Enquête sur Monseigneur Piguet (3)
La baraque des prêtres à Dachau
Karl Leisner et les autres
"Enquête sur Mgr Piguet" (1) |
le livre de Randanne et Roquejoffre |
Les Catholiques sous l'occupation |
Introduction (Emmanuel de Chambost, Mai 2004)
Cette page constitue le troisième volet du triptyque "Enquête sur Mgr Piguet". En fait, bien que j'ai rajouté quelques témoignages supplémentaires sur Piguet, la page peut se suffire à elle même, comme introduction à la baraque des prêtres de Dachau et à Karl Leisner. Remerciement à Lise Pommois, historienne alsacienne, qui m'a procuré les ouvrages de langue anglaise cités dans la bibliographie.
Karl Leisner a été déclaré bienheureux par Jean-Paul II en 1996, la page ne se veut pas hagiographique mais historique. Cependant, le ton général est "en sympathie" avec les croyances des témoins qui ont fréquenté la baraque des prêtres. Pour ceux qui ne supportent pas les odeurs de sacristie, ils peuvent s'intéresser à d'autres jeunes hommes de la même époque: par exemple, sur d'autres pages du site EdC, Pierre Georges, plus connu sous le nom de Fabien ou Arthur Dallidet.
Si vous avez des observations à faire sur cette page, vous pouvez m'écrire à edechambXX@YYorange.fr, en retirant de l'adresse XX et YY
Les Nazis construisirent un camp de concentration à Dachau, près de Munich dés 1933. Les premiers internés sont des opposants politiques, communistes dans leur majorité. Par la suite, on dirigera également vers Dachau des déportés raciaux, des Témoins de Jéhovah, des autrichiens et des homosexuels.
Au début de la guerre, en 1939, le camp fut complètement évacué, hormis quelques dizaines de prisonniers qui construisirent un nouveau camp, plus vaste, d'une capacité normale de 6000 détenus répartis en 30 baraques sur une surface de 270x800 m2, soit 200 par baraque et 50 par chambre. Ce nouveau camp ouvrit ses portes au printemps 1940. Le régime du camp, très dur, fut quelque peu adouci à partir de 1942, car les Nazis entreprirent de tirer parti de la force de travail des détenus pour l'économie de guerre. Auparavant, les prisonniers travaillaient, mais le plus souvent pour des besognes complètement inutiles, comme la fameuse "route des marais". Cet adoucissement que l'on note n'implique pas la suppression des salles de torture, des punitions et des appels interminables au petit matin.
Au début 41, on comptait
10000 prisonniers sur l'ensemble du camp. En 1944, le camp central héberge
35000 prisonniers alors que 40000 autres sont répartis dans des "commandos
extérieurs." Ces prisonniers viennent de toute l'Europe. Dans
les 2 dernières années du camp, la mortalité quotidienne moyenne était de 60
personnes par jour.
Comme on sait, les SS étaient
relativement peu nombreux dans les camps. Le système des "capos" leur
permettaient de se reposer sur les prisonniers eux-mêmes pour l'organisation du
camp et l'encadrement subalterne au niveau des baraques.
Pour plus de détails, voir http://perso.wanadoo.fr/moulinjc/Camps/800X600/Textes/dachau.htm
Pour des photos http://history1900s.about.com/library/holocaust/blcampsdach.htm
Le camp fut libéré par les Américains le 29 Avril 1945
Avant le début de la deuxième guerre mondiale, un certain nombre de membres du clergé catholique ou protestant avait été arrêtés en Allemagne, Autriche ou Tchécoslovaquie, comme opposants réels ou supposés au régime nazi. Ces prêtres ou pasteurs étaient intégrés à des compagnies disciplinaires dans divers camps du système concentrationnaire nazi Avec l'invasion de la Pologne, la déportation du clergé polonais prit un caractère massif qui suscita des pourparlers entre le Vatican et les autorités allemandes, à partir du mois de Mars 1940, à la suite de l'entretien du 11 Mars entre le pape Pie XII et le ministre des affaires étrangères Von Ribbentrop. Par la suite, les interlocuteurs impliqués dans ces pourparlers, furent, du coté de l'Eglise, le Cardinal secrétaire d'Etat Maglione et le nonce à Berlin, Mgr Orsenigo, et du coté allemand, le secrétaire d'état aux affaires étrangères Ernst von Weiszäcker.
Les demandes des représentants du Vatican étaient les suivantes:
- Visite d'un représentant de l'Eglise aux prisonniers pour s'entretenir avec eux sous surveillance et leur remettre des livres, notamment des bréviaires.
- Possibilité pour les prisonniers de dire la messe
-
Enterrement des prisonniers décédés (au lieu de l'incinération,
contraire aux principes de l'Eglise.)
Il semble que dès le mois d'Avril, des mesures aient été prises pour aller partiellement dans le sens des vœux de l'Eglise, mais les échanges reprirent en octobre, avec lorsque les prêtres polonais furent internés en plus grand nombre. Le Vatican proposa, sans succés qu'ils soient évacués vers un pays neutre, puis réitéra la demande qu'ils puissent dire la messe. Finalement, en Novembre, les autorités allemandes donna l'assurance que tous les prêtres allaient être regroupés à Dachau pour n'y être sounmis qu'à des travaux légers. Ils auraient également la possibilité de "dire ou de suivre la messe chaque jour. Par contre, les Allemands restèrent inflexibles au sujet de l'enterrement: Il n'y aura pas d'exception pour les prêtres décédés, ils seront incinérés.
A l'intérieur du camp, il semble qu'il ait toujours existé, depuis des contacts entre les autorités du camp et les prêtres allemands, comme en témoigne ce passage des souvenirs de Mgr Piguet, arrivé au camp en septembre 44 : " Mes démarches personnelles, non pas auprès des autorités nazies qui me tenaient pour un vil prisonnier sans pouvoir, mais auprès de prêtres allemands écoutés par les autorités allemandes, me permirent d'obtenir le mai,ntien des séminaristes français dans ce block 26 où leur vie physique et leur vocation étaient défendues du fait de leur présence au miloieu des prêtres."
A la fin de l'année 1940, il y eut donc à Dachau une arrivée massive de prêtres: Plus de 800, originaires de toute l'Europe qui furent immédiatement isolés dans les baraques 26, 28 et 30. Il y avait donc un camp à l'intérieur du camp, avec ses propres clôtures.
Sur le régime en vigueur, il faut être très prudent, car la situation varie d'une année sur l'autre, d'une baraque à l'autre, à l'intérieur d'une baraque, d'une nationalité à l'autre. Le Block 26, avec une dominante de prêtres allemands était plus faorisé que le Block 28 où se retrouvaient les prêtres Polonais. Au Block 26, les colis des familles ou de la Croix-Rouge étaient remis aux prisonniers, ce qui améliorait leur ordinaire. Aux Block 28 et 30 des prêtres polonais, la vie était très dure jusqu'en 42, moitié des prisonniers y laissèrent leur vie, mais il y eut ensuite un adoucissement comme pour l'ensemble du camp.
La plupart des plupart des prêtres allemands avaient obtenu des postes de travail allégés (au jardin botannique ou dans l'administration), et beaucoup de prêtres étrangers, notamment français qui étaient logés avaient le même régime. Mais précisémment parce qu'ils étaient relativement favorisés, les prêtres pouvaient également être des cibles de choix de la part des SS ou des capos, par exemple lorsqu'ils devaient aller au "Revier" (l'infirmerie).
"En février 1942, note Otto Pies, tous les privilèges des prêtres furent suspendus, sauf pour la chapelle et les services religieux. Les prêtres furent à nouveau envoyés à ds trvaux pénibles. Avec la faim, le froid et les privations de nourriture, ce régime provoqua de nombreuses morts, mais un peu plus tard, en même temps que les colis personnels furent autorisés, le régime s'adoucit. Les tentatives d'action pastorale dans les reste du camp ne furent plus systématiquement réprimées…"
Les prêtres français sont arrivés surtout à partir de la fin 43. Certains d'entre eux, comme le père Cotte avait pratiqué un apostolat illégal dans le cadre du STO. Mais la majorité avait été déporté à la suite d'une implication plus ou moins grande dans la Résistance. A partir du moment où la Résistance s'est développée en France, les presbytères et les couvents ont souvent servi de lieux de transit. Certains couvents ont pu abrité des juifs aussi bien que des Résistants, mais il ne semble pas que beaucoup de prêtres français internés à Dachau l'aient été à la suite d'une action de sauvetage de Juifs. Tous les prêtres français déportés n'ont pas été regroupés à Dachau. Par exemple, Lucien Bunel, le père Jacques rendu célèbre par le film de Louis Malle "au revoir les enfants" a été dirigé sur Mathausen (http://www.carmel.asso.fr/visages/jacques/chronologie.shtml. En décembre 44, il y eut cependant une arrivée de plusieurs jésuites français en provenance de Mathausen. Certains d'entre eux sont des prédicateurs vedettes, comme Victor Dillard, qui devait mourir en Janvier 45 ou Michel Riquet.
A travers les différents témoignages sur la baraque 26 où étaient les prêtres français, on retrouve à la fois certains traits communs à tous les camps de concentration, qui ne montrent pas forcémment l'homme sous son aspect le plus reluisant. Comme le résume la formule de Jean Kammerer "homo homini lupus, sacerdos sacerdoti lupissimus" (l'homme est un loup pour l'homme, le prêtre est encore plus redoutable pour le prêtre). Les relations entre les diverses nationalités étaient plus ou moins bonnes. On comprend bien, par exemple que les Français et les Allemands ne vivient pas de la même façon les bombardements de l'aviation alliée sur Minich. On comprend aussi que les Français qui avaient été arrêtés pour fait de résistance ne fraternisent pas spontannément avec les Allemands qui étaient dominants à la baraque 26. Les différences sociales ne s'estompent pas non plus, surtout chez les Polonais où certains prêtres avaient le statut de grands propriétaires terriens et ne se mêlaient pas aux classes pauvres.
D'un autre coté, la concentration de religieux pouvait aussi donner à la baraque des prêtres l'aspect d'un gigantesque monastère où les privations forcées tenaient lieu d'ascèse et favorisaient éventuellement les élans mystiques qui font parfois se rapprocher le miracle de la simple prière (Voir ci-dessous prières, mysticisme et miracles). En vertu des accords passés avec le Vatican en 1940, une chapelle avait été aménagée en Janvier 1941 au sein de la baraque 26. Un service avait lieu chaque matin, à 5 heures, avant l'appel. Les laïcs du camp ne pouvaient accéder à la chapelle et assister aux offices qui y étaient célébrés. Seul le prêtre doyen du camp pouvait célébrer la messe. En Septembre 41, les prêtres Polonais se virent refuser l'accés à la chapelle. "C'est de cette chapelle, écrit Otto Pies, que s'élevaient souvent le puissant message de 400 prêtres chantant: Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat (Le Christ est vainqueur, le Christ règne, le Christ commande !"
En 1944, la situation est assez confuse: il semble que la chapelle soit en théorie sous contrôle allemand, mais les prêtres français participent également et ont également pu imposer la participation de laïcs pour la messe du dimanche. En semaine, la messe avait lieu à 5h20, avant le petit-déjeuner et l'appel. Le dimanche, plusieurs messes étaient célébrées, parmi lesquelles, la grand-messe, avec sermon, chant solennel, encens… les Allemands avaient gardé le privilège de la grand-messe jusqu'à l'arrivée de Mgr Piguet, où ils durent céder la place au seul évêque du camp, mais de toutes façons, les choses commençaient à évoluer, car les Français furent aussi admis à célébrer de temps à autre une messe en semaine. Mgr Piguet raconte qu'il a introduit les prédications en français, dans la chapelle où "seules les langues allemandes et latines avaient droit de cité." C'était donc à la fin 44. A cette époque, les prêtres polonais avaient coutume de célébrer en cachette une messe hebdomadaire dans une salle du block 28. Le célébrant officiait sans habits spéciaux et des guetteurs signalaient les arrivées suspectes aux abords de la cérémonie.
Catholiques 2579, Protestants, 109, Orthodoxes grecs 22 95 jésuites Tableau extrait de Le camp de concentration de Dachau1933-45, Comité international de Dachau. Statistiques établies d'après les documents trouvés au camp. Les Autrichiens sont comptés comme Allemands. |
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Karl Leisner
Pour plus de détails sur la vie de Karl Leisner, on peut se reporter, par exemple à http://www.clairval.com/lettres/lettre_1.cgi?id=5090501
La plupart des informations que je présente dans cette présentation de Karl Leisner sont issues de la biographie écrite par son ami le jésuite Otto Pies.
Karl Leisner était un jeune diacre allemand, c'est-à-dire un séminariste tout prés d'accéder à la prêtrise. Il était prévu qu'il soit ordonné prêtre en décembre 1939, mais il avait été d'abord interné à Sachshausen en automne 1939, à la suite de paroles malheureuses qu'il avait laissé échapper au cours d'un séjour en Sanatorium. Karl Leisner avait alors 24 ans. Il était tuberculeux, et il trainera sa maladie tout au long de ses années de camp. Comme il est expliqué plus haut, à Dachau, le régime des prêtres s'adoucit au cours de l'hiver 1940, ils ne furent plus envoyés dans des compagnies disciplinaires, et puis, sur ordre de Himmler, tous les prêtres furent regroupés à Dachau où l'aménagement d'une chapelle fut autorisée.
Quand il arriva à Dachau, Karl fut affecté à une des corvées parmi les plus épuisantes, qui consistait à transporter les énormes marmites en fer blanc qui contenaient la soupe des prisonniers. Le chemin entre la cuisine et les baraque était peu pratique, et ce transport représentait pour ceux qui y étaient affectés un vrai calvaire. Il arrivait parfois à échapper à la corvée, mais plus tard, après le déclenchement de sa maladie, quand il revint à la baraque des prêtres, il dut s'affecter de lui-même à un kommando de travail pour ne pas être déclaré invalide, ce qui l'aurait conduit directement à la chambre à gaz. Ses camarades de travail se débrouillaient alors pour lui trouver un travail un peu moins dur.
Dans cet univers absolument désespérant de Dachau, où des journées pouvaient s'enchaîner sans aucune lueur d'espoir, Karl arrivait à ne rien montrer de ses moments de profonde dépression. Beaucoup de ses camarades se souviennent de lui comme quelqu'un de lumineux "on ne peut pas se souvenir de ce grand gaillard bien bâti sans faire rejaillir de sa mémoire sa figure toujours aimable et souriante d'où émanait la joie du jeune chétien qui illuminait ses traits à chaque instant" De ses yeux radieux et débordant de joie, se déversait la lumière de l'âme. On avait l'impression qu'il vivait dans un enthousiasme permanent. Sa personnalité rayonnante le rendait très populaire dans le camp. Il avait réussi à transporter sa guitare depuis Sachshausen. En arrivant à Dachau, il avait d'abord dû la remettre dans ce qu'on appelait le bric-à-brac, là où les prisonniers devaient déposer leurs effets personnels. Un jour, Karl décida de récupérer sa guitare; il se fit copain avec les prisonniers qui étaient en charge du bric-à-brac, leur offrit quelques cigarettes, et repartit avec sa guitare sous le bras. Sa gentillesse était irrésistible. Par la suite, le soir, après le travail, il sortait sa guitare de dessous le lit et rassemblait ses camarades autour de lui. Ensemble, ils chantaient des chants de feux de camp. Dans le camp, tout le monde était au courant de la maladie de Karl et voulait l'aider par amitié et pas affection. Et quand parvinrent de l'hôpital de mauvaises nouvelles sur l'état de sa santé, il y eut une grande mobilisation pour venir à son secours: Collecte de nourriture, prières. Les prêtres du block 26 montrèrent un zèle exceptionnel pour prendre soin de lui. Ils voulaient que Karl puissent sortir vivant du camp pour réaliser son vœux le plus cher qui était de devenir prêtre.
Noël 1941 marqua les esprits: Les prêtres célébrèrent une cérémonie avec autant de faste que possible qu'il était possible dans les conditions du camp: On avait disposé au dessus de l'autel de la chapelle une grande fresque représentant la Nativité qu'un jeune curé de Desdes avait pu réaliser avec de la peinture à l'eau et des vieux journaux. On avait trouvé dans le camp une chasuble, ainsi que trois aubles blanches. L'administration du camp avait octroyé une heure supplémentaire pour cette messe. Karl, en aube blanche, était l'un des deux acolytes du prêtre qui célébra la messe.
Au bout d'un an d'internement, Karl avait résisté aux terribles conditions de faim, de froid et de fatigue, il pouvait espérer avoir triomphé de sa maladie. L'hiver 41 fut particulièrement rigoureux, et le mois de Mars exceptionnellement pluvieux. Avec les interminables appels du matin, les prisonniers passaient leurs journées trempés jusqu'aux os. Dans les baraques, les poêles étaient en permanence recouverts de vêtements mouillés qu'on s'efforçait vainement de faire sécher. Et chaque matin, les prisonniers devaient à nouveau se présenter à l'appel avec des vêtements trempés, les pieds chaussés dans des sabots en bois. Tout le monde, où presque souffrait de bronchites, angines, grippe plus ou moins larvées. L'hôpital et les infirmeries étaient surpeuplées, et personne n'y était admis pour un simple coup de froid. D'autre part, à cette époque, les prêtres hospitalisés étaient des victimes de choix pour les docteurs SS et les capos infirmiers, si bien que la majorité considéraient généralement qu'il était plus dangereux d'être hospitalisés que de rester dans leurs baraques insalubres.
Karl avait rechuté, il était secoué chaque nuit par une toux rauque. Le 15 mars, il semit à cracher du sang. Il n'y avait pas d'autre solution que s'aller à l'appel des malades après avoir subi l'appel normal. A l'appel des malades, les SS procédaient d'abord à une première sélection en rounat de coups les candidats à l'hospitalisation. La majorité des prisonniers préféraient alors retourner à leurs baraques plutôt que de subir de tels traitements. Mais Karl était vraiment malade et il fut admis à l'hôpital. C'est une période se peine qui commençait pour lui, en même temps qu'une nouvelle phase d'élèvation spirituelle.
A l'exception de brefs intervalles, Karl ne devait plus quitter l'hôpital jusqu'à la libération du camp. A deux reprises, on pensa que Karl était hors de danger et qu'il pouvait retourner parmi les siens à la baraque 26, mais à chaque fois, il ne put rester que quelques heures parmi ses camarades avant de regagner l'hôpital. A deux autres occasions, Karl fut secrètement rayé de la liste des malades et hébergé clandestinement dans la baraque 26 pour le mettre à l'abri d'une commissions de mèdecins qui passaient en revue tous les malades pour dresser une liste d'incurables dont il valait mieux se débarasser au plus vite. Des centaines de prisonniers malades ont ainsi disparu sans que personne ne sache exactement où ils furent dirigés et comment ils terminèrent leurs jours. Ils ont peut-être été utilisés comme cobayes pour tester de nouveaux gaz mortels.
De 120 à 150 malades étaient parqués dans le service des tuberculeux. Ils devaient rester en permanence dans des lits en bois avec paillasse, superposés par groupe de trois. N'importe quel patient qui n'était pas déjà tuberculeux était sûr de le devenir. En fait tous ces malades étaient destinés à terminer leurs jours sans aucun traitement médical dans d'effroyables conditions, car en plus de leur maladie s'ajoutait la promiscuité, l'inactivité, l'obligation de rester dans leurs cases. Il faut également imaginer un remue-ménage constant. Karl n'était jamais seul. Il était sans cesse entouré par cette multitude d'hommes hurlant leur souffrance, geignant de désespoir, vociférant parfois, et il ne pouvait rien faire pour eux parce qu'il était lui-même profondémment atteint..
On donnait des rations supplémentaires aux tuberculeux, mais les docteurs ne s'occupaient pas eux-même des malades, il laissait faire l'infirmier chef, un prisonnier serrurier d'origine qui prenait en charge les opérations chirurgicales. Dans ces conditions, toute guérison ou convalescence était inenvisageable. La santé de Karl allait donc en empirant.. Il avait conservé la volonté de vivre, et en débit d'un abattement temporaire, faisait toujours preuve d'un optimisme revigorant.
Il n'était pas pour autant à l'abri du doute, de l'effondrement et de la révolte: Comment Dieu pouvait-il permettre cela ? D'autres malades qui venaient d'autres pavillons pour lui rendre visite, pomper avidement un peu de son optimisme et se rassasier de la bienveillance qui coulait de ses yeux ont toujours ignoré les doutes et les défaillances de Karl. Il connaissait un peu tout le monde dans son pavillon. Avec d'autres camarades prêtres, il avait rassemblé dans un "dictionnaire", des phrases en plusieurs langues, à l'usage des malades en détresse spirituelle..
Après une embellie passagère, après le début 44, l'état de santé de Karl se dégrada encore. Juste après qu'il ait cru qu'il pourrait s'en sortir, il prit à nouveau un coup de froid. La fièvre ne le quittait pas et il continuait à souffrir d'une terrible toux. Les nuits étaient pasticulièrement pénibles, à cause de la toux et d'une transpiration abondante. Une radiographie de cette époque mettait en évidence une large lésion sur le poumon droit et une pénétration de la lésion vers le poumon gauche qui avait été épargné jusqu'alors..
A l'approche de la fin de la guerre et des bombardements alliés sur les villes allemandes, les prêtres allemands durent affronter un conflit intérieur entre l'amour de leur patrie et l'aspiration à un effondrement rapide du 3eme Reich qui mettrait fin au règne de la barbarie. Plus que tous les autres Karl aspirait à la fin du cataclysme, et il voulait en sortir vivant pour devenir prêtre et se mettre au service de la jeunesse. Ses amis étaient de plus en plus inquiets: la fin de Karl se rapprochait de plus en plus et à moins d'un miracle, il était clair qu'il ne pourrait jamais être ordonné prêtre. Des lettres étaient envoyés à l'extérieur du camp, en vue d'intervenir auprès des plus hautes autorités SS, jusqu'à Himmler, et Hitler lui même, pour obtenir, sinon la libération définitive du prisonnier malade, du moins, une solution pour qu'il puisse partir en cure. Tous ces efforts furent vains, toutes les demandes furent rejetées.
A la fin de l'été 44, d'importants contingents de déportés français arrivèrent à Dachau. C'étaient des résistants, transférés de prisons françaises. Ils avaient péri par centaines dans le transport, mais plus de 500 arrivèrent à destination. Parmi eux, le 3 Septembre, l'évêque de Clermont-Ferrand, Mgr Piguet.
Très vite après son arrivée, les prêtres allemands comprirent qu'il y avait une solution pour que Karl fut ordonné prêtre selon les règles de l'Eglise, et un plan fut mis sur pied pour que toutes les autorisations nécessaires furent rassemblées. C'est une espèce de chasse au trésor qui se met en route pour obtenir la délégation de l'évêque de Munich, le cardinal Faulhaber (Dachau faisait partie du diocèse de Munich) ainsi que l'autorisation de Mgr Von Galen, évêque de Münster, diocèse d'origine de Karl. Un réseau de complicités incluant le pasteur protestant de la ville de Dachau, une jeune fille, Mädi, qui devint plus tard religieuse et qui avait le contact avec un prêtre allemand prisonnier, qui travaillait au "plantage", c'est-à-dire au jardin botannique de Dachau. Mädi prenait régulièrement des risques pour faire passer des hosties pour les prêtres polonais. Cela peut surprendre que l'on puisse attacher tant d'importance à des autorisations formelles, mais à cette époque, les choses étaient ainsi. Les prêtres ne pouvaient pas imaginer de consacrer autre chose que des hosties normalisées. Sans hostie pas de messe. Sans messe, les prêtres sont malheureux. Sans évêque, pas d'ordination possible, mais l'évêque n'aurait jamais célébré l'ordination sans toutes les autorisations nécessaires. Il lui fallait aussi quelques ingrédients et objets liturgiques indispensables, entre autres, des saintes huiles et un rituel pour lesquels on eut encore recours aux services de Mädi. Il semble que le jésuite Otto Pies, proche camarade de Karl, fut en partie l'initiateur et l'ordonateur de ce vaste projet. Un très grand nombre de croyants furent mis à contribution pour les préparatifs. La date du troisième dimanche de l'Avent, c'est-à-dire le 17 Décembre fut choisie pour le jour J.
Parallèlement à ces préparatifs, la santé de Karl s'améliorait. Il prit sa part aux préparatifs en confectionnant depuis son lit d'hôpital un tabernacle en bois sculpté. Il quitta secrètement l'hôpital le 15 décembre. Le nombre des participants à la cérémonie fut restreint aux prêtres de la paroisse de Münster à la trentaine de séminaristes de la baraque et à un petit échantillon de personalités représentatives du camp. Karl portait une aube blanche par-dessus ses vêtements de bagnard.
C'est le 26 Décembre qu'eut lieu la première messe de Karl. Cette fois-ci, on avait fait le plein de la chapelle en rameutant des prêtres des 3 baraques. La messe fut suivie d'une grande fête, un véritable banquet, avec du vrai café et des gateaux. Tous les réseaux du camp avait été mis à contribution pour ces agapes. Christian Reger, un pasteur protestant raconte comment il avait pu se procurer, par piston, des choux de Bruxelles qu'il avait préparé et offert pour cette occasion.
Après aa première messe, Karl dut retourner à l'hôpital du camp où il réussit à survivre jusqu'à la libération du camp par les Américains, le dimanche 29 Avril 45. La maladie cependant eut raison de lui quelques mois après. Karl s'éteignit définitivement le 12 août 45.
Dans ce contexte-là, prier pour que se réalise un évènement précis est une pratique fréquente, et lorsqu'une prière est exaucée, les croyants ne doutent pas de la relation de cause à effet. J'ai déjà eu l'occasion de présenter la narration d'un très bizarre miracle par le père Cotte, je présente ici deux autres récits.
J.Overduin, pasteur hollandais:
"Le consistoire d'Arnhem décida de tenir une cérémonie de prières pour les prisonniers le 17 Décembre 42. Officiellement, il s'agissait juste de réunions sur la puissance de la prière, mais par le bouche à oreilles, l'information se répandit qu'il s'agissait de séances de prières pour tous les prisonniers, et en particulier pour ceux de Dachau. Le 16 Décembre, je reut une lettre de ma femme m'informant de ces séances de prières et m'invitant à prier en communion avec la communauté d'Arnhem. Le lendemain soir, à 8h30, tous les pasteurs hollandais de Dachau se rassemblèrent sur leur matelas et prièrent. Nous adressions au seigneur 5 requêtes spécifiques qui nous semblaient vitales, au sens propre du terme: D'abord, nous voulions avoir un nouveau commandant, ensuite, nous voulions être transférés avec le clergé allemand, dans la baraque 26, et puis être envoyés dans des kommandos moins durs, avoir davanatage de temps de sommeil, et enfin, avoir l'autorisation de recevoir des colis. Le jour suivant, je reçus 3 colis à la fois, et rien ne me fut confisqué. La même semaine, je fut transféré du kommando Transportbaulage au service de raccomodage des chaussettes. Quelques jours avant Noël, nous fumes transférés du bloc 28 au bloc 26, là où était logé le clergé allemand, et où les conditions étaient bien meilleures. Dans ces nouveaux quartiers, nous pouvions dormir jusqu'à 5h du matin. En l'espace d'une semaine, nos vies étaient transformées: Nous étions passés d'un camp de la mort à un cenre de convalescence, et en fait, toutes ces améliorations découlaient du changement du commandant du camp: , le bestial Hoffman avait été envoyé sur le front de l'Est pour être remplacé par le commandant Weiss. Aucun d'entre nous n'oubliera jamais ces jours, nous vivions dans un monde de miracles. Après des mois et des mois où nous avions été délibéremment et graduellement détruits, nous pouvions finalement jouir du merveilleux privilège de bénéficier d'un peu de sommeil et de repos."
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The Pastor's barrack est l'histoire, écrite sous forme romancée, de Christian Reger, un pasteur allemand de la baraque 26, qui fut invité à la première messe de Karl Leisner. Au bureau d'un service administratif où il est affecté, Christian apprend par un autre prisonnier, Dittner, que plus rien ne s'oppose à l'ordination de Karl
- Les papiers ont été passé clandestinement, chuchota Dittner. Les documents du cardinal Faulhaber et de l'évêque de Münster qui sont arrivés permettent une ordination tout à fait dans les règles. Christian acquiesca sans prononcer un seul mot. - Quelle ironie ! continua Dittner, toujours en chuchotant, la Gestapo a arrêté exactement la bonne personne qui manquait encore pour que l'on puisse faire l'ordination ! Quans j'ai entendu que l'archevêque de Clermont-Ferrand était ici, j'ai su que Dieu avait fait ce qu'il fallait pour exaucer les rêves de Karl. |
Vie intellectuelle
Comme l'écrit le jésuite allemand Otto Pies, non pas à propos des seuls prêtres, mais des prisonniers de Dachau en général: "A coté des prisonniers qui végêtaient purement et simplement et sombraient dans la plus grande détresse, on en voyait d'autres, par contre, qui étaient étonnament vivants et alertes. C'étaient ceux qui discutaient, débattaient en mettant en avant leurs différents point de vue politiques et philosophiques. Ils échaffaudaient des programmes pour l'avenir, organisaient des comités d'organisation ou de reconstruction des mouvements de résistance, en plein milieu des baraques SS et des quartiers disciplinaires…", mais le communiste Semprun rapporte de Buchenwald le même son de cloche: C'est la récitation quotidienne de poésies qui lui auraient donné assez de ressort pour survivre, là où d'autres se laissaient glisser vers la mort.
Dans les baraques de prêtres, que ce soit parmi les Allemands, ou les Français, ou les Polonais, des cercles théologiques s'étaient créés.
Je me revois discuter longuement avec Robert Beauvais, René Fraysse, Joseh de Lamartinière et le père Labaume, Jean Lecoq, Jean Ecole qui nous initia à Sartre et à son livre tout récent "l'être et le néant". Comment avait-il pu garder ou recevoir ce gros ouvrage ?... ... L'autre thème qui revient souvent dans nos discussions est celui de l'enfer... "l'enfer des camps" est devenu une expression courante pour évoquer la sinistre détention des nazis, et l'espérance de déportés. Grâce à Dieu, nous y avons gardé et même développé notre foi en Dieu-Amour... ...je mesure à distance, et en parcourant ce petit journal écrit au crayon sur du mauvais papier, combien le Block 26 permettait une vie intellectuelle ininterrompu, un véritable entretien de notre réflexion théologique ou pastorale... Ainsi, j'ai noté en novembre une réunion avec René Fraysse sur son travail pami les jeunes du STO - qu'il a accomgnés en Allemagne où comme d'autres il a été arrêté... En décembre et janvier, un travail franco-allemand avec le père Scheipers sur les "dossiers d'action missionnaire" ... nous sommes plusieurs à travailler les dimanches 3 et 10 sécembre sur un article du père jésuite Yves de Montcheuil "Christianisme et action temporelle" ... La lecture personnelle alternait avec les conversations et les groupes de travail, principalement quand la Stube était vidée d'une partie de ses habitants appelés aux postes de travail à l'extérieur (Allemands, Autrichiens, et quelques autres plus anciens dans le camp). Lectrures de deux sortes: approfondissement spirituel ou théologique et lectures de culture générale ou de détente, toujours grâce à la Croix-Rouge belge qui avait fait parvenir à Dachau des colis de livres... Etonnante liberté de lecture dans ce système concentrationnaire ! Mais l'index romain était-il levé derrière les barbelés ? Ma conscience de jeune prêtre de 25 ans m'a fait poser la question au vicaire général Daguezan au sujet de la "Chartreuse de Parme". Cet homme intelligent m'a autorisé à lire ce dangereux classique !
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Itinéraire de Mgr Piguet en déportation (par lui même)
Source: Prison et Déportation, G.Piguet, editions Spes, 1947
Note EdC: Je présente ici la déportation comme si elle était destinée à servir l'ordination de Karl Leisner. C'est une présentation tendancieuse, bien sûr: dans le récit de Piguet, l'ordibation ne représente pas plus de quatre pages sur un total de 170.
Le Struthof ou la purification | Les chemins de la Providence | l'accomplissement | Le départ |
Interné par la Gestapo à la Pentecôte, Mgr Piguet quitte Clermont le 20 Août dans un convoi de prisonniers en direction de l'Allemagne. Bénéficiant encore de certains égards, il est placé dans un wagon à compartiment, en compagnie du prince Xavier de Bourbon-Parme, alors que les autres déportés sont transportés dans des wagons de marchandises. Piguet a conservé sa soutane et son chapeau d'évêque. A cette époque, le réseau ferroviaire était sans cesse soumis aux attaques conjuguées de l'aviation alliée et des saboteurs de la Résistance, si bien qu'il fallut dix jours pour arriver en Alsace.
Le Struthof ou la purification
Le mercredi 30 août au matin, après dix jours et dix nuits de voyage, le train alsacien est arrêté dans la petite gare alsacienne de Rothau. Bientôt apparaissent des détenus habillés de costumes rayés bleu et blanc et coiffés de bérets de même coumeur et de même style. Mon compagnon, étonné comme moi, de ce singulier accoutrement, me dit : "J'espère que nous ne serons pas habillés en polichinelle comme ces hommes-là"... ...Tous les prisonniers descebdent du train. Le chef de détachement de la Wehrmacht sachant ma difficulté à porter de lourds bagages , en raison d'une blessure de guerre, les fait transporter sur le trottoir où nous attend undétachement de SS... ...Ces derniers me rendent mes valises. C'est une nouvelle vie qui commence. Je suis frappé d'un magistral coup de pied dans les reins, tandis que le prince de Bourbon-Parme est violemment brutalisé avec un canon de fusil par l'un de nos gardiens. des compagons de captivité s'empressent gentiment pour m'aider à porter mes lourdes valises... ...C'est à une allure rapide de chasseurs alpins, malgré l'age déjà avancé de certains d'entre nous, qu'on nous fait grimper une côte raide sur une distance de huit à neuf kilomètres. Bien vite, je deviens le centre de la troupe de détenus; ma soutane, mes insignes épiscopaux, ma croix pectorale et mon anneau m'ont déjà désigné à l'attention de gardiens méchants. Sans discontinuité, je suis insulté de façon si grossière que des Français comprennant l'Allemand se refusent à donner la traduction... ... Ils me chargent lourdement de mes propres colis ou des colis des autres et s'acharnent après moi. . Je suis encore gratifié de quelques coups, mais surtout d'une surcharge intolérable excédant mes forces, surtout après la fatigue d'un pénible voyage, l'affaiblissement de trois mois de prison et, il faut bien le dire, le poids et la forme d'un costume ecclesiastique peu adapté à ce genre d'exercice... ... A un kilomètre du camp environ, je m'écroule sur le chemin, vaincu par l'extrême fatigue. Pendant que je risque d'être abattu par ces gardiens odieux, je remets mon âme entre les mains de Dieu... Voici qu'au contraire l'ordre est donné à deux de mes camarades de cette montée au calvaire de m'aider à me relever et de me soutenir jusqu'au camp. Lorsque je passe sous la porte du camp, une main m'enlève mon chapeau ecclesiastique et m'en coiffe à l'envers... ... Voici qu'on nous appelle par lettres alphabétiques. Sur cet emplacement de plein air, nous sommes délectés de nos bagages, de tous nos vêtements, du contenu de nos valises, provisions alimentaires, objets précieux. Ma croix pectorale et mon anneau épiscopal me sont pareillement enlevés... ... Ma toilette de déporté est terminé par la douche et le revêtement du pantalon rayé et, faute de collections suffisantes, d'une veste civile bariolée de couleurs avec les grandes lettres K.L. (Koncentration Lager) peintes au dos, et me voici nu-pieds dans des sandales de bois mal ajustées... ... Un triangle rouge sur ma veste, insigne du détenu politique, et un numéro complètent ma tenue... Cette tragique entrée au camp m'avait physiquement exténué. A l'appel du soir, je ne peux plus me tenir debout par mes seuls moyens et je serais tombé sans l'aide de mes voisins qui me soutiennent charitablement. Ma première nuit dans les barraquements surpeuplés est fièvreuse. Je peux éviter de coucher au milieu de Russes inconnus, auprès de qui on m'avait d'abord placé. Finalement, je suis couché entre deux Français, l'un d'Alsce, l'autre du Midi... Le lendemain, au lever, à quatre heures trente, je suis aussi fatigué que la veille. L'appel subi sous la pluie n'est pas pour me remettre. Mais la Providence veille. Présenté à la visite médicale où je suis presque porté par mes camarades, je suis admis par un médecin norvégien, lui-aussi détenu, à entrer au "Revier", c'est-à-dire à l'infirmerie où je dois passer à peine six jours. |
A l'infirmerie, au bout de quelques heures Mgr Piguet, fut admis dans une chambre spéciale, en compagnie du général Delestraint, d'un major américain, d'un lieutenant anglais et de quelques autres hommes. Sans maladis caractérisée, mais dans un état d'épuisement total, Mgr Piguet est même incapable de se soulever pour voir ce que lui relatent ses compagnons, à savoir les flammes du four crématoire. (Voir à ce sujet la biographie de Sonia Olschanezski )
Les chemins de la Providence
Les prisonniers du camp de Struthof-Natzweiler sont évacués à partir du 2 septembre, mais les malades admis à l'infirmerie ne partent que le 4 septembre. Les malades peuvent s'étendre sur des matelas dans des wagons à bestiaux. Le trajet de Rotahu à Dachau dure 2 jours et demi.
Dans son récit, Mgr Piguet mentionne que lui-même et le prince de Bourbon-Parme était fiché comme "Sonderhäftling III" (prisonnier exceptionnel"
En langage policier, ces mots et ces trois barres parait-il signifiaient que ces deux détenus étaient des prisonniers exceptionnels et qu'ils devaient être envoyés dans un camp spécial. A Dachau, ce billet tomba avant l'arrivée du convoi entre les mains de prisonniers qui faisaient le rôle de secrétaires. C'étaient des prêtres. Ils comprirent que pareille fiche équivaudrait à une condamnation à mort. Ils firent disparaître ce papier compromettant, si bien que nos fiches, par la suite ne contenaient aucun renseignement... Je n'appris qu'à la fin de ma captivité cette substitution. J'hésitai d'abord à la croire tandis que le prince de Bourbon la connaissait et la tenait pour certaine... |
Si l'on croit volontiers que des prêtres employés à l'administration du camp aient plus ou moins falsifié des papiers, on est quand même amené à se demander si cette opération a évité aux deux illustres prisonniers d'être envoyé à la mort ou si elle ne les a pas plutôt détourné provisoirement de leur destination naturelle qui était le pavillon des personnalités (Bunker d'honneur).
A son arrivée au camp, Mgr Piguet, avec les autres malades de l'infirmerie, passe la nuit sur la grande place de l'appel. On l'enregistre sous le numéro 103001
Des prêtres prisonniers à Dachau déjà alertés par les premiers de Natzweiller savent à l'avance que je dois être dans le convoi. Plusieurs me cherchent et viennent me saluer avec une sympathie déférente. Parmi eux se trouve un de mes vicaire de Clermont, M. l'abbé Clément Cotte, parti volontaire pour l'Allemagne pour ne pas laisser sans secours spirituel de jeunes ouvriers. Son zèle et son mépri du danger l'ont, en fin de compte, fait arriver à Dachau. |
Récit à comparer avec celui le témoignage du père Cotte.
Se retrouver entre prêtres et amis , même dans une commune misère apporte toujours de la joie. Cette singulière matinée est toute de contraste entre l'accueil des rencontres furtives et cordiales de ces prêtres et la manière désinvolte, pour ne pas dire plus selon laquelle me traitent les administrations pénitentiares ou sanitaires. On ne semble pas considérer que nous puissions avoir froid. A quoi bon ? La souffrance est la loi imposée à tous par les maîtres de l'heure... |
Mgr Piguet passe les trois premières semaines de son séjour à Dachau au Revier, compagnon de couchette du général Delestraint.
Je n'étais pas malade à proprement parler, mais littéralement exténué, avec un peu de fièvre parfois... un foie fatigué comme celui de tant de compagnons... ... Avec la connivence de quelques médecins, infirmiers ou autres prisonniers, le Siant-Sacrement pénétrait clandestinement au revier. Tous les jours, je pus communier et je donnai moi-même quotidiennement la Sainte Eucharistie à ceux qui, près de moi, la désiraient. La force de l'Hostie nous était désirable et bienfaisante. Pour la distribution ou la reception de la communion, nous devions employer mutuellement des ruses invraisemblables. Nous nous penchions ensemble de notre couchette, comme pour ramasser quelque chose à terre. Le communiant faisait alors un geste de sa main qui dissimulait sa bouche aux regards nombreux et curieux... ... Quand je quittais l'infirmerie au bout de trois semaines, ce fut par décision de l'infirmier de chambre, confirmée par l'infirmier de block, ratifiée par l'infirmier major, un Allemand dont l'aspect de gouape justifiait la mauvaise réputation. Mon mèdecin, un Polonais, sollicité non par mi, mais par le général Delestraint, reconnaissait que j'avais encore besoin de repos, mais se déclarait incapable de prolonger mon temps à l'infirmerie...Le vendredi 22 septembre, je fus renvoyé de l'infirmerie. Pour la troisième fois, je reçus un costume nouveau pour moi, mais certes pas du neuf |
Quand l'évêque sort de l'infirmerie le 22 septembre, et il entre au block 28, occupé par les 800 prêtres polonais. Il y restera 3 jours, dont un dimanche. Les Polonais lui demandent alors de célébrer leur messe clandestine.
Depuis le 20 Août, date de mon départ de Clermont, je n'avais pu offrir le Saint-Sacrifice. J'acceptai avec reconnaissance cette invitation. Tout se passa bien: les vigilantes sentinelles ne signalèrent rien d"anormal qui put entraver la cérémonie... |
Transféré au Block 26 le 25 Septembre, Piguet ne note pas qu'il prend ses quartier dans une chambre allemande. Il souligne cependant que les conditions de vie qu'il connut pendant les 4 mois qu'il fréquenta la baraquue des prêtres furent plutôt clémentes:
...Beaucoup d'entre nous n'avaient pas de travail spécial, mais à tout instant, des corvées nouvelles étaient organisées, nécessitées par des destructions de bombardement par avuions ou de circonstances locales. On faisait alors des appels supplémentaires pour des non-travailleurs et on choisissait certains d'entre eux. Jamais en pareilles circonstances, je ne fus désigné comme requis temporaire, en raison sans doute de mon aspect qui me classait déjà parmi les plus agés et me faisait préférer les plus jeunes pour les besognes de force. |
En raison de ma dignité épiscopale, je reçus des prêtres, tout spécialement de M.Schelling, vicaire autrichien responsable de la chapelle devant les autorités du camp et nommé par le Cardinal de Munich son représentant parmi nous, l'offre de dire chaque semaine une des six ou sept messes du dimanche... ...le cardinal-archevêque de Munich, par l'intermédiaire du curé de Dachau, fournisseur régulier du vin de messe et des hosties, avait fait passer une mitre "au cas ou cela pourrait servir", me faisnt ainsi savoir dans une semi-clandestinité son autorisation d'accomplir dans son diocèse les offices pontificaux que je pourrais. La première fois que je donnais un salut du Sacrement dans la chapelle du Block, j'avais mis une mitre confectionnée avec habileté par un prêtre allemand, emprisonné depuis une huitaine d'années... |
Ce n'est qu'en octobre que Piguet entend parler de Karl Leisner
... Un jour d'octobre, le R.P. de Conninck, jésuite professeur à l'université de Louvain et supérieur de la résidence de Bruxelles, vint me demander si je consentirais à conférer l'ordination sacerdotale à un diacre allemand, du diocèse de Münster, très apprécié de tous ses compatriotes prêtres et religieux et malheureusement atteint de tuberculose... |
L'évêque de Clermont accepte, à condition que les conditions légales soient remplies: Les deux autorisations, respectivement de l'évêque d'origine (Münster) et du lieu ou se fera l'ordination (Münich). Ce n'est qu'au mois de décembre que l'autorisation de Münster parvient au camp. L'ordination est fixée au troisième décembre de l'avant, qui tombait cette année-là le 17 décembre.
Autour de moi se trouvaient d'abord les prêtres du diocèse de Münster, tous les séminaristes pour lesquels j'avais exigé des places privilégiées, de nombreux prêtres représentant les groupes des diverses nations, un pasteur protestant qui désirait voir les cérémonies et avait aidé un prêtre à confectionner mes sandales liturgiques. Rien ne fut omis des rites prévus. Le recueillement, la ferveur, l'émotion étaient pour tous à leur comble. Il me semblait être dans ma cathédrale ou dans la chapelle de mon grand séminaire. Rien, absolument rien ne manquait à la grandeur religieuse de pareille ordination, vraisemblablement unique dans les annales de l'histoire... ...Une semaine plus tard, le lundi 25 décembre, je chantais dans la même chapelle la messe pontificale de Noël, assisté, comme je l'avais souhaité, de prêtres de toutes nations, captifs comme moi... ... Un mois plus tôt, cette même chapelle avait servi de cadre à une cérémonie toute française qio avait beaucoup impressionné nos confrères étrangers... |
Le départ
Le récit de Mgr Piguet se veut un témoignage sur l'univers de la déportation. Il se fait captif chez les captifs, mais l'impression qui se dégage du récit est qu'il n'est là que de passage, sa présence à Dachau relève d'abord d'une erreur.
Durant le mois de décembre, un ordre passa dans plusieurs camps de déportés. Il eut pour effet de diriger sur le camp de Dachau non pas tous les prêtres, mais un certain nombre d'entre eux, disséminés dans divers camps de concentration. Pourquoi cette mesure ? Sous quelles pressions et dans quels buts ? On ne le saura jamais. Mais il est vraisemblable d'interpréter comme une mesure favorable ce groupement plus nombreux d'éccésistiques dans le seul camp où ils pouvaient bénéficier d'une chapelle et d'un rassemblement corporatif si l'on ose ainsi parler... ...N'était-ce pas se réserver une conversation moins difficile avec le Pape qu'une telle mesure relativement favorable vis-à-vis des prêtres, au cas où le Reich en difficulté pourrait avoir besoin de causer avec le Siant-Siège ? Car en fait, le Pape et l'Allemagne ne causaient pas, ou plutôt, depuis longtemps, le gouvernement nazi ne répondait pas aux demandes du Pape. Au cours de mon audience du Souverain Pontife en octobre 45, au retour de ma déportation, je remerciai Pie XII des demandes qu'il avait faites en ma faveur. Le Saint-Père me répondit à peu près textuellement ceci: "Nous sommes intervenus en votre faveur, Monseigneur, et plusieurs fois. Mais toutes nos interventions , pour vous, comme toutes nos autres démarches auprès du gouvernement allemand sont toujours restées sans réponse... ... En tous cas, l'arrivée collective de nouveaux confrères me donna la pensée que des mesures collectives prises pour les prêtres provoqueraient à l'échelon supérieur, celui de l'évêque catholique déporté une mesure nouvelle. Je ne m'étais pas trompé. |
Mgr Piguet est convoqué par la Gestapo
Je fus reçu correctement: on me demanda mon age... ... ce qu'on ne me dit pas, mais que je vis de loin, c'était une dépêche de Berlin, dont par la suite des prisonniers secrétaires me firent connaitre le contenu. Il s'agissait de savoir ce qu'étaient devenus les évêques Piguet, Théas et Rodié... J'ai appris récemment que les noms de ces évêques français avaient été donnés par notre radio qui reprochait l'arrestation de chefs de diocèse par la Gestapo. Himmler aurait ignoré ce fait. |
Les deux autres évêques, Théas (Montauban) et Rodié ont été déportés à Compiègne, mais ont été libérés. Apparemment, l'enquête que mène l'agent de la Gestapo est concluante
... Trois semaines plus tard, le lundi 22 Janvier, je fus à nouveau convoqué devant le bureau du camp. Le secrétaire général, un prisonnier comme moi, professeur polonais, me conduisit immédiatement à un bureau SS, et de là, sans qu'aucun gardien ou policier ne m'eut parlé ou même fait entrer dans un bureau, je fus conduit par ce même secrétaire général à la prison du camp. J'aurais voulu retourner, ne fut-ce que quelques minutes,à mon block dire au revoir à mes amis... ... Je fus accueilli à la prison par un sous-officier apparemment correct. Il m'enferma à clef, à 9h1/2 du matin, dans une cellule convenable où personne ne vint me chercher avant 15 heures, hormis le service à 11 heures d'une soupe bien meilleure que celle de l'ordinaire habituel... ...Je perdais mes compagnons et amis, l'organisation religieuse du block 26, avec la messequotidienne entendue, célébrée le dimanche, le ministère des âmes que je m'étais créé, pour retrouver quoi ? |
On avait donc déplacé Mgr Piguet dans ce qu'on appelait le "bunker d'honneur". Peu à peu l'évêque retrouve ses effets personnels, y compris sa croix pectorale et son anneau. Au bout d'une semaine, on lui permet de dire la messe dans une petite chapelle, et encore une semaine après, il est mis au régime général des prisonniers d'honneur, c'est-à-dire que la porte de sa cellule est ouverte et qu'il peut s'entretenir librement avec quelques autres prisonniers. Il est rejoint au bout de sept semaines par le général Delestraint qui sera comme on sait exécuté juste avant la libération du camp. Les autres prisonniers d'honneur sont évacués sur Innsbruck à partir du 17 Avril, quelques jours, donc avant la libération du camp qui aura lieu le 29 Avril. (Voir la rencontre avec Léon Blum)
Témoignages sur Mgr Piguet à Dachau
Après son départ de Clermont, Mgr Piguet fit connaissance avec le système concentrationnaire allemand au Struthof. Gilbert May était à Clermont dans la même cellule que Mgr Piguet et le prince de Bourbon Parme. Ils arrivent tous les trois ensemble au Struthof, où selon l'usage, on les rase complètement des pieds à la tête et ils se retrouvent à aller complètement nus à la douche, face aux SS. Gilbert May, qui est juif, appréhende particulièrement ce moment, car il redoute que les SS remarque qu'il est circoncis, mais il s'aperçoit, que par chance extraordinnaire, l'évêque et le prince le sont également. Ainsi, la circoncision du juif ne se remarque pas. (Voir http://www.memory2000.net/int_fra_9.asp)
Jean Kammerer
Mgr Gabriel Piguet, arrivé en Juillet 44 (*), était la personnalité la plus vénérée de par sa fonction. Evêque de Clermont-Ferrand, il avait été érrêté pour avoir admis dans son diocèse un évêque étranger dont les Allemands avaient découvert la fausse carte d'identité. Il était accompagné de son fidèle secrétaire Clément Cotte, que j'avais connu au séminaire des Carmes en 36-39. Mgr Piguet eut certainement du mal à dominer l'humiliation que son état de prisonnier lui faisait subir. Du mal à se mêler à notre vie quotidienne et à la banalité inévitable de certaines de nos conversations . Un souvenir cocasse: A deux ou trois, nous nous rendions aux toilettes (communes par groupe de six) en poursuivant une discussion sur un sujet religieux. Et nous retrouvons là notre évêque de Clermont: il fut choqué de ce que nous voulions le mêmer fraternellement à notre conversation… (p.84)… Le père Peters était le seul "triangle rose" (homosexuel) du bloc 26. Ce brave homme était tailleur dans le camp, et taillait précisémment des triangles roses dans d'énormes rouleaux d'étoffe. Il eut donc l'idée géniale d'offrir ses services à Mgr Piguet quand celui-ci fut invité à célébrer la grand-messe dominicale et lui fit sur mesure une belle soutane violet-rose dans l'étoffe dont il tenait la réserve. Nous avons été plusieurs à bien rire, cela tenait du canular, mais l'évêque était si content. Le premier évêque déporté fut un évêque polonais , Mgr Kozal, décédé en 1943. Les efforts du Vatican pour avoir de ses nouvelles et essayer de le libérer furent vains… Pas un seul évêque allemand n'a été arrêté sous le régime nazi. Mgr Von Galen (**), évêque de Münster, a failli l'être après son tonitruant sermon contre les déportations de juifs et l'annonce des meutres collectifs de vieillards et de débiles mentaux. Mais le gouvernement de Hitler a sans doute préféré ne pas aggraver ses relations avec le Vatican. La présence de Mgr Piguet à Dachau a donc fait réfléchir les prêtres allemands: non seulement il fallait l'honorer en lui proposant de présider le liturgie dominicale avec tout le faste possible, d'où l'histoire de la soutane rose… Mais pourquoi ne pas lui demander un acte audacieux et difficile à réaliser : Une ordination sacerdotale, celle de Karl Leisner (p.105)… … Il a été transféré après le 14 Janvier au bunker d'honneur, pavillon de cellules bien aménagées réservées à des personalités… était-ce une sanction après l'ordination de Karl Leisner ? Je crois que c'est fort probable.. Ce qui est sûr, d'après les archives diplomatiques publiées, c'est que le Vatican n'a entrepris aucune démarche pour l'amélioration de son sort, comme il l'avait fait pour Mgr Kozal." |
(*) En réalité, Mgr Piguet est arrivé à Dachau le 3 ou le 6 septembre.
(**) Von Galen était l'évêque de Karl Leisner. Le 13 Juillet, alors même que Münster venait d'être sévèrement bombardé par l'aviation anglaise, il a prononcé un sermon assez virulent contre les récentes exactions de la Gestapo vis-à-vis des Jésuites, où il mettait explicitement en cause le ministre d'Etat Franck. (Voir plus bas, Von Galen)
Otto Pies
(après son arrivée au camp)… Les prêtres firent leur possible pour assister l'éminent prisonnier. Ils lui procurèrent des vêtements plus corrects et lui envoyèrent secrètement de la nourriture. Ils soudoyèrent même les administratifs pour que l'évêque ne fut pas désigné pour des travaux pénibles. Mais tant que l'évêque était encore en quarantaine, comme c'était l'usage, dans une baraque pour nouveaux arrivants, il n'y avait pas grand-chose à faire. Mais ensuite, quand il fut s'avéra que son lieu de séjour serait bien la baraque 26, beaucoup de choses devinrent possibles. La communauté des prêtres avait à nouveau un chef… l'évêque Piguet devint le centre de la communauté. D'un coté, il était un prisonnier comme les autres, mais d'un autre coté, il assumait une position supérieure parmi les prêtres. Ces derniers firent le nécessaire pour lui rendre la vie plus confortable et pour lui rendre les honneurs et le respect qui lui étaient dûs. |
Voir aussi le témoignage du père Cotte
Annexe: le sermon de Von Galen
Voici quelques extraits de ce sermon, prononcé le 13 Juillet à l'église de St Lambert, après une semaine de bombardements par l'aviation anglaise
Les dévastations et les pertes ont été particulièrement élevées dans certaines parties de la paroisse St-Lambert… J'espère que les autorités de la ville et de l'état parviendront à atténuer un peu de la détresse… … Mais, en plus des dégats causés par l'ennemi extérieur, il y a un autre événement terrible qui s'est abattu sur nous à la fin de cette semaine d'horreur: Dans la journée d'hier, la police secrète a pris possession de deux établissements jésuites de notre ville, ont explulsé les résidents. Les pères et les frères ont été contraints de quitter la Westphalie. Pour quelle raison ? On m'a dit que c'était pour rason
d'Etat. Aucune autre raison. Aucun résident de ces monastère n'a été accusé
d'une infraction à la loi. Et, à supposer qu'il y ait un coupable, qu'on le
traduise devant les tribunaux, mais faut-il que l'innocent soit également puni
?… Même la Gestapo n'a porté aucune accusation contre eux Ces derniers temps, nous avons souvent vu la Gestapo s'en prendre à des Allemands innocents et respectés, les priver de leur liberté et les envoyer quelque part en détention. Ces dernières semaines, deux de mes proches conseillers, membres du chapître de la cathédrale ont été brutalement bannis de Münster. Je n'ai reçu aucune réponse à mes protestations… Ils ont été punis sans qu'aucune charge ne soit retenue contre eux, aucune accusation, et par conséquent, aucune possibilité de se défendre. Pourquoi donc ces innocents ont-ils été punis ? Parce que j'ai fait quelque chose qui ne plaisait pas au gouvernement. Au cours des deux dernières années, j'ai procédé à 4 nominations au chapître de la cathédrale, et le gouvernement m'a fait savoir pour trois d'entre elles qu'elles n'étaient pas acceptables. Parce que le concordat de 1929 spécifie que des interventions du gouvernement sont proscrites, j'ai confirmé deux de ces nominations. Si on pense que j'ai agi illégalement, qu'on me traduise devant la loi… |
La baraque des prêtres à Dachau, Jean Kammerer, Ed.Brepols, 1995
The
victory of Father Karl, Otto Pies, (Farrar, Strauss & Cudahy), 1957
The
Pastors'barracks, Robert Wise, Victor books, 1986, ISBN 0-89693-157-9
Faith
and Victory in Dachau, J.Overduin, Paideia Press, 1978
Prison et Déportation, G.Piguet, editions Spes, 1947