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LES PALAFITTES DU LAC D'AIGUEBELETTE (2) (Création 15 mai 2015 modif 4 juin 2015)
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Palafittes du site de Boffard au lac d'Aiguebelette © Rémi Masson |
Palafittes Aiguebelette 1 |
Palafittes
Aiguebelette 2 Cette page |
Palafittes Aiguebelette 3 Le Musée virtuel |
5000 ans d'agriculture autour du lac Un lac qui n'a pas toujours existé L'arrivée des hommes néolithiques 1908 Les Palafittes d'Aiguebelette entrent dans la science Le classement par l'UNESCO Lac d'Aiguebelette : Les sites de Boffard et du Gojat Les cousins de Charavines Vivre au Néolithique dans la région du lac d'Aiguebelette |
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Laissons le bénéfices du doute aux néolithiques de l'Avant-pays savoyards et imaginons-les pacifiques et démocratiques. Les temps vont changer, l'ère du silex touche à sa fin.
Dans le sud-est de l'Europe, les débuts de la métallurgie remontent à la période -4500 à -3500. On commence à travailler du minerai de cuivre extrait à de très faible profondeurs. Au début du IVe millénaire, cette technique gagne les régions alpines et rapidement, un savoir-faire autonome se développe dans les Alpes orientales et centrales, puis en Italie du nord mais à Charavines, les quelques rares objets en cuivre que l'on a retrouvés, perle biconique, poinçon, proviennent du Languedoc43.
Le cuivre est surtout utilisé pour les bijoux. Sa conductivité électrique est très bonne, un argument peu vendeur au IIIe millénaire, mais ses propriétés mécaniques sont médiocres, il ne menacera pas la suprématie du silex dans la fabrication des outils … et des armes.
Le bronze est un alliage d'environ 90 % de cuivre et de 10 % d'étain. Il est beaucoup plus résistant que le cuivre pur. Il faut attendre le deuxième millénaire, à partir de -2000 pour que le travail du bronze soit maitrisé. De nombreux objets en bronze (outils, armes, bijoux aux formes très élaborées) furent dés lors produits par coulage dans des moules, mais alors que le minerai de cuivre est répandu dans de très nombreuses régions, le minerai d'étain ne se trouve que dans certains lieux comme l'Espagne, la Bretagne et le pays de Galles actuel. Le passage du silex au bronze signifie la montée en complexité de toutes les sphères techniques, commerciales et politiques. Le contrôle de toute la filière bronze, incluant l'extraction du cuivre, le fabrication des moules et l'approvisionnement en étain va générer un pouvoir politique fort, l'émergence d'une élite sociale qui pourra établir sa domination par la puissance des armes. D'un autre côté, les progrès de l'outillage et la généralisation de l'araire en bronze d'abord et en fer ensuite va faire basculer la société paysanne du semi-nomadisme néolithique à un état sédentaire qui favorisera la propriété foncière44.
Ces considérations générales n'expliquent pas pourquoi c'est autour de la Petite île que l'on retrouve des vestiges de « l'Age du bronze ». Sur le lac d'Aiguebelette, André Marguet a en effet identifié 3 sites relevant de l'âge de Bronze. Ils sont localisés sur le pourtour de la Grande île et au nord-ouest de la Petite île. Ce dernier site que le radiocarbone situe au Bronze final est peut-être l'un des plus prometteurs des dix-sept sites, car il s'agit d'une époque rarement identifiée sur les lacs savoyards. Des haches et couteaux en bronze y avaient été trouvés au début du XXe sicle, et durant l'hiver 1983/1984, à la faveur d'une baisse importante du niveau du lac, des travaux de repérage menés par une équipe du CNRAS45 ont mis en évidence de nombreux pilotis dont plus de 610 sont disposés « en une longue ligne formant palissade ». La datation par radiocarbone donne une fourchette [-1041, -833] correspondant au bronze final. La datation d'autres pieux du même site a donné [-1450, -1215]. Les fouilles ont permis de découvrir de grosses meules ovalaires, une petite meule sur galet de grès et des fragmets de céramiques.
De l'histoire de l'avant-pays savoyard sous la domination romaine, nous ne savons pas grand-chose, sinon qu'à l'emplacement de la localité actuelle d'Aoste, de l'autre côté du Guiers par rapport à Saint-Génix-sur Guiers, la petite ville de Vicus Augustus, fondée entre 16 et 13 avant J.-C., était une étape sur la route de Vienne à Lemencum (Chambéry). La voie romaine reliant Augustus à Chambéry ou l'une des bretelles de celle-ci passait vraisemblablement par la rive sud du lac et le col Saint-Michel.
malnommée « Pierre à cupule »
(E. de Chambost, CC-BY-SA) |
Sarcophage romain (ou burgonde ? ou
médiéval ?) recouvert d'une pierre tombale du 17e
siècle.
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Le sarcophage avait été évoqué par l'érudit savoyard Joseph Revil48 :
« Indiquons à Aiguebelette, d'après M. Perrin, une dalle, couvercle d'un tombeau, qui servait de seuil à une porte (l'inscription en-dessous) et qui semble provenir de l’île, où elle recouvrait une tombe romaine. MM. Perrin et Vallet la firent retourner, en 1857, et constatèrent qu'en-dessous des bras de la croix, en relief, se trouvait une inscription en partie illisible, mais qu'ils pensèrent pouvoir rétablir ainsi :
1674 Si NICOLAS GERBAIS … LE EN REPOS |
LE SIEUR CAROF (douteux) DE DÉCÉDÉ LE SEPTIEM & DE DIEU |
[...]Ajoutons qu'en établissant la route actuelle de Lépin à Aiguebelette, on a retrouvé sur presque tous le parcours, des débris romains: briques, ciments, fragments de poterie, etc., vestiges de l'ancienne voie romaine ; des parties en subsistent, sur l'autre versant, au passage de Saint-Michel.
[… ] Deux petites îles se détachent de la rive méridionale et méritent d'être visitées. Dans la plus grande, une chapelle moderne est construite sur l'emplacement d'un ancien temple romain dont les vestiges existaient encore il y a quelques années. Derrière le chevet de la chapelle est encastrée une tombe romaine. Non loin de là est une pierre à bassin dans laquelle sont creusés deux godets. »
Croquis de la pierre tombale (en haut) et du sarcophage (à droite), par Revil |
Sans doute Revil a-t-il en tête les observations de l'instituteur Bovagnet qui signalait en 1866
« les masures d'une construction, qu'on dit romaine, d'environ 4 mètres de longueur sur 2m50 de largeur, sur lesquelles existaient encore les murs à moitié détruits, d'une autre ancienne construction ronde, qu'on appelle La Chapelle. Tout auprès et derrière les masures se trouve un sarcophage, dont la pierre supérieure, qui renferme une inscription qu'on dit romaine, a été transportée au village chef-lieu de Lépin, et sert de seuil de porte à la maison d'un nommé Cambet. Il existe aussi, près de la chapelle, une pierre qui a trois trous ronds et de grandeurs graduées49»
Ce sont les seuls éléments dont nous disposons pour reconstituer la vie du lac à l'époque gallo-romaine : il y a eu des constructions sur le lac datant des premiers siècles après J.-C., ce qui est cohérent avec la présence de morceaux de tuiles à rebords et de tessons d'amphores trouvés dans le lac et les débris romains dégagés lors de la construction de la route de Lépin à Aiguebelette.
Dans l'inventaire palafittique de Marguet, à quelques dizaines de mètres du site néolithique de Boffard, vers le large, se trouve le site repéré par les archéologues sous le nom de Boffard 2. En fait, dans l'axe de la langue de terrain forment une presqu’île faiblement immergée, le niveau s'affaisse jusqu'à une profondeur de 10 mètres et se relève ensuite pour former à une soixantaine de mètres de la presqu’île un monticule à 3,6 mètres de la surface de l'eau.
L'instituteur d'Aiguebelette, Chevron, mentionné par Schaudel, avait écrit à la fin du 19e siècle, dans un rapport destiné à la Société savoisienne d'histoire et d 'archéologie :50
« On y voit encore une espèce de tour, très bien fermée, ayant une circonférence d'environ 25 mètres, autour de laquelle on compte en profondeur 25 métres d'eau. Au-dessus de cette tour, on a compté trois mètres d'eau. »
Le collègue de Chevron, Bovagnet signalait de son côté cette construction dans les termes suivants:
« Dans le lac d'Aiguebelette, qui appartient à M. le comte de Chambost, existe, au sud-est, dans la vase, une tour, dont on voit de la surface le sommet des murs. Cette tour a été explorée par des plongeurs et est en maçonnerie". »
On ne peut s'empêcher de rapprocher les propos des instituteurs de ce qu'écrivait à la fin du 16e siècle Alphonse d'Elbène, abbé de Hautecombe et historiographe du duc de Savoie Charles-Emmanuel_1er :
« famaque est quod pinnas turrium in aqua pagani rusticique accolæ se videre testantur inundatione vicum aliquem cum turribus sacroque templo olim subversum , »51
Ce que l'on peut traduire par
« Les gens du pays témoignent qu'ils ont vu dans l'eau les ruines de tours qui seraient la trace de quelque village englouti avec des tours et un temple sacré... »
Là où Bovagnet avait vu en 1866 de la maçonnerie, Laurent qui revisitera le site en 1961 n'y verra plus qu'une petite plateforme horizontale garnie de traverses et de pilotis. Il avait même dressé un plan assez complet 51b que je reproduis ci-dessous et qu'il faut compléter par la coupe insérée dans la première page du site.
Lorsque 30 ans plus tard Marguet voulut aller voir lui aussi cette tour engloutie, il n'hésita pas à jouer les rabat-joie : ni maçonnerie, ni traverses horizontales, mais quand même des pieux qu'il peut dater de l'an mil, avec beaucoup d'incertitude. Peut-être les dégradations du sites sont-elles dues aux « activités halieutiques » suggérait-il, soucieux de ne pas stigmatiser trop explicitement les pêcheurs qui avaient investi ce lieu pendant quelques décennies pour apâter et arrimer leurs barques.
Nos grands-parents étaient heureux, qui n'avaient pas à s'embarrasser d'autant de restrictions pour donner libre cours à leur imagination : pourquoi après tout, les Gallo-romains de Lugdunum ne seraient-ils pas venus passer leurs week-ends auprès des eaux paisibles. Ainsi le géologue et érudit savoyard Joseph Revil grimpe-t-il sur les épaules de ses aînés Perrin et Vallet pour apercevoir entre les deux îles rien moins qu'un établissement balnéaire.
« A la pointe est [de la grande île], sous un mètre d'eau se trouve un grand espace couvert d'une couche de ciment, vestige d'un bain romain qui était recouvert d'un d'un toit dont les briques, avec nom du potier LVER PAC, recueillies par MM. Perrin et Vallet, sont actuellement au musée de Chambéry. »52
Si l'on rajoute les traces d'un chemin mettant en communication les deux îles et mentionné dans la note manuscrite de l'instituteur Chevron en 1866 « On le suit, dit-il, l'espace de 6 à 7 mètres; puis il se perd sous les eaux et dans le sable, dont elles l'ont recouvert à mesure qu'il s'est affaissé »., si l'on veut bien se donner la peine de reconstituer dans l'esprit quelques anciens bâtiments qui n'auraient pas laissé de traces, c'est une station balnéaire complète qui aurait été installée sur la rive sud du lac. Tels sont les éléments auxquels est confronté Schaudel lorsqu'il arrive à Aiguebelette pour ses observations palafittiques. Il ne saurait mettre en doute les observations de ses collègues d'autant plus que les palafittes néolithiques qu'il explore scientifiquement confirme une occupation humaine ancienne de la rive sur du lac. Visiblement, à des temps anciens, le niveau du lac était bien inférieur à ce qu'il aurait été au début du 20e siècle :
« En rapprochant ces données de celles relatives à l'existence d'un chemin pavé, reliant les deux îles et aujourd'hui disparu sous plusieurs mètres d'eau, il semble rationnel de croire qu'à l'époque de la construction de cette tour, le niveau du lac devait être inférieur de quelques mètres à celui observé de nos jours. En effet, il serait difficile d'admettre qu'un travail de maçonnerie aussi considérable ait pu être accompli sous l'eau, alors que l'on ne disposait pas encore des moyens perfectionnés de l'industrie moderne.
L'hypothèse d'un abaissement par écoulement n'est d'ailleurs pas faite pour nous étonner outre mesure, si nous considérons la différence de niveau, qui n'est pas moindre de 100 mètres, existant entre l'altitude du lac et celle relevée à La Bridoire, c'est-à-dire à 4 kilomètres en aval du point où le déversoir, le Tier, commence à s'alimenter des eaux lacustres. Il suffisait, en effet, que ce déversoir fût approfondi de quelques mètres sur un parcours d'un kilomètre et demi, pour abaisser considérablement le niveau du lac. Un tel ouvrage n'est pas invraisemblable, si nous mettons en parallèle les travaux autrement importants accomplis par les Romains pour le dessèchement de certains lacs d'Italie, notamment l'œuvre gigantesque entreprise au lac Fucin. Par la suite, le niveau du lac serait revenu à son état primitif, au fur et à mesure que l'ancien lit du déversoir se reconstituait par le dépôt de vases entraînées par les eaux. »53
Le lac Fucin, beaucoup plus étendu que le lac d'Aiguebelette, mais moins profond, avait fait l'objet de gigantesques travaux entrepris par l'empereur Claude au 1er siècle de notre ère. Pendant onze ans, 30000 hommes travaillèrent à creuser un émissaire pour vider le lac. Finalement, la superficie du lac fut réduite de 140 à 90 km2, libérant ainsi pour la culture 50 km2 de terres supposées particulièrement fertiles. Le raisonnement que tente Schaudel était d'autant plus compréhensible que le projet de l'empereur Claude fut repris à la fin du 19e siècle. Il fallut 13 ans de grands travaux pour qu'en 1875, le lac Fucin fut complètement vidé54. Neuf ans après l'assèchement du lac Fucin, les 3 km du tunnel d'Aiguebelette furent mis en service pour le trafic ferroviaire.
La quête éperdue des archéologues vers la vérité scientifique ne doit pas nous empêcher de piller sans vergogne leurs résultats parcellaire pour mieux préparer l'avenir en rêvant au passé. Nul ne sait ce qu'est devenue la tuile signée du potier LVER PAC, que MM. Perrin et Vallet avaient sortie du fond du lac et expédiée au musée de Chambéry. Sans doute stockée dans une caisse au fond d'un sous-sol, parmi des centaines de tonnes d'autres débris de tuiles et de tessons d'amphores. C'est qu'ils étaient productifs, les confrères du potier d'Aoste dont on peut encore apercevoir à 20 km du lac55.
Ces tessons d'amphores qui jalonnaient la voie romaine étaient en quelque sorte les précurseurs de nos modernes sachets en plastiques et boites de coca. Chaque année, la FAPLA mobilise des bénévoles pour nettoyer les rives du lac, évitant ainsi aux conservateurs de musée des temps futurs d'avoir à inventorier et stocker lesdits sacs en plastique et les dites boites de coca, mais la FAPLA ne s'occupe pas que de déchets, elle expose aussi de fort belles choses dans son merveilleux musée lac et nature. A côté de tous les animaux qui peuplent le lac et ses environs, vous y découvrirez aussi quelques souvenirs de nos ancêtres néolithiques.
Les sites du Ljubljansko barje (« marais de Lubljana » se trouvent à l’extrême sud-est de la zone de répartition des habitats palafittiques périalpins. Les objets qui y ont été découverts indiquent des relations aussi bien avec l’ouest du bassin des Carpates, en aval, qu’avec les régions situées au nord et, de l’autre côté des Alpes, avec la Haute-Autriche et le sud-est de la Bavière.
Une des découvertes les plus remarquables est celle d’une roue pleine, au sud-ouest de la zone marécageuse. Elle est formée de deux épaisses planches de frêne, tenues par quatre traverses de chêne glissées dans une rainure ; l’axe était solidaire de la roue. Ces éléments appartenaient à une charrette à deux roues. Le contexte archéologique, les datations au radiocarbone et les analyses dendrochronologiques permettent d’évaluer l’age de ce vestige à 5200 ans environ. |
La métallurgie est attestée par de nombreux moules, creusets et fragments de soufflets de forge. Importée de la proche région du bassin des Carpates, berceau de la métallurgie, la fonte du cuivre a été maîtrisée dés le IVe millénaire. A Ljubljansko Barje, la métallurgie joue un rôle important jusqu’au IIe millénaire. La céramique fine du IIIe millénaire av. J.C. est ornée de divers motifs. L’idole d’Ig est également d’origine balkanique. Cette figurine cultuelle, haute de 20 cm environ, représente un être hybride homme-animal.
Le lac de Keutschach, dans la province autrichienne de Carinthie, se situe à la frange sud des Alpes. Le champ de pieux, découvert en 1864 déjà, constitue le témoignage d’un village insulaire aujourd’hui sous les eaux. Il occupe un haut-fond d’une surface de 70 x 30 m, à une profondeur de 1,5 m. Le relief de ce haut-fond a été cartographié a l’aide d’un écho-sondeur ; le relevé du pilotis a été calé sur le dessin du relief. Au nombre de 1684, les pieux conservés sont en aulne, peuplier, saule, sapin et chêne. Les datations radiocarbone (4000–3700 av. J.-C.) sont confirmées par les dates d’abattage de deux pieux en chêne, établies par la dendrochronologie, soit les hivers 3947 et 3871 av. J.-C.
Le mobilier céramique met en lumière d’intenses relations avec la Slovénie et la Hongrie, ou s’est épanouie des 4300 av. J.-C. la première métallurgie européenne. La découverte de creusets de fondeur et de scories constitue la preuve d’une activité de métallurgistes travaillant le cuivre sur le lac de Keutschach.
Au IVe millénaire av. J.-C., de nombreuses stations littorales entouraient les lacs alpins du Salzkammergut (Attersee, Mondsee), à l'est de Salzburg. Au sein du mobilier, une céramique dépourvue de décor, analogue a celle des régions voisines au nord-ouest, côtoie une série de cruches ansées à décor de sillons – élément typiquement oriental. Incises sur la panse et le col, ces sillons sont remplis d’une pâte blanche, ce qui donne aux récipients un caractère très particulier.
Le site de See, sur le Mondsee, a livré des objets en cuivre et des creusets témoignant d’une activité métallurgique sur place. Le métal utilise est un cuivre arsenical, encore exempt d’alliage d’étain, typique de la métallurgie primitive ; il était facile à couler et le forgeage le rendait plus solide que le cuivre pur. L’analyse des traces a révélé que les gisements dont provient ce cuivre doivent être recherches dans la proche vallée de la Salzach, riche en minerais.
Près de Pestenacker, en Haute-Bavière, au sud d'Augsburg, dans le fond d’une vallée latérale du Lech, des prairies humides abritent trois sites palafittiques. De 1988 à 2003, deux tiers environ du site de Pestenacker ont été fouillés ; il s’agit d’un petit village accessible par un chemin de planches. Les onze constructions dégagées sont interprétées comme des maisons en rondins comprenant habitation et étable. La dendrochronologie permet de dater la fondation du village de 3495 av. J.-C. ; l’habitat a été détruit par un incendie quatre ans plus tard.
Les formes et les décors de la céramique reflètent des rapports avec les groupes culturels de la Basse Bavière – comme on l’a déjà observé dans le village plus ancien de Kempfenhausen, sur le lac de Starnberg – mais aussi vers la Haute-Souabe, en direction de l’ouest. Quelques poignards en silex sont des importations méridionales provenant d’Italie du nord.
Le marais du Federsee, en Haute Souabe, 50 Km au nord du lac de Constance, est aujourd’hui une grande réserve naturelle ou la protection de la nature et celle des monuments agissent conjointement. Il a été possible de convertir des surfaces étendues en réserves dans lesquelles on pratique une agriculture extensive, et d’y remonter le niveau de la nappe phréatique. Ainsi sont assurées à la fois la conservation des sites archéologiques et celle d’espèces animales et végétales rares, typiques des milieux humides.
Le musée du Federsee et le sentier didactique du marais mettent en lumière les découvertes préhistoriques, mais fournissent aussi des informations sur les mesures prises pour la protection des richesses naturelles et culturelles. Les recherches archéologiques des dernières décennies ont permis la découverte de nombreux habitats, pirogues monoxyles et chemins de planches du Néolithique, et également de pêcheries de l’Age du Fer.
Bodensee (Lac de Constance, Allemagne)
Deux sites du bord du lac de Constance ont fait l’objet de fouilles archéologiques exhaustives et d’investigations par les méthodes des sciences naturelles. Le village de Hornstaad - Hornle s’est fortement développé a partir 3917 av. J.-C. ; il a été détruit par un incendie en 3909, puis a été reconstruit. Le mobilier archéologique dégage des couches d’incendie reflète des disparités sociales: certaines familles possédaient des objets de luxe, avaient des contacts avec des régions du sud des Alpes ou s’étaient spécialisées dans la fabrication de bijoux en perles.
Reconstitution village Hornstaadt 1996 (PfahlbauMuseum) |
Le village d’Arbon-Bleiche a été abandonné après un incendie, en 3370 av. J.-C. L’étude des restes alimentaires suggère une division économique à l’intérieur du village : on consommait plus de viande de bœuf et surtout de poissons pêchés près du rivage dans la zone côté terre ferme, tandis que les maisons proches du lac ont livré des ossements de porc ainsi que des restes de poissons pêchés au large en plus grand nombre (B). Des contacts lointains, jusque par-delà les Alpes, sont également attestés – avant tout une immigration de personnes venues de la région du Danube moyen.
Zürichsee (Lac de Zürich, Suisse)
Entre le lac de Zürich et sa partie supérieure (Obersee), des milliers de pieux conservés en eaux peu profondes, à proximité de l’actuelle route de franchissement, témoignent de l’existence d’au moins six chemins ou passerelles reliant les deux rives, distantes de 1 km à peine.
Les analyses dendrochronologiques ont permis d’établir que le passage était franchissable au plus tard dès 2000 av. J.-C., soit au Bronze ancien. A cette époque ou de nombreux défrichements avaient déjà été effectués, les marchandises pouvaient être transportées par charrettes ; durant les périodes climatiques favorables, quand le niveau de l’eau était bas, un chemin de planches ou une passerelle évitait une traversée en pirogue monoxyle.
L’abondance des objets métalliques découverts près du pont semble indiquer que l’on jetait des offrandes dans l’eau. Plusieurs villages palafittiques de diverses époques se trouvaient dans les environs des ponts.
Le village de Cortaillod-Est, dans le canton de Neuchâtel, a été intégralement fouillé en plongée de 1981 à 1984. Il est constitué de plusieurs rangées parallèles de maisons séparées par des ruelles rectilignes et construites, dans la plus grande extension de l’habitat, sur un terrain asséché de plus de 5000 m2. Le village était séparé de l’arrière pays par une palissade en arc de cercle, érigée au printemps 1005 av. J.-C. L’occupation a duré de 1009 à 955 av. J.-C. La construction du noyau central a été réalisée en moins de huit ans. Aucun incendie majeur n’a ravagé cet habitat pendant son demi-siècle d’existence.
Ce village du Bronze final fait partie d’un vaste ensemble de sites contemporains présents sur le pourtour du lac de Neuchâtel, que l’on distingue très bien d’avion en raison de l’intense érosion à laquelle ils sont soumis ; si cette érosion nécessite souvent la mise en œuvre de fouilles de sauvetage, elle permet aussi une analyse préliminaire de la structure des villages.
Lacs de Chalain et de Clairvaux (France)
Sur les rives des lacs jurassiens de la Combe d’Ain (lac de Chalain et lac de Clairvaux), 30 ans de fouilles et d’analyses permettent de retracer bien des aspects de la vie quotidienne et de suivre l’évolution de plus de cinquante groupes de villages dates du 39e au 12e siècle (av JC).
A l’occasion de recherches récentes, les archéologues ont reconstitué deux maisons grandeur nature afin d’évaluer leur solidité et l’entretien qu’elles exigent. Des mesures de protection ont également été prises dans le but de freiner la dégradation des vestiges néolithiques. Dégagées par l’abaissement du niveau de l’eau, les rives du lac de Chalain ont été consolidées et végétalisées pour réduire l’érosion ; le niveau du lac a été stabilisé et certains sites sont protégés juridiquement, au titre de monuments historiques. |
Aujourd’hui, les sites des lacs alpins savoyards sont immergés et ont donc tous été étudiés en plongée. Au Néolithique, les rives ont été occupées dès la fin du Ve millénaire, puis régulièrement aux IVe et IIIe millénaires av JC. Cette occupation s’est intensifiée durant la phase finale de l’Age du Bronze. Dans trois villages, des dates dendrochronologiques très récentes (814 à 805 av. J.-C.) semblent marquer la fin des habitats littoraux dans les grands lacs de l’arc alpin.
L’assiette décorée de Chindrieux-Châtillon date de cette ultime phase. Le four de potier de Sevrier -Le Cret de Châtillon demeure une découverte unique et exceptionnelle. Les expérimentations réalisées dans une copie grandeur nature du four ont livré des éléments intéressants quant aux modes de cuisson ; la qualité des récipients est comparable à celle des poteries découvertes dans les habitats contemporains. Les deux figurines modelées découvertes à Chindrieux-Châtillon représentent une femme et un homme.
Datant d’environ -5000, les vestiges du village préhistorique de l’île Virginia (lac de Varese) correspondent aux plus anciens sites lacustres de la région périalpine. Des restes de planchers bien conservés ont été découverts dans les couches inférieures, au centre de l’île (fouille de 1957). D'autres structures en bois dégagées en périphérie de l’île (fouille de 2005/06) servaient de chemin ou étaient utilisées pour consolider les rives.
La céramique des couches inférieures (Groupe d’Isolino) se rattache à l’horizon ancien de la néolithisation. Des datations radiocarbone (entre -5100 et -4700 ) confirment l’ancienneté des structures.
Les villages de la phase suivante ont livre des vases à bouche carrée de la seconde moitié du Ve millénaire et de la céramique du type Lagozza (IVe millénaire), contemporains de nombreux habitats lacustres du nord des Alpes. L’île a ensuite été occupée durant l’Énéolithique (période -2500 à -2000) et pendant tout l’Age du Bronze.
Le site palustre de Fiave-Torbiera Carera se trouve dans une région de collines, à une altitude de 645 m au nord-ouest du lac de Garde. Le lac, qui s’est creuse a la fin de l’âge glaciaire, s’est comblé durant l’Holocène. La tourbe a été propice à la conservation des vestiges de villages de plusieurs époques, comprenant des maisons bâties tantôt sur le rivage, tantôt au-dessus de l’eau.
Les maisons du premier village (Fiave 1), établi sur une île ou une presqu’île, datent du IVe millénaire et ont été construites à même le sol. Le village du Bronze ancien (Fiave 3 ; XVIIIe siècle) occupait quant à lui une plate-forme partiellement au-dessus de l’eau, ce qui explique pourquoi plusieurs vases tombés de la plate-forme sont encore quasiment intacts. La plate-forme du village de Fiave 6 (Bronze moyen, XVe siècle) s’avançait au-dessus de l’eau. Sa structure est en bonne partie conservée. Le village était entouré d’une palissade. Le village de Fiave 7 date des XIVe–XIIIe siècles. Des habitats plus récents ont été établis sur une colline morainique en bordure du marais.
Nous avons vu que les deux villages néolithiques de Boffard, à Aiguebelette et du Gojat à Novalaise étaient contemporains, qu'ils avaient créés respectivement en -2701 et en -2692, une trentaine d'années avant l'établissement du village des Baigneurs sur le lac de Paladru. Lorsque Schaubel effectua les premières fouilles, il n'avait encore aucun moyen de datation dans sa panoplie de préhistorien : Les cités lacustres avaient été construites en des temps anciens, certainement avant l'ère chrétienne, mais on était bien incapable de préciser s'il s'agissait de cinq cents ans ou cinquante mille ans.
Au début du XXe siècle, les préhistoriens avaient pourtant constitué un beau corpus de connaissances. C'est au Danois Thomsen que l'on doit, en 1836, le partage des temps préhistoriques en Ages de la Pierre, du Bronze et du Fer. Pour Schaudel, écrire que les vestiges du lac d'Aiguebelette étaient néolithiques signifiaient qu'ils étaient postérieurs au Paléolithique, mais antérieurs à l'Age de Bronze. Les préhistoriens avaient établi ce que l'on appelle une chronologie relative, basée, pour l'essentiel, sur la stratigraphie, à l'instar de la géologie ou de la paléontologie. Que l'on découvre, dans une grotte les vestiges d'une civilisation A dans une couche inférieure à celle d'une civilisation B impliquait que la civilisation A était antérieure à la civilisation B. A l'époque ou Schaudel présentait ses fouilles au Congrès de Chambéry, l'Abbé Breuil, considéré alors comme le plus éminent des préhistoriens était en mesure de présenter des séquences très complexes des différents groupes préhistoriques connus.
La chronologie relative permettait une certaine organisation des connaissances, mais l'échelle absolue des temps était inaccessible, ce qui posait un problème pour la mise en perspective de deux sites plus ou moins éloignés. Les palafittes d'Aiguebelette étaient-ils plus anciens ou plus récents que les palafittes jurassiens ou les Pyramides de Gizeh ? En 1897, Lord Kelvin, considéré comme le plus grand physicien de son temps donnait pour l'âge de la formation de la terre une estimation de 20 à 40 millions d'années. En réalité, nous le savons, il s'agit de 4,5 milliards d'années environ. Pour arriver à établir une échelle de temps absolu, on a du mettre en œuvre des techniques basées sur la mesure de la radioactivité ou des rapports isotopiques, qui n'étaient pas envisageables avant l'avènement de la physique moderne. Ainsi, la mesure des isotopes de plomb résultant de la désintégration de l'Uranium peut renseigner sur l'age de certains événements géologiques. Ces mesures furent entreprises dans les décennies qui ont suivi la mise en évidence de l'atome et la découverte de la radioactivité au début du XXe siècle.
14C
est un atome de carbone, comme 12C,
mais avec 2 neutrons en plus.
(Clubarcheo) |
14C se forme dans l'atmosphère, lorsqu'un rayon cosmique énergétique détruit un atome d'azote 14N. (Céline Deluzarche) |
La proportion de 14C dans le CO2 de l'air est infime, 10-12, c'est-à-dire un millième de milliardième, mais c'est cette même proportion que l'on retrouve dans le carbone des plantes. Lorsque les sapins furent abattus pour faire des palafittes de Boffard, le Carbone 14 (14C) constituait 10-12 de la totalité du carbone, mais il est instable et 5600 ans plus tard, la moitié s'est désintégré pour redonner du Carbone 12. Encore 5600 ans, et la proportion de 14C a encore diminué de moitié.
La concentration en 14C d'un échantillon archéologique renseigne sur le temps qui sépare l'abattage de l'arbre de la mesure de l'échantillon. Il y a deux façons de mesurer la concentration en 14C : Ou bien on mesure directement le rapport 14C/12C,mais à case de la grande disproportion entre les deux isotopes, cette mesure nécessite un spectromètre de masse avec accélérateur qui n'est disponible dans les laboratoires que depuis les années 1980, ou bien on mesure le nombre de désintégrations dans un laps de temps donné, car chaque désintégration d'un atome 14C produit un rayonnement beta que l'on peut mesurer avec un compteur du type Geiger. Si un échantillon de douze gramme de carbone est très récent, il produira en moyenne 12346 désintégrations par heure, mais s'il est ancien de 5600 ans, il en produira la moitié, soit, en moyenne 6173. Si l'échantillon est plus vieux de cent ans, on mesurera en moyenne seulement 6100.
Le taux de désintégrations, par minute et par gramme, renseigne sur l'age de l'échantillon.
(Philippe Lopes) |
Telle était la technique dont disposait Raymond Laurent, ou plus exactement le laboratoire de Radiocarbone de Lyon à la fin des années 1960. Laurent parvint ainsi à donner la date d'un échantillon du site de Boffard dans la fourchette [-3600, -2900], ce qui correspondait au néolithique récent. Le Centre des faibles radioactivités de Gif-sur-Yvette, où Marguet envoya ses échantillons dans les années 1990, disposait de la technique SMA (Spectrométrie de masse par accélérateur) qui permet de mesurer des échantillons de quelques milligrammes seulement, mais cela n'est pas d'un avantage décisif pour des pieux relativement massifs.
Si la datation par radiocarbone parvient à classer correctement les pieux dans une telle ou telle période : Néolithique récent, néolithique final, Bronze ancien … etc..., elle n'est pas toujours très exacte à cause de problèmes de contamination : Dans l'eau du lac, le pieu issu d'un arbre abattu en -2700 a pu absorber toutes sortes de micro-organismes. Il est difficile de savoir si l'ensemble des atomes de carbone que l'on va mesurer provient vraiment de l'arbre qui a servi à faire le palafitte. La teneur exacte de l'atmosphère en 14C n'est pas forcément connue avec une très grande précision.
Heureusement, la dendrochronologie est arrivée pour donner des dates avec une précision meilleure que l'année. C'est une technique qui peut sembler beaucoup plus simple, car n'importe qui peut faire des exercices de dendrochronologie avec un arbre qu'il vient de sectionner : Chaque cerne correspond à une année de croissance, mais l'épaisseur de ces cernes varie en fonction des aléas climatiques spécifiques à l'année, humidité et chaleur, et pour une espèce donnée, dans une régions donnée, on va retrouver les mêmes séquences.
Repérage des cernes d'un pin à crochets (pinus uncinata).
(Blogdedoug) |
En raboutant ces courbes d'épaisseur de cernes, tout au long des siècles, on va finir par obtenir une courbe standard" qui couvrira plusieurs millénaires et qui permettra de caler le bout de courbe mesuré avec l'échantillon que l'on veut dater. La connaissance approximative de l'age de l'échantillon obtenu avec le radiocarbone est précieuse, car elle fait gagner beaucoup de temps. Développée dans la première moitié du XXe siècle, la dendrochronologie ne sera pas vraiment opérationnelle avant les années 1970.
Raboutage de plusieurs courbes pour constituer la courbe standard.
(Bocquet) |
Dans les années 1970 et 1980, on a constitué pour le chêne une courbe qui couvre sept millénaires. Aimé Bocquet et le spécialiste de la dendrochronologie Christian Orcel avaient établi des courbes « relatives » c'est-à-dire partielles pour les palafittes du lac de Paladru dés 1975, mais ils n'ont été capables de les raccorder avec les courbes des chênes des stations suisses que dans les années 1990. Ils ont alors su que le premier sapin du site des Baigneurs avait été coupé en hiver de l'année -2669.
A son tour, André Marguet avait prélevé durant l'hiver 1983-1984 sept pieux en sapin du site du Gojat, sur le lac d'Aiguebelette et put ainsi établir une séquence de cinquante années. Marguet avait pu raccorder la séquence d'un pieu de Boffard à celle du Gojat, et plus tard, en 1998, analysant 15 sapins de Boffard, il a pu établir une séquence de 92 ans et la raccorder à la référence régionale qui est celle que Bocquet et Orcel avaient établie pour la lac de Paladru. C'est ainsi que la date de -2693 a pu être calculée comme le début de la construction du village de Boffard.
Les fouilles archéologiques sub-aquatiques doivent permettre d'extraire des sites tous les sédiments riches en mobilier, mais aussi en dépôts organiques contenant notamment des des graines et des pollens, en gardant l'information de la position, dans les trois dimensions, du matériel extrait.
L'archéologue-plongeur doit faire preuve d'une grande habileté pour ne pas occasionner trop de dégâts avec ses palmes et travailler en dépit d'une visibilité souvent médiocre. Le cadre triangulaire de 5 mètres de côté est la solution imaginée par Raymond Laurent dans les années 1960 lorsqu'il travaillait sur les lacs d'Aiguebelette et du Bourget. L'idée est de pouvoir établir un maillage triangulaire complet de tout le chantier de fouilles, en repérant à l'intérieur de chaque triangle la position d'un objet en mesurant la distance de l'objet à chacun des trois sommets. Le tuyau que l'on voit sur la figure permet d'obtenir un rideau d'eau qui améliore la visibilité du plongeur.
Lorsque le travail de fouille est terminé à l'intérieur d'un triangle, on constitue un nouveau triangle, adjacent au premier, tout simplement en démembrant le triangle à l'un de ses sommets et en le redéployant de l'autre coté du côté resté fixe. |
Il n'est pas possible de traiter dans cette courte brochure de tous les outils dont disposent les archéologues préhistoriens. Il faut quand même signaler que la palynologie, c'est-à-dire l'étude des pollens a pris une importance considérable. La palynologie est l'étude des grains de pollens qui ne se dégradent pas au cours des millénaires. Les pollens sont des grains d'une centaine de micromètres, que l'on peut identifier assez facilement avec un microscope optique. L'étude des pollens d'une couche de sédimentation donnée repérée chronologiquement renseigne sur la végétation environnante à l'époque correspondant à la couche, et inversement, la statistique des pollens d'une couche peut servir à dater la couche. Dans le cas de l'archéologie palafittique, on peut effectuer une étude palynologique croisée des couches du site palafittique et des couches tourbeuses d'une zone voisine. On peut ainsi suivre pendant la durée d'occupation du village l'ampleur du recul de la forêt environnante et de l'apparition d'espèces de céréales57.
La palynologie n'est qu'un des aspects de la sédimentologie, une discipline familière aux géologues impliqués dans la recherche pétrolière. L'empilement des couches de sédimentation est riche en informations de toutes sortes. Alors que les géologues s'intéressent aux couches minérales, les archéologues s'intéressent davantage aux couches organiques. André Marguet a réalisé des dizaines de carottages sur l'ensemble des sites du lac d'Aiguebelette, mais ceux-ci se sont avérés assez décevants, l'érosion ayant fortement dégradé l'ensemble des couches organiques.
Pour redonner un sens aux différents fragments de silex qu'ils récupèrent, les préhistoriens font largement appel à la tracéologie, étude des marques laissées par l'usage sur le tranchant des outils de silex, marques qui varient suivant la matière travaillée et le mouvement effectué. Pour diagnostiquer leur origine, le spécialiste compare sous le microscope les traces à celles obtenues par expérimentation sur divers silex58.
Lorsque l'archéologue essaye de refaire ce que ses ancêtres ont fait des milliers d'années avant lui, on parle d'archéologie expérimentale. Il s'agit de tester en grandeur nature les hypothèses archéologiques sur les techniques anciennes. Au bord du lac de Chalain, dans le Jura, une maison sur pilotis a ainsi été reconstituée59.
Le tracé exact de la voie romaine entre Augustus (Aoste, dans l'Ain) et Lemencum (Chambéry) a été l'objet de nombreuses investigations et controverses.. Mais d'abord, de quoi parlons-nous ? il y a voie romaine et voie romaine. Les viae publicae ou viae prætoriae, larges d'au moins 6 mètres, sont les autoroutes de l'époque. Les viae vicinales qui s'embranchent sur les viae publicae étaient plus modestes. Après la conquête de la Gaule par Jules César, le général et administrateur Agrippa, proche du futur empereur Auguste avait été chargé d'initier un réseau routier desservant convenablement la Gaule. Pour le voyageur qui voulait rejoindre l'Italie à partir de Lugdunum (Lyon), un itinéraire possible était la route passant Augustus (Aoste), Lemencum (Chambéry) et la vallée de l'Isère60.
La célèbre « table de Peutinger » qui représente le réseau routier romain au IVe siècle, fait état d'une étape du nom de Labisco entre Augustus et Lemencum. Si l'identification de cette étape reste problématique, il est raisonnable d'imaginer une voie directe escaladant le col Saint-Michel à 933m et une voie évitant ce col en hiver et empruntant plus au sud le défilé de la Grotte, du côté des Échelles61. Des murs de soutènement ont été repérés sur la route du col par un érudit local en 192162.
Jusqu'en 1672, c'est par Aiguebelette que passe la route de Lyon à Chambéry, sans que l'on puisse vraiment savoir quel fut l'impact de ce trafic sur le pays avoisinant sinon que de fournir quelques emplois de porteurs pour gravir le col.
A ce jour, en mai 2015, je n'ai pas encore fait le tour de toutes les publications concernant les voies romaines dans la région du lac d'Aiguebelette.
A l'origine de ce document, l'annonce en 2011 du classement des sites palafittiques du lac d'Aiguebelette au patrimoine mondial de l'Unesco, le besoin de savoir de quoi il en retournait, et finalement, en 2014, un contact pris avec André Marguet que je remercie tout spécialement pour la gentillesse avec laquelle il m'avait procuré les publications les plus significatives concernant les sites palafittiques du Lac d'Aiguebelette. Ensuite, un projet de brochure de vulgarisation élaboré dans le cadre de la FAPLA. Dans le cadre de ce projet FAPLA, la relecture d'une première version par Isabelle Lacourt, Catherine Bernardy et Jean-Jacques Millet ont permis d'améliorer le projet. Je les remercie tous les trois, mais finalement ce projet s'est poursuivi en-dehors du cadre de la de la FAPLA s'est orienté vars un autre projet.
Je remercie Jean-Pierre Blazin, Gérard Bellemin, et Michel Tissut qui ont bien voulu relire la première version du texte et me faire part de leurs suggestions.
Ouvrages généralistes sur la Préhistoire
P. Picq et Y. Coppens, Les origines de l'homme : L'odyssée de l'espèce, Points Sciences, 2014
Jean Guilaine, La seconde naissance de l'homme, le néolithique, Odile Jacob, 2015
Bertrand Roussel, Les idées reçues de la Préhistoire : Quelques préjugés sur la plus longue période de l'histoire de l'humanité... , Book-e-book.com, 2014
Pour les enfants
JB de Panafieu et G.Plantevin, Au temps des premiers hommes, Gallimard jeunesse, 2014
Préhistoire alpine
Pierre Bintz et Jean-Jacques Millet, Vercors, terre de préhistoire, Glénat, 2013
A.Gallay, P. Curdy et M. David-Elbiadi, Des Alpes au Léman : Images de la préhistoire, Infolio, 2006
Sur les palafittes du lac d'Aiguebelette
Louis SCHAUDEL, la station néolithique du lac d'Aiguebelette, dans Quatrième congrès préhistorique de France, Chambéry, 1908, pp.537-546.
(Il s'agit de la publication historique sur les palafittes d'Aiguebelette.)
Jean COMBIER, Circonscription de Grenoble, Savoie, dans Gallia préhistoire Tome 4, pp.339-314 , En ligne, sur Persée
Raymond LAURENT, Pièces inédites en provenance du lac d'Aiguebelette, Bulletin de la Société linnéenne de Lyon, décembre 1962.
BOCQUET (A.), LAURENT (R.). - Les lacs alpins français. Dans : BOCQUET (A.), LAGRAND (C.) (dir.), Néolithique et Ages des Métaux dans les Alpes françaises, IXe Congrès UISPP, Nice. 13-18 septembre 1976, Livret-guide de l’excursion A9. Nice : 1976, p. 139-145 [lac d'Aiguebelette, p. 144-145, 151-153].
(Donne une très bonne image des connaissances en 1976.)
MARGUET (A.), avec la collaboration de BILLAUD (Y.) et MAGNY (M.), 1995, Le Néolithique des lacs alpins français. Bilan documentaire, dans : Chronologies néolithiques. De 6000 à 2000 avant notre ère dans le Bassin rhodanien. Actes du Colloque d'Ambérieu-en -Bugey 19-20 septembre 1992. Documents du Département d'Anthropologie de l'Université de Genève, n°20. Ambérieu-en-Bugey, Société Préhistorique Rhodanienne, 1995, p.167-196.
(Cet article qui présente de façon très scientifique les sites alpins a été fait avant la prospections systématique du lac d'Aiguebelette et n’est donc pas à jour des dernières découvertes et des dernières datations.)
MARGUET (A.), 2003.Savoie. Lac d'Aiguebelette. Élaboration de le carte archéologique des gisements du lac d'Aiguebelette, dans : Bilan scientifique 1998 du DRASSM, n°26. DRASSM-Eaux intérieures. Travaux et recherches archéologiques de terrain, Rhône-Alpes. Paris : Ministère de la Culture et de la Communication, Direction de l'Architecture et du Patrimoine, Sous-Direction de l'Archéologie, 2003, p. 96-110.
(Ce dernier article fait été des travaux les plus récents, c’est à dire avec les résultats de la prospection systématique réalisée en 1998 et des dernières datations. C'est l'article de référence sur le lac d'Aiguebelette.)
BILLAUD (Y.), MARGUET (A.), 2007. – Préhistoire récente et Protohistoire des grands lacs alpins français : 150 ans de recherche, de la pêche aux antiquités à l'étude des vestiges littoraux. Dans : EVIN (J.) (dir.). Un siècle de construction du discours scientifique en Préhistoire. Vol. II. « Des idées d’hier… ». IV. (Pré)histoire de sites. XXVIe Congrès Préhistorique de France. Actes du Congrès du Centenaire de la SPF, Avignon, 21-25 septembre 2004. Paris, 2007, p. 265-277.
(Historique des recherches sur les lacs alpins français.)
MARGUET (A.), REY (P.-J.), 2007.– Le Néolithique dans les lacs alpins français : un catalogue réactualisé, dans : BESSE (M.) (dir.). Sociétés néolithiques, des faits archéologiques aux fonctionnements socio-économiques. Colloque interrégional sur le Néolithique (27 ; 1 et 2 octobre 2005 ; Neuchâtel). Lausanne : Cahiers d’archéologie romande (Cahiers d’archéologie romande ; 108), p.379-406.
Sur le site des Baigneurs, du lac de Paladru :
Aimé Bocquet, Les oubliés du lac de Paladru, La Fontaine de Siloé, 2012
André Houot, Le couteau de pierre, Fleurus, 1987
Site personnel d'Aimé Bocquet : http://aimebocquet.perso.sfr.fr/
Sur Les cités lacustres
3 livres représentatifs de l'évolution des connaissances
Georges Goury, L'Homme des cités lacustres, ed.Auguste Picard, 1932, 346 pages
Oscar Paret, Le mythe des cités lacustres, Dunod, 1958.
Pierre Pétrequin, Gens de l'eau, Gens de la terre, ethno-archéologie des communautés lacustres, Hachette, 1984
Les musées
Le musée, fermé pour quelques années depuis 2014, présentait dans une belle pièce des objets provenant des sites palafittiques des lacs d'Aiguebelette et du Bourget.
Musée Escale Haut-Rhône, à une quinzaine de kilomètre du lac d'Aiguebelette, sur le Rhône, à Brégnier-Cordon, on peut voir une pirogue monoxyle datant du 13eme siècle de notre ère.
Histoire de l'Avant-pays savoyard
Pierre Dagenais, Le Petit-Bugey, Première partie : Les traits physiques. In: Revue de géographie alpine. 1939, Tome 27 N°4. pp. 689-729. En ligne sur le site Persée.
Pierre Dagenais, Le Petit-Bugey, Deuxième partie : L'homme et son oeuvre. In: Revue de géographie alpine. 1939, Tome 27 N°4. pp. 731-860. En ligne sur le site Persée
Dellozcour A. La répartition des vestiges préhistoriques dans les Alpes françaises et à leurs abords. In: Revue de géographie alpine. 1924, Tome 12 N°2. pp. 189-246.
André Charvet, Les pays du Guiers, 1984
Mnémosyne, revue animée par Jean-Pierre Blazin:
Dir. Jean-Jacques Millet, Préhistoire et environnement autour du lac d'Aiguebelette, FAPLA, à paraître juin 2014.
Peuplement de la vallée du Rhône et du Bugey
Thèse de Grégory Gaucher, Evolution de l'occupation du sol et de l'environnement fluvial en haute vallée du Rhône (Ain, Isère), du Néolithique à l'époque moderne, 16 septembre 2011, en ligne sur le site Archives ouvertes.
Voruz Jean-Louis, Chronologie de la néolithisation dans le haut-bassin rodhanien, Actes du Congrès C14 et Archéologie, avril 1998.
Voruz Jean-Louis, Perrin Thomas, Sordoillet Dominique. La séquence néolithique de la grotte du Gardon (Ain). In: Bulletin de la Société préhistorique française. 2004, tome 101, N. 4. pp. 827-866.
Pierre Bintz et al. 2007 - La fin des Temps glaciaires : paléoenvironnement de l'Homme dans les Alpes du Nord. Edition A. Carrier et F. Dibon, CRDP de Grenoble, 4627 fichiers dont 1509 images ou graphiques répartis dans 110 dossiers, 2eme édition.
Histoire du lac d'Aiguebelette
Joseph Revil, Excursion à Novalaise, 1897
Philibert Falcoz, Notice sur Aiguebelette et son lac, Chambéry, 1917
Jean Maret et Michel Tissut, L'aventure des tuiliers en Avant-pays savoyard, FAPLA, 2008
Michel Tissut, Pour l'amour d'un lac, FAPLA, 1987
Voie romaine du col Saint-Michel
Marquis de Lannoy de Bissy, L'Histoire des routes de Savoie, Dardel, 1952, 85 p. (Nouvelle édition, publiée par le comte René de Lannoy de Bissy et augmentée d'une étude de l'auteur sur le col de Saint-Michel)
François Bertrandy, les stations routières dans la cité de Vienne : l'exemple d'Etanna et de Labisco, dans Revue archéologique de Narbonnaise, Tomme 38-39, 2005, pp.27-3, en ligne sur le site Persée
Pour l'archéologie de la période gallo-romaine:
Bernard Rémy, Françoise Ballet et Emmanuel Ferber, Carte archéologique de la Gaule, La Savoie, p.83, p.176, p.185
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Notes
43Bocquet, cahiers n°199, p.89
44Cyril Marcigny, La propriété du sol nait à l'age de Bronze, entretien avec Sylvestre Huet , 2013
45Communication privée André Marguet, 2014 et Marguet, 2003, p.103-104
46Philibert Falcoz, Notice sur Aiguebelette et son lac, Chambéry, 1917, p.16 : « Dans la plus grande de ces îles existe un oratoire dédié à la Vierge, élevé sur l'emplacement d'une ancienne chapelle consacrée à Saint-Vincent et qui était desservie par les chanoines de Saint-Boys en Bugey. Cette chapelle Saint-Vincent aurait été construite sur les ruines d'un temple païen, dédiée à la déesse Bellone ou au dieu Bel, d'où seraient dérivés les noms de Montbel et d'aqua-Belette. L'abbé Perrin critique avec raison cette étymologie ... »
47Yvonne Coudurier, Le lac d'Aiguebelette, 1986, p. 31 : « elle-même (La chapelle de Saint-Vincent) construite sur les ruines d'un temple du dieu Bel, dieu romain qui aurait pu donner son nom à Montbel ou à Aiguebelette ... »
48Joseph Revil, Excursion à Novalaise, 1897
49Cette citation de Bovagnet est extraite de l'article de Schaudel, 1908, qui note : « Cette dernière indication est en partie inexacte; ce n'est pas trois trous, mais deux seulement qui sont creusés dans la pierre. Voir ma description dans : Les Blocs à gravures de la Savoie devant le IVe Congrès préhistorique de France p.9-10 »
50Schaudel, 1908
51Alphonse Delbene. (vers 1593-1600). Fragmentum Descriptionis Sabaudiae. Première édition par A. Dufour, in : Mém. et Doc. SSHA, t. IV, 1860. Chambéry, Imp. du Gouvernement.
52Joseph Revil, Excursion à Novalaise, Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Savoie, 1897
53Schaudel, 1906
54Philippe Leveau, Mentalité économique et grands travaux hydrauliques, le drainage du lac Fucin aux origines d'un modèle, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Vol.48, n°1, 1993, p.3-16
55Visite conseillée du Musée gallo-romain d'Aoste.
56Cette section a été copiée sur la brochure UNESCO
57Aline Emery-Barbier, Interprétation sommaire des analyses palynologiques, 1984, dans le CDROM distribué avec le livre Les oubliés du lac de Paladru d'Aimé Bocquet, Emilie Gauthier et Hervé Richard, La forêt autour des villages palafittiques d'après les analyses palynologiques, dans Les Dossiers d'Archéologie n°355, p.36
58Dossiers d'archéologie n°199, p.39
59Anne-Marie et Pierre Pétrequin, Archéologie expérimentale, La maison sur pilotis de Chalain, Les Dossiers d'Archéologie n°355, p.70-75 . Voir photo dans l'annexe 1 « Autres lacs alpins)
60François Bertrandy, Les stations routières dans la cité de Vienne : l'exemple d'Etanna et de Labisco, Revue archéologique de Narbonnaise, tome 38-39, 2005, p. 27-36
61Bertrandy, 2005.