGQJ), lequel n’avait pas été précisément impliqué dans la collaboration apportée par la police de Vichy à la déportation des Juifs, et Michel pointait également l’insistance de Joly à gommer la distinction opérée par le CGQJ de la période Vallat entre juifs étrangers et juifs français. Ainsi, Alain Michel notait à propos de l’ouvrage de Marrus et Paxton, Vichy et les Juifs, dont il reconnaissait par ailleurs qu’il s’agissait d’un livre extrêmement important, qu’il partait d’un présupposé selon lequel Vichy n’était redevable d’aucune action positive vis-à-vis des Juifs « Le livre part en effet d’un présupposé systématique concernant Vichy, présupposé qui prolonge celui mis en place par Paxton à travers La France de Vichy : Vichy n’a pas pu, n’a pas su, et n’a pas voulu agir pour protéger les Juifs. Bien plus encore : en contribuant aux arrestations en vue des déportations, Vichy a amplifié les résultats de la Solution finale en France, qui auraient pu être moindres si les nazis avaient dû agir par eux-mêmes. De plus, les lois antisémites adoptées par Vichy de sa propre initiative entre 1940 et 1942 ont facilité les projets exterminateurs allemands en isolant les Juifs de la population française. […] » 25 . Michel expliquait ensuite que Vichy et les Juifs souffrait d’être tout entier consacré à la démonstration d’un a priori qui lui semble contestable, à savoir la négativité absolue du régime de Vichy. Un peu plus loin, Michel s’en prenait à la fameuse formule de Klarsfeld : « Vichy a contribué efficacement à la perte d’un quart des Juifs de France […] Les Français ont puissamment aidé au salut de trois quarts des Juifs de France » 26. « Il faut s’arrêter un instant sur l’argumentation développée par Klarsfeld pour tenter de démontrer la vérité de ces deux affirmations […] la police française était plus efficace pour atteindre les victimes en bien plus grand nombre que les forces policières allemandes présentes en France. Et Klarsfeld d’ajouter qu’un refus de collaboration de Vichy aurait sans doute empêché les Allemands d’agir réellement en France pour appliquer la solution finale. En ce qui concerna la seconde affirmation de Klarsfeld, liée à l’attitude de la population, il ne l’aborde que dans la dernière phrase de sa conclusion [affirmée] sans la moindre démonstration ou preuve »27 Laurent Joly rédigea une recension du livre d’Alain Michel pour la revue Yad Vashem Studies 28. Tout en relevant qu’une partie de l’argumentaire de Michel reprenait celui des dirigeants de Vichy lorsqu’ils avaient eu à rendre des comptes devant les tribunaux, Joly actait que l’ouvrage de Michel ne visait pas une réhabilitation de Vichy et que l’historien apportait à la connaissance du public des archives inédites. Joly reconnaissait également qu’il s’était effectivement développé dans les années 1990 un discours dominant simpliste et manichéen qui ne cadrait pas nécessairement avec les faits observés par les historiens. Toujours d’après Joly, Paxton et d’autres historiens se sont effectivement livrés à de gros excès pendant la période 1980-2000 mais ceci est compréhensible, expliquait-t-il, dans le contexte très particulier de cette période où l’on s’apprêtait à juger les Legay, Bousquet et Papon et où les historiens, furent soumis à une demande émanant des cours d’assises, et furent par conséquent amenés à mettre en avant les aspects criminels du régime de Vichy pour donner du grain à moudre aux procureurs. Abordant les prémisses des thèses de Michel selon lesquelles une doxa klarsfeldo-paxtonienne se serait cristallisée, étanche à toute remise en cause, Joly répond : oui, il y a sans doute une doxa, mais celle-ci, loin d’être figée, évolue au gré des contributions des uns et des autres et notamment des siennes. Cette mise à jour de la doxa, Joly l’énonçait en conclusion : Le rôle de Vichy dans la déportation des Juifs doit être vu comme une politique de collaboration et non de sauvetage. Si l’on voulait considérer que Vichy a été l’un des déterminants du sauvetage des 225000 juifs survivants, il aurait fallu que l’État français se soit distingué des autres États, Roumanie, Bulgarie, Hongrie, qui ont collaboré à la politique génocidaire et qu’il se soit par conséquent préoccupé du destin des étrangers aussi bien que de celui des Français. Et Joly de conclure : « Le principal crime de Vichy est d’avoir piétiné les principes les plus élémentaires du droit d’asile, qui, malgré la guerre qui faisait rage partout et le contexte de l’Occupation, aurait pu être défendu au nom de l’honneur et des valeurs chrétiennes s’il n’avait pas mené prioritairement une politique de régénération nationale et de collaboration. » Le prochain échange entre les deux protagonistes eut lieu cinq ans plus tard, en 2018, à l’occasion de la sortie du livre de Laurent Joly L’État contre les Juifs qui se voulait une synthèse du sujet traité par Marrus et Paxton, plus accessible au grand public, moins exhaustif, et, pour être franc, beaucoup moins confus. Alain Michel publia une longue recension de l’ouvrage de son collègue sur le site Hérodote.net29. Après quelques amabilités d’usage où Michel reconnaissait à Joly l’étoffe d’un vrai historien, à la fois prolifique et doté d’une réelle connaissance de l’antisémitisme et de la Shoah en France, l’historien de Jérusalem attaquait dans le vif en évoquant « une approche qui privilégie l’analyse idéologique par rapport à la complexité des faits, et transforme le champ de l’historien en un prétoire de tribunal dans lequel le jugement a été rendu avant l’ouverture des débats », laquelle approche idéologique étant qualifiée de klarsfeldo-paxtonnienne. Michel relevait également les points sur lesquels il n’y avait pas contestation : « Oui, l’État français du Maréchal Pétain a été antisémite. Oui, son administration a contribué à l’arrestation et à la livraison aux nazis d’une partie des victimes. La question se pose au niveau du pourquoi et du comment. » Laurent Joly obtint de pouvoir répondre à son contradicteur sur le même site Hérodote.net. Nous n’insisterons pas sur quelques disputes sur des points somme toute mineurs pour en arriver à la conclusion de Joly : « Vichy, avec Laval et Bousquet, approuvés par le maréchal Pétain, a commis le pire à l’été 1942. En huit semaines, le tiers du total des juifs déportés ont été arrêtés (26 000 juifs), soit davantage que durant les treize derniers mois de l’Occupation ! À la fin de l’année 1942, près de 42 000 juifs ont été déportés de France, alors que l’objectif initial des nazis était de 40 000. C’est cela le crime injustifiable de Vichy, et plus précisément de Laval et Bousquet. Que Vichy ait refusé de déporter les Juifs français « enracinés » dans le pays, il n’était pas possible qu’il en aille autrement. L’opinion ne l’aurait jamais accepté, les Allemands, comme Vichy, le savaient. En outre, malgré la politique dilatoire de 1943-1944, plus de 24 000 juifs français ont été déportés au total. C’est beaucoup pour une politique de sauvetage ou de "moindre mal" ». Telle qu’elle est formulée, cette conclusion est tout à fait représentative d’un récit historique que nous récusons. Le premier paragraphe de la conclusion de Joly écarte d’office tout effet positif qui aurait pu découler de la pause décidée par Laval au début du mois de septembre 1942. Des comparaisons de chiffres d’ailleurs erronés sont invoquées pour montrer que « Vichy est décidément bien pire que tout ce qu’on a pu dire avant ». La première comparaison chiffrée est exacte : 26000 déportés en huit semaines de l’été 1942 est un nombre supérieur à celui des derniers mois de l’occupation (23000) mais la seconde comparaison chiffrée est fausse : A la fin de l’année 1942, le total des déportés était bien de 42000, mais l’objectif initial nazi de 40000 pour l’année 1942 est une invention30. Dans le contexte où il est invoqué, celui du moindre mal, le dernier chiffre, 24000 juifs français est également faux car il comprend 8000 enfants de parents étrangers qui n’ont jamais été exemptés par la politique de Laval. Si l’on veut appréhender correctement la politique discriminante Français/Étrangers de Laval, il faut considérer les catégories qui ont réellement été discriminés. Quant au deuxième paragraphe, il sonne comme la péroraison d’un réquisitoire, confirmant ce qu’Alain Michel écrivait de la transformation du champ de l’historien en prétoire de tribunal. On notera que Joly est sur la ligne d’une réfutation totale de l’argumentaire du moindre mal de Laval. Il n’en conteste pas seulement la dimension morale, mais aussi les faits revendiqués par Laval. Selon Joly, Vichy n’a pas mené une politique discriminante visant à exempter les Juifs français puisqu’ « il ne pouvait en être autrement ». Tout élément pouvant apparaître comme une circonstance atténuante aux yeux du tribunal de l’histoire est résolument écarté. Et pourtant les faits sont là : les Juifs de familles françaises ont bien été exemptés, au moins pendant la période des grandes rafles de 1942. Beaucoup doivent à cette exemption d’avoir échappé à la déportation et survécu. La comparaison avec toutes sortes de pays ne change rien aux faits, des faits que Joly ne nie pas, mais il met en place toute une rhétorique pour les masquer ou les maquiller. Retour sur les questions qui fâchentÀ la page 154 de l’article publié par la RHMC, Laurent Joly explique très doctement que notre récit ne relève pas du débat historique légitime, mais de l’erreur. Une section s’intitule ainsi « Erreurs factuelles et interprétations fallacieuses ». Il est heureux que dans le corps de ladite section, Joly ne relève aucune erreur factuelle (mais c’est alors le titre de la section qui est quelque peu fallacieux). Il traite ensuite de 3 prétendues « interprétations fallacieuses »31. - Aucun lien entre le statut des juifs édicté par Vichy en octobre 1940 et la politique de livraison des juifs étrangers à l’été 1942 ? - Sauver les juifs français, enjeu principal des accords policiers de l’été 1942 ? - Les « refus » de septembre 1942 et août 1943 : une continuité de la politique Laval-Bousquet ? Sauver les Juifs français, enjeu principal des accords policiers de l’été 1942 ?Telle est la l’idée que conteste Laurent Joly dans l’article qui nous concerne en laissant entendre qu’à cette question nous aurions répondu affirmativement. Nous n’avons jamais employé le mot « sauver », car « les Juifs français » n’ont pas été sauvés. « La protection des Juifs français, avons-nous écrit, est au cœur de la négociation ». En fait « protection » est un terme subjectif et « exemption » aurait sans doute été plus judicieux. Très concrètement, les rafles massives qui suivirent l’accord du 2 juillet ne concernèrent pas les Juifs français, où pour être plus précis « les familles juives dont les parents étaient français ». La détermination qu’aurait eu le gouvernement de Vichy de protéger les Juifs français en sacrifiant des Juifs étrangers suscite quelques objections légitimes, par exemple chez l’historien Asher Cohen, peu suspect d’avoir été perverti en 1993 par un militantisme anti-Zemmour : Vichy n’a élevé aucune protestation vis-à-vis de la déportation des Français dans les six premiers convois, pas même une proposition de les « remplacer » par des étrangers32. Paxton fait remarquer qu’en Belgique où ne siégeait aucun gouvernement autochtone, les Allemands avaient commencé par exonérer les Juifs de nationalité belge. De fait, Eggert Reeder, chef de l’administration militaire en Belgique, obtient lui aussi, en juillet 1942, une exemption de déportation pour les ressortissants juifs belges 33. De notre point de vue, nous avons de bonnes raisons de donner au marchandage Juifs français/Juifs étrangers un rôle central dans l’accord du 2 juillet. Il est tout à fait hasardeux de postuler que les SS Allemands ne pouvaient pas faire autrement que d’exempter les Juifs français. Parmi l’ensemble des Juifs de France, la proportion de Juifs français était bien supérieure à la proportion de Juifs belges parmi les Juifs de Belgique ; Il était donc important d’inclure, dès le début, un certain quota de Juifs français. C’est ce qu’avait précisé Dannecker au préfet Leguay les 25 et 26 juin 1942. Des dispositions avaient d’ailleurs été prises en ce sens, 400 arrestations étaient programmées pour le 6 juillet à Bordeaux et l’accord du 2 juillet contraignit à annuler un certain nombre de convois, ce dont Eichmann n’osera pas informer sa hiérarchie34. Le compte-rendu de Hagen de la réunion du 2 juillet suggérait un report temporaire de l’arrestation des Juifs français (« Il n’est pour l’instant pas question d’arrêter les Juifs de nationalité française »), mais le provisoire devait finalement s’inscrire dans la durée puisque, le 25 septembre, Knochen a obtenu de Himmler qu’il valide l’exemption des Juifs français : « Le Reichsführer s’est rallié à cette manière de voir et a ordonné que dans un premier temps, aucun Juif de nationalité française ne soit arrêté» 35. L’effet de balance entre Juifs français et Juifs étrangers est difficilement contestable puisque pour de simples raisons de logistique -la programmation des convois ferroviaires- les SS ont effectivement un certain quota de Juifs à déporter à court terme. Durant la pire époque juillet-septembre 1942, où le gouvernement français collabore massivement aux arrestations de Juifs, ces arrestations s’opèrent dans le cadre défini par les accords du 2 juillet 1942. Les faits eux-mêmes sont parfaitement admis par ceux qui contestent la centralité des accords du 2 juillet. La volonté de l’État français de protéger ses nationaux n’est pas niée par Laurent Joly, mais il n’en fait qu’une motivation secondaire des accords du 2 juillet, après la volonté de cultiver la collaboration et l’antisémitisme xénophobe du régime de Vichy. De même Paxton reconnaît « qu’une légende fausse contient souvent un germe de vérité » et que « Vichy a bien gagné un report temporaire de la déportation des Juifs de citoyenneté française » 36. Ce répit d’un an est une des causes de la non déportation de milliers de juifs car la situation internationale en 1943 n’est plus celle de 1942. Le débarquement allié en Afrique du Nord, la capitulation de Stalingrad, le revirement de l’Italie, ont complètement changé la donne. Faute d’effectifs, Aloïs Brunner doit « se contenter » de 3000 arrestations sur les 30000 qu’il espérait sur Cote d’Azur. Le statut des Juifs d’octobre 1940Nous avons écrit que contrairement à ce qu’affirme le discours présidentiel, « ce qu’il est convenu d’appeler « la complicité du gouvernement de Vichy dans la Solution finale » ne s’inscrit nullement dans la poursuite ou la continuité de la politique d’antisémitisme d’État initiée en octobre 1940 » et dans la foulée, nous nous sommes demandés : « Si l’existence même d’un État français était l’un des facteurs de survie de trois quarts des Juifs de France ? ». Sur ces deux points, nous ne partageons pas le point de vue de Laurent Joly et assez logiquement, l’historien du Commissariat général aux questions juives (CGQJ) a relevé ce point de désaccord. Nous avons rappelé un peu plus haut qu’Alain Michel déjà avait relevé qu’il n’était pas anodin de titrer l’excellent livre issu de sa thèse « Vichy dans la solution finale, Histoire du Commissariat général aux questions juives »37. Si ignominieux qu’ait pu être le CGQJ, ce n’est ni sous l’égide de Vallat ni même sous celle de Darquier que fut enrôlée à partir de juillet 1942 la police française dans l’arrestation et la livraison aux Allemands de dizaines de milliers de Juifs. Ce n’est pas impunément non plus que l’on titre un livre traitant de Vichy, des nazis et de la persécution antisémite « L’État contre les Juifs », car si l’État est forcément contre les Juifs, comment pourrait-on discuter d’un éventuel effet protecteur de l’État vis-à-vis des Juifs ? Nous avons donc développé en quelques pages très simples l’idée - très banale - que l’antisémitisme d’état du gouvernement de Vichy qui avait présidé à des lois d’exception n’avait aucune dimension criminelle ou exterminatrice, et qu’il n’y avait de contradiction qu’apparente entre une persécution par la loi et une protection par la loi. Ces pages nous ont valu les foudres de Laurent Joly : « Il faut vraiment ignorer les travaux des juristes et historiens du droit, de Joseph Lubetzki à Danièle Lochak, en passant par Dominique Gros, Marc Olivier Baruch ou Philippe Fabre, pour écrire une telle énormité sur la législation antisémite de Vichy, dont il a été patiemment et clairement démontré à quel point il s’agissait d’un « droit monstrueux » pervertissant les concepts juridiques ordinaires à des fins racistes parfaitement arbitraires. En bref, le contraire de lois « paradoxales » persécutant et protégeant à la fois, comme le prétendent les trois auteurs. »38 Dans cette litanie d’éminents juristes et historiens du droit, on chercherait en vain un argument qui contredirait ce que nous avons réellement écrit : à savoir que le maintien d’un état de droit est une protection, que ce soit le droit à la scolarisation ou l’absence de loi qui permette de poursuivre toute personne ayant hébergé ou aidé des Juifs. Il va sans dire que la loi française, qu’elle soit persécutrice ou qu’elle soit protectrice, n’est pas la même pour les Juifs français et les Juifs étrangers, si bien que les deux communautés, déjà distinctes avant la guerre, n’ont pas vécu la même histoire pendant l’Occupation. Un bon exemple du fossé qui sépare les deux groupes est le témoignage livré en 1947 par Robert Aron qui évoque la profonde meurtrissure que le statut d’octobre 1940 a représenté pour les Juifs français : « A Lyon, en 1942, il y avait au dernier étage d’une maison métallique, située en Rhône et Brotteaux, une assemblée singulière qui se réunissait deux ou trois fois par semaine. Les personnalités présentes s’y saluaient de titres ou de fonctions abolies. L’un était "Mon Général", l’autre "Monsieur l’Inspecteur" […] C’étaient des Français de religion ou d’origine israélite, excommuniés par Vichy, citoyens de seconde zone, vivants semblables à des morts, puisqu’on leur interdisait les privilèges les plus simples de la vie... »39 Lorsqu’il écrit ces lignes, en 1947, dans un essai autobiographique, Robert Aron n’est pas encore l’historien de Vichy dont l’Histoire de Vichy connaîtra un succès considérable dans les années 1950 et 1960. Lié par son ami Jean Rigault au « comité des cinq » qui prépare le débarquement allié en Afrique du Nord, il a rejoint Alger après novembre 1942 mais les rafles de Juifs étrangers de l’été 1942, qu’elles soient menées en Zone occupée ou en Zone non occupée ne l’ont pas du tout marqué, il n’en parle pas. Robert Aron faisait partie de ces Juifs français qui n’avaient jamais cultivé leur identité juive. Sans doute d’autres personnalités qui gravitaient autour du consistoire étaient-elles plus sensibilisées aux persécutions nazies qui s’étaient abattues sur les communautés juives d’Europe centrale sous domination allemande. Le général de corps d’armées Pierre Boris, membre du Consistoire adressa à ses collègues une note dans laquelle il envisageait la conduite à tenir en fonction du statut en cours de préparation. .Revenant sur les persécutions subies par les Juifs en Autriche, en Tchécoslovaquie et en Pologne, Pierre Boris constate qu’en France, les quelques chrétiens libéraux qui pourraient prendre la défense des Juifs n’ont plus aucun pouvoir. Il ne reste plus à espérer, toujours selon Boris qu’un statut des Juifs qui conserve la citoyenneté française, pour qu’ils ne soient pas « parqués sur une terre lointaine et malsaine »40. Dans son incontournable étude sur l’Église de France face à la persécution des Juifs, Sylvie Bernay a consacré une douzaine de pages à l’élaboration du statut des Juifs telle qu’elle fut perçue par l’épiscopat français, où l’on apprend que Mgr Guerry, secrétaire de l’Assemblée des cardinaux et archevêques de France (ACA) reprend la théorie du double protectorat développée avant-guerre dans le contexte de l’Italie mussolinienne : sur le plan individuel, le Juif, comme tous les citoyens d’un état, a le droit d’être protégé dans ses biens, sa famille, sa liberté religieuse. Le second volet de ce double protectorat est la légitimité pour un état de se protéger de la menace que représentait la communauté juive internationale, que ce soit sous sa composante judéo-bolchevique ou sa composante judéo-capitaliste. Il s’agissait là d’idées qui traînaient dans les cerveaux catholiques depuis longtemps41. Il est banal de constater la proximité de Vichy avec les milieux cléricaux, où même le ministre de l’intérieur Marcel Peyrouton, plus franc-maçon que clérical, entretient de proches relations avec les prélats, mais peu d’historiens ont insisté sur la proximité entre le statut des juifs d’octobre 1940 et la pensée catholique d’avant-guerre où l’antijudaïsme séculaire de l’Église se renouvelle sous la forme d’une variante personnaliste. Le silence de l’Église à la suite de la promulgation du statut ne s’expliquerait pas par une quelconque lâcheté, mais par un assentiment global vis-à-vis du statut 42. Que la même institution ait pu être en phase en 1940 avec un statut des Juifs, une mesure qui nous apparaît comme tout à fait ignominieuse et, à partir de 1942, ait constitué un milieu particulièrement favorable à la survie des Juifs, développant en son sein de multiples complicités avec la résistance juive, constitue assurément un paradoxe dont la résolution ouvre probablement une voix prometteuse pour sortir de la controverse un peu stérile où nous avons été enfermés. Refus de septembre 1942Dans la section « Les « refus » de septembre 1942 et août 1943 : une continuité de la politique Laval-Bousquet ? », Laurent Joly aligne une série de récriminations auxquelles il est difficile de répondre parce qu’il est difficile d’en suivre le fil. Parfois, Joly formule des objections à ce que nous n’avons pas vraiment écrit. Par exemple, nous aurions écrit à la page 159 que Laval était tenu par la convention d’armistice de s’exécuter. Nous n’avons rien écrit de tel. La convention d’Armistice n’oblige pas le chef du gouvernement français à exécuter quoi que ces soit, il est simplement stipulé que « le gouvernement français invitera toutes les autorités et les services administratifs du territoire occupé à se conformer aux réglementations des autorités militaires allemandes », principe général qui reste assez vague, mais, dans la pratique, au cours des deux premières années de l’Occupation, les occupants avaient donné à ce principe général la signification la plus conforme à leurs intérêts, et l’on avait vu en août 1941 le capitaine SS et « Judenreferent » Dannecker s’adresser directement à François, le directeur de la police générale à la Préfecture de police (PP) qui comprenait la sous-direction des étrangers et des juifs d’André Tulard- pour préparer les milliers d’arrestations des 20 et 21 août (la rafle dite du XIe arrondissement). Le préfet de Paris, l’amiral Bard, ne fut informé que tardivement et le chef du gouvernement Darlan ne fut même pas informé. Jean-Marc Berlière a évoqué la question de la défection ou plutôt de la non-défection des policiers français concernés par l’exécution de ces ordres et la réponse à la question est énoncée sans ambage : Peu de policiers et encore moins de gendarmes ont démissionné. Les policiers français ont obéi aux ordres allemands, avec certes, plus ou moins de zèle, mais ils n’ont pas démissionné et se sont exécutés 43. Un peu plus loin, Laurent Joly nous reproche de ne jamais envisager la possibilité d’une autre politique44. Oui, c’est vrai, nous nous sommes abstenus dans cet ouvrage d’imaginer que les évènements aient pu se dérouler d’une autre façon que celles qu’avaient imaginé les acteurs de l’époque. Par contre Laurent Joly- et avant lui de Paxton – n’ont jamais rechigné à indiquer ce que les dirigeants de Vichy – en l’occurrence Laval – auraient dû faire. En juillet 1942, écrit-il, « la seule option défendable » était de fixer la position de la France sur le terrain du droit, et les nazis auraient obtempéré, comme ils l’ont fait en août 1943 après le refus de dénaturaliser » 45. Nous essayons pour notre part de ne pas tomber dans ce type de jugements aussi péremptoires que téléologiques. Il est vrai que tout discours mémoriel tendant à la repentance appelle les historiens à proposer une politique alternative. Les évêques français qui ont une certaine compétence en matière de repentance se montrent cohérents de ce point de vue : dans leur déclaration de repentance de Drancy en 1997, le texte indique assez clairement que les évêques de l’époque auraient dû s’exprimer et protester sans attendre août 1942. Ils auraient dû protester dès la promulgation du statut des Juifs en octobre 1940. S’il est tout à fait légitime, dans le principe, que des historiens répondent à cette demande du mémoriel, il est indispensable que d’autres historiens, voire les mêmes, ne se sentent tenus d’aucune obligation vis-à-vis du mémoriel. Le 2 juillet 1942, lors d’une séance cruciale de négociation avec les responsables SS, Bousquet est arrivé porteur de la position officielle du gouvernement concernant les arrestations de Juifs demandées par les Allemands : il n’y aura pas d’intervention du gouvernement français en zone occupée, cette réunion – dont nous ne connaissons que le compte-rendu rédigé par le SS Hagen, a finalement accouché d’un accord bien différent de la position initiale française : « on s’est arrêté à l’arrangement suivant : Puisqu’à la demande du Maréchal, il n’est pour l’instant pas question d’arrêter des juifs de nationalité française Bousquet se déclare prêt à faire arrêter sur l’ensemble du territoire français et au cours d’une action unifiée le nombre de Juifs que nous voudrons ... » 46. Parmi toutes les alternatives politiques, nous n’avons considéré que ces deux-là : celle que Bousquet défend en début de réunion et celle qui ressort de l’arrangement défini au cours de la réunion. L’une et l’autre, mais la première moins que la seconde, sont des politiques de collaboration. Laval avait été rappelé en avril 1942 parce qu’on le savait porteur d’un projet de collaboration réaliste. Imaginer que le même Laval ait pu tenir la dragée haute à ses interlocuteurs allemands en appelant à résister aux directives allemandes est une spéculation stérile incompatible avec la situation telle qu’elle se présentait en 1942, avec un chef de gouvernement appelé à ce poste pour mener sa politique de collaboration. Un État écran ?Vouloir raccrocher notre livre à une tradition historiographique pétainiste relève d’un tour de passe-passe, alors que nous avons été parfaitement explicites sur le socle historiographique de notre réflexion. Comme tous les auteurs français, nous nous sommes très banalement référés aux ouvrages classiques de Serge Klarsfeld pour la séquence de négociation concernant les déportations et les dénaturalisations 47. Nous nous sommes également inscrits, naturellement, à la suite de toutes les recherches menées depuis les années 1990 sur l’histoire de la survie des Juifs qui n’ont pas été déportés. Dans une approche comparative de l’histoire de la Shoah aux Pays-Bas, en Belgique et en France, les néerlandais Griffioen et Zeller ont fait apparaître qu’un gouvernement autochtone comme celui de Vichy qui collabora puissamment aux déportations de l’été 1942, porte également la responsabilité de l’interruption des déportations à l’automne 1942 et au printemps 1943 48. Sous la plume de Jacques Sémelin qui s’est rallié explicitement au point de vue de Griffioen et Zeller cela donne « Dans un premier temps, ce gouvernement a servi de relais efficace aux nazis. Par la suite, il est devenu comme un écran passif, en relayant moins leurs exigences » 49 . La politique de collaboration de Laval doit être considérée dans tous ses aspects, ses hauts et des bas, des hauts caractérisées par des propositions serviles et des bas caractérisés par un manque de zèle voire carrément de l’obstruction. Indépendamment de cette politique de collaboration, le maintien d’un État qui faisait observer toutes les lois de la Troisième République lorsque celles-ci n’avaient pas été abrogées a constitué un écran protecteur qui ne gardait son efficacité que dans la mesure où les occupants s’abstenaient de publier des ordonnances. Enquêtant sur les maisons d’enfants tenues par l’Organisation de secours aux enfants (O.S.E.) dans le département de la Creuse, Jeannine Frenk, pose la question : Comment peut-on expliquer, que pendant une période aussi longue (jusqu’en février 1944) la population rurale de la Creuse ait pu offrir un écran protecteur aux maisons d’enfants juives ? En réponse, elle souligne le maintien des structures de protection sociale concernant l’éducation issues de la Troisième République. Plus loin, elle insiste sur le fait que parmi les pays occupés par l’Allemagne, la France est un des très rares cas où les enfants juifs et non-juifs ne subissent pas de ségrégation à l’école. En territoire métropolitain - il en va tout autrement en Algérie - les enfants juifs, quelles que soient leurs nationalités, n’étaient pas exclus des écoles publiques et bénéficiaient normalement de l’Instruction publique pour tous 50. L’État français s’est montré à la fois persécuteur et protecteur. Les bonnes relations que les maisons de l’O.S.E. de la Creuse entretenaient avec le préfet et les diverses administrations n’ont pas empêché en août 1942 les gendarmes français de venir puiser dans les foyers de l’O.S.E. une dizaine d’adolescents répondant aux critères fixés pour ces rafles menées en zone libre. Un autre élément qui a favorisé l’aide apportée aux familles juives par les organisations de résistance juives comme l’O.S.E. et la population française fut l’absence de lois prohibant l’hébergement ou tout simplement l’aide aux Juifs.51 Sacrifier les étrangers : les déportations de zone sudS’il est un point qui fait l’objet d’un consensus, c’est bien celui selon lequel les juifs étrangers, et spécialement les Juifs entrés sur le sol français après 1936, répondant à certains critères de nationalité et résidant en zone non occupée, ont été sacrifiés. L’administration de Bousquet déploya un grand zèle pour inclure dans les arrestations les enfants d’étrangers, qu’ils soient français ou non. Pour les rafles menées en zone libre le 26 août 1942, des éléments de langage furent donnés aux gendarmes pour dissuader les parents de partir sans leurs enfants : « Ils vont en Pologne : création d’un état juif près de Lublin, non maltraités. On peut le leur dire. Soins pour leurs biens. Tous les enfants doivent partir » Pour cette opération de colonisation de la région de Lublin, chaque personne était même autorisée à prendre jusqu’à 50 à 60 kgs de bagages52. Laval et Bousquet ne voulaient pas s’embarrasser des enfants qui ne seraient pas embarqués avec leur parent. Ils entendent également que leur engagement de livrer des juifs étrangers de la zone non occupée soit honoré rigoureusement. D’un autre côté, l’État français a laissé subsister au sein même du corps social un certain nombre d’organismes qui s’opposent au sacrifice des Juifs étrangers, que ce soit au sein même de l’administration ou à sa périphérie. Ainsi, le millier de Juifs qui avaient été raflés le 26 août dans l’ensemble des départements regroupés dans la région de Lyon, avaient été regroupés à Vénissieux, et parmi eux 108 enfants. Gilbert Lesage, chef du service social des étrangers réussit à fédérer autour de lui une série d’associations chrétiennes ou juives pour exfiltrer ces 108 enfants mis sous la protection de l’évêque de Lyon, le cardinal Gerlier, avant d’être placés par l’OSE dans des familles de la région. Cette histoire est bien connue. Bousquet, rendu furieux par ce véritable camouflet, ce défi à l’autorité de l’État, n’obtiendra jamais du Cardinal Gerlier la restitution de ces enfants53. Pour que les enfants puissent être séparés des parents, il avait fallu obtenir de ces derniers qu’ils signent un abandon de leurs enfants. En cette fin du mois d’août 1942, en dépit des bonnes paroles proférées par l’administration, la totalité des parents avaient perçu qu’eux tous, adultes comme enfants étaient envoyés vers un avenir inquiétant. Malgré la fureur de Bousquet, les sanctions prononcées contre ceux qui avaient défié l’autorité de l’État furent, somme toute, assez légères : le gouverneur militaire de Lyon, le général Robert de Saint-Vincent qui avait refusé d’assister la gendarmerie pour escorter les Juifs étrangers finalement désignés pour être dirigés sur Drancy, fut démis de ses fonctions, Le père Chaillet, dont les Amitiés chrétiennes avaient joué le rôle de service social bénévole à la forteresse de Vénissieux, fut placé deux mois en résidence surveillée en Ardèche, mais Gilbert Lesage fut maintenu en fonction, et les organisations juives, O.S.E. et Éclaireurs israélites continuèrent d’avoir pignon sur rue et purent placer tous les enfants juifs sauvés dans des familles françaises 54. Voyage dans la tête de LavalDepuis son retour au pouvoir en avril 1942, Pierre Laval synthétise et dirige de façon très personnelle la politique de collaboration avec l’Allemagne. C’est du moins ce que constate en le regrettant Jacques Benoist-Méchin, expert en matière de collaboration55. Toute tentative pour comprendre comment l’État français put à la fois collaborer et limiter la politique génocidaire nazie en viendra à questionner ce qui se passait dans la tête de cet homme qui ne se confiait guère. Laurent Joly a voulu nous porter la contradiction en montrant que Laval ne pouvait pas vouloir protéger des Juifs : « L’ensemble des sources et des témoignages d’époque disponibles attestent que le chef du gouvernement et son secrétaire général à la police assument alors pleinement la politique qu’ils mettent en œuvre. »56 Et pour traiter le cas de Laval, il n’hésite pas à mettre en avant une citation tirée du journal de Paul Morand mais que l’éternel candidat à l’Académie française, proche de Darquier de Pellepoix, n’a jamais attribué à Laval : « L’alignement du problème juif français sur le problème juif allemand […] n’a pour nous que des avantages » 57. Dès la publication du journal de Morand, dans une recension publiée dans le journal Le Monde, Laurent Joly avait déjà exhibé cette fausse déclaration de Laval et il ne fait pourtant aucun doute que Joly connaît suffisamment bien Laval pour savoir que cette citation ne peut pas être la sienne. Il ne s’agit sans doute ni d’une intention délibérée de tromper, ni d’incompétence, mais d’une certaine complaisance à ratisser des arguments pour son combat du moment 58. Si les historiens procureurs veulent du grain à moudre pour enfoncer Laval, nous leur conseillons plutôt de chercher du côté de la conférence de presse que Laval tint le 13 décembre 1942 : « … La victoire de l’Amérique serait la victoire des juifs et des communistes […] . En Afrique, les américains ont libéré les communistes, abrogé les lois sur les Juifs : les troupes américaines amènent avec elles de nombreux Juifs, ce qui mécontente et inquiète les Musulmans ; je vous le dis : voir les communistes triompher en France, les Juifs s’y installer à nouveau, plutôt crever ! » 59. – ARDOINO (de l’Écho d’Alger) : “Et quelles mesures prend-on au sujet des Juifs. Vous en avez encore autour de vous !” – LAVAL : – “Cela m’étonnerait. J’ai déjà décidé leur exclusion de l’administration centrale, ce n’est pas bien grave ; le timbrage de leur carte d’identité ; ce n’est pas bien grave non plus. Pour les apatrides, interdiction de sortir de leur commune sans autorisation ; ce n’est pas encore très grave. Le reste viendra, mais ne m’excitez pas. Je ne suis pas un cannibale... » En lisant ce compte-rendu, on comprend mieux le sens des notes de Laval, citées plus haut : « De temps en temps, à des conférences de presse, je prononçais quelques phrases qui pouvaient leur être agréables » mais finalement, à qui s’adresse cette conférence de presse, tenue au deuxième anniversaire de l’éviction du premier chef de gouvernement de Pétain. Aux Allemands ? Sans doute un peu. À ses rivaux plus ou moins collaborationnistes qu’il veut narguer ? Sans doute aussi. On n’échappe pas à la difficulté d’interpréter les archives, quelles qu’elles soient. Une chose est sûre : en décembre 1942, il y avait des choses dont on ne parlait pas, et l’arrestation de dizaines de milliers de Juifs en quelque mois en faisait partie La politique de collaboration de LavalLa politique de collaboration concernant la livraison de juifs aux Allemands s’inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste de demandes allemandes auxquelles Laval, toujours persuadé de berner tout le monde, répond selon son intuition. En des termes évidemment désobligeants, Benoist-Méchin a écrit qu’« Au fond de chacun de ses actes, il y avait un calcul sordide »60. Revenons sur une série d’évènements du printemps et de l’été 1942 qui élargissent et précisent les choses. Entre le 11 juin, date à laquelle Dannecker, référent des affaires juives au sein de la SIPO-SD en France est convoqué à Berlin par son supérieur Adolf Eichmann pour se voir fixer ses premiers objectifs et le 25 septembre 1942 date à laquelle Himmler validera l’exemption des Juifs français de déportation, il se passa un certain nombre d’évènements significatifs pour les rapports franco-allemands, mais complètement indépendants de la mise en œuvre de la Shoah. En toile de fond, il y a la mise en place du STO, autre demande allemande qui s’ajoute à celles découlant directement de l’armistice. Le 15 mai, Laval avait rencontré une première fois à Paris le gauleiter Sauckel qui lui avait signifié les exigences de l ‘Allemagne en matière de main-d’œuvre ; le subterfuge de la relève, basée sur la propagande et le volontariat ne put empêcher l’instauration de mesures coercitives prévues par la loi du 4 septembre, déclenchant des grèves dés le 16 septembre61. La propagande de la relève avait beaucoup concouru à faire croire que les déportations de Juifs étaient également motivées par le besoin allemand de main d’œuvre62. Les agissements du Service de renseignement français (SR ) sont un autre sujet dans les relations franco-allemandes. Il faut dire que sous l’autorité du colonel Rivet, le SR est resté après l’armistice dans un positionnement « anti-boche » très net. Le 9 juillet 1942, Laval s’entretint avec le Général Bridoux, secrétaire d’État à la Guerre, des problèmes que les activités des Services de renseignement posaient à sa politique de collaboration. Le lendemain, il s’entretint directement avec Rivet qui était venu le prévenir qu’Hitler allait exiger un contingent de 150000 ouvriers pour le travail en Allemagne. Rivet nota dans ses carnets que le président Laval « ne voulait pas être contrarié dans sa politique par nos activités CE et SR que les Allemands lui reprochent sans cesse. Sa politique prime les autres soucis. Elle vise à faire une France impériale (intégrité du territoire et Empire occidental africain) et l’abandon de toute politique continentale en Europe » et Rivet concluait : « Pour tirer tous les fruits de ses négociations, il entend donner aux Allemands des satisfactions tangibles ». En guise de satisfactions tangibles, le 15 septembre 1942, des agents allemands munis de faux papiers furent autorisés à pénétrer en Zone libre avec du matériel de goniométrie pour détecter les postes clandestins (la mission Desloges/Aktion Donar), ce qui équivalait à un torpillage de toutes les liaisons radio plus ou moins clandestines du SR et des réseaux étrangers avec Londres. Le Contrôle général de la Surveillance du territoire qui menait de son côté une lutte efficace contre les agents allemands et italiens en ZNO fut dissout pour les mêmes raisons63. La répression contre les communistes est un autre axe, beaucoup moins conflictuel de la collaboration d’État. Le 13 juin, Laval avait fait sa fameuse déclaration où il assumait « souhaiter la victoire de l’Allemagne qui seule sauverait l’Europe du bolchevisme », déclaration qui ne lui coûtait rien s’en vanta-t-il plus tard, mais entamait largement le crédit dont il pouvait jouir après de l’opinion publique. Les accords dits « Bousquet-Oberg » officialisés le 4 août, devaient faciliter la sous-traitance de la traque des communistes à la police de Laval, mais n’empêchèrent point, le 11 août, sur ordre du général Oberg, la fusillade de 93 otages au Mont-Valérien, en représailles d’un attentat à la grenade perpétré 6 jours plus tôt au stade Jean Bouin par un commando des FTP- MOI. Le 21 septembre, 116 otages, 70 à Bordeaux et 46 à Paris furent à nouveau fusillés. La pratique des grands massacres d’otages marqua ensuite une pause de plus d’un an, jusqu’au 2 octobre 1943 où 50 otages furent fusillés après l’attentat contre le colonel Julius Ritter. Encore une fois, l’histoire se montre compliquée : la fin des fusillades d’otages est à la base de la collaboration policière contre les « terroristes » et explique l’attitude de certains policiers français convaincus par leur efficacité de sauver des otages. Enfin le 27 septembre, Benoist-Méchin fut chassé du gouvernement, et avec le renvoi de son secrétaire d’État, Laval enterrait ses projets de Légion tricolore et de co-belligérance avec l’Allemagne (en AFN). A travers les différents évènements rappelés ci-dessus, se dessine la politique de collaboration de Laval, qui était, du point de vue de l’intéressé celle du moindre mal dont lui-seul au sein du gouvernement français définissait les objectifs et les modalités. Un moindre mal qui découlait d’une comptabilité où les intérêts de la France s’appréciaient en fonction de l’échelle de valeurs du même homme qui donnait certainement plus de poids à son propre maintien au pouvoir qu’aux scrupules humanitaires vis-à-vis des familles de juifs étrangers. Toute investigation historique sur l’histoire de la collaboration d’État conduit d’une certaine façon à refaire le procès de Laval, non pas en instruisant à charge, comme un procureur, mais avec le souci de l’équité et de la rigueur qui sont celles de l’historien et non pas celles du juge qui doit prononcer un verdict. Lors des rafles d’août 1942 en zone Sud, nous avons vu Laval faire preuve de détermination pour livrer aux Allemands les enfants des juifs étrangers arrêtés avec leurs familles. Le même homme fit preuve de constance et détermination pour exempter les familles de juifs français de la déportation. C’ est une vérité historique qui ne le dédouane pas de la livraison aux Allemands de Juifs français arrêtés par la police française sous divers prétextes. Une vérité qui est un bien commun dont chacun peut se saisir.
Jean-Marc Berlière Emmanuel de Chambost René Fiévet 1Laurent Joly, Anatomie d’une falsification historique, Lecture d’un récent pamphlet sur Vichy et la Shoah, dans RHMC 2023/3 (n°72), pp.151-171, Jean-Marc Berlière, Emmanuel de Chambost, René Fiévet, Histoire d’une falsification. Vichy et la Shoah dans l’Histoire officielle et le discours commémoratif, Paris, L’Artilleur, 2023. 2Jean-Marc Berlière, Hommage à Gilbert Moreux, 8 octobre 2020, sur le site HSCO, https://hsco-asso.fr/hommage-a-gilbert-moreux-par-jean-marc-berliere/ 3Emmanuel de Chambost, La radioéléectricité en France sous l’occupation, Paris, L’Harmattan, 2012. 4Alfred Fabre-Luce, Pour en finir avec l’antisémitisme, Paris, Julliard, 1979 5Robert Paxton, La France de Vichy, 1940-1944, (1973), Paris, Éditions du Seuil, 1997, pp.412-429 . 6Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton,Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 1981, p.315 ; Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton,Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, nouvelle édition mise à jour p.484 ; on notera les affirmations erronées de ces historiens nord-américains : la première mesure de marquage prise par le gouvernement de Vichy (le tampon juif sur les cartes d’identité) date de la loi du 11 décembre 1942. Le recensement des juifs (octobre 1940) et l’apposition du tampon « JUIF » sur les papiers d’identité en ZO sont des décisions allemandes ; le port de l’étoile auquel Vichy s’est opposé a été imposé par la 8e ordonnance en mai 1942. Voir aussi Robert O. Paxton, Le régime de Vichy a protégé les Juifs français en sacrifiant les juifs étrangers, dans Jean Lopez et Olivier Wieviorka dir., Les mythes de la seconde guerre mondiale, Paris, Perrin, 2017, p.110. 7Alain Michel, Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français, Paris, CLD éditions, 2012, p.233 ; l’expression « dés le début » avait été discutée et justifiée aux pages 140-141. 8Laurent Joly, L’État contre les Juifs, Paris, Bernard Grasset, 2018, p.161 9Laval Parle, Paris, A l’enseigne du cheval ailé, 1948, préface de Josée de Chambrun. Le huitième chapitre s’intitule « Juifs, communistes et francs-maçons », et comme l’indique Joly, les pages 99-106 sont consacrées aux juifs. 10Laurent Joly, 2018, op. cit., pp.112-113. 11Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, le rôle de Vichy dans la solution finale en France, 1942, Paris, Fayard, 1983. 12Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Tome 2, (1985), Paris Gallimard, 2006, p.1123. 13Laurent Joly, 2018, op. cit. pp. 111-112. 14Jean-Marc Berlière et al., 2023, op.cit. p.155 15Compte rendu de la réunion du 2 juillet 1942, rédigé par Hagen, cité dans Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, le rôle de Vichy dans la solution finale en France, 1942, Paris, Fayard, 1983, p. 231 16 Laurent Joly, L’État contre les juifs, (2018) Paris, Flammarion/Champs histoire, 2ème édition, 2020, Introduction, page V. 17Serge Klarsfeld, 1983, op. cit., p.115-116 18 C’est le cas par exemple à Poitiers, dans les AD89 (carton 88 W 51, liasse 109 W 79, etc..) mais on trouve des cas semblables dans d’autres départements. 19Alexandre Doulut, La déportation des Juifs de France, changement d’échelle, Paris, CNRS éditions, 2025. 20 Laurent Joly, 2023, art. cit. p.162 21 Sur cette question voir le livre pionnier d’Eric Conan, Sans oublier les enfants, Grasset, 1991 (diverses rééditions). 22Alexandre Doulut, op. cit., 2025. 23Jean-Marc Berlière et al., 2023, op. cit. par exemple, p.32 et 156-160 ; Jean-Marc Berlière, Polices et policiers français dans la répression raciale, dans Polices des temps noirs, Paris Perrin, 2018, pp.701-790, voir en particulier les pp.713-723 ; Alain Michel, Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français, Paris, CLD éditions, 2012. 24Laurent Joly, Vichy, les Français et la Shoah : un état de la connaissance scientifique, Introduction, La Revue d’Histoire de la Shoah, 2020/2, n°212, pp.13-28. 25Alain Michel, 2012, op. cit., p. 26Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, le rôle de Vichy dans la solution finale en France, 1943-1944, Paris, Fayard, 1985, p.191. 27Alain Michel, 2012, op. cit., pp.90-92 et 94-96 28Laurent Joly, Vichy ans the Deportation of the Jews, a Historiographic Essay in Relation to Alain Michel’s Book, Yad Vashem Studies (Vol 41:1, 2013) 29Alain Michel, L’État contre les Juifs, Une approche réductrice de l’antisémitisme de Vichy, suir le site Herodote.net novembre 2018 https://www.herodote.net/Une_approche_reductrice_de_l_antisemitisme_de_Vichy-article-1754.php 30Voir la note d’Eichmann du 22 juin « Il est prévu d’envoyer au travail au camp d’Auschwitz un premier contingent composé de 40000 juifs français de zone occupée [ 40000 aux Pays-Bas et 10000 en Belgique] par trains spéciaux quotidiens de 1000 personnes »), Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs de France, juillet 1940-août 1942, Tome 2, Paris, Fayard, 2001 p.416. Voir aussi le compte-rendu rédigé par Hagen d’un dîner du 2 septembre avec l’ambassadeur Abetz, Oberg et Laval : « Il faudrait en particulier ne pas lui imposer a priori des nombres de juifs à déporter. On avait exigé par exemple que soient livrés 50000 juifs pour les 50 trains qui sont à notre disposition », Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs de France, juillet 1940-août 1942, Tome 3, Paris, Fayard, 2001, p.1034. 31Laurent Joly, 2023, art. cit., pp.156-160. 32Asher Cohen, Persécutions et sauvetages, Juifs et Français sous l’Occupation et sous Vichy, Paris, Cerf, 1993, p.264. 33Robert O.Paxton, Le régime de Vichy a protégé les Juifs français en sacrifiant les Juifs étrangers, dans Jean Lopez et Olivier Wieviorka dir., Les mythes de la Seconde guerre mondiale, volume 2, Paris, Perrin, 2017, p.117. 34Serge Klarsfeld, 1983, op. cit., pp.115-116 35Ibid p. 454. 36Laurent Joly, 2018, op. cit., p.115 et Robert O. Paxton, 2017, art. Cit., p.117 37Laurent Joly, Vichy dans la solution finale, Histoire du Commissariat général aux questions juives, 1941-1944, Paris, Grasset, 2006. 38Laurent Joly, 2023, art. cit., p.155 39Robert Aron, Le piège où nous a pris l’histoire, Paris, Albin-Michel, 1947, p.43. 40Sylvie Bernay, L’église de France face à la persécution des Juifs, 1940-1944, Paris, CNRS éditions, 2012, p.131. 41Sylvie Bernay, op.cit., p.129-142. On retrouve la même approche dans Bob Moore, The structures of Rescue, Key Determinants in the Survival of Jews in Western Europe during the Holocaust, dans Dan Michman ed., Hiding, Sheltering, and Borrowing Identities, Jerusalem, Yad Vashem, 2017. 42Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka évoquent même « un régime clérical à la française, Vichy, 1940-1944, Paris, Tempus-Perrin, 2004, p.176. 43 Jean-Marc Berlière, Démissionner ?, dans Polices des temps noirs, Paris Perrin, 2018, pp.241-248. 44En fait, Laurent Joly adresse ses reproches directement à Jean-Marc Berlière. Il était indiqué à la fin du livre que chacune des trois parties, bien que signées des trois auteurs avait été plus particulièrement prise en charge par l’un d’entre eux. 45Laurent Joly, 2018, op.cit. p.116 et p.145. 46Compte-rendu de la réunion du 2 juillet par Hagen dans Serge Klarsfeld, 1983, op. cit., pp.227-232. 47 Serge Klarsfeld, 1983, op. cit. ; Serge Klarsfeld, Vichy-Auschwitz, le rôle de Vichy dans la solution finale en France, 1943-1944, Paris, Fayard, 1985; Serge KLARSFELD, Le calendrier de la persécution des Juifs de France, juillet 1940-août 1942, et Le calendrier de la persécution des Juifs de France, septembre 1942-août 1944 Paris , Fayard, 2001. 48Pim Griffioen & Ron Zeller, Persecution and Deportation of the Jews in the Netherlands, France and Belgium, 1940–1945, in a Comparative Perspective, Amsterdam, 2018, (mise à jour de l’article des mêmes auteurs, Comparing the persecution of the Jews in the Netherlands, France and Belgium, 1940–1945: similarities, differences, causes, dans Peter Romijn et al., The Persecution of the Jews in the Netherlands, 1940–1945: New Perspectives, Amsterdam University Press, 2012. Voir aussi Timothy Snyder, Terres noires, L(Holocauste et pourquoi il peut se répéter, (2015), Gallimard, 2016. 49Jacques Sémelin, La survie des Juifs en France : Une approche multifactorielle, La Revue d’Histoire de la Shoah, 2020/2, n°212, pp.275-292 ; Le même auteur avait été plus ambigu en 2013, Jacques Sémelin, Persécutions et entraides dans la France occupée, Comment 75 % des Juifs en France ont échappé à la mort., Les Arènes-Seuil, 2013 ; La polémique initiée par Semelin et Paxton refait surface en 2015 dans le numéro 183 de la revue « Le Débat » avec 4 articles : Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La complexité du cas français, pp.168-172, Robert O. Paxton, Comment Vichy aggrava le sort des Juifs de France, pp.173-181, Henri Rousso, Une bonne question, de mauvaises réponses, pp. 182-185 et Jacques Sémelin, Le paradoxe français, pp.186-192. 50 Jeannine (Levanna) Frenk, Hiding in Plain View, The Jewish Children in the Homes in La Creuse, dans Dan Michman ed., Hiding, Sheltering, and Borrowing Identities, Jerusalem, Yad Vashem, 2017, p.207 et p.221. 51Claire Andrieux, Approche comparée de l'aide aux Juifs et aux aviateurs alliés dans Jacques Sémelin (dir.), La résistance aux génocides : De la pluralité des actes de sauvetage, Paris,Presses de Sciences Po, 2008. 52AD73, 1362W/4/259. Voir aussi Cédric Brunier, Les Juifs en Savoie de 1940 à 1944, Mémoires et documents de la Société savoisienne d’Histoire et d’Archéologie, 2002. 53Paul Morand, Journal de guerre, Londres-Paris-Vichy, Paris, Gallimard, 2020, p.499, (entrée du 31 août 1942 ). 54Valérie Portheret, Vous n’aurez pas les enfants, XO, 2010. 55Jacques Benoist-Méchin, De la défaite au désastre, Albin-Michel, 1985 (d’après un manuscrit de juin 1944), Tome 2, p.43. 56Laurent Joly, 2023, art. cit. p. 161 57Paul Morand, 2020, op. cit., 2010, p.477 (entrée du 15 août 1942). 58Laurent Joly, Le « Journal de guerre » de Paul Morand, un témoignage capital sur le rôle de Vichy dans l’extermination des Juifs, Le Monde, 5 novembre 2020. Pour l’intelligence que Joly a de la différence entre Laval et Darquier, voir par exemple, Laurent Joly, Vichy dans la solution finale, Histoire du Commissariat général aux Questions juives, Grasset, 2006, p.701. On retrouve cette fausse citation de Laval dans le premier chapitre (La décision) de Laurent Joly, La rafle du Vél d’Hiv : Paris, juillet 1942, Paris, Grasset, 2022. 59SHD, Vincennes, GR 28 P 9 8586 Transcription intégrale du compte-rendu de la conférence de presse envoyé au BCRA de Londres par une source inconnue, mis en ligne par Michel Bergès sur le site HSCO. https://hsco-asso.fr/la-conference-de-presse-de-pierre-laval-du-13-decembre-1942/ La conférence de presse est évoquée dans le journal de Paul Morand, sans qu’il ne soit mentionné les propos sur les Juifs. 60Jacques Benoist-Méchin, De la défaite au désastre, Paris, Albin-Michel, 1985 (d’après un manuscrit de juin 1944), Tome 2, p.185 61Raphaël Spina, Histoire du STO, Paris, Perrin, 2017, p 93. 62Ibid., pp.241-245. 63Général Louis Rivet, Carnets du chef des Services secrets, 1936-1944, Paris, Nouveau Monde éditions, 2010, pp.517-518 ; Gaby Aron-Castaing, Soldats sans uniforme, Paris, Nouveau monde éditions, 2017, pp.405-428. ; Jean-Marc Berlière, Polices des temps noirs, Paris, Perrin, 2018, pp.1239-1253. |