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Projet d'une "Charte de la Résistance"
proposée par Pierre Villon au nom du F.N. en novembre 1943

(mars 2011)
L'auteur, contact


Le programme du CNR dans le best-seller de Stéphane Hessel, mythes et réalités


Pierre Villon et le programme du CNR

Pierre Villon dans le texte



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"Le programme du CNR et Stéphane Hessel"

  
Le texte de ce projet a été trouvé dans le livre de Claire Andrieu (Annexe III). A l'époque du livre d'Andrieu (1985), le texte faisait partie des archives de Marie-Claude Vaillant-Couturier, veuve de Pierre Villon. J'imagine que ce document a été, depuis lors, versé à des archives - Musée de la Résistance de Champigny ? -
Les conditions dans lesquelles ce texte a été rédigé à Beaudreville se trouvent dans les mémoires de Pierre Villon.
En plus du texte, j'ai essayé d'indiquer les différences par rapport au projet Laffon et au texte final qui sera adopté par le CNR en mars 1944.
EdC, mars 2011

Texte intégral

Différences avec le projet LaffonDifférence avec le programme de mars 1944

Projet d'une charte de la Résistance proposée par Pierre Villon en novembre 1943 (texte intégral).

Les représentants des organisations de Résistance, des Centrales syndicales, des partis et tendances politiques groupés au sein du C.N.R. délibérant en Assemblée plénière le 26 nov. 1943, expriment leur angoisse devant la destruction physique de la nation que l'oppresseur hitlérien poursuit, avec l'aide des hommes de Vichy, par le pillage, par la suppression de toute production utile aux Français, par la déportation des hommes valides et des jeunes, par le maintien dans les camps des 1 200 000 prisonniers, par l'emprisonnement de 300 000 Français et par la fusillade des patriotes les plus valeureux, qui dépasse déjà le chiffre de 50 000.

Ils proclament leur volonté unanime, non seulement de délivrer la patrie, en collaborant étroitement aux opérations militaires que les Alliés entreprendront sur le continent, mais encore de hâter cette libération, d'abréger les souffrances indicibles de notre peuple, de sauver l'avenir et la grandeur de la France en luttant maintenant, par tous les moyens contre l'envahisseur et ses agents.

Tout en adjurant les gouvernements anglais et américain de ne pas décevoir plus longtemps l'espoir et la confiance que la France, avec tous les peuples opprimés de l'Europe, place en leur volonté de battre l'Allemagne nazie le plus rapidement possible par l'établissement d'un véritable 2e Front, tout en insistant auprès du C.F.L.N. afin qu'il procure des armes aux patriotes de la métropole.

Le C.N.R. constate que les Français ne peuvent plus se contenter d'une résistance passive dans l'attente d'une aide extérieure, mais qu'ils doivent faire la guerre à l'occupant, qu'ils doivent par leur action préparer les conditions de l'insurrection nationale qui peut, l'exemple des patriotes yougoslaves et celui, glorieux, de nos frères de Corse le prouve, ne pas être conditionné par un débarquement allié et qui, en tout cas, ne peut que le hâter et assurer son succès.

La multiplication des grèves de métallurgistes, de mineurs, de cheminots, l'ampleur des arrêts de travail du 11 novembre affectant un nombre d'ouvriers au moins égal à celui des plus grandes grèves des années d'avant-guerre, arrêts de travail qui dans beaucoup de cas ont été réalisés dans l'union des patrons et des ouvriers, les grandioses et enthousiastes manifestations de cet 11 novembre qui ont eu lieu dans des milliers de villes et de villages de France, devant les monuments aux morts du Palais de Justice de Paris et de la Sorbonne, comme dans les usines et dans les hameaux, enfin l'échec infligé aux plans de déportation des jeunes Français en Allemagne, démontrent que notre peuple est prêt à se battre.

Le C.N.R., pour mobiliser les ressources immenses d'énergie de notre peuple, pour les diriger vers l'action salvatrice dans l'union totale de toutes les volontés décide :

1") d'inviter les militants des organisations de Résistance, les partisans de toutes les conceptions politiques, philosophiques et religieuses à s'unir dans le combat en créant partout, à l'échelle des départements, des villes, des quartiers et des villages des comités de patriotes (Comités de la Libération, comités de la Résistance, de la France Combattante etc., peu importe le nom),

Le but de ces Comités sera :

a) de défendre par des pétitions, des manifestations et des grèves, la vie et la santé et le bonheur des Français en luttant pour l'augmentation des salaires et des traitements, pour l'augmentation des rations alimentaires, des rations de charbon, pour l'attribution des bons de vêtements et de chaussures,

b) de défendre à l'intérieur de la corporation agricole les produc­teurs contre les prélèvements exagérés, contre les taxes insuffisantes et lutter pour le remplacement des syndics à la solde de Vichy et de l'Allemagne par des paysans dévoués à la cause de la paysannerie française,

c) de défendre les conditions de vie des anciens combattants, des prisonniers, des femmes de prisonniers et des déportés, en luttant à l'intérieur de leurs groupements respectifs pour toutes leur revendica­tions particulières,

d) de développer la lutte contre la déportation et aider les réfractaires à la déportation à se cacher, à se nourrir, à se vêtir et à se défendre contre les rafles policières,

e) de mener la lutte contre les réquisitions des produits agricoles, des matières premières et d'installations industrielles pour le compte de l'ennemi,

f) de traquer et punir les agents de la Gestapo, les mouchards et les traîtres.

g) de saboter et de paralyser la production destinée à l'ennemi et ses transports par route, par fer et par eau,

h) de faciliter la constitution de formations armées de patriotes : Groupes Francs, Francs-Tireurs et Partisans, en particulier parmi les réfractaires, et d'organiser des milices patriotiques dans les entre­prises, dans les villes et à la campagne, destinées à chasser l'envahisseur et à défendre les biens français contre la rage destructrice et incendiaire hitlérienne.

2) D'inviter le Comité Militaire de la Résistance, état-major des F.F.I. tout en préparant minutieusement la coopération avec les alliés en cas de débarquement,

a) à faire distribuer des dépôts d'armes inutilisées aux formations décidées à se battre dans le présent,

b) à donner ordre à toutes leurs formations de combattre dès maintenant l'ennemi en harcelant ses troupes, en paralysant ses transports, ses communications et ses productions de guerre, en capturant ses dépôts d'armes et de munitions, afin d'en pourvoir les patriotes encore désarmés.

c) à coordonner l'action militaire avec l'action de résistance de la masse de la nation en incitant les organisations régionales paramili­taires d'appuyer et de protéger les manifestations patriotiques, les mouvement des femmes de prisonniers, des paysans et des ouvriers, contre la police hitlérienne, d'empêcher les réquisitions de vivres et d'installations industrielles, les rafles organisées contre les réfractaires et les ouvriers en grève, et de défendre la vie et la liberté de tous les Français contre le terrorisme de l'envahisseur barbare.

Ainsi, par l'application des décisions de la présente charte se fera, dans l'action, l'union étroite de tous les patriotes, des communistes aux modérés, des laïques aux croyants. Ainsi se constituera dans la lutte, une armée expérimentée, rompue au combat, dirigée par des cadres éprouvés devant le danger, une armée capable de jouer son rôle lorsque les conditions de l'insurrection nationale seront réalisées, armée qui élargira progressivement ses objectifs, ses effectifs et son armement.

Ainsi, par l'effort et le sacrifice de tous sera avancée l'heure de la libération du territoire national, ainsi la vie de milliers de Français pourra être sauvée et d'immenses richesses pourront être préservées.

Ainsi, dans le combat, se forgera une France plus pure et plus dure, capable d'entreprendre au lendemain de la libération la grande oeuvre de reconstruction et de rénovation de la Partie.

Unis sur le but à atteindre, unis sur les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ce but qui est la libération du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis et tendances politiques représenté au sein du C.N.R. proclament qu'ils sont décidés à rester unis après la libération :

1) afin de veiller au châtiment des traîtres,

2) afin d'assurer :

- L'établissement de la démocratie la plus large conformément aux décisions d'une Constituante élue au suffrage universel,

- La liberté de conscience pour les croyants et les laïques,

- La liberté de la presse, son honneur et sa propreté,

- La liberté d'association, de réunion et de manifestation,

- L'inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance,

- Le respect de la personne humaine,

- L'égalité absolue de tous les citoyens devant la Loi,

3) afin d'instaurer :

- Le droit au travail et le droit au repos,

- Les assurances sociales à la charge de l'Etat couvrant tous les risques de maladies et d'accidents,

- Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours,

- Une assurance contre les calamités agricoles,

- Le développement et le soutien des coopératives de production d'achat et de vente agricoles et artisanales,

- Le droit pour tous les enfants français de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents,

en trouvant les ressources nécessaires à ces mesures, au dédommage­ment des sinistrés et à un vaste développement de la production, par la confiscation des biens des traîtres, par un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et sur les gains réalisés dans la période de l'occupation, et par le retour à la Nation des grands moyens de production, fruits du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurances et des grandes banques.

4) afin de défendre l'indépendance économique et politique de la Nation et de rétablir la France dans sa grandeur.

L'Union des représentants de la Résistance pour l'action dans le présent et dans l'avenir dans l'intérêt supérieur de la patrie doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Il doit les inciter à éliminer tout esprit particulariste, tout ferment de division qui pourrait freiner leur action et ne servir que l'ennemi.

En avant donc, dans l'Union de tous les Français, rassemblés autour du C.F.L.N. et de son président, le Général de Gaulle,

En avant pour le combat, en avant pour la Victoire, afin que.

VIVE LA FRANCE.

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Différences avec le projet Laffon

Ce qu'on appel le "projet Laffon" est un texte daté du 12 juillet 1943 et soumis au CNR par Émile Laffon, envoyé en mission depuis Londres par le Commissaire à l'intérieur André Philippe.

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Différences avec la version finale du Programme du CNR (mars 1944)
On peut trouver le programme du CNR de mars 44, en ligne, par exemple, sur Wikisource.

La première partie, Action Immédiate,
de la version finale, a conservé la condamnation de l'attentisme du projet Villon, mais affiche une solidarité avec le CFLN dont le projet Villon était dépourvu en faisant adopter par le CNR une posture revendicative vis-à-vis du gouvernement provisoire d'Alger, tout comme les revendications aux distributions d'armes sont mises en sourdine.
Toujours dans la première partie, l'idée de
« Comités de patriotes » dans les villes, villages etc... est conservée, mais les comités sont beaucoup plus encadréssont remplacés par des « Comités départementaux de la Libération » (CDL), eux-mêmes mieux intégrés au CNR.
La deuxième partie du texte final,
« Mesures à appliquer » est plus développée que dans le projet Villon, et on retrouve, dans la partie économique quelques pétitions de principe (par exemple « instauration d'une véritable démocratie économique et sociale, ... subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général » qui rappelle plus le projet Laffon que le projet Villon.
Le projet final comporte deux nouveaux items: « La participation des travailleurs à la direction de l'économie » et « une extension des droits politiques, sociaux et économiques ds populations indigènes et coloniales. »

Finallement, Villon aura dû faire quelques concessions vers certaines idées typiquement socialistes dont il ne voulait pas s'encombrer. Son texte, beaucoup plus dépouillé se prêtait mieux à l'union nationale en ne heutant aucune sensibilité sans exclure l'adjonction de telle ou telle idée générale qui puisse faire plaisir à tel ou tel mouvement. Les communistes, à ce moment-là, ne manifestent aucun intérêt pour les idées générales (
tout comme de Gaulle). Dans leur grande sagesse, ne sachant pas de quoi la Libération sera faite, ils essaient d'être en position de force, à partir de quoi, il sera toujours possible d'improviser les mesures les plus opportunes.
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