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GUSTAVE GUEHENNEUX (alias VICTOR)
Cette page
est constituée, pour l'essentiel, d'extaits du livre "La Direction du PCF dans la Clandestinité (1941-44)"
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Les circuits de communication du Parti en 1943 |
Fils de paysans bretons, de Saint-Etienne-du-Gué-en-l'Isle, du coté de Loudéac, dans les Côtes-du-Nord, il savait à peine parler Français quand il est venu s'établir dans la banlieue Sud, en 1931. Il avait vingt ans. Il s'intègre à la cellule des "Violettes", à Bagneux, milite également au syndicat des garçons bouchers de la Seine-Sud, en 1936, quand se négocient les premières conventions collectives. Gustave Guéhenneux que nous appelons ici par son pseudo de résistant, Victor, n'est pas du genre intellectuel autodidacte, il ne fréquentera pas les écoles du Parti, mais il devient un militant de confiance, qui connaît tout le monde à Montrouge, où il travaille, et à Bagneux où il habite. Quand survient la guerre d'Espagne, un des responsables locaux du Parti, le docteur Ber, conseiller municipal de Bagneux, lui propose de partir en octobre 36. C'est une proposition qui ne se refuse pas.
Dirigé
sur la base d'Albacete où étaient regroupés les volontaires des Brigades,
affecté au bataillon "Commune de Paris", Victor est nommé
commissaire politique de sa section. Blessé une première fois au cuir
chevelu, il peut reprendre le combat, mais, la deuxième fois, il doit être
rapatrié en France, le corps criblé d'éclats de grenade. A cette époque où
tant d'éléments laissaient prévoir que la paix pourrait bien voler en éclat,
Arthur
Dallidet
cherchait à remettre à jours ses fiches de cadres en ouvrant une rubrique
d'anciens d'Espagne ayant subi l'épreuve du feu. Il questionna Victor sur
chacun des volontaires. Pourquoi Victor ? Il y en avait bien d'autres plus élevés
dans la hiérarchie. S'agissait-il d'affinités bretonnes ? ou bien Arthur
avait-il précisément choisi un militant de base ayant gardé assez de bon
sens pour apprécier le sang-froid des copains et leur aptitude à faire face
aux coups durs ? Toujours est-il qu'Arthur le garde dans son équipe.
Juin 40: Le retour
Vingt-neuf ans, Breton débrouillard, garçon boucher transplanté à Bagneux où
il deviendra un communiste fidèle. Dans la suite du récit, nous appellerons
Gustave Guéhenneux par son nom de clandestinité, Victor. Commissaire politique
dans les brigades, en Espagne, Victor avait été blessé à deux reprises avant
d'être rapatrié en France en novembre 38. Juste avant la guerre, il avait
collaboré avec Arthur Dallidet, responsable des cadres, pour élaborer des
listes d'anciens volontaires des brigades, prêts à servir le Parti en cas de
coups durs. Arthur et son adjoint Beaufils
avaient
retranscrit ces listes précieuses sur de petits carnets dont un jeu fut confié
à Victor et l'autre jeu à Beaufils. Victor avait découpé ses carnets en
deux. Il avait rangé la partie contenant les noms dans la cave de son oncle,
rue Reulos à Villejuif, alors que la partie contenant les adresses avaient été
confiée à la camarade Moronval
de
Bagneux.
Quand Victor est mobilisé, en 1939, Arthur
lui
dit: "On se retrouvera toujours après, fais attention de ne pas être
prisonnier." En Lorraine au moment de l'offensive allemande, Victor qui
en a vu d'autres sur le front de la Sierra Caballs n'est pas trop impressionné
par les bombardements en piqué des stukas. Quand il comprend que toutes les
unités constituées se rendent à l'ennemi souvent sans tirer un seul coup de
feu, il s'éclipse discrètement, en vélo, d'abord, puis laissant son vélo à
un blessé, poursuit sa retraite solitaire à cheval. Les armées utilisaient
encore beaucoup de chevaux, il n'était pas très difficile d'en récupérer.
"Je suis allé comme ça, de Dornans jusque dans l'Yonne.
C'était un cheval qui prenait le mors aux dents dés qu'il voyait un autre
cheval. J'ai contourné Troyes, je me suis ravitaillé à une épicerie. En
sortant de Troyes, je mets le cheval à brouter l'herbe, et moi, je casse la croûte.
D'un seul coup, l'artillerie Allemande s'est mise à tirer sur Troyes. Le cheval
se cabre, alors, je suis reparti, avec mon uniforme bleu de fantassin. Beaucoup
plus loin, dans l'Yonne, j'ai été arrêté par un commandant d'artillerie qui
m'avait pris pour un Allemand déguisé. Ils m'ont pris le cheval, j'avais juste
le temps de récupérer mon ravitaillement dans la selle. Je leur avais bien dit
que les Allemands n'étaient pas loin, mais ils ne m'ont pas écouté. Au bout
d'un quart d'heure, j'étais encore en train de casser la croûte, et des
estafettes allemandes sont arrivées. Pas un seul coup de canon tiré, tout le
monde prisonnier. Les Allemands avaient dit de remonter vers le Nord, forcément,
eux, ils allaient vers le Sud, Alors, le chef de section, il a dit à ses hommes
de le suivre vers le Nord, en chantant."
Victor
se cache quelque temps dans une ferme de l'Yonne où un homme valide est une
aubaine à cette époque de l'année. Bien bronzé après avoir fait les
betteraves et les foins, le 13 juillet, il décide de regagner Paris. Le métayer
chez qui il avait travaillé lui prête un vélo. Victor passe sans encombre les
barrages en se faisant passer pour un ouvrier agricole Italien et couvre dans la
journée les 200 Km qui le séparent de Paris. Il passe la nuit dans la luzerne
du coté de Belle-Epine. Autant dire qu'il a retrouvé son territoire.
"...Le
lendemain matin, j'ai contourné Paris, jusqu'à Arcueil, où j'habitais. Ma mère
était partie, il n'y avait plus personne. J'ai cassé un carreau pour rentrer
à la maison. A Paris, j'ai vu des affiches qui disaient qu'il fallait se faire
démobiliser à la gendarmerie. J'avais un copain gendarme à Bagneux qui m'a
dit que c'était juste pour la carte d'alimentation et pour toucher 500F. Je
suis donc allé à la gendarmerie de Cachan. Je leur ai demandé "c'est pas
pour nous piquer ?" parce que moi, j'avais pas du tout l'intention d'aller
en Allemagne. J'ai trouvé un gendarme breton qui m'a dit "Ne crains
rien". J'ai vite retrouvé des camarades qui m'ont tout de suite donné du
boulot, il fallait que j'aille chercher des stencils à Malakoff, et c'est comme
ça que je suis allé dans la maison de Raspail. Il y avait là deux camarades,
un homme et une femme qui sortaient des tracts. Quand les tracts étaient
sortis, j'allais les porter à Antony, Ivry, etc..."
Le 10 août, Victor retrouvera, tout juste rentré de la zone Sud, Arthur Dallidet qui le chargera de missions diverses pour remettre sur pied le dispositif clandestin de la direction. Mais avant tout, il récupère les précieux carnets, véritable trésor du parti.
Victor, est investi, en raison de ses racines rurales, de missions que
l'on peut qualifier de tout à fait terre à terre. Il fera plusieurs voyages en
Bretagne, où est resté son père, pour approvisionner le Parti en un certain
nombre de denrées. Dès son retour de la guerre, il fut ainsi dépêché à
Paimpol où il négocia vingt tonnes de pommes de terre qui furent acheminées
jusqu'à Arcueil Cachan. Vue la pénurie d'essence, il dut louer à une vieille
femme un équipage complet constitué d'un cheval et d'une charrette pour
transporter son stock de tubercules dans la cave à charbon du bougnat de
Bagneux qui avait avancé les fonds nécessaires à l'opération. Pendant un
temps, Arthur ne donna plus signe de vie si bien que le bougnat écoula avec
profit toute la réserve pour son propre compte.
D'autres opérations furent plus réussies, du beurre et des oeufs de Dréand-Loudéac
finirent bel et bien dans l'estomac des camarades après avoir toujours transité
par Arcueil-Cachan. L'affaire des pommes de terre eut au moins le mérite de
poser le problème des moyens de transport, si bien qu'un autre voyage eut pour
objectif l'acheminement d'un cheval. En ce temps là, ce n'était pas un problème
de se faire livrer un cheval à Vaugirard. Pour le service en ville, une jument,
plus civilisée, aurait été préférable au cheval, mais le père de Victor
n'en avait pas. Le cheval, cédé à l'entreprise de transports Teulet, que Raph
sollicitait fréquemment, joua un rôle de premier plan dans la réorganisation
du dispositif technique, charriant des tonnes de papier et déménageant des
imprimeries entières.
1941 Garde du Corps de Duclos
Arthur Dallidet eut l'idée de faire de Victor le garde du corps de Duclos. Fidèle, débrouillard, courageux, Victor a le profil idéal. Alors que Duclos dirige le Parti clandestin depuis les HBM des boulevards périphériques, vis-à-vis de la concierge, il se fait généralement passer pour le mari de Gilberte Duclos. A Villebon, même s'il doit parfois escorter discrètement Jacques Duclos avec un revolver dans la poche, il est bien davantage un agent de liaison qu'un garde du corps. Les agents de liaison étaient normalement des femmes, mais pour Duclos, on a mis un homme, à cause du revolver.
Lorsque Duclos déménage dans sa planque de Villebon-sur-Yvette, Victor s'installe également à la villa de l'Oasis. Duclos ne sort de la Villa qu'une fois par mois, pour les réunions du secrétariat. C'est donc Victor qui assure l'essentiel des communications de Duclos avec le monde extérieur: Il prend la route chaque matin pour rencontrer d'autres agents de liaison, presque uniquement des femmes, qui remettront aux différents responsables du Parti les messages du Centre. (Voir les circuits de communication du Parti en 1943). L'une de ces correspondantes était Lucie Grattadoux qui fut arrêtée en Février 43, internée à Fresnes et qui devint la femme de Victor à la Libération.
Pour renforcer la sécurité autour du Centre, il y avait souvent 3 étages d'agents de liason entre Duclos et les autres responsables du Parti. C'est ainsi que Victor rencontrait souvent Manuela Appere, alias Solange, alias Manolita, qui avait elle-même le contact avec d'autres agents de liaison. C'est Victor également qui faisait la liaison avec les radios qui émettaient en direction de l'ambassade soviétique de Londres. Pendant ces 4 années de clandestinité il frôla évidemment l'arrestation à de nombreuses reprises.
A la Libération, le 25 Août, Victor échange son revolver contre une mitraillette pour convoyer Duclos, Frachon et Lecoeur jusqu'au siège du Parti pour la mémorable journée de retrouvaille des dirigeants qui sortent de la clandestinité.
Après la planque, le Placard
Jusqu'au 22 Mars 47, Victor continue de travailler dans le service d'ordre du Parti. Intervenu en urgence avec un revolver et une fausse carte de police pour sauver la réputation de Jacques et Gilberte Duclos, (Voir l'affaire du Trésor de Villebon/Yvette) il est arrêté en compagnie de Raph Dallidet, il fait quelques mois de prison et doit alors rompre tous les contacts officiels avec le Parti qui lui trouve un travail comme chauffeur à l'ambassade de Hongrie.
Retiré dans la Manche, Gustave Guéhenneux décéda en 1997