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A Limours, Raph sort ses boîtes de Macaroni

dans la maison de Tillon

          

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Tillon, alias William Rocheteau à Limours

Les enfants: Babie et son grand-frère

Raph, la sécurité et les macaronis

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Le Hurepoix

Raph assurait à vélo, deux ou trois fois par semaine, le courrier interne au sein de son dispositif  Il dissimulait les messages dans des boites de macaronis.

            On le voit dans la salle principale de la maison de l'avenue du Valménil, entre Charles et Colette Tillon.

            

 

L'installation de Tillon, alias William Rocheteau à Limours

    En quittant Palaiseau, Charles Tillon était résolu à ne pas réitérer certaines erreurs qui avaient présidé aux conditions de son séjour au 257, rue de Paris. La proximité avec une station de la ligne de Sceaux résultait d'un mauvais compromis. La tentation était grande de mettre à profit la relative commodité des transports pour multiplier les réunions, alors qu'on pouvait bien se douter que la ligne de Sceaux était aussi surveillée par la police que le métro. Il ne fallait donc pas hésiter à s'enfoncer résolument dans la campagne, quitte à restreindre les contacts du centre avec la périphérie, donc prendre le risque d'en amoindrir la vigueur opérationnelle. Il y eut effectivement un choix délibéré de privilégier la sécurité de la direction. Sa chute aurait été une catastrophe majeure pour le Parti. 

     A Limours, Charles et Colette sont mariés, comme ils le sont dans la vie. La présence du bébé les dispense de s'abriter derrière la couverture d'un couple âgé, plus rassurant, comme ils l'avaient fait à Palaiseau. Il suffit d'un simple changement d'identité, et de l'invention d'une activité professionnelle: Charles devient William Rocheteau, artiste-peintre, mettant à profit son goût pour la peinture qui l'avait poussé alors qu'il était adolescent, à chercher sa voie dans les Beaux-Arts. Il n'avait, c'est vrai, guère eu le temps de pratiquer, depuis son retour du bagne de Dar bel Hamri, mais, joignant l'utile à l'agréable, il pouvait maintenant s'offrir le petit plaisir  d'installer une toile sur un chevalet et d'y étaler des couleurs.

            Le déménagement avait provoqué la séparation du ménage Covelet . Victor Covelet restait seul à Palaiseau pour tenir la maison qui allait être utilisée comme lieu de réunion d'abord, puis semble-t-il, comme planque de réserve. Marguerite suivait la famille Rocheteau. Les voisins se souviennent d'elle comme de la bonne de la maison. On faisait en sorte que les dirigeants soient, au moins partiellement, déchargés des soucis domestiques. La présence de Marguerite permit à Colette de collaborer au travail de son mari.

            Arthur  avait procuré aux Tillon le mobilier nécessaire pour leur nouvelle vie à Limours, signe qu'en cette fin 41, la branche armée du Parti disposait encore de peu d'autonomie, mais par la suite, Charles et sa famille ne furent plus intégrés dans le dispositif clandestin de la direction géré par Raph, après la chute de son frère. Leurs salaires  étaient versés par le canal des FTP et non pas par Raph, comme c'était le cas pour le personnel des planques de Forges, Villebon, Longjumeau.

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Les enfants: Babie Jacques et son grand-frère

            La naissance du petit Jacques fut, en gros, contemporaine de l'installation à Limours. On l'appellera très vite Babie. Le fils aîné des Tillon, Claude, avait été confié aux parents de Charles, à Rennes où il suivait des études normales au Lycée. La situation des membres de la familles de clandestins, enfants, épouses ou parents restés légaux devenait de plus en plus difficile. Les parents, ascendants, descendants, cousins des "terroristes" étaient promis au peloton d'excécution, alors que les enfants de moins de dix-sept ans devaient être déportés. L'urgence de rejoindre la clandestinité se précisait donc pour le jeune Claude. Colette a probablement insisté personnellement pour que Claude fasse le détour par Limours. Elle venait de mettre au monde son deuxième fils, et après les journées d'angoisse consécutives à l'arrestation des frères Dallidet, comment n'aurait-elle pas ressenti le désir impérieux de revoir son fils aîné et de le mettre à l'abri ?

            Les circonstances du rapatriement de Claude vers la région parisienne ne sont pas tout à fait claires. D'un coté, Charles Tillon écrit que "ce fut la bonne Marguerite Covelet  qui arriva à temps pour l'enlever de Rennes." D'un autre coté, Claude Tillon se souvient que ce fut son oncle, Georges Beyer  qui vint le chercher. L'intéressé a sans doute raison.

            C'est en mai 42 que Claude bénéficia de ce droit de visite à Limours. Des retrouvailles qui devaient demeurer très discrètes, car, comme rien n'est jamais simple en milieu clandestin, Claude, dont le vrai prénom est Jean André, dit Dédé, n'est pas officiellement le fils de ses vrais parents, mais le filleul de sa mère. Il vient de se fabriquer une nouvelle identité en empruntant le prénom à un copain qu'il aimait bien, et le nom, Loirie, à l'auteur d'un livre qui lui avait bien plu. Claude ignorait à peu près tout des activités de son père, sinon qu'elles étaient clandestines. On lui avait appris à ne pas poser de questions. Charles et Colette ne pouvaient d'ailleurs accorder qu'une confiance limitée à cet adolescent qu'ils n'avaient guère suivi depuis quelques années, alors, ils multipliaient les consignes: ne pas sortir, ne parler à personne, décliner son identité en cas de contrôle. A cela s'ajoutaient, dans le cadre domestique, les consignes pour l'observation de règles d'hygiène à la mode, qui feront fureur à la fin des années quarante, mais qui commençaient déjà à s'enraciner dans la société dés les années 30. On croyait bien faire en préservant un environnement quasi-stérile autour du nouveau-né. On interdisait donc au grand-frère d'embrasser le bébé.  Claude ne resta que deux semaines à Limours. Il fut ensuite dirigé dans le département de l'Oise, vers une de ces fermes qu'Arthur  et Raph avaient pris soin d'établir au début de la guerre. Claude resta un an dans cette campagne du Nord, partageant ainsi le sort de tant d'autres enfants mis en nourrice par des parents préférant les savoir bien nourris et en sécurité à la campagne plutôt qu'à leurs cotés, en ville. Et puis, il fut rappelé à Limours et passa la dernière année de la guerre dans sa famille. Pour le voisinage, il était Claude Loirie, fils d'un prisonnier de guerre et d'une mère qui travaillait à Paris. Sa marraine, Madame Rocheteau l'hébergeait à la campagne.

            Du point de vue de la sécurité, la présence d'un garçon de quinze ans aux cotés d'un dirigeant du niveau de Tillon n'était pas vraiment recommandée.  Le regroupement familial des Tillon n'allait pas dans le sens de la sécurité maximum. En 1943,  Tillon était assez puissant pour n'avoir à référer à personne de ses initiatives. Il semble bien que  Claude n'ait pas été présenté à Raph qui ne se souvient pas, 50 ans plus tard, avoir rencontré un adolescent de 15 ans à Limours.

             Pour l'heure, le problème qui se pose est d'occuper un adolescent sans doute pas plus paresseux qu'un autre, mais qui a dû quitter l'école depuis déjà un an sans pour autant retrouver une autre activité régulière. Colette s'efforce de récupérer des manuels scolaires, des cahiers, mais toutes les mères qui se sont essayées à faire travailler leurs fils hors programme savent combien la tâche est rude. Alors Colette demande à Charles de faire quelque chose, et Charles se creuse la tête pour trouver des tâches viriles à proposer à son fils; mais il n'y a pas grand-chose à faire, à part le bois à scier "Et il fallait me le demander deux fois!" reconnaît-il en remuant les souvenirs de sa difficile jeunesse. On ne lui interdit pas formellement de sortir mais il exclu qu'il se fasse des copains de son âge. Seul agrément de Limours, se souvient Claude, le cinéma, charme d'un passé révolu.

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Raph, la sécurité et les macaronis

            A partir de mars 42, jusqu'à la libération, Raph assura la permanence des contacts entre le chef des FTP et ses camarades du secrétariat. Le premier contact fut loin d'être excellent. Raph et Charles se connaissaient de vue, mais n'avaient jamais travaillé ensemble. Quand Raph se présenta pour la première fois au portail du 7, avenue du Valménil, il y eut ces quelques secondes, chargées du même sentiment de soupçon qu'il avait perçu quelques jours plus tôt chez son amie Flora et Henri Raynaud  lorsqu'il était venu leur demander l'hébergement après son évasion miraculeuse des locaux de la P.J. Raph savait qu'il devrait convaincre ses camarades de l'authenticité de son évasion, car en bonne logique sécuritaire, tout évadé était d'abord un suspect, mais ces quelques secondes jetèrent un froid que n'apaisèrent pas, une fois la confiance retrouvée, les remarques que firent Charles sur les circonstances de l'arrestation d'Arthur . "C'est impensable qu'un homme comme lui ait été soumis à l'arrestation... je ne critique personne... Je sais bien que je ne suis que la cinquième roue du carrosse... " Ces propos qui mettaient en cause le système de sécurité qui prévalait aux plus hauts échelons de la direction du Parti pouvaient tout aussi bien être entendus comme une mise en cause de la pratique d'Arthur. Raph vécut également très mal de se voir pris à témoin dans un débat qui aurait dû se dérouler au sein du secrétariat. Troublé, il s'en ouvrit à Jacques Duclos qui ferma aussitôt le débat: "Charles Tillon est un bon camarade."

            Par la suite, les rapports entre Charles et Raph restèrent corrects, comme ils le furent, pendant cette période,  parmi l'ensemble des communistes. Face aux terribles menaces qui pesaient sur tous les combattants, l'heure n'était pas aux mesquines disputes, et des liens fraternels se sont noués entre les camarades plus qu'à aucun autre moment. Du haut en bas de l'échelle, les mesures de sécurité sont généralement acceptées et appliquées de façon toute militaire, mais quand sonnera l'heure de la discorde, bien des questions resurgiront. Ainsi Tillon supporte mal que les réunions du secrétariat se déroulent chez lui, non seulement à Palaiseau, mais aussi, à Limours, de façon épisodique.

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