HISTOIRE DE LA CSF SOUS L'OCCUPATION, « l'enfance de Thales »

Instruction contre Girardeau et Brenot (1945-1949)


(Création  11 novembre 2012)

 

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L'auteur

Collabos ou Résistants ? 70 ans après les faits, le procés n'en finit pas de se rallumer ? Le juge d'instruction Lyon qui doit instruire le dossier Girardeau-Brenot sait sans doute que dans cette affaire, on va vers le non-lieu, mais il n'a pas envie non plus de se faire mener en bateau par les dirigeants de la SFR qui connaissent évidemment très bien leur dossier. Il organise alors des confrontations avec les résistants "indiscutables que sont Viennot et Fleury. Ce dernier va jouer avec talent le rôle de procureur dans cette instruction qui se transforme en véritable procés à huis-clos. J'ai trouvé ces empoignades passionnantes. Elles permettent d'abord de cerner la réalité au plus près, car en 1949, quelques années après les faits, on ne pouvait pas se permettre de raconter n'importe quoi en présence de contradicteurs avertis. Et surtout, elles montrent comment était posée en 1949 la problématique de la collaboration.

L'instruction du juge Lyon Jean Fleury, 5 mars 1948 Simone Truffit, 26 avril 1948 Simone Caillet-Truffit et Fleury, 17 mai 1949
Tabouis-Fleury-Girardeau, 21/05/49 Audition Fleury, 28/05/49, 14H30
Girardeau-Fleury-Tabouis, 28/05/49, 14H45
 Kyticas-Girardeau-Brenot-Fleury, 01/06/49


L'instruction du juge Lyon

Dés la fin de 1944, le tout nouveau service de renseignements du nouveau gouvernement, la DGER avait lancé une enquête sur les activités de la SFR pendant l'Occupation. Ceci est raconté au chapitre 19 du livre. Suite aux investigations de la DGER, le 29 juin 1945, le juge d'instruction Lyon lance une commission rogatoire « contre X pouvant appartenir à la direction ou au personnel de la SFR » et commet un expert-comptable pour perquisitionner le siège de la SFR.

En 1948, le juge Lyon disposait du dossier, à charge, de la DGER et d'un certain nombre de textes et d'auditions de Girardeau dont le plus récent est un mémoire de défense de 20 pages, La SFR sous l'occupation ennemie, rédigé en 1947. La méthode du juge pour éclaircir ce dossier, complexe à bien des égards, est de dégager une liste d'un petit nombre de points controversés. Du dossier de la DGER, il retient trois charges principales: les bonnes relations que semblaient entretenir les directions de SFR et de Telefunken, le zèle avec lequel la SFR semble avoir produit une abondance de matériel militaire pour le compte des Allemands et la mise à disposition de la Kriegsmarine des émetteurs de Sainte-Assise. Du mémoire de défense de Girardeau, le juge Lyon retient trois manifestations de « Résistance » qui seraient autant de circonstances atténuantes: les activités de l'usine de Lyon, celles de l'usine d'Alger, le sabotage du radar de Toulon. Dans les différentes commissions rogatoires communiqués aux témoins le plus à même d'éclairer sa lanterne, le juge Lyon pose les questions suivantes:

« 
  • Le témoin est-il au courant du contact entre la direction de la SFR et des autorités allemandes et de l'attitude qu'a eue cette direction pendant l'occupation avec ces autorités ?

  • Le témoin est-il au courant de l'activité de la SFR avec les autorités allemandes et quelles ont été les conditions de cette activité. La SFR a-t-elle obéi à une contrainte ou une collaboration s'est-elle instaurée d'office entre celle-ci et les Allemands par suite des rapports internationaux que cette société avait eu, antérieurement à la guerre, avec les firmes allemandes.

  • Le témoin a-t-il été au courant des conditions qui ont présidé à la création de la succursale de Lyon. Quelle a été l'activité de cette succursale ? A-t-elle fourni des appareils clandestins à la Résistance ?

  • Le témoin a-t-il été au courant de la création et de l'action de la firme d'Alger ? Quels ont été les rapports entre la succursale de Lyon et la maison-mère ? Cette firme d'Alger a-t-elle fourni, et dans quelles conditions des appareils de radio aux Forces Françaises Libres ?

  • Le témoin a-t-il été au courant des sabotages effectués lors de l'entrée des Allemands dans le port de Toulon, sabotage qui auraient porté sur des appareils radar ? Ces sabotages ont-ils eu lieu, ou sur les ordres, ou avec l'assentiment de la direction ?

  • Le témoin est-il au courant de la location par la direction, de l'émetteur à ondes longues de la station de Sainte-Assise aux Allemands, ainsi que de la réparation offerte par la SFR et effectuée par elle, des émetteurs à ondes courtes de la même station afin que ces appareils puissent être utilisés par les Allemands ? Est-il au courant de la puissance de cet émetteur et de sa valeur (première installation au monde) qui a permis de contacter des sous-marins allemands au sud du cap de Bonne-Espérance ?

Le témoin, précisera, pour chaque point ci-dessus, le cas échéant, l'activité personnelle et la responsabilité personnelle des différents dirigeants de la SFR. »

J'ai consigné ci-dessous une partie des minutes des débats contradictoires qui se sont tenus en 1948 et 1949, et  tout d'abord, le débat contradictoire entre les trois résistants et les dirigeants de la SFR. Amorcé par de simples dépositions en 1948 le débat revêt vraiment la forme contradictoire en mai 1949. Sauf exception où j'ai été amené à corriger des coquilles ou à supprimer des incorrections, le texte est celui qui a été consigné par le greffier.

Jean Fleury, 5 mars 19481

Jean Fleury se présente: ingénieur, 47 ans, résidant 1 bis Bld Richard Wallace à Neuilly. Il a quitté la DGER dont il était le responsable technique à la Libération. Il a pris la direction de plusieurs sociétés indépendantes de la CSF et s'est fait élire conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine sous l'étiquette du RPF. (Voir la page qui lui est consacrée, Fleury et le réseau Electre).

Fleury:

Déposition Simone Truffit, 26 avril 1948

A mon retour de Syrie, j'ai vu M.Girardeau, président directeur général de SFR, qui m'a déclaré avoir pris contact avec la Telefunken et avoir obtenu de celle-ci que les fabrications de la SFR avec les Allemands seraient d'ordre civil et non militaire. Par la suite, les fabrications de la SFR empiétèrent rapidement sur le domaine militaire.

L'usine de Lyon

je fus envoyé à Lyon, au début de l'année 1941, pour remplir les fonctions de directeur commercial des établissements de Lyon que la SFR venait de fonder. Cet établissement était destiné à maintenir le contact avec les autorités françaises repliées en zone libre. En effet, la plupart des sociétés concurrentes avaient une usine de repli en zone libre, tandis que par malchance, l'usine de repli de la SFR était à Cholet, en zone occupée. Par la suite, l'établissement de Lyon prit un caractère industriel parce que les Allemands avaient pris l'habitude de réquisitionner le matériel que l'usine de Levallois fabriquait pour le compte des autorités françaises dés que celui-ci sortait des ateliers. La SFR avait été amenée à expliquer aux autorités allemandes, que la fondation de cette usine de Lyon servait leurs intérêts puisque, d'une part, le potentiel de l'usine de Levallois s'en trouvait augmenté d'autant à leur profit, et que, d'autre part, il fallait bien que les administrations civiles françaises repliées en zone Sud ne manquassent pas exagérément de matériel nécessaire. La SFR avait obtenu des autorités allemandes leur autorisation pour ce transfert et pour ces fabrications. Une seule fabrication de Lyon ne fut pas connue des Allemands. C'est celle d'une vingtaine de petits émetteurs clandestins qui furent fabriqués à la demande du service de renseignement des administrations militaire du gouvernement de Vichy.. Un seul de ces appareils fut remis à un mouvement de résistance clandestin, et cela, sous ma responsabilité et à l'insu du personnel dirigeant de la SFR. On peut donc dire que les contacts de la SFR avec la Résistance furent inexistants.

La SFR a été amenée à conclure des marchés d'études avec les autorité de Vichy et certaines de ces études, à la demande du colonel Labat, ne furent pas révélées aux Allemands, ou plutôt, elles ne le furent que lentement et incomplètement., notamment par M. Brenot au Dr. Schultz. C'est M. Brenot qui me l'a appris personnellement. Il l'a également dit à MM. Roy et Fourneau. Enfin, M. Brenot nous en faisait part dans sa correspondance. Le caractère secret des études entreprises par la SFR pour le compte des autorités de Vichy, était une condition sine qua non posée par le colonel Labat. D'ailleurs, ces études étaient très avantageuses sur le plan financier pour la société.. Le colonel Labat est décédé.

L'usine d'Alger

La SFR fut sollicitée par les autorités d'Alger pour leur fournir du matériel Radio, notamment pour les besoins des troupes. En raison de l'insécurité de la zone libre en France, il fut décidé de fonder à Alger un atelier de montage dans lequel il serait possible de fabriquer le matériel nécessaire. Les autorités d'Alger s'étaient engagées à passer à la SFR un montant de commandes suffisant pour que cette opération fut rentable. La direction de la SFR recherchait en zone libre et en zone occupée les lots de rechange qu'elle-même ou ses concurrents avaient fabriqués avant la défaite en vue de construire les appareils réclamés par Alger. Les lots étaient expédiés soit à Lyon soit à Marseille en vue de les faire parvenir à Alger. En raison des évènements, certains de ces lots de pièces restèrent en route, d'autres parvinrent à destination et permirent à la SFR d'Alger de tenir, en partie, ses engagements vis-à-vis du gouvernement général de l'Algérie. Il s'agit là d'une opération purement commerciale qui ne porta en rien atteinte au potentiel des usines de la SFR travaillant soit pour les Allemands, soit pour les administrations de Vichy.

Les évènements de Toulon

Des appareils installés à Toulon consistaient en un dispositif expérimental de radar qui était apte à mesurer les distances et moins bien les directions. Ce matériel fut monté à la demande de la marine française aux environs de Toulon, face à la mer. Au moment de l'invasion de la zone libre par les Allemands, M.Gutton, qui était responsable de la mise au point de ce radar, fut sollicité par la marine pour se préparer à détecter les flottes alliées susceptibles d'apparaître au large. Il s'y refusa, bouleversa les réglages et réussit à opérer certaines destructions avant que les autorités de la Marine ne l'eussent éloigné de l'emplacement du radar. par la suite, ce matériel fut complètement détruit par la Marine elle-même lorsque les Allemands occupèrent Toulon. Je ne sais cela que par la relation que m'en fit à l'époque M.Gutton. Dans tous les cas, M.Gutton fut très affirmatif sur les raisons qui le conduisirent à agir de la sorte. Il n'avait aucun ordre de la direction de la SFR dans ce sens et seul son patriotisme personnel lui dicta de procéder à ces destructions.

J'ajoute que ces destructions n'avaient rien à voir avec des « destructions massives ». Il s'agissait d'un appareil expérimental de peu d'importance. Cela n'enlève rien d'ailleurs au courage de M.Gutton.

Le centre d'émission de Sainte-Assise.

Au début de l'année 1943, je fus affecté de nouveau à la Compagnie Radio-France comme chef des services techniques et d'exploitation. J'y trouvais la situation suivante:

Les alternateurs à ondes longues de 500 KW travaillaient pour le compte de la Marine allemande et cela dans des conditions telles que lorsqu'ils avaient travaillé pendant 24 heures consécutives, on apprenait le lendemain dans les journaux qu'une flotte alliée venait d'être coulée dans l'Atlantique..

Ces alternateurs n'étaient pas réquisitionnés, mais loués,et fort cher, à la Marine allemande. Cette location, d'après le récit que m'en fit à l'époque le directeur général de la Compagnie, fut offerte aux Allemands afin, d'une part, que l'exploitation fut mieux assurée et, d'autre part, à en tirer le plus grand profit. Le directeur général est actuellement décédé.

Les alternateurs de Sainte-Assise figurent parmi les plus puissants du monde, et en tous cas, les plus perfectionnés. L'antenne est la plus grande du monde. L'efficacité est telle qu'un sous-marin en reçoit les signaux par dix mètres de plongée au sud du cap de Bonne Espérance. Les Allemands attachaient tellement d'importance au bon fonctionnement de Sainte-Assise qu'ils y mirent en garnison une compagnie complète de la Kriegsmarine et qu'ils en protégèrent l'accès par plus de 12000 mines. Par la suite, la direction de Radio-France offrit aux Allemands de reconstituer les postes ondes courtes qui avaient été détruites par le personnel au moment de l'armistice. cette proposition fut acceptée et, au fur et à mesure qu'un émetteur était reconstruit par le personnel français d'exploitation de la société, il rentrait en service et donnait lieu à une nouvelle profitable location.

Le juge Lyon:

Qui a présidé et permis la location des alternateurs à ondes longues et la réfection des émetteurs à ondes courtes ?

Fleury:

C'est le colonel Garnier, actuellement décédé, président directeur général de la société Radio-France. Toutefois, rien de ce que faisait le colonel Garnier n'était ignoré de M.Girardeau président directeur général de la SFR.


Pierre Viennot, 19 avril 19482

Pierre Viennot se présente: 35 ans, habitant 19, rue d'Hautefeuille à Paris. De son séjour à Dora, malgré la protection de von Henk, il a gardé des séquelles qui lui ont valu un séjour en sanatorium, près de Briançon. Il est encore employé à l'usine SFR de Levallois. (Voir la page Pierre Viennot)

Pierre Viennot

Je tiens à préciser un premier point, c'est que je ne sais pas ce qui s'est passé en zone libre. Par contre, j'ai été mêlé intimement au contact que la direction a pu avoir avec les autorités allemandes, notamment à partir de 1942. On m'avait confié la direction du personnel de l'usine et je dois dire que la société me laissa la bride sur le cou. Je pus ainsi empêcher de nombreux départs. Toutefois, je dois dire que la direction générale de la société avait décidé d'allouer à tout ouvrier volontaire pour la relève une prime de départ supplémentaire.

Sur le plan commercial, je peux noter un premier point qu'il est étonnant que 8 jours après la venue des Allemands à Cholet et l'occupation de cette ville par les Allemands, une délégation de la direction commerciale soit monter directement à Paris pour y rencontrer les représentants de la direction Telefunken, dont M. von Henk.

Les premières commandes qui furent passées furent des commandes civiles qui peu à peu et insensiblement se transformèrent en commandes militaires. La direction n'opposa aucune résistance à cette transformation de commandes et accepta les commandes militaires comme elle avait accepté les commandes civiles.

J'indique également que j'avais eu l'occasion d'aller en Allemagne, car je m'intéressais au sort des anciens qui avaient été pris par le STO. Là-bas, j'essayais soit d'améliorer leur sort, soit de les faire revenir à l'insu des Allemands. Pour ce faire, je fus dans l'obligation d'évoluer dans le milieu allemand, et je fus en contact avec les dirigeants de la Telefunken de Berlin. C'est dans ces conditions que j'ai appris que la S.F.R. recherchait à partir du milieu de l'année des commandes.

Le juge Lyon 

Dans quelles conditions recherche-telle des commandes ?

Pierre Viennot

Elle envoya d'abord des délégués, et puis ensuite sollicita des commandes. Melle Truffit rue Bandin à Levallois-Seine a été au courant des tractations qui furent menées et pourra vous donner toutes explications utiles à ce sujet.

Le juge Lyon

La société a prétendu qu'elle avait été contrainte de travailler avec la Telefunken et les autorités allemandes.

Pierre Viennot

A ma connaissance, la société n'a jamais été contrainte par les Allemands à travailler avec eux.

Le juge Lyon

Est-ce que la société pouvait éviter de travailler ?

Pierre Viennot

A mon avis, comme certaines firmes, elle aurait pu l'envisager. Toutefois, à cette époque, elle ne l'a pas fait parce qu'à cette époque on concevait que l'on devait donner du travail à la classe ouvrière afin d'éviter des troubles sociaux. J'ajoute que les activités de la société ont été diverses, elle a travaillé en zone occupée avec les Allemands, en zone Libre avec l'État Français et en Algérie avec le Général de Gaulle.

Le juge 

Êtes-vous au courant de ce qui s'est passé à Sainte-Assise ?

Pierre Viennot

Je sais que la station qui appartenait à la Compagnie Radio-France avait été louée à un prix très élevé aux autorités allemandes. Il était de notoriété publique dans le monde de la Résistance et dans les milieux TSF que la station de Sainte-Assise servait de station de guidage aux sous-marins allemands.

Je tiens à dire, à la décharge de la société, que cette dernière me demanda d'organiser le transfert des israélites membres de la société en zone libre.


Déposition Simone Truffit, 26 avril 19483

Simone Truffit se présente, 30 ans, habitant 5 rue Baudin à Levallois-Perret, Seine. C'est l'ancienne collaboratrice et secrétaire de Charles Vaudevire. Elle a fait partie du même groupe de résistance que son patron et que l'adjoint de son patron Pierre Viennot. Elle a quitté la SFR pour le comité d'entreprise de Simca-Poissy

Simone Truffit

J'ai été employée à la S.F.R. Depuis 1935 comme secrétaire. J'en suis partie à l'arrestation de mon patron, M. Vaudevire qui était directeur des services administratifs et qui est mort à Dora en avril 1945. J'étais chargée surtout de questions administratives et relatives au personnel.

Pour la question départ des ouvriers au STO, M. Girardeau y était favorable, car ce fut lui qui offrit une prime de mille francs en plus de la prime normale pour chaque ouvrier. D'autre part, il créa un centre de rééducation pour les ouvriers, à l'usine même, centre qui était destiné à fournir le personnel spécialisé à l'usine de Berlin.

D'autre part, peu avant l'arrestation de M. Vaudevire j'ai eu des communications avec ce dernier qui me demande (sic) de ne jamais mettre au courant la direction de notre activité clandestine. Sur le plan administratif et commercial, je fus au courant des contacts de la direction de la SFR avec les autorités allemandes. Je fus au courant de ces contacts par les déclarations de M. Vaudevire et également par des documents que je pus me procurer à l'époque. Je vous dépose une note destinée à M. von Henk, le responsable de Telefunken en France, on peut y lire, en haut et à droite, si mes souvenirs sont exacts, l'écriture de M. Kyticas. Vous pourrez d'après cette note être fixé de l'activité de la SFR vis-à-vis des autorités allemandes.

L'attitude de la direction de la SFR a été l'attitude que pouvait prendre les dirigeants d'une grosse société désireuse de faire avant tout des bénéfices. Il n'y a eu aucune contrainte de la part des autorités allemandes pour amener la direction de la SFR à collaborer avec eux.

Toutes les actions de résistance ou de sabotage qui ont pu être faites à l'intérieur de l'usine ne l'ont été que sous la responsabilité strictement personnelle de M. Vaudevire – aucun dirigeant n'a joué un rôle dans cette résistance et en principe, seul l'argent et les bénéfices les intéressaient.

Je n'ai pas été personnellement au courant des conditions dans lesquelles fut créée la succursale de Lyon. Je sais que là encore, la direction continua sa politique d'intérêt. Elle créa cette succursale parce qu'elle était en zone libre, se réservant la possibilité de travailler plus étroitement avec l'État Français, ne connaissant pas les conditions définitives de l'occupation.

[Simone Truffit déclare qu'elle n'a pas eu connaissance des évènements survenus à Sainte Assise et à Toulon]

Il ne faut pas chercher dans l'activité de la SFR une activité résistante ou patriotique. La SFR étant une grosse société a joué sur tous les tableaux, il ne faut pas oublier que c'est dans ses services d'études que les brouilleurs qui troublaient les émissions anglaises ont été mises au point, et que ce sont des ingénieurs payés par cette société qui en faisaient les études et les installations. L'un d'eux, l'ingénieur Odartchenko Serge et également un autre Rivière Pierre se sont particulièrement occupés de ces études. Odartchenko fut d'ailleurs estropié à la suite d'une rafale de mitraillette qu'il reçut de la Résistance.

Le grand résistant de la S.F.R. fut M. Vaudevire assisté de M. Viennot. M. Vaudevire qui mourut en déportation ne fut pas défendu avec toute la vigueur voulue par la direction de la S.F.R., qui avec toutes ses relations devait à mon avis pouvoir faire mieux.

D'après moi, les responsables sont Monsieur Girardeau le grand patron et Kyticas, directeur général et responsable de la production des usines de Levallois et Cholet. Quant à l'activité de M. Brenot, je ne saurai vous apporter des éléments précis sur elle.

Lecture faite, persiste et signe. S.Truffit



Les auditions reprennent après un délai de un an motivé par les cafouillages juridiques qui ont fait démarrer une deuxième instruction en parallèle. Entre temps, Simone Truffit est devenue Madame Caillet.

Déposition Simone Caillet née Truffit et Fleury, 17 mai 19494

Mme Caillet 

Comme j'ai appartenu au groupe de Résistance la Confrérie Notre-Dame Réseau Castille, puis à Transmission Action, j'ai été amenée alors que j'étais à la société à intercepter certaines pièces concernant l'activité de la société avec les autorités allemandes dans le but de renseigner les autorités alliées qui nous demandaient de nombreux détails sur la production des usines travaillant avec les allemands. C'est dans ces conditions que j'ai été amenée à intercepter pour les alliés les pièces que je vous verse et dont je ne me rappelais plus l'existence la première fois que je suis venue.

Je vous verse d'abord deux plans de travail datés du 2 juillet 1942, l'un concerne les prévisions de livraisons à Telefunken, l'autre les prévisions de matériel français. En rapprochant ces deux pièces, vous pourrez voir le production massive de la société pour les autorités allemandes.

Tous les appareils produits sont des appareils de guerre, et vous pourrez lire dans la 3eme colonne la quantité à livrer et dans la 4eme colonne et suivantes les prévisions mensuelles de sortie.

Je verse également au débat une lettre en date du 22 janvier 1943 qui précise que la société a prescrit une enquête sur l'état d'avancement de certains appareils et sur leur contrôle au moment de la fabrication. J'indique que cette note fut envoyée aux Allemands à la suite de réclamations de la part de ces derniers pour sabotage.

Non seulement la société envoya cette note, mais elle créa un service de contrôle placé sous les ordres d'un ingénieur de très grande valeur, M. Chauveau qui s'attacha à faire disparaître le sabotage et a accéléré la livraison . Trois mis après, les livraisons étaient en plein rendement. Enfin, je vous verse les prévisions de sortie de matériel pour Telefunken pour l'année 1944-1945. Vous pourrez lire pour ces prévisions que la quantité en 1944 s'élevait à 2315, alors qu'en 1942, ils n'étaient que de 1565.

Pour la sortie, vous lirez en 1944 1056 alors qu'en 1942, la livraison ne s'élève qu'à 107.

Je cite en exemple l'appareil ASP59 qui était un appareil de guerre qui intéressait au plus haut point les autorités allemandes.

Fleury 

Le ASP59 était un émetteur de moyenne puissance construit selon les plans allemands et destiné au service des camions de transmissions en campagne et utilisé probablement aussi à bord de certains avions. J'indique également que le AS1008P était aussi un émetteur à ondes courtes, le XANTHIPPE était un récepteur.

Mme Caillet

Je sais que la direction Française insista fortement pour la sortie rapide des deux appareils ASP59 et AS1008P que les Allemands demandaient beaucoup.

Je sais que lors de la Libération, un comité d'épuration fut constitué à l'usine présidé par M. Battex dont j'ignore actuellement l'adresse et qui je crois doit se trouver encore à la SFR. Un dossier fut constitué contre le chef de fabrication M. Mazeau qui avait poussé à la production. Ce dernier se retrancha derrière les ordres de la direction qu'il n'avait fait qu'exécuter et finalement, M. Mazeau fut enlevé de la SFR, et je crois qu'il est maintenant ingénieur conseil dans une des filiales. Personnellement, je peux témoigner des faits suivants dont j'ai été témoin:

Nous avons reçu au service du personnel où j'étais secrétaire l'ordre de verser une prime de 1000F à tout ouvrier désireux de partir pour l'Allemagne. Cette décision avait été prise à la suite d'un entretien entre M. Girardeau et M. Bichelonne. Ceci se passait en septembre octobre 1942, de toutes façons au moment de la relève.

Je sais également qu'un dossier avait été déposé au cabinet de M. Tillon concernant la collaboration économique de la société au sujet de l'aviation. Je n'ai pas suivi cette affaire. Vivant dans l'usine, j'ai su qu'à différentes reprises, M. Kyticas, M. Rebotier et M. Aubert ont effectué différents voyages à Telefunken, Berlin pour obtenir des commandes.

Fleury 

Je peux confirmer ce que vient de dire Mme Caillet au sujet des entretiens Girardeau-Bichelonne étant donné que M. Girardeau me l'avait raconté au cours de l'une des visites en zone libre dans le courant de l'année 1942. D'après M. Girardeau, M. Bichelonne avait convoqué les industriels de la Radio-électricité pour exiger d'eux qu'ils favorisent le départ d'une partie de leurs ouvriers pour l'Allemagne.

M. Roussel, directeur général du matériel téléphonique s'était opposé aux exigences du ministre avec beaucoup de persévérance. M. Girardeau expliqua alors au ministre que la prime offerte par l'administration pour le départ en Allemagne des ouvriers était insuffisante et qu'il aurait avantage s'il voulait obtenir un résultat réel à la porter à 10000 francs.

J'ai appris par la suite que M. Girardeau afin de satisfaire la volonté que M. Bichelonne lui avait exprimé et de favoriser par conséquent le départ de ses propres ouvriers pour l'Allemagne avait donné des ordres pour qu'une prime supplémentaire de 1000 à 2000 francs fut versée à chaque ouvrier partant pour Allemagne.

Il me semble difficile de concilier cette attitude avec celle qui consiste à dire aujourd'hui que la production de la SFR n'avait d'autre but que de maintenir en France le personnel de la SFR.

Confrontation Tabouis-Fleury-Girardeau, 21/05/495

Robert Tabouis, le « second » de Girardeau, était déjà intervenu dans l'instruction le 9 mai 1949, mais il avait alors fait une déposition sans contradiction.

Tabouis

Quand j'ai signalé à Londres le fait que Sainte-Assise n'était pas bombardé, j'ai écrit en fin 1941 à mon cousin ex-conseiller d'ambassade M. Cambon, de bien vouloir demander aux autorités anglaises s'ils ne voyaient pas d'inconvénients à l'utilisation de Sainte-Assise par la Kriegsmarine. Trois semaines après, je reçus un message qui m'a été apporté par une jeune fille. Les Anglais n'y voyaient pas d'inconvénient.

Fleury

Pour ma part, j'ai consulté les réseaux de renseignements qui avaient exercé leurs activités pendant la guerre en zone Nord. Je leur ai demandé s'ils avaient reçu des services anglais des demandes de renseignements tendant à préparer la destruction de Sainte-Assise. Deux de ces réseaux m'ont répondu affirmativement. L'un d'entre eux est représenté par M. Vallon, 11 quai Conti à Paris, le second par M. Guyot dont je vous ferai parvenir l'adresse. Ces messieurs recevaient des instructions des Forces Françaises Libres, en accord avec les services de renseignements britanniques.

Tabouis

J'émets des doutes.

Fleury

Pour l'activité de Sainte-Assise pendant la guerre, l'intervention des PTT, administration du Gouvernement de Vichy, ne me paraît pas une excuse. Le Colonel Garnier qui était un honnête homme, paraissait diminué par la guerre et l'occupation. Il m'a dit: « Contraint de travailler avec les Allemands, j'ai passé avec eux des conventions que j'entends respecter honnêtement. »

A mon avis, il a fait preuve de collaboration, et comme la seule personne qui pouvait modifier son point de vue était M. Girardeau et que celui-ci na nécessairement eu connaissance de la position prise par le colonel Garnier, je considère que M. Girardeau est largement responsable de celle-ci.

Tabouis 

Je proteste énergiquement contre l'imputation faite à l'encontre du colonel Garnier d'avoir collaboré et de ce qu'il l'ait fait avec l'accord de M. Girardeau, car dans ce cas, je serais moi-même un collaborateur, le colonel Garnier m'ayant beaucoup plus exactement renseigné de la réalité des faits que M. Girardeau. Rien d'ailleurs n'a été fait par le colonel Garnier sans l'accord de M. Lange, directeur de l'Exploitation télégraphique auquel l'imputation s'appliquerait bien davantage si celle contre le colonel Garnier était maintenue.

Fleury

Je ne suis pas de l'avis de M. Tabouis. J'estime que la caractéristique de la collaboration consiste à avoir mis des ingénieurs et du personnel capables de réparer des stations. Ni M. Tabouis, ni M. Lange ne sont responsables de ce fait.

Le juge

Si je vous comprends bien, vous reprochez uniquement à la société la réparation et l'entretien de la station de Sainte-Assise.

Fleury

C'est exact, parce qu'il n'est pas dans la nature d'un centre de transmission de disposer d'un personnel capable de réparer ou de reconstruire des émetteurs.

Tabouis 

La remise en état des stations a été faite pour la reprise d'un service commercial en zone sud ainsi qu'en font preuve les instructions données par l'administration des PTT dès la fin juillet 1940 Des essais ont même été faits dès fin février 1941, et ce n'est qu'à la mi-mars 1941 que la Kriegsmarine a pris possession des installations et en a revendiqué l'utilisation. Le personnel n'a pas été mis à la disposition des Allemands par la Direction, mais dans le cadre de ses engagements vis-à-vis de de l'administration des PTT, conformément aux conditions de l'armistice qui le prévoit formellement.

Fleury

Au moment de ma prise de fonction à Radio-France en mars 1943, j'ai interrogé le personnel de la station sur les évènements de 1941 et 1942. Il m'a été déclaré qu'entre le mois d'août 1940 et le mois de février 1941, aucune remise en état des postes n'avait été effectuée, et qu'au mois de décembre 1940, les Allemands ont commencé à occuper la station, et que c'est seulement en février-mars 1941 que les alternateurs ont été remis en état. A partir de cette date, et jusqu'en juillet 1941, ont été remis en état l'alternateur de 500 KW et deux postes ondes courtes ramenés d'Auray. Les postes ondes courtes n'ont commencé à être remis en état qu'à partit d'août 1941, et ils étaient tous terminés à la fin de l'été 1941. Au fur et à mesure qu'un poste était terminé, il était immédiatement mis en service au bénéfice des Allemands.

Tabouis 

Je déclare ces informations inexactes. Je regrette que M. Fleury ne se soit pas adressé à moi pour en savoir plus sur une époque où il n'était pas là. Je dépose notamment une lettre de la Direction de l'Exploitation Télégraphique du 6 février 1941, signée de M. Laffay, fixant les premiers essais de Sainte-Assise au 17 février 1941 sur les postes à ondes courtes remis en état et dont la liste est annexée à la lettre du secrétariat des PTT.

Ce n'est que le 8 mars 1941 que pour la première fois un représentant de la Kriegsmarine s'est présenté à Sainte-Assise et a formulé ses revendications.

Fleury

La lettre en question n'établit pas que les essais aient pu effectivement être réalisés. Je n'ai pas demandé les renseignements à M. Tabouis sur ce qui s'était passé parce que j'avais pour me renseigner d'une part le personnel de la station et d'autre part M. Garnier lui-même, sous les ordres de qui j'étais directement placé.

Commentaires

Il est maintenant 16 heures. L'empoignade entre Fleury et Tabouis dure depuis plus d'une heure. Il s'agit de savoir si les émetteurs de Radio-France ont été remis en état par la SFR en sachant qu'ils allaient être utilisés par la Kriegsmarine ou si ils ont été remis en état pour le compte des PTT qui auraient ensuite été contraints de les mettre à disposition de la Kriegsmarine. Avant le 8 mars, on ne savait rien, prétend Tabouis, contredisant Fleury qui avait fait état d'une présence allemande dés le mois de décembre 1940. Tabouis était directeur des services administratifs et financiers de Radio France depuis le 30 janvier 1941, formellement nommé à ce poste par le fameux colonel Garnier, PDG en titre de Radio-France, mais situé à un rang plus modeste que son subordonné parmi les hiérarques de la CSF. C'est parole contre parole. Tabouis dit « j'y étais », et Fleury répond « je le tiens de Garnier et du personnel, présents à plein temps sur le site.»

Pour des raisons qui ne sont pas discutées ici, Robert Tabouis et Charles Lange, à l'époque directeur des Télécommunications aux PTT, sont considérés comme « résistants ». Le jeu de Fleury est de charger Girardeau par des raisonnements qui ne mettent pas en cause Tabouis et Lange, alors que le jeu de Tabouis est de démontrer que les raisonnements de Fleury mettent en cause aussi bien les présumés résistants que Girardeau

Très habilement, Tabouis a lancé le débat sur la date exacte où la Kriegsmarine prend le contrôle de Sainte-Assise, laissant sans réponse l'accusation de Fleury selon laquelle l'alternateur de 500 KW et des émetteurs à ondes courtes auraient été remis en service après le mois de mars.

Le juge appelle alors d'autres témoins, employés de Radio-France: M. Melo, chef du personnel, M. Marting, ingénieur, M. Couturier, opérateur radio, M. Bonhoure, chef d'exploitation, ainsi que M. Kyticas. La parole est d'abord donnée à Girardeau, inculpé libre assisté de son avocat Me Gautrat.

Girardeau

Sur la remise en état des émetteurs de Sainte-Assise, il suffit d'ouvrir les dossiers de la Compagnie Radio-France pour y trouver la preuve que ce n'est pas après la main-mise des Allemands sur le station que celle-ci avait été remise en état, mais bien avant, en vue de la reprise des services publiques transatlantiques commerciaux que la compagnie assurait avant la guerre.

Le 29 juillet 1940 – la photocopie est versée aux débats – le directeur de l'exploitation télégraphique écrivait pour demander dans quels délais la station de Sainte-Assise pouvait reprendre les émissions de émissions radio-télégraphiques en date du 3 octobre 1940. La compagnie fait connaître à l'administration les dates auxquelles les diverses liaisons pouvaient être reprises. L'administration avait demandé l'autorisation de reprises de ces services à la commission d'Armistice. Le but poursuivi était de faire assimiler Sainte-Assise à la zone libre et de l'affecter à un service de la zone libre ce qui la protégeait contre l'utilisation des services allemands.

Le 6 février 1941, le directeur de l'exploitation donne l'accord et prescrit de commencer les essais le 17 février 1941. Se trouve annexée à la lettre la liste des postes, leurs indicatifs, leurs longueurs d'ondes, les pays destinataires etc... Il est impossible de soutenir que les postes n'étaient pas réparés et prêts à fonctionner.

Fleury 

Ces documents ne constituent pas une preuve. Je me rappelle la déclaration du colonel me disant « qu'au fur et à mesure que les postes à ondes courtes étaient réparés, ils entraient immédiatement au service de la Kriegsmarine. » Je ne prétends pas en apportant cette affirmation en donner la preuve. Cette preuve ne peut se trouver que dans les documents de la Compagnie relatant en particulier la date de mise en service de ces postes.

Tabouis 

Je proteste contre ce qui vient d'être dit par M. Fleury. Il n'y a pas obligatoirement coïncidence entre les dates de mise en service et les dates d'achèvement de réparations d'un poste déterminé.

Girardeau 

Il résulte des documents que 14 postes étaient réparés avant l'arrivée des Allemands. D'après les dépositions de M. Marting, deux autres postes auraient été réparés en 1942, mais hors de ma connaissance.

Marting

Il est exact que les deux postes dont je me suis occupé ont été achevés fin septembre 1942. Je n'en n'ai pas réparé d'autres. Je maintiens ma déclaration du mardi 17 mai 1949.

Girardeau 

M. Fleury déclare dans sa déposition du 5 mai 1949 que M. Girardeau était président car il ne pouvait être président de plusieurs sociétés, remarque tendancieuse: même avant la limitation par la loi du 16 novembre 1940, je n'étais pas président de Radio-France.

M. Fleury ajoute, « lorsque M. Girardeau était dans une société, même à titre de vice-président, il en était le maître absolu. » M. Fleury peut-il citer une société dont j'étais le président et le maître absolu. C'est une intention malicieuse que de viser par une affirmation gratuite à substituer la responsabilité d'un vice-président à celle du PDG. En fait, la remarque est choquante pour la personnalité de M.Garnier qui n'était pas un personnage servile ou falot. Il était polytechnicien, mon ainé de trois ans, avait fait une belle carrière de technicien militaire, en grande partie aux Colonies. Il avait l'habitude des responsabilités. Il parlait peu, il agissait. Il avait dirigé la Compagnie pendant de nombreuses années. Il avait rempli une haute fonction de Directeur adjoint des Transmissions du Territoire. Il avait à ses côtés deux directeurs de grande classe, MM. Tabouis et Hoche.

J'ajoute qu'à partir du 1er janvier 1941, je ne suis jamais intervenu ni verbalement, ni par écrit, ni par ma présence dans des négociations ou dans l'entretien ou dans l'exploitation de la station. Je demande que le personnel de direction ou de service ici présent soit questionné à ce sujet.

[Tous les témoins présents, sauf Mme Caillet qui n'était pas à Radio-France confirment n'avoir pas constaté la présence de Girardeau pendant la durée de leur service à Radio-France.]

Girardeau 

A partir du 1er janvier 1941, j'ai cessé d'avoir une participation au résultat de la Compagnie. Cela établi, je ne voudrais pas laisser sans protester, dénaturer et déformer des actes que le colonel a accompli comme directeur général. La Compagnie Radio-France n'est pas une compagnie libre, elle est sous tutelle d'une administration. Mandataire, elle doit référer à son mandant en toutes circonstances. ne pouvait donc ne pas rendre compte immédiatement à l'administration des PTT. Celle-ci a pris positon et n'a jamais cessé de revendiquer de prendre la responsabilité de ce qui s'était passé, même après la Libération. On lit en effet dans le document dont le photostat a été mis au dossier cette réponse à un recours au Conseil de Préfecture du 26 mars 1947 « La Compagnie Radio-France ne peut pas nier que lorsque les autorités d'occupation ont manifesté l'intention d'utiliser ces installations, l'administration n'a pas manqué de jouer le rôle tutélaire qui lui était impartie. » et plus loin « il ressort de ces observations que la mise à disposition de tiers d'une partie des installations de la Compagnie avec l'agrément de l'administration a toujours été considérée aussi bien avant ou après l'occupation que pendant celle-ci comme découlant normalement de l'esprit même de la convention. »

Garnier s'est aligné sur l'avis de son tuteur, à savoir M. Lange, haut fonctionnaire du Ministère. Ce dernier, résistant indiscutable, a été nommé après la Libération, directeur général des Télécommunications et aussi, promu au grade de Commandeur de la Légion d'Honneur.

Mello

A plusieurs reprises le colonel m'a dit avoir été à l'administration des PTT rendre compte à M.Lange de la situation du moment.

Girardeau 

J'en déduis que non seulement Garnier a obéi à l'administration, mais que celui auquel il a obéi est considéré comme l'âme de la Résistance aux PTT. Ensuite, M. a évidemment rendu compte à son conseil d'administration où j'étais présent.

Garnier, à l'appui de la décision qu'il avait prise en accord avec l'administration a indiqué aussi, que le maintien du personnel dans la station présentait des avantages, et notamment celui de réserver la possibilité d'intervenir pour enrayer le fonctionnement dans le cas où les alliés le décideraient.

M. Tabouis s'est chargé de la liaison nécessaire pour connaître les intentions de l'État-Major allié. M. Tabouis m'avait informé et je puis ajouter aujourd'hui une précision confirmant les dires de M. Tabouis au sujet de la décision de l'État-Major allié de ne pas arrêter les émissions de Sainte-Assise: l'ordre secret du 5/3/1943 à la RAF et la note 96 du 12 novembre 1942 interdisant formellement le bombardement des stations de TSF et des pylônes du territoire français. l'État-Major allié était seul qualifié. La réponse de M. Tabouis et ces ordres de l'État-Major se confirment mutuellement.

On sait aussi que la présence du personnel dans le poste a permis de dissimuler des lampes et des pièces, et que en y ajoutant du matériel dissimulé à la SFR, j'ai pu réussir avec le concours enthousiaste de ce personnel à rétablir les liaisons avec l'Angleterre et les Etats-Unis malgré les destructions allemandes dans un délai qui a stupéfié l'État-Major américain, lequel a manifesté sa satisfaction par une citation accompagnée d'une lettre élogieuse du général Ingles, commandant des Transmissions de l'État-Major interallié.

Je dépose cette lettre d'envoi.

M. Fleury a repris son service de chef technique à Radio-France le 1er mars 1943, et je n'ai pas connaissance qu'il ait tenté quoi que ce soit pour enrayer ou pour faire enrayer les machines de Sainte-Assise. Par ses fonctions, il était le Français le mieux placé et le mieux qualifié pour y procéder.

Je dépose la lettre qu'il a écrite à son Président Directeur général le 21 mai 1943 qui ne me semble pas attirer plus de commentaires de ma part.

Fleury 

En ce qui concerne la mise en cause par moi de M.Girardeau dans cette affaire, je me réfère à l'autorité qu'il exerçait dans toutes les sociétés dépendantes de la CSF, autorité qui lui conférait normalement le rôle d'arbitre dans les conflits et de juge suprême dans les décisions graves à prendre.

Pour ce qui est du rôle tutélaire de l'administration des PTT, ce rôle est certes bien connu mais il ne pouvait en l'espèce que retarder le mise à disposition des émetteurs aux Allemands. Il est bien clair, en effet qu'à partir du moment où l'occupant manifestait son intention de disposer des installations de Radio-France, l'administration des PTT ne pouvait y faire aucun obstacle. A mon avis, la question de la responsabilité de la Direction de Radio-France ne réside pas dans l'occupation ni dans l'utilisation par les Allemands, mais dans le fait que ces installations ont été remises en état par du personnel qualifié dont l'ennemi ne pouvait pas soupçonner la présence sur les lieux. Il aurait suffi que les spécialistes nécessaires, un petit nombre de personnes, eussent été dispersées pour que cette remise en état fut retardée ou tout au moins, incombe à d'autres sociétés dont la capacité de production était déjà au service des Allemands.

Pur ce qui touche les intentions du Haut État-Major allié, je ne puis croire que celui-ci jugeait le fonctionnement de Sainte-Assise au bénéfice des Allemands utile, d'une part, comme je l'ai déjà dit, des réseaux de renseignements avaient été chargés de recueillir des informations relatives à la destruction de Sainte-Assise. D'autre part, il ne faut pas oublier qu'une garnison allemande très importante protégeait Sainte-Assise et qu'un champ de mines également très important mettait cette station à l'abri de toute tentative de destruction effectuée par des partisans.

A mon avis, la question la plus importante est de savoir à quel moment les émetteurs ont été réparés, et je pense qu'on peut trouver des dates irrécusables de son fonctionnement dans les archives de la station et dans le témoignage des soixante personnes qui en constituaient le personnel.

Quant à mon rôle personnel, il s'explique par le fait que j'assumais des fonctions précises dans les réseaux de renseignements depuis le début de l'année 1942. A la date où je prenais des responsabilités dans Radio-France, c'est-à-dire en mars 1943, j'étais le chef d'un réseau de transmission clandestin que j 'avais entièrement fondé et qui assurait à lui tout seul la totalité des transmissions radio depuis la zone sud vers les services de renseignements de la France Combattante.

Il m'était absolument interdit de prendre part à toute action de sabotage ou de guérilla. Dans ces conditions, et constatant l'aide très importante de la station à l'ennemi, je n'ai eu d'autre solution que d'abandonner les fonctions que j'assumais à Radio-France et d'adresser à mon directeur, le colonel Garnier, une lettre qui put le couvrir en cas de recherches par la police allemande. Je risquais en effet à chaque instant d'être arrêté.

[Pendant que Fleury faisait sa déclaration, Tabouis transmettait un document à son ancien patron en pointant certains passages avec la pointe de son crayon.]

Girardeau 

M. Fleury retient surtout la question de savoir à quel moment les émetteurs ont été réparés. Voici un nouveau document que vient de me transmettre M. Tabouis, qui porte la date du 26 septembre 1940, et qui indique que la remise en état de Sainte-Assise et de Villecresnes est presque terminée. Ce document est le procès verbal du Conseil d'Administration d la Compagnie Radio-France. Je lis:

« Questions techniques: Monsieur Garnier signale qu'à Sainte-Assise, sept émetteurs ondes longues sur huit et onze émetteurs ondes courtes sur treize ont été remis en état de marche. »

Je demande à M. Fleury comment il peut concilier les affirmations consignées dans ce procès-verbal avec le souvenir qu'il aurait conservé d'une conversation avec le même colonel Garnier, en 1943, conversation au cours de laquelle le colonel Garnier lui aurait dit que les émetteurs n'auraient été réparés qu'après la prise de possession par les spécialistes de la marine allemande, alors que cette prise de contrôle n'est survenue qu'en 1941.

Fleury 

Je n'explique pas cette contradiction. J'ai conservé le souvenir vivace des déclarations du colonel Garnier, lesquelles m'ont déterminé à quitter immédiatement la compagnie. Je reconnais néanmoins la valeur probante du document fourni.


La séance se clôt sur cette relative déstabilisation de l'accusateur qui a néanmoins l'à-propos de ne pas s'enferrer et reconnaître la valeur du document fourni.

Audition Fleury, 28/05/49, 14H306

Fleury

Un dernier mot sur l'affaire de Sainte-Assise. La contradiction que m'avait faites en 1943 le colonel Garnier et l'extrait du PV des délibérations du conseil d'administration de Radio-France du 30 janvier 1941 s'explique à mon avis de la façon suivante:

Onze postes sur treize avaient été reconstruits par le personnel de la société, à la demande de l'administration française des PTT. Quant à la remise en état des émetteurs à la demande des Allemands à laquelle faisait allusion le colonel Garnier, dans les déclarations qu'il m'a faites en mars 1943, il s'agissait, je l'explique aujourd'hui, des réglages de ces postes pour les mettre sur les longueurs d'ondes des réseaux allemands.

Ce réglage ne dépendait pas de la volonté de M. Girardeau et par conséquent sa responsabilité ne me paraît pas engagée.

Girardeau:

Je prends acte de vos déclarations
.

Confrontation Girardeau-Fleury-Tabouis, 28/05/49, 14H457

Girardeau

M. Fleury était au Liban avant la fin du mois de novembre 1940, date à laquelle il rentre à Paris. Il n'a donc pas pu être le témoin de mes efforts pour résister aux volontés de l'ennemi pendant les cinq premiers mois de l'occupation, mais ayant été affecté à notre établissement de Lyon dont j'avais décidé la création au début de septembre 1940 afin d'avoir au moins un site industriel qui échappe au contrôle allemand.

Il a affirmé qu'une seule fabrication ne fut pas connue des Allemands et qu'un seul poste fut remis à la Résistance par son intermédiaire et hors de la connaissance de la Direction. Il a affirmé aussi que la Direction n'avait jamais agi que dans un but mercantile.

Je vais prouver le contraire:

Sur la question de la clandestinité:

Monsieur Fleury doit se souvenir que je fis ma première visite à notre usine de Lyon en février 1941, des matières premières y avaient déjà été expédiées et cachées dans une cave de la villa qui servait de bureaux. En présence de Messieurs Fourneaux, directeur, Fleury, sous-directeur et Testavin, fondé de pouvoir, j'ai fait remarqué que cette cave n'était pas une cachette suffisante. Après quoi, une partie des matières fut envoyée dans une ferme des environs et l'autre partie cachée dans les jardins. Il s'agissait principalement d'un fort tonnage de cuivre qui fut utilisée pour nos fabrications clandestines à Lyon.

[Girardeau cite la déposition de Fourneaux qui détaille le matériel fabriqué clandestinement à Lyon: récepteurs pour sous-marins, dispositifs d'écoute type ASDIC, émetteurs pour sous-marins]

Ce n'est pas tout.

Un matériel militaire considérable venant de zone occupée, à destination de la zone libre ou d'Alger, a transité par l'usine de Lyon.

[Girardeau détaille: 587 récepteurs militaires venant de Radiotechnique, matériel de Radio-Maritime... il cite les témoignages du général Gilson, impliqué dans les Transmissions de l'Armée Secrète, et en 1949, commandant supérieur des Transmissions de l'Armée française, colonel Leschi, Amiral Bourragué, ancien supérieur du colonel Labat, Hermann, de la Direction de la sureté nationale.]

Girardeau prend parfois des risques. Ainsi, il déclare: « Monsieur Hermann, de la Direction de la Sûreté Nationale a attesté que la commande de matériel militaire destinées aux Forces Françaises Libres par le colonel Labat, sous l'appellation "Équipements radio du trans-saharien" . Il a attesté que la SFR a maquillé les dossiers, dissimulé le matériel et l'a remis à l'Armée après la Libération. »

En fait, Hermann avait écrit le 3 mars 1948: « Je ne puis fournir de précisions sur les fournitures de matériel que cette société aurait faites pendant l'Occupation à la Résistance et aux Forces Libres... En revanche, à Toulouse où je demeurais pendant l'occupation, j'ai été au courant d'une importante fabrication de postes militaires; la SFR avait accepté cette commande en feignant de croire qu'il s'agissait de l'équipement radioélectrique du Trans-saharien. Il s'agissait en réalité d'une affaire lancée par le colonel Labat, décédé en déportation et destinée à l'équipement des Forces Françaises Libres. La SFR avait sous-traité l'exécution de la commande à Compagnie Nationale Electrique L.L. à Toulouse... A la suite d'accords entre le colonel Labat, la SFR et la CNELL, des dossiers ont été maquillés et du matériel a pu ainsi être dissimulé et remis à l'Armée après la Libération. »8

Girardeau

Au sujet de l'accusation de « mercantilisme », l'affirmation est gratuite et je tiens à la récuser. Elle est d'abord étrange car j'aurais donc risqué ma vie pendant toute l'occupation dans un but mercantile en dirigeant des fabrications, transports et dissimulations de matériel militaire.

D'autre part, j'avais pris à l'avance des précautions pour ne pas bénéficier des commandes de guerre et la précaution a joué évidemment pour les commandes allemandes, et j'avais entraîné, aisément d'ailleurs, dans cette attitude, tous les cadres de la SFR.

J'en ai fait la preuve en déposant un extrait du procès-verbal du Conseil d'Administration de la société en date du 27 septembre 1939, et selon lequel toute participation était supprimée, les rémunérations étant fixées sur la moyenne annuelle perçues dans les deux années précèdant la guerre. De plus, j'ai renoncé à la moitié de la rémunération me revenant pour qu'elle soit distribuée aux familles du personnel mobilisé, et ensuite à celles des Prisonniers et Déportés.. Pendant toute l'occupation, aucun réajustement n'a eu lieu.

[Girardeau met en avant le fait que l'usine de Lyon a été déficitaire de 8 millions, que le Comité des profits illicites a retenu pour l'ensemble de la société 6 millions de bénéfices, mais sans tenir compte de l'exercice de 1944 où la perte s'est élevée à 29 MF. L'usine de Lyon qui travaillait pour les Français, tournait à fond, alors que les usines de Levallois et de Cholet ne tournaient qu'au quart de leur production.]

Au mois de juillet 1941, à l'approche des Forces alliées du Liban, j'ai envoyé à M. Delagnes plusieurs messages pour l'inciter à ne pas suivre le général Dentz et à rester sur place afin de mettre la station de Beyrouth à la disposition du général de Gaulle, ce qu'il a fait... Deux mois après, je faisais passer mon fils en Afrique.

Est-ce que Monsieur Fleury reconnaît que l'étude et la construction du Radar transporté à Toulon était un acte clandestin et dangereux ?

Fleury 

Cette sorte d'opérations rentre dans le même cadre que toutes celles dont M. Girardeau vient de faire état dans ses déclarations, à savoir, appareils construits pour l'Armée d'Armistice, pour la Marine, etc... Il s'agissait de matériel expressément commandé par les services officiels et quelquefois désignés par des termes conventionnels.

Les services de transmissions de la Guerre, de la Marine et de l'Air établis à Vichy avaient le désir de compléter leur matériel et c'est en partie pour leur donner satisfaction que les ateliers de Lyon avaient été créés, de même que les services de transmission de l'armée d'Afrique étaient entrés en rapport avec le représentant de la SFR à Alger et avaient exprimé le désir que leur fussent fournis un certain nombre d'émetteurs et de récepteurs règlementaires de l'armée française. L'armistice avait interrompu les fabrication de ces matériels dans les différentes usines où ils étaient construits. Le représentant de la SFR à Alger a prévenu la Direction de Lyon de ces dispositions et celle-ci a recherché chez différents fabricants en zone libre ou de zone occupée les pièces détachées construites avant l'Armistice et susceptibles de concourir à la fabrication de ces matériels.

Dans la plupart des cas, les services de transmissions que j'ai cités plus haut désiraient que leurs commandes soient plus ou moins dissimulées aux autorités d'occupation. C'est pour leur donner satisfaction et par conséquent pour obtenir les commandes correspondantes que la SFR que la SFR était conduite à dissimuler le matériel regroupé en zone occupée ou bien désignait dans les commandes les appareils sous des faux noms.

Dans ces différents cas, le risque était couru par les services qui passaient les commandes. Le cas le plus typique est celui des marchés d'études que le colonel Labat passait à la SFR comme à différents autres sociétés qui avaient également établi une succursale eu zone sud. Dans l'esprit du colonel Labat, ces marchés étaient destinés, en premier lieu, à soustraire à la collaboration avec l'ennemi les meilleurs ingénieurs de ces sociétés et en second lieu, à faire progresser les connaissances des services français dans certains domaines qui les intéressaient. La condition expresse qui était posée à la passation de ces marchés étaient que les résultats d'études ne soient pas communiqués aux Allemands. Il était obligatoire pour la société de se soumettre à cette condition. Le colonel Labat qui a été un des types les plus représentatifs de l'officier résistant de l'Armée de l'Armistice a toujours veillé à l'observation scrupuleuse de celle clause et l'a constamment rappelé aux divers interlocuteurs qui travaillaient pour son compte. C'est lui qui courait le risque essentiel et il l'a d'ailleurs payé de sa vie.

Il est difficile de parler de risque sans être en mesure de l'apprécier. J'ai souvent entendu parler des soi-disant risques que courait le personnel de la SFR, mais en-dehors d'acte purement individuels comme ceux de Messieurs Vaudevire et Viennot, je ne sache pas qu'aucun membre du personnel de la SFR se soit fait infliger une sanction par les Allemands.

En ce qui concerne l'usine de Lyon, tout le matériel destiné à l'Armée de l'Armistice ou à l'Armée d'Afrique y était enregistré et fabriqué au grand jour. La responsabilité de ces constructions appartenait entièrement aux services qui en passaient commande. Lorsque le colonel Labat passait des commandes de matériel ou de marché d'études, il agissait sans doute en Résistant, mais il n'appartenait pas encore au service de la Résistance active. Il a commencé par y entrer par le réseau Gallia dont le représentant actuel pourrait définir exactement quel était la nature de sa participation à la Résistance active et clandestine.

Me Gautrat (l'avocat qui assiste Girardeau)

Je prie M. Fleury de répondre avec précision à la première question qui lui a été posée il y a un instant, à savoir: Le fait d'avoir étudié, mis au point, construit un radar, puis de l'avoir transporté à Toulon, après lui avoir fait traverser la ligne de démarcation est-il considéré par la législation allemande comme un acte criminel susceptible d'être puni de la peine de mort.

Je lui demanderai ensuite de répondre à cette autre question: d'une façon générale, la construction d'appareils militaires en zone Nord constitue-t-il également un crime puni de la peine de mort, quelque soit la destination de ces appareils dès lors qu'elle n'était pas destinée à l'armée allemande ?

Tant que M. Fleury n'aura pas répondu à ces deux questions précises, les explications qu'il a données me paraitront superflues.

Fleury 

Il était interdit pendant la guerre d'écouter la radio anglaise et beaucoup de Français croient de bonne foi avoir fait de la Résistance quand ils ont écouté les émissions de la radio de Londres.

Aux deux questions que vient de me poser Me Gautrat, je réponds qu'étant données les fonctions dans une société travaillant pour les Allemands des ingénieurs qui transportaient ou fabriquaient ces matériels, les risques étaient inexistants comme l'expérience l'a prouvé.

Me Gautrat

Je rappelle que j'ai posé deux questions à M. Fleury et je constate qu'il n'y a pas répondu. Je tiens cependant à lui faire remarquer qu'il ne s'agit pas ici de savoir si les actes accomplis l'ont été dans le cadre administratif de la Résistance qui à ses yeux paraissent être les seuls glorieux, mais si en fabriquant des appareils pour l'Armée française, M. Girardeau a facilité les entreprises de l'ennemi ou les a contrecarrées.

J'ajoute que juger les risques par les résultats me paraît être une opinion d'autant moins défendable pour M. Fleury qui a couru des risques sans en subir les conséquences lui-même ?

Fleury 

Je n'ai jamais dit que le fait de fournir du matériel aux services de Vichy avait aidé les Allemands. Je considère seulement que ces fournitures ne comportaient aucun risque et qu'elles ne sauraient par conséquent apparaître comme une circonstance atténuante de l'activité au profit des Allemands. Il était de l'intérêt de la société de maintenir des contacts étroits et suivis avec les administrations françaises de zone sud afin de maintenir ses positions pour l'avenir.

En ce qui concerne la question des risques, on ne saurait prendre pour argument que telle personne a échappé à la mort pour en conclure qu'elle n'en n'a pas couru. Au contraire, quand il s'agit de toute une classe d'individus, le pourcentage des pertes peut servir à mesurer le risque. Pour reprendre l'allusion de Me Gautrat à la Résistance, je note que les organisations qui en faisaient partie perdaient 50 à 60% des leurs en six mois. En quatre ans, le personnel de la SFR qui a soi-disant couru des risques n'a perdu personne.

Me Gautrat 

Je recherche un témoignage et non une discussion




Le juge fait alors entrer dans la salle Brenot, assisté de son avocat Me Rozenmark, Tabouis et Kyticas.

Tabouis 

Je demande à M. Fleury s'il a connu une organisation de la Résistance créée en 1942 sous le nom d' "Union des Cadres de l'Industrie Française Combattante" (UCIF) dont l'animateur a été M. Lepercq, ministre des Finances du Général de Gaulle lors de la Libération. J'ai appartenu à cette organisation sous le n°14. Elle avait pour objet d'alimenter les caisses des organisations de la Résistance en France, maquis, armée secrète etc... par le biais de de ses ramifications dans les grandes firmes industrielles. M. Fleury a dû avoir connaissance, par les personnes de la SFR qui l'ont rejoint à Londres, dont certaines sont malheureusement mortes, des livraisons qui ont été faites par la SFR à ces organisations, notamment au cours de l'année 1943, par l'entremise plus spécialement de M. Leroux, assistant de Laboratoire au collège de France, et ceci a été fait avec l'autorisation de Messieurs Girardeau et Brenot que j'estimais devoir mettre au courant puisqu'ils s'étaient portés garants de moi lorsque les Allemands ont voulu m'arrêter.

Fleury 

Je n'en n'ai pas eu connaissance.

Girardeau 

Il suffit de relire les lettres adressées à M. le juge d'instruction par les chefs des transmissions de l'Armée secrète dont trois furent déportés, pour faire table rase de ce que vient de dire M. Fleury. Le colonel Labat étant mort, ces lettres proviennent de son adjoint, le colonel Leschi et son chef l'amiral Bourragué.

Brenot

En ce qui concerne l'appréciation des risques, je m'en réfère à l'appréciation du Général Gilson, dans sa lettre du 16/2/48

Dans les lettres adressées au juge d'instruction en 1958, Bourragué et Leschi se félicitent de l'attitude de la SFR dans la période 1941-1943 lorsqu'ils avaient des responsabilités dans l'Armée de l'armistice et qu'ils s'efforçaient de constituer des stocks de matériel clandestins, qui contrevenaient aux conditions fixées par l'Armistice. « Sous couvert d'activité officielle, écrit le colonel Leschi, (liaisons entre l'État-Major de l'Armée de Vichy d'une part, Divisions militaires de la Métropole et territoires d'outre-mer d'autre part) mon service avait une mission de fabrication et d'expéditions de matériels pour l'Afrique du Nord, de constitution de matériels clandestins de matériels radioélectriques, et d'aide en personnels et matériels aux différents réseaux de résistance. ... L'usine de Lyon de la SFR a exécuté pour mon compte, la fabrication de 8 émetteurs de 1KW, qui lui avaient été commandés au début de la guerre. De nombreux éléments de ces émetteurs fabriqués à Paris avant la débâcle de juin 1940 ont fait l'objet de transports clandestins à travers la ligne de démarcation. Ces émetteurs m'ont été livrés en 1942; camouflés par es soins, certains ont été découverts par les Allemands au moment de mon arrestation, d'autres ont été utilisés à Lyon et à Marseille au moment de la Libération. »

La lettre de Leschi, comme celle de Bourragué, tout en affichant leur solidarité vis-à-vis de la SFR ne contredisent pas non plus la thèse de Fleury: Quelqu'aient été l'implication dans le Résistance de Bourragué, Labat et Leschi, la SFR traitait avec eux en tant que représentants de l'Armée de Vichy.

Interrogatoire Girardeau-Brenot-Kyticas-Tabouis, 28/05/49, 17H409

Il s'agit maintenant de répondre aux accusations lancées le 17 mai par Simone Truffit-Caillet le 17 mai. Elle n'est pas présente à cette séance du 28 mai, son mari a envoyé une lettre d'excuse avec certificat médical expliquant qu'elle souffrait d'une appendicite qui nécessitait une intervention chirurgicale.

Fleury qui est présent n'intervient pas pendant cette séance.

Girardeau 

Mme Truffit a déclaré que la production pour les Allemands a été massive et consentante, particulièrement pour les appareils ASP 59, AS 1008 et Xanthippe. Cette affirmation qui ne correspond pas aux faits résulte des confusions faites par le témoin qui a pris des prévisions de livraisons pour des livraisons effectives.

Référons-nous aux documents apportés par le témoin.

[Girardeau explique qu'une grande partie du matériel commandé par les Allemands n'a pas été livré et que cela était conforme aux directives du colonel Labat, de bloquer, sans le livrer, le matériel terminé à 98%, en invoquant des problèmes d'approvisionnement pour les 2% restant.]

Concernant les appareils ASP59, le chiffre cité de 2315 n'est pas celui des livraisons, mas celui d'une prévision d'ailleurs tout à fait fallacieuse. Le montant de 1056 appareils n'est pas celui des livraisons en 1943 ou en 1944, mais c'est le total, le cumul de toutes les livraisons d'ASP59 pendant l'occupation. 2315 est la somme des appareils commandés dont l'exécution a trainé pendant quatre ans à tel point que seulement 1056 appareils ont été livrés. La lecture correcte du document apporté par le témoin, qui devait prouver le zèle de la société, prouve exactement le contraire.

...

La lettre du 22 janvier 1943, produite par Madame Truffit, prouve que des sabotages ont été commis, que des appareils reconnus inutilisables à Berlin devaient être retournés à Levallois pour être révisés alors que les Allemands manquaient de moyens de transport.

Et devant les réclamations et les menaces, comment ne pas montrer une apparence de réaction ?. J'ai mené la combat avec un minimum de pertes pour le personnel. Oui, le contrôle a été renforcé après la lettre virulente de la direction de Telefunken en date du 12/11/1942 dont je dépose copie. On remarquera que le sabotage signalé ne pouvait pas être pas être supprimé par le renforcement du contrôle puisque c'est après être passés au double contrôle de Levallois et de Telefunken que les appareils étaient reconnus inutilisables. Le renforcement du contrôle ne pouvait donc pas éliminer les sabotages qui avaient lieu après les contrôles. En renforçant les contrôles, je ne donnais qu'une satisfaction apparente sans rien changer au fond.


Pour contrer le Résistant Fleury, Girardeau invoque d'autres résistants, Labat et Leschi, en insistant sur le fait qu'ils ont été, eux, déportés.

Girardeau continue à laisser croire qu'il contrôlait les éventuels sabotages ou malfaçons volontaires, alors que l'ensemble des témoignages recueillis par la suite convergent pour établir qu'aucune directive n'était donnée – d'ailleurs, Girardeau ne précise jamais sous quelle forme, il aurait pu diriger ces sabotages.

Girardeau 

... Beaucoup d'appareils ASP 59 et AS 1008 étaient entreposés dans des magasins de la SFR à Saint-Cyr. Un réseau de Résistance en a été informé et a transmis le renseignement à Londres et quelque temps plus tard, magasins et appareils ont été détruits par la Royal Air Force. Je dépose un document qui prouve c'est moi qui ai donné l'information au réseau où j'étais immatriculé sous le numéro RX1320.

.....

Au sujet de Vaudevire, Mme Truffit a dit que Vaudevire l'aurait priée de ne pas mettre la Direction au courant de son activité clandestine. Elle prétend aussi que la direction n'a pas fait tout son possible pour le sauver après son arrestation.

Pour le premier point, je déclare que M. Vaudevire lui-même m'avait mis au courant. Il rencontrait périodiquement une employée du War Office. Lui et moi, nous échangions des renseignements, en général, le samedi en fin de matinée. C'est Vaudevire qui m'a appris que mon nom était joint à celui de M. Tabouis sur la liste des suspects existant à la Gestapo, rue des Saussaies. Il y avait à cela une première raison, c'est qu'au début de l'occupation, je m'étais porté garant de M. Tabouis afin que la Gestapo ne l'inquiète pas. Néanmoins, dès que M. Tabouis a agi dans la Résistance, il m'a fait part de ses intentions, ce qui était loyal puisqu'il ne pouvait pas prendre de risque sans me les faire partager.

Simone Truffit-Caillet a bien fait d'aller se faire retirer l'appendice plutôt que d'entendre que son patron dans la Résistance était beaucoup plus bavard avec ses propres patrons dans le milieu professionnel qu'avec sa subordonnée dans les multiples réseaux de résistance. Au cours de la même séance, Brenot déclarera que Vaudevire s'était aussi confié à lui, ce qui l'avait amené à lui proposer l'usage de son hôtel particulier du Marias avec sorties multiples, Tabouis et Kyticas affirmera à son tour qu'il était informé des activités clandestines de Vaudevire au même titre que Girardeau, Tabouis, Brenot et Rebotier, ce qui lui permettait de tolérer les absences de son subordonné.

Girardeau 

Quant au voyage à Berlin, Mme Truffit affirme qu'ils y sont allés pour chercher des commandes. C'est absurde. On sait que M. Rebotier y est allé sur convocation pour répondre d'une accusation de sabotage en novembre 1942. Ni M. Kyticas, ni M. Aubert ne sont allés chercher des commandes à Berlin.

Kyticas

Je ne suis allé à Berlin qu'une seule fois en octobre 1941. C'est au sujet de la fabrication des ASP 59 qui avaient été commandés en octobre 1940. Comme un an plus tard on ne voyait toujours pas l'exécution effective de cette commande, j'avais justifié ce retard par le mauvais état des plans de fabrication et des matières fournies par Telefunken.

Brenot

Concernant le voyage de M. Aubert à Berlin, Mlle Truffit avait été mal renseignée. Les Allemands avaient transporté à Berlin fin 1940 des postes émetteurs commandés avant la guerre par l'administration des PTT. Ces postes ne fonctionnèrent pas. Après plusieurs essais infructueux, les Allemands accusant la SFR de malfaçon exigèrent l'envoi à Berlin d'un technicien chargé d'examiner le matériel. Ce fut la raison du voyage de M. Aubert qui resta douze jours à Berlin. Il a déclaré aux Allemands qu'il était nécessaire de refaire une partie des postes, ce qui a permis de retarder la mise en service de plusieurs mois. M. Aubert ne s'occupa d'aucune question commerciale. Ces questions ne rentraient d'ailleurs pas dans ses attributions.

Confrontation Kyticas-Girardeau-Brenot-Fleury, 01/06/4910

Dans cette dernière confrontation entre Fleury et Girardeau, Fleury cesse de ferrailler avec Girardeau. Peut-être estime -t-il qu'il a dit ce qu'il avait à dire et que point n'est besoin d'en rajouté. Peut-être y-a-t-il eu des échanges officieux entre les deux hommes ou entre la CSF et Fleury ?

Girardeau 

Mme Truffit a déduit que je devais être favorable à la relève du fait qu'une somme de 1000 francs était allouée par la société à chaque déporté du Travail. On sait qu'un fonds de secours avait été institué en 1939 pour aider les familles des mobilisés et que j'avais abandonné la moitié de mon salaire à ce fonds de secours. Ce fonds servit ensuite à secourir les prisonniers, comment n'aurions nous pas également secouru les déportés ?

...

Mon comportement ne fut ignoré ni à Londres, ni aux Etats-Unis, ni en Orient, ni même à Varsovie... C'est à la demande des plus hautes autorités Françaises des Télécommunications que j'ai conservé un rôle important dans le domaine des télécommunications internationales... Je me permets d'ajouter quelques informations sur le comportement de m famille... Cette enquête m'a conduit à exposer les actions de ma résistance obstinée... Ce qui résulte de l'enquête, c'est que mon attitude fut mieux que correcte. Si jusqu'ici, estimant avoir accompli mon devoir de Français, je suis revenu silencieusement à mes travaux et au service du Pays sans chercher à tirer un quelconque profit de la Résistance efficace, aujourd'hui, après les calomnies que j'ai dû subir, je crois mériter réparations au nom de la Vérité et de la Justice.

Fleury 

Je n'ai pas d'objection à formuler.

[Brenot intervient sur le question des brouilleurs]

[M. Fourneaux, dans sa déposition relative à l'usine de Lyon fait connaître qu'au dernier jour, la Runfunk exigea la réparation et la mise en place de petits brouilleurs allemands. Il ajoute que les essais ne furent jamais terminés.]

Fleury 

Je n'ai pas connu ces faits.

[Brenot parle des études menées en liaison avec les services de Vichy.]

Fleury 

La déclaration de M. Brenot confirme la déposition que j'ai faite sur ce point. Je ne me rappelle pas toutefois qu'aucun marché d'étude conclu avec les autorités de Vichy ait porté sur la céramique.

Ainsi, il est bien entendu que le secret de ces études était conservé, dans la mesure du possible à la demande expresse des services donneurs d'ordres. Malheureusement, il n'en fut pas ainsi pour d'autres études pour lesquelles le secret n'avait pas été explicitement réclamé par les services intéressés, c'est ainsi que l'étude d'un récepteur dénommé par la suite RU93 avait été entreprise sur la base d'un accord entre les services de Lyon et ceux de Paris. Cette étude fut menée pendant assez longtemps sans que les Allemands en eussent connaissance et, par la suite, ce fut une consternation dans l'usine de Lyon quand on apprit qu'au moment de la mise en fabrication, 2000 de ces appareils avaient été commandés par les Allemands. Aux observations formulées sur ce point par les ingénieurs de Lyon, il leur fut répondu qu'une fabrication en série d'un tel appareil n'aurait pas pu être entreprise sans l'accord des Allemands et sans que ceux-ci en profitassent..

Il est certain que la plupart des ingénieurs de Lyon n'auraient pas prêté leur concours à cette étude s'ils avaient pu prévoir le sort qui lui serait réservé.

Brenot

En ce qui concerne la direction technique, elle ne communiqua pas les résultats de l'étude aux Allemands, mais il est bien certain que la construction en série d'un tel récepteur dans les usines où circulaient des contrôleurs allemands ne pouvaient pas leur être cachée. C'est ainsi qu'ils découvrirent l'existence de l'appareil et il s'y intéressèrent.

Le RU93 avait d'abord été imaginé pour lutter à l'exportation contre des appareils mondialement connus, le National HRO et le Hallicrafter, qui existaient avant la guerre et étaient utilisés en tous pays aussi bien par les civils que par les militaires. L'étude fut conduite à Levallois par l'ingénieur en chef Villem

Fleury

Comme le dit M. Brenot, il s'agissait d'un appareil aussi bien civil que militaire. Il n'empêche que la livraison de 2000 appareils de ce type aux Allemands n'en constituait pas moins une contribution notable à leur effort de guerre.

Kyticas 

Je ne me souviens pas du nombre d'appareils RU93 livrés aux Allemands, je vous ferai connaître le chiffre exact.

Fleury

Il est possible effectivement que le montant réel des fournitures soit inférieur à 2000. Je me souviens seulement que l'ordre de construction au profit des Allemands portait sur 2000.

Brenot

J'ajoute que la direction technique n'est pour rien dans la commande allemande, l'appareil ayant été étudié pour des usages français ou commerciaux et à la demande du Ministère de la Production Industrielle qui avait envoyé à cet effet un cahier des charges aux principaux fournisseurs français.

Le jour même, Kyticas écrit au juge Lyon que le montant total des commandes allemandes de RU93 se monte à 650. Ces commandes datent d'août 1942. A la Libération, seuls 300 appareils avaient été livrés.

Classement de l'affaire

L'affaire sera classée sans suite en septembre 1949.

« ... Dans la présente affaire, la contrainte initiale paraît devoir être retenue et en tous cas, le comportement général des dirigeants ne révèle pas avec certitude la volonté manifeste et délibérée de servir les entreprises de l'ennemi. Et attendu que de la procédure, il n'est pas résulté contre M.Girardeau et M.Brenot charges suffisantes d'avoir commis le crime d'atteinte à la sûreté extérieure de l'État, par ces motifs, le Commissaire du Gouvernement soussigné, vu l'article 21 de l'ordonnance du 28 novembre 1944, classe l'affaire, sauf à reprendre les poursuites en cas d'apparition de faits nouveaux et sous réserves de poursuites éventuelles devant tout autre juridiction compétente.  Signé Lyon»11.

Notes de bas de page

1 Audition Jean Fleury, 05/03/48, Instruction Girardeau-Brenot, 2eme partie, (AN Z/6NL/9910/A)

2 Audition Pierre, 19/04/48, Instruction Girardeau-Brenot, 2eme partie, (AN Z/6NL/9910/A)

3 Audition Simone Truffit, 26/04/48, Instruction Girardeau-Brenot, 2eme partie, (AN Z/6NL/9910/A)

4 Audition Simone Truffit, 17/05/48, Instruction Girardeau-Brenot, 3eme partie, (AN Z/6NL/9910/A)

5 Confrontation Tabouis-Fleury-Girardeau, 21/05/49, Instruction Girardeau-Brenot, 3eme partie (AN Z6/NL/9910)

6 Instruction Girardeau-Brenot, 3eme partie (AN Z6NL9910)

7 Instruction Girardeau-Brenot, 3eme partie (AN Z6NL9910)

8 Instruction Girardeau-Brenot, 2eme partie (AN Z6NL9910)

9 Instruction Girardeau-Brenot, séance du 28/05/49, 17h40 (AN Z/6NL/9910/A)

10 Instruction Girardeau-Brenot, séance du 01/06/49 (AN Z/6NL/9910/A)

11 Exposé des faits, septembre 1949, (AN Z/6NL/9910/A)