HISTOIRE DE LA CSF SOUS L'OCCUPATION, « l'enfance de Thales »

Les entreprises radioélectriques françaises dans la bataille de l'Atlantique


(Création  11 novembre 2012)

 

Accueil Histoire de la CSF sous l'Occupation

Accueil site EdC

L'auteur

L'ensemble  des entreprises radioélectriques françaises connurent un destin assez semblable à celui de la SFR, c'est-à-dire, vite identifiées par les Allemands comme susceptibles de produire du matériel de guerre. Sur ce site, on verra le cas de LMT. Dans le livre, on aborde rapidement le cas de SADIR et de Thomson-Houston (CFTH). Certaines productions des industries radioélectriques françaises s'illustrèrent dans la Bataille de l'Atlantique, du côté des Alliés ou du côté des Allemands.

Participation de la CSF à la bataille de l'Atlantique  METOX Mario Nikis et les LR Le Huff-Duff de LMT




Participation de la CSF à la bataille de l'Atlantique

Les entreprises françaises de radioélectricité représentaient 25000 personnes en 19371, ce qui ne fait pas de la France un pays en pointe dans le domaine. Cette faiblesse initiale n'empêchera pas la technique radioélectrique de la France vaincue d'être présente dans la bataille de l'Atlantique, dans l'un et l'autre camp. La Kriegsmarine utilisait les émetteurs à ondes kilométriques de Sainte-Assise pour communiquer avec les sous-marins allemands sur toute l'Atlantique, depuis les côtes nord-américaines jusqu'au cap de Bonne-Espérance (Voir le cas de Radio-France). Par ailleurs, comme il est rapporté au chapitre 4 du livre (Histoires de radars) , le magnétron développé par les Alliés en empruntant à Ponte et Gutton l'idée de la cathode à oxyde était la pièce essentielle des radars de surface qui équipèrent les quadrimoteurs de reconnaissance à partir du début 1943 et leur permirent de détecter les sous-marins allemands, les fameux U-Boote, lorsqu'ils remontaient en surface la nuit en se croyant invisibles. Ces radars ASV (Air Surface Vessels) étaient un peu différentes des radars H2S qui équipaient les flottes aériennes dans leurs opérations de bombardements stratégiques au-dessus de l'Allemagne. mais ils furent montés aussi bien sur les quadrimoteurs Halifax, anglais, que sur les Liberators, américains, qui traquaient les U-Boote. Le 18 mars 1943, pour la première fois, un sous-marin allemand fut attaqué et coulé après avoir été repéré par un ASV MkIII. Les U-Boote détectaient normalement les radars des avions ennemis avec des détecteurs spécialisés appelés Metox. Mais si les Metox donnaient des résultats satisfaisants avec la précédente génération de radars ASV MkII, à ondes métriques, ils étaient impuissants à détecter les ondes centimétriques. N'étant pas informés de la menace, les sous-marins restaient en surface et ils étaient attaqués par les avions patrouilleurs qui les avaient localisés sans qu'ils comprennent comment ils avaient été repérés. On peut se demander pourquoi les U-Boote éprouvaient le besoin de refaire surface puisque les ondes longues de Sainte-Assise leur permettaient de capter en plongée les messages de leur QG. Malheureusement pour eux, ils devaient quand même refaire surface pour émettre eux-même des messages, et surtout pour faire fonctionner leurs moteurs diesel qui rechargeaient leurs batteries. Les Allemands mirent trois mois avant de comprendre qu'il y avait un rapport entre les malheurs qui arrivaient à leurs sous-marins et le mystérieux dispositif qu'ils avaient trouvé en février 1943 sur un bombardier Stirling abattu près de Rotterdam2.

METOX

Le Métox fut un moment soupçonné d'émettre des ondes qui permettaient aux Liberators de les repérer. Après les émetteurs de Sainte-Assise et le radar centimétrique, le Métox est la troisième gloire française de la bataille de l'Atlantique, engagée, comme les émetteurs de Sainte-Assise, dans le camp allemand. Les Allemands connaissaient en détail le fonctionnement des radars ASV MkII (à longueur d'onde métrique) depuis qu'ils en avaient capturé un exemplaire en 1941 et purent ainsi adapter le détecteur R600A qu'ils avaient préalablement développé3. L'industrie française fut alors mise à contribution pour la production en série du détecteur R600A dont 1400 exemplaires furent commandés aux sociétés parisiennes Metox et Gardin. Le R600A fut ensuite associé à un récepteur Metox R203 qui était alors la meilleure solution disponible. L'ensemble du détecteur fut alors couramment appelée Metox. Metox, au même titre que Gardin était l'une des nombreuses petites sociétés de radioélectricité qui avaient fleuri après la Première Guerre mondiale et qui contribuaient chacune à donner à la petite industrie radioélectrique française son caractère dynamique. 

Mario Nikis et les LR

C'est peut-être en raison de leur petite taille qu'elles purent s'avérer d'un excellent rendement pour les Allemands, mais l'inverse fut également vrai, de petites sociétés s'engagèrent collectivement au service de la Résistance. Ainsi, la société Les Laboratoires Radioélectriques (LR), avait été fondée dans les années trente par Mario Nikis, ingénieur Supelec, en vue de fabriquer des émetteurs de moyenne puissance. En juin 1940, la société se replia a Clermont-Ferrand et produisit des émetteurs pour les aérodromes de la Zone Libre. Mario Nikis créa aussi un atelier de fabrication de tubes électroniques, car il ne pouvait plus trouver sur le marché les tubes américains qui équipaient normalement ses postes. Le directeur de Supelec établit le contact entre les LR et certains maquis désireux de s'approvisionner en matériel radio. Les LR furent donc amenés à produire pour la Résistance à partir de janvier 1944. Le 15 mai, Mario Nikis et une partie du personnel furent arrêtés par la Gestapo et déportés. Lui-même décéda en camp de concentration4. Au total, les LR auraient perdu 18 personnes dans ces représailles5.

Le Huff-Duff de LMT

A part Thomson-Houston dont nous avons déjà parlé et dont l'engagement dans la radioélectricité était très récent, seules deux sociétés étaient de taille comparable à la SFR: SADIR, basée à Puteaux, et LMT (Le Matériel Téléphonique) à qui l'on doit la quatrième gloire française de la bataille de l'Atlantique, le Huff-Duff, qui rendit de grands services dans le camp allié. Huff-Duff est le surnom donné à l'abréviation HF/DF qui veut dire High Frequency/Direction Finding. Il s'agissait d'un radiogoniomètre « instantané » qui permit aux navires américains de localiser les sous-marins allemands. Les Britanniques utilisaient aussi des Huff-Duff, mais le leur avait été développé parallèlement à celui de LMT et ne lui devait donc rien. La radio-goniométrie existait bien avant le Huff-Duff, mais le problème particulier à résoudre était celui des messages courts: Les messages émis par les sous-marins allemands étaient comprimés dans le temps, avec un enregistrement automatique à la réception. En 1938, la Marine française avait demandé aux LLMT (Laboratoires LMT) de développer un radiogoniomètre haute fréquence « instantané » et la solution imaginée par l'ingénieur de LMT Busignies resta supérieure à toutes les autres imaginées par les divers belligérants. La généralisation des Huff-Duff sur les bâtiments alliés à partir de 1943 fut décisive dans le retournement de la Bataille de l'Atlantique qui tourna définitivement en faveur des Alliés à partir du mois d'avril.

Notes de bas-de-page

1 Pierre Lanthier, Les entreprises du secteur électrique, Dans Histoire générale de l'électricité en France, Tome 2 (L'interconnexion et le marché, 1919-1946), Fayard, 1994, p.1263

2 Le site internet Uboat.net (http://uboat.net/allies/technical/uk_radars.htm) donne une présentation claire et complète sur le rôle des radars dans la bataille de l'Atlantique

3 Le détecteur de radar des Allemands consistait en un récepteur hétérodyne dont l'oscillateur local balayait la gamme de fréquence dans laquelle se trouvait à priori l'émission radar. Voir Yves Blanchard, Le radar, 1904-2004, Histoire d'un siècle d'innovations techniques et opérationnelles, 2004, ellipses, p.237

4 Jean-Pierre Pujes, Un siècle d'électronique, Histoire du groupe Thales, 2004, p.53. Voir aussi le témoignage d'Emmy Henderson, épouse de Mario Nikis, http://www.telegraph.co.uk/education/3337188/Lady-Henderson.html.

5 Information recueillie par Jean-Pierre Pujes.



Haut de page