Vue d'ensemble Communistes 39-45 

Communistes /De Gaulle / Résist. Intérieure

La direction du Parti pendant la guerre Grèves, maquis, guérilla urbaine... 

Le PCF après la guerre

HISTOIRE DU PCF (1921-1939)

Cette page

 est constituée d'extaits du livre "La Direction du PCF dans la Clandestinité (1941-44)" 

La direction du PCF dans la Clandestinite accueil site EdC

   

Plan de la page

Voir aussi

Congrès de Tours et début du PCF

1928 Classe contre classe

1932, le début du règne de Thorez

1936, le Front Populaire

L'organisation du PCF 1936-39

Guerre d'Espagne, France-Navigation

Histoire du PCF (Août-Dec 39)

Histoire du PCF (1940)

Chronologie

Biographies

Haut de la page

1920 Le congrès de Tours, les débuts du parti communiste

            En 1920, une majorité des militants socialistes de la SFIO réunis en congrès à Tours décident de s'affilier à la troisième internationale, fondée à la suite de la Révolution d'Octobre. Le Parti Communiste Français qu'on appelle alors Section Française de l'Internationale Communiste (SFIC) est ainsi créé: il se proclame bolchevique, révolutionnaire, et accepte par conséquent de se soumettre aux conditions explicitement formulées par le comité de la troisième internationale dirigé par Lénine .  La SFIC s'engageait donc à construire un parti révolutionnaire, qui peut utiliser des moyens légaux, mais qui doit se doter d'un appareil clandestin et ne doit pas exclure l'action illégale. Le parti constitué devait être discipliné, suivant les règles du centralisme démocratique: les minoritaires doivent suivre la ligne décidée majoritairement, et n'ont pas le droit de s'organiser pour défendre leur tendance. Internationaliste, enfin, un parti national, comme le Parti Communiste Français (PCF) est d'abord une section de la troisième internationale. Le PCF sera d'ailleurs appelé SFIC (Section Française de l'Internationale Communiste). Ces principes de base vont sous-tendre toute la vie du PCF jusqu'en 1939.

            On estime à 120 000 le nombre d'adhérents qui avaient rejoint le nouveau parti, alors que la vieille SFIO n'en comptait plus que 40 000, tout en conservant néanmoins la majorité de ses députés et de ses élus locaux. La scission au sein de la SFIO devait entraîner un an plus tard une scission du syndicat CGT, mais cette fois, les partisans de l'Internationale Communiste qui fondèrent la CGTU étaient minoritaires.

Haut de la page

1928 Classe contre classe

            Les douze premières années du PCF furent mouvementées et un tant soit peu confuses. C'était un parti révolutionnaire, gauchiste, comme on dira couramment plus tard des groupes d'extrême gauche qui ont fleuri en mai 68. L'action antimilitariste se développa auprès des jeunes, dans les casernes, à l'occasion de l'occupation de la Ruhr en 1923 par les troupes françaises et de la guerre du Rif, au Maroc en 1935.

            En URSS, en 1927, Staline  évinçe ses rivaux, Zinoviev , Kamenev  et Trotski  qui participent à la direction collégiale depuis la mort de Lénine , en 1924. L'IC (Internationale Communiste) impose une politique dure et sectaire, dite "classe contre classe", qui consiste notamment à refuser toute alliance avec les socialistes et elle pousse en avant les JC (Jeunesses Communistes) pour mettre en œuvre cette ligne ultra-gauchiste. Barbé, le responsable des JC devient premier secrétaire du Parti. La SFIO est attaquée au même titre que les autres partis bourgeois. Aux élections de 1928, le PCF obtient 11% des voix, mais, en raison de son isolement, ne compte que 14 élus contre 25 sortants. Jacques Duclos, vainqueur de Léon Blum  dans le 20ème arrondissement de Paris, est l'un des 14 rescapés.

        Avec Duclos, Frachon et Thorez  sont des hommes qui montent et qui prennent de plus en plus d'importance au sein du Parti. Comme Duclos, Maurice Thorez est passé dans la clandestinité à la suite d'actions antimilitaristes. Il a déjà effectué plusieurs séjours à Moscou. Entré au Bureau Politique en 1926, il assure la fonction de secrétaire à l'organisation.

           En 1929, à 36 ans, Benoit Frachon devient le doyen du secrétariat, aux cotés des 2 dirigeants des JC, Barbé et Célor , tous deux âgés de 27 ans, et de Thorez , 29 ans.

Haut de la page

1932 Le début du règne de Thorez

            En 1931, Charles Tillon, membre du bureau confédéral de la CGTU, effectue son premier et d'ailleurs unique voyage à Moscou. Il y sera reçu par les dirigeants de l'Internationale, Manouïlsky et Piatnisky. Manouïlsky est une vieille connaissance du Parti. Lénine  l'avait envoyé clandestinement en mission en France en 1921, et il put intervenir au congrès de Paris, faisant une profonde impression sur tous les délégués. Depuis, c'est lui qui suit le PCF pour l'Internationale, dont il deviendra le principal dirigeant jusqu'en 1934. Manouïlsky éprouvait des doutes sur le bien-fondé de la ligne ultra-gauchiste et s'apprêtait à débarquer Barbé et Célor , les jeunes dirigeants que nous avons vus propulsés à la tête du Parti pour appliquer la ligne "classe contre classe".

            Il s'en est fallu de peu que Maurice Thorez  ne fut aussi écarté comme Barbé et Célor , mais c'est lui que Manouïlsky installa à la tête du Parti, au congrès de Paris en 1932. Duclos et Frachon comptent parmi les 10 autres membres du bureau politique. Si on fait le bilan des 12 premières années d'existence du Parti, les résultats ne sont guère époustouflants sur le plan électoral, ou du nombre d'adhérents, mais d'un point de vue léniniste, la réussite est incontestable: L'ensemble hétéroclite d'anarcho-syndicalistes, nébuleuse de divers courants révolutionnaires s'est métamorphosé en un authentique parti bolchevique. L'équipe dirigeante, jeune, issue de la classe ouvrière, est formée de révolutionnaires professionnels, bénéficiant d'une solide expérience des affrontements avec la police, de la clandestinité, mais sachant également jouer des moyens légaux, par exemple les mandats de députés pour bénéficier de l'immunité parlementaire. Ces dirigeants sélectionnés avec "clairvoyance" par Manouïlsky, extrêmement brillants au départ, ont reçu en outre une solide formation théorique au gré de leurs passages à Moscou.

            Tout s'accomplit selon la doctrine de Lénine : d'abord la construction d'un parti révolutionnaire, ensuite la conquête de la classe ouvrière. C'est très important pour comprendre la confiance sans borne des militants de cette génération vis-à-vis du Marxisme-Léninisme et leur foi dans leur parti et dans l'Internationale. Car en 1932, si le PCF exerce une séduction certaine sur les jeunes ouvriers combatifs, la conquête de la classe ouvrière est loin d'être acquise.

Haut de la page

1936 Staline , Hitler  et le front populaire

            En 1936, le PCF est intégré au dispositif de l'IC, adossée à l'URSS dominée par Staline . De nos jours, ce nom, avec ses dérivés, "stalinisme", "stalinien", évoque une variante historique de la tyrannie sanguinaire et du totalitarisme, mais pour le communiste de 1936, grâce à une direction "éclairée, ferme et stable", l'URSS s'affirme comme la nation des prolétaires, consolidant les acquis de la Révolution par une marche vers le progrès économique et technologique. Le Parti Français, à l'image du grand frère soviétique, est doté, lui aussi, d'une direction "stable et éclairée". Ses effectifs s'accroissent de mois en mois, il occupe un espace politique toujours plus vaste.

            A Moscou, à partir de l'assassinat de Kirov , en 1934, les purges deviendront une pratique courante de gestion du parti. De 1934 à 1939, on estime à un million le nombre de ses membres qui seront exécutés ou déportés. Mais à Paris, le délégué de l'Internationale, le représentant de Staline, donc, est un tchèque élégant et raffiné, Eugen Fried , qui sait contrôler le Parti avec doigté en s'intégrant dans le trio de direction, Thorez , Frachon et Duclos, eux-mêmes issus du choix "éclairé" de Manouïlsky. Pourquoi le militant de base s'inquiéterait-il de ce que ses chefs soient nommés par Moscou, s'ils sont bons ? D'ailleurs, le PCF n'est-il pas la Section Française de l'Internationale Communiste, et l'URSS, le pays de la révolution accomplie, la patrie de tous les travailleurs ?

            Témoignage de Mounette  Dutilleul sur l'époque:

            " La répression et le manque d'argent, c'était beaucoup, on voyageait en 3ème classe, avec des brochures sous le bras. Pour les frais d'hôtel, on vendait les brochures sur la table de la salle de réunion, mais si on ne les vendait pas, il n'y avait pas d'hôtel, il fallait coucher chez des camarades, sur un divan, un sofa enfoncé. Et si on nous faisait à manger, c'était bien, mais on n'allait pas chez des gens riches. Une vie de famille, dans ces conditions, c'était difficile à mener. On a dit que nous étions des espèces de robots, des gens pas très humains, mais il fallait bien prendre les moyens de nos objectifs, car enfin, on voulait changer le monde, ce n'était pas rien, on voulait monter à l'assaut du ciel. On ne se serait pas engagé comme ça, pendant la guerre, avec tous les risques qu'on connaissait fort bien, si l'on n'avait pas été sûr d'une grande victoire...

            ça demandait un très gros travail, même quand on n'était pas clandestin, et il n'y avait pas d'argent. Alors, pour travailler pour le Parti, pour être, comme disait Lénine , un révolutionnaire professionnel, c'était quelque chose de terriblement exigeant, pas de salaire, beaucoup de travail, alors, comment nourrir la famille ? Il ne faut pas oublier la répression non plus, les complots montés contre le Parti, les arrestations par comité central entier. Il fallait donc choisir: la famille ou le Parti. C'était bien sûr une grosse erreur, et on en est sorti pour la première fois, en 35-36, quand Maurice Thorez  nous a dit "L'enfance, notre plus doux espoir". L'année d'après, il y avait beaucoup de beaux gosses qui sont nés, parce qu'enfin, on avait le droit d'être homme ou femme et d'avoir un enfant... Ceci dit, on ne choisissait quand même pas entre sa femme et le Parti, ça n'allait pas jusque là..."

            Hitler  avait pris le pouvoir en Allemagne en janvier 1933. Le fascisme devint à l'ordre du jour en Europe. Pour autant, l'IC, qui avait mis fin à la phase ultra-gauchiste du PC en remplaçant Barbé par Thorez  restait ferme dans sa ligne sectaire. L'union avec les sociaux-démocrates n'était tolérée qu'à la base: Les ouvriers de la CGT, non communiste, étaient invités à participer aux actions de la CGTU, communiste. Dans la France de 1934, c'étaient les ligues d'extrême-droite qui représentaient le danger fasciste. C'est au cours des journées de 1934 qui virent de très violents affrontements entre les ligues, la police et les communistes, que s'imposèrent les sentiments unitaires d'une Gauche antifasciste:

            Le 6 Février 1934, les ligues envahirent la place de la Concorde. La bagarre avec la police fut déclenchée quand ils voulurent franchir le pont de la Concorde pour donner l'assaut à la chambre des députés. Raymond Dallidet, responsable des jeunesses communistes (JC) à Boulogne, était aux portes des usines Renault de Billancourt pour appeler les travailleurs à aller contre-manifester. Refoulés par la police, ils ne purent atteindre la Concorde. Arthur  et Raymond furent embarqués par la police et passèrent la nuit au poste. Le 9 février, les affrontements entre la police et les manifestants antifascistes firent 9 morts parmi les manifestants. La CGTU et la CGT appelèrent à la grève générale le 12 février. Ce jour-là, au cours d'une manifestation commencée dans la division, les cortèges socialistes et communistes fusionnèrent dans l'enthousiasme, place de la Nation aux cris de "Unité! Unité!". Jusqu'en Mai 34, cette manifestation unitaire resta sans suite. C'est Dimitrov , nouveau responsable de l'IC, et Manouïlsky qui réussirent à obtenir de Staline  un revirement de l'IC, en faveur d'une alliance avec les sociaux-démocrates. Dimitrov transmit les nouvelles consignes à Thorez , à Moscou en Mai.

            La nouvelle politique unitaire se concrétisa en 1936, par la réunification de la CGT et de la CGTU, d'abord, en Mars, puis, en mai, par la victoire électorale des forces de gauche unies dans le Front Populaire. Le PCF obtenait 72 des 336 sièges de députés de la coalition de gauche. Jouhaux, ex-CGT restait secrétaire général de la CGT réunifiée, mais Frachon entrait au Bureau Confédéral. Les nouveaux statuts de la CGT prévoyant l'incompatibilité entre des mandats syndicaux et politiques, il dut démissionner du Bureau Politique du Parti. Cette démission fut purement formelle. On le considéra toujours comme membre de la direction.

D'après J.P.Brunet, (Histoire du PCF)

 

1928

1932

1936

Adhérents

50000

32000

235000

Parlementaires

14

11

72

Permanents

 

500

3000

Electeurs

11.2%

8.3%

15.2%

 

Haut de la page

L'organisation du PCF dans les années 36-39

            En 1936, le PCF a atteint le stade final de son évolution, une forme stable que l'on pourrait qualifier de Léniniste-Stalinien, c'est-à-dire qu'il répond encore aux critères du bolchevisme tels qu'ils étaient définis au moment du congrès de Tours, mais qu'il dispose maintenant d'une autorité suprême qui permet de trancher éventuellement tous les débats et de résoudre tous les conflits.

        C'est une forme d'organisation qui a bien des avantages, puisqu'elle évite d'enliser le grand nombre dans des débats stériles tournant souvent autour de querelles de personnes. Ainsi fonctionnent les entreprises avec leurs P.D.G., les armées avec leurs généraux en chef et l'église avec un pape proclamé infaillible pour la vie dès son élection. Si les communistes ne disent pas que Staline  est inspiré par l'Esprit Saint, ils le pensent sans doute. En fait, très peu de dirigeants connaissent personnellement Staline. Ils reçoivent les directives de l'IC, et Staline intervient dans les décisions de l'IC quand il veut, mais il le fait surtout pour les choses importantes.

            Le maintien des principes léninistes implique la  coexistence de 3 appareils distincts: L'appareil légal est celui qui apparaît à l'issue des congrès, avec son Bureau Politique, son Comité Central, son organisation en cellules, rayons, responsables départementaux, interrégionaux, ses élus, députés ou maires. L'appareil illégal doit permettre au Parti de supporter une interdiction, comme un groupe électrogène normalement éteint est prêt à démarrer en cas de coupure de courant. Il consiste donc en un dispositif clandestin de planques, d'imprimeries, des moyens financiers à l'abri d'une saisie, avec quelques dirigeants n'ayant aucune fonction officielle. L'appareil de l'IC contrôle sur le territoire Français des militants qui sont rattachés directement à l'IC, sans aucun rapport structurel avec la section française, c'est-à-dire avec le PCF. Ainsi, les étrangers sont organisés à l'époque dans la M.O.I. (Main d'Oeuvre Immigrée),  rattachée au PCF pour les problèmes pratiques, mais dans les faits, sous le contrôle politique direct de l'IC.

Les non-communistes parlent souvent de "Komintern" pour désigner l'IC. Les deux termes sont absolument synonymes, mais Komintern est allemand. Si l'IC peut déléguer à des étrangers, comme Fried,  des responsabilités auprès du Parti français, des dirigeants français peuvent également assurer des fonctions qui débordent le cadre national. Ainsi, Duclos, membre du Bureau Politique et du secrétariat du Parti, député de Montreuil et vice-président de la Chambre des Députés en 1936 est également membre du comité exécutif de l'IC et fréquemment mis à contribution pour représenter l'IC auprès des partis petits frères belges et espagnol.

            Dans les années 36-39, le parti compte entre 200 000 et 300 000 membres, et l'essentiel d'entre eux n'ont rien à voir ni avec l'appareil illégal, ni avec l'appareil de l'IC. Mais dès qu'ils prennent quelques responsabilités, ce qui peut arriver très vite, dans ce jeune parti, leur carrière est gérée par la section des cadres, qui relève à la fois du service du personnel et de la police interne. Chaque responsable doit remplir une biographie qui concerne à la fois son propre passé, mais aussi quelques éléments sur son entourage familial. Au fur et à mesure qu'il grimpe les échelons, il pourra être amené à remplir plusieurs fois des biographies de plus en plus précises. Une fois ces biographies regroupées à Moscou, il devient théoriquement possible à un fonctionnaire soviétique de gérer ce personnel révolutionnaire Français.

Haut de la page

1936-39 La guerre d'Espagne, France-Navigation

            En juillet 1936, Franco fit contre la République Espagnole sa tentative de putsch qui se dit en Espagnol "pronunciamiento". La guerre civile Espagnole commençait, et elle dura jusqu'en février 1939. Les premiers volontaires du parti communiste furent envoyés début septembre, mais c'est au cours d'une réunion à Ivry, chez Thorez , le 18 septembre, où étaient conviés, Fried , le délégué de l'IC, Dutilleul le trésorier du Parti, Tréand , le responsable de la section des cadres, et Ceretti , un Italien à la fois membre du Comité Central et dirigeant de la M.O.I. Les grandes lignes de l'implication du PCF dans la guerre d'Espagne furent jetées, et les rôles distribués: Tréand recrutait les militants, Ceretti s'occupait du ravitaillement en armes, et Dutilleul des collectes. Les choses évolueront par la suite un peu différemment.

             En 1936, le PCF n'était pas au sein de l'Internationale un parti parmi d'autres. A coté du parti soviétique il restait le seul parti communiste de quelque importance après l'interdiction des partis dans les pays fascistes, l'Italie en 1924 et l'Allemagne en 1933. Le Parti français fut à la pointe pour le soutien à l'Espagne républicaine. Rappelons qu'en 1936, tous les grands pays, y compris l'URSS, s'étaient officiellement prononcés pour la non-intervention, laquelle sera vite violée par l'Allemagne et l'Italie. Les Républicains reçurent l'aide directe de la seule URSS, mais comme celle-ci ne souhaitait pas intervenir directement pour ne pas contrevenir aux règles de la non-intervention, et que de toutes façons, il fallait bien faire transiter les armes soviétiques par le territoire Français, le Parti français, en plus de l'action de soutien qu'il avait initié dès août 36, joua un rôle majeur d'intermédiaire entre l'URSS et le gouvernement républicain espagnol.

            Comme on sait, le gouvernement de Léon Blum  resta sur la ligne de la non-intervention et refusa l'aide directe aux républicains. Dans la pratique, l'attitude de Blum et de ses successeurs ne fut jamais celle d'une stricte neutralité. En août 36, Blum désignait le douanier Gaston Cusin  comme le responsable au sein de l'appareil d'état de l'aide clandestine à l'Espagne. Cusin rencontra Thorez  et Duclos qui, eux, désignèrent Ceretti  comme interlocuteur du parti communiste. C'est ainsi que tout fut mis en place pour que d'énormes quantité d'armes et matériels divers puissent transiter par les ports et le territoire français. Le PCF dut alors se doter d'une infrastructure adéquate pour faire face à des problèmes de logistique tout à fait nouveaux. De son coté, Cusin pouvait s'appuyer sur trois mille douaniers sympathisants dont une centaine d'hommes sûrs pouvaient faire des contrebandiers d'élite.

            Une compagnie maritime, France-Navigation fut créée sous l'autorité de Ceretti , en mai 1937, pour le plus grand bonheur du gouvernement espagnol impuissant à convaincre d'autres compagnies d'avoir à affronter le blocus de ses ports par la marine franquiste, pour le plus grand bonheur, aussi, de Staline , qui voulait bien livrer des armes aux Espagnols, mais sans engager de bâtiments soviétiques. Le gouvernement espagnol avait mis les trois quarts de ses réserves d'or à l'abri, en URSS, de sorte que Staline n'avait pas de problèmes pour se faire payer. On avait bricolé, pour France Navigation, une façade de société capitaliste honorable, avec un siège dans un immeuble cossu du boulevard Haussmann, et un homme de paille, un certain Fritsch , à la présidence. La société reçut en dot trois navires de la commission espagnole précédemment en charge de la même mission, et en acheta immédiatement trois autres. Dés Septembre 37, elle possédait 14 navires. Pour des fins purement capitalistes, c'est-à-dire pour procurer des revenus au Parti, une filiale fut fondée en Grande-Bretagne. En 1939, France Navigation est la quatrième compagnie maritime française.

            En complément de France Navigation, l'entreprise de transports routiers de Pelayo  assure la traversée du territoire français avec des dizaines de Dodge, Ford, Latil. Il y a tous ceux, également, qui s'occupent d'approvisionnement de toutes sortes de denrées. Michel Feintuch, un immigré juif polonais, que l'on connaîtra mieux sous le pseudonyme de Jean Jérôme,  achemine vers l'Espagne républicaine des armes, mais aussi des machines, du cuivre, du zinc. Pour mener à bien tous ces traffics, il y aura désormais place au Parti, pour l'homme d'affaires d'un genre particulier, à coté du vendeur de l'huma, du tribun syndicaliste et du normalien journaliste.

            En janvier 1939, la Catalogne fut envahie par les phalangistes. A cette époque, l'essentiel du trésor espagnol était déjà à Moscou, mais entre temps, la République avait tenté de se reconstituer un petit magot. Saisie en banque de tous les dépôts en pierres précieuses, et l'aristocratie espagnole en avait beaucoup, fouilles de fond en comble des palais et haciendas de ces mêmes aristocrates. Avec les derniers dépôts de la banque d'Espagne et des monts de piété de Catalogne, cela faisait assez pour remplir plusieurs wagons d'un train fabuleux qui gagna la frontière française de Cerbère, avec d'autres convois d'armes soviétiques non utilisées. Une partie de ce trésor fut récupérée par Negrin  et son gouvernement en exil au Mexique. Une autre resta aux mains du PCF, censé le gérer pour le plus grand bien de l'aide aux réfugiés et de l'aide au parti frère espagnol, le PCE, réfugié en France, et à la charge du parti français. Une histoire déjà compliquée, mais qui deviendra vite inextricable quelques mois plus tard avec la dissolution du parti par Daladier . Pour le PCF, la dernière phase de la guerre d'Espagne fut humanitaire, pour secourir les centaines de milliers de réfugiés qui croupissaient dans des camps depuis janvier 1939.

On a souvent dit que la guerre d'Espagne avait été une anticipation du cataclysme qui devait secouer le monde de 1939 à 1945. Complètement mobilisé dans le soutien à l'Espagne, le Parti ne pouvait ignorer les sombres nuages qui obscurcissaient l'horizon. Plus que jamais, il fallait se préparer à la clandestinité. Trois hommes se répartirent la recherche de planques: Certaines étaient de vastes propriétés, fort éloignées de Paris, jusqu'en Belgique ou en Suède; par dérision, les communistes parlaient de leurs châteaux, ce fut l'affaire de Ceretti . On confia à René Mourre  le soin de trouver des fermettes dans le bassin Parisien. Les HLM des boulevards de ceinture et les pavillons de banlieue étaient du ressort d'Arthur  Dallidet. Il sacrifia avec Mounette  bien des dimanches pour sillonner à vélo toute la région parisienne et bien au-delà. C'est ainsi qu'Arthur et Mounette furent les premiers "cyclistes du Hurepoix".

Haut de la page