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Pierre Villon, le Front National et le programme du CNR (2011) L'auteur, contact


Le programme du CNR dans le best-seller de Stéphane Hessel, mythes et réalités


Projet Villon de Novembre 1943

Pierre Villon dans le texte

Biographies de communistes

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"Le programme du CNR et Stéphane Hessel"


    Roger Ginsburger, né en 1901, fils d'un rabbin alsacien ne prend le nom de Pierre Villon qu'en 1943. Il a une formation d'architecte. Il déclare avoir adhéré au Parti qu'en 1932 année où il s'engage également dans l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR). A partir de 1934, il est permanent de l'appareil communiste, d'abord comme instructeur du Profintern, internationale des marins et dockers, à Anvers et à Marseille, puis à partir de 1936, à la propagande du PCF, dans l'entourage de Duclos. D'octobre 1939 à juin 1940, Villon s'occupe, dans la clandestinité de la rédaction et de la publication de l'Humanité. Il vit avec Marie-Claude Vaillant-Couturier depuis avril 1940 et il est arrêté en octobre 1940.

    Après son évasion de février 1942, Villon est nommé à la tête du Front national, une organisation de masse créée par le parti pour ratisser large, surtout dans les milieux intellectuels. Villon est préssenti représente le Front national dans le conseil politique de la résistance, qui deviendra le CNR (Conseil National de la Résistance) créé sous l'autorité de Jean Moulin pour unifier la Résistance et lui donner une légitimité démocratique. Là, il y est remarqué par sa clairvoyance, son efficacité et sa fermeté, ce qui lui permet de devenir sinon l'homme fort, du moins l'âme du CNR après l'arrestation de Jean Moulin qui survient très peu de temps près la première réunion du CNR, le 27 mai 1943.

    Villon a réussi au sein du CNR un parcours tout à fait remarquable mais souvent méconnu, sans doute parce que tout l'espace mémoriel du CNR est occupé par Jean Moulin qui fut arrêté bien vite après la création du Conseil. Villon a joué le premier rôle dans les deux grandes réalisations que l'on peut mettre au crédit du CNR: L'adoption du fameux programme et la fusion des FFI et des FTP.

    Villon est également moteur dans l'adoption par le PCF d'une ligne constructive vis-à-vis du CNR. Cela n'allait pas de soi, car la constitution du CNR rentrait en conflit avec le projet du Front National, et surtout, les relations entre les communistes et les socialistes étaient restées exécrables depuis la drôle de guerre pendant laquelle les socialistes étaient alliés de Daladier qui pourchassait les communistes. Les socialistes avaient surtout participé à l'exclusion des communistes de la CGT. Le représentant officiel du PCF au sein du CNR, André Mercier, est donc amené à soutenir des positions assez dogmatiques vis-à-vis des projets d'inspiration plus ou moins socialistes qui prévoient des nationalisations parfois appelées « socialisations ». La réponse marxiste orthodoxe est : pas de nationalisation sans prise de pouvoir préalable. Frachon avait bien déblayé les voies de la nouvelle ligne du PCF en négociant avec les anciens frères ennemis de la CGT non communiste et en concluant finalement les accords du Perreux en avril 1943.

    Le génie de Villon consistera à forcer le cours des évènements en faisant avaliser par Duclos et Frachon la nouvelle ligne conciliatrice du PCF. En novembre 1943, Villon se fait accompagner à la ferme de Beaudreville, commune de Gometz-la-Ville. André Mercier, qui devait rejoindre Alger pour siéger à l'assemblée consultative, participait aussi à cette réunion. C'est une des seules fois où des personnes extérieures au cercle très restreint de la direction du PCF clandestin pénètrent dans le "Saint des saints" (les deux autres cas étant ceux de Fernand Grenier et Henri Raynaud). Avec la bénédiction de Frachon, Villon et Duclos griffonnent le premier brouillon que Villon présentera au bureau du CNR au mois de décembre. Désormais, Villon, qui maintient une correspondance hebdomadaire avec Duclos, a les mains libres pour agir au sein du CNR dont il parvient à faire quelque chose d'efficace en faisant adopter le principe de la constitution d'un comité directeur de six membres qui pourra se réunir fréquemment. C'est donc au sein de cette sorte de bureau présidé par Georges Bidault, que le programme du CNR sera discuté très intensément dans le cours du mois de janvier.

    Jusqu'à la Libération de Paris, Villon sera véritablement animateur du CNR, en dépit d'un grave accident survenu le 4 avril 1944 à la suite d'une tentative d'arrestation et qui l'immobilisera jusqu'en mai. Le 29 août, De Gaulle lui propose le ministère de la guerre. Il refuse. De Gaulle comprendra qu'on ne débauche pas ainsi un communiste en lui proposant un portefeuille: il faut passer par la voie hiérarchique, c'est-à-dire par une entrevue avec Duclos ce qui vaudra un portefeuille à Billoux et un autre à Tillon. Sans doute Villon pouvait-il être plus utile au Front National que dans un ministère.

    Jusqu'à la Libération, Villon s'était fait au sein du CNR, l'avocat passionné de l'action immédiate. Après la Libération, il dirige encore le Front National et propose la fusion à l'autre grand mouvement de Résistance, le MLN, qui était lui-même le regroupement de divers mouvements de Résistance. La majorité du MLN refuse et Villon tombe finalement dans une certaine disgrâce. En fait, Thorez remet en cause la façon dont le PCF clandestin a participé au CNR qui aurait dû être, selon lui, « l'émanation des comités de base » au lieu d'être un regroupement de représentants de partis. Villon reste un militant du Parti auquel sa fidélité est sans faille et c'est en tant que tel qu'il s'investit dans des campagnes pacifiques ou qu'il prend la présidence de l'ANACR (anciens combattants de la Résistance française), en 1954, remplaçant Tillon, tombé en disgrâce certaine.

    Pour mieux connaître Villon, on lira, sur la page Villon dans le texte, les quelques extraits de son livre d'entretiens autobiograhiques avec Claude Willard. On y avec quel talent Villon s'y prend pour raccoler un par un des non-communistes pour leur proposer de rejoindre le Front National, c'est-à-dire de jouer un rôle de potiche. Mais on comprendra aussi qu'il n'est pas seulement manipulateur, il se prend aussi au jeu de l'union. Il faut dire qu'entre un jésuite qui rentre dans le rang sur injonction du pape et un Villon qui fait de même sur injonction de Thorez, il n'y a que l'épaisseur d'un papier de cigarettes.

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