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La vie quotidienne de William Rocheteau alias Tillon à Limours

          

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Charles Tillon et sa femme Colette devant sa maison de l'avenue du Valménil (maintenant avenue du général Leclerc) à Limours

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La vie quotidienne de William Rocheteau

                    Lors de son installation dans ce bourg agricole, le citadin Rocheteau-Tillon est surpris par l'absence d'eau courante dans le pavillon qu'il avait loué:

"Il fallut... me faire adopter sous le nom de Rocheteau dans la petite ville de Limours. Notre pavillon appartenait à un tailleur de Montmartre trop près de ses sous pour faire amener l'eau dans sa propriété, on l'allait chercher à la fontaine du rond-point, comme le voisin d'en face, employé du réseau d'électricité. Et nous circulions à bicyclette pour rejoindre le métro et les rendez-vous à des lieues à la ronde."

            L'usage abusif de l'eau des fontaines publiques est un thème récurrent qui transparaît à travers les extraits des délibérations du conseil municipal. Le cas du pavillon loué à William Rocheteau n'était nullement exceptionnel, la généralisation de l'eau courante à la campagne devrait attendre l'après-guerre. Le propriétaire incriminé par Tillon, un peu froissé par cette mise en cause publique a tenu à me fournir une copie de la première facture de la Lyonnaise des eaux datant de 1952.

            Pour rendre crédible son personnage, Charles avait installé dans la pièce principale un chevalet avec une reproduction de Dunoyer de Segonzac, la route de Crécy, qu'il avait en chantier. On accédait directement à cette salle de séjour par le perron du jardin, si bien qu'il fallait qu'aucun indice ne trahisse dans cette pièce l'identité véritable de son occupant. Ce n'était pas chose aisée, car le pavillon étant de dimension modeste, la pièce principale était également le principal lieu de travail de Charles. Il s'efforçait, bien sûr, tout en restant aimable, de garder certaines distances avec la population, histoire de ne pas courir le risque d'être envahi n'importe quand par quelque ménagère bavarde en quête de compagnie. Comme Benoît Frachon à Forges, il choisit de privilégier l'un de ses plus proches voisins qui lui servait pour ainsi dire de caution vis-à-vis du reste de la population. C'était une famille dont le père était employé à Sud-Lumière, la compagnie d'électricité qui desservait Limours. Ils avaient un petit garçon de cinq ans. Avec ce voisin, William Rocheteau avait creusé dans son jardin une tranchée qu'ils avaient recouverte de planches et qui servait d'abri aux deux familles en cas d'alerte. Les deux hommes avaient noué des liens personnels et organisaient des petites sorties entre hommes, où la ballade dans les bois avec cueillette des champignons se terminait dans l'un de ces petits restaurants qui s'étaient multipliés depuis le développement du chemin de fer. Il faut dire que dans la région de Limours, les bois regorgent de cèpes et que Charles était un connaisseur depuis l'âge de seize ans. Autre motif de rapprochement entre les deux familles, l'absence d'eau courante et la fréquentation de la même fontaine publique, sur la place du monument aux morts. L'établissement de ces liens d'amitié qui impliquaient la possibilité d'une intrusion non souhaitée procédait d'un risque calculé. Il fallait d'abord, avec un minimum de flair,  choisir des gens dont on pouvait présumer qu'ils ne prendraient aucun plaisir à l'exercice de la lettre anonyme dans le cas où ils auraient été témoins de certains comportements étranges. Ensuite, il suffisait de désamorcer avec diplomatie et amabilité tout conflit de voisinage potentiel, ce qui ne dispensait pas de faire preuve de la plus grande prudence pour ne pas éveiller d'inutiles soupçons.

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Les joies du vélo

            Artiste, William Rocheteau n'avait pas à simuler des horaires de fonctionnaire. Il lui suffit d'arrimer un chevalet sur le porte-bagages de son vélo pour justifier ses déplacements. De cette pratique du vélo, Charles Tillon, tel un coureur du Tour de France, retiendra à la fois la souffrance et la griserie:

" L'année 1942 aura été pour le physique comme pour le moral la plus dure épreuve de ma vie. Les courses à vélo nécessitaient autant de vigilance épuisante que les rendez-vous par le métro sur la ligne de Sceaux..."

Et quelques pages plus loin:

"A courir la région, entre Limours, Palaiseau et Arpajon dans le Hurepoix, j'étais devenu un cycliste infatigable. A la belle saison, je circulais souvent avec une boite de peinture sur mon porte-bagages, pour justifier vis-à-vis des voisins ma bougeotte de soi-disant artiste. Bientôt, nous devrons, Colette et moi, voyager sur un tandem pour aller jusqu'à Versailles."

            En mai 44, c'est chacun sur sa bicyclette que Charles et Colette pédalaient sur une route de campagne. Charles se proposait d'inspecter un bâtiment de ferme à Denisy près de Dourdan. Pour se préparer aux nouvelles conditions de combat crées par un débarquement que tout le monde sentait proche,  il avait eu l'idée d'aménager un "Q.G." des FTP dans un endroit isolé. Peut-être Charles et Colette profitaient-ils de cette course pour s'octroyer un instant d'insouciance au milieu du printemps. Une camionnette surgissant au détour d'un mauvais virage heurta la bicyclette de Colette qui roula dans le fossé et s'évanouit avec une fracture de la clavicule. Colette refusa de faire venir un docteur à la maison et termina la guerre handicapée.


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