Vue d'ensemble Communistes 39-45 

Communistes /De Gaulle / Résist. Intérieure

La direction du Parti pendant la guerre Grèves, maquis, guérilla urbaine... 

Le PCF après la guerre

HISTOIRE DU PCF (Août-Dec 1939)

Cette page

 est constituée d'extaits du livre "La Direction du PCF dans la Clandestinité (1941-44)" 

La direction du PCF dans la Clandestinite accueil site EdC

  

Plan de la page Voir aussi

Munich, le pacte, l'entrée en guerre

Fidèlité à l'URSS

Dissolution du Parti

Les débuts de la clandestinité

La désertion de Thorez

L'organisation du Parti fin 39

Les débuts de la répression

Histoire du PCF (1921-39)

Histoire du PCF (1940-41)

Chronologie

Biographies

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De Munich à l'entrée en guerre en passant par le pacte

            Le 30 septembre 1938, Daladier  et Chamberlain  signaient avec Hitler  les accords de Munich qui consacraient le démembrement de la Tchécoslovaquie. A son retour à l'aéroport du Bourget, Daladier était acclamé par la foule, la guerre était écartée. A la Chambre, avec seulement trois autres députés, les soixante douze communistes rejetèrent les accords. Depuis l'Anschluss, quelques mois plus tôt, les communistes se sentaient bien seuls à dénoncer le danger nazi. Cette fois-ci, ils étaient persuadés que la France et l'Angleterre avaient voulu détourner vers l'URSS les foudres hitlériennes, et c'est vrai qu'ils étaient nombreux, à droite, tant à Londres qu'à Paris, ceux qui pensaient que la moins mauvaise guerre serait celle qui aurait opposé le nazi au bolchevique. Pour les communistes, les choses étaient encore simples, l'antifascisme et la défense de l'URSS étaient un seul combat.

            On comprend d'autant mieux le désarroi des communistes lorsque, par la radio et les journaux, ils prirent connaissance du pacte germano-soviétique le 23 août 39: Après l'Autriche et la Tchécoslovaquie, les nazis lorgnaient maintenant du coté de la Pologne, faisant valoir des droits sur le couloir de Dantzig. Des négociations se croisaient, entre Londres, Paris et Moscou, en vue d'une alliance militaire de nature à contrer la menace allemande. Mais Staline  avait décidé que l'heure n'était pas venue de la confrontation avec Hitler , et il faisait aux occidentaux le coup de Munich à l'envers, il leur montrait qu'il serait toujours le plus cynique. Dés le mois de mai 39, les diplomates soviétiques à Berlin avaient commencé à prendre langue avec leurs homologues allemands. Des pourparlers secrets furent engagés, qui devaient permettre à l'URSS de rester à l'écart d'un conflit jugé inévitable. Le pacte fut signé le 23 août, des accords secrets prévoyaient le partage de la Pologne. Le 3 septembre, la France déclarait la guerre à L'Allemagne.

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Le Parti reste fidèle... à l'URSS

            Il y eut quelques jours pendant lesquels les communistes français essayèrent de concilier leur fidélité à l'URSS et leurs convictions antifascistes. Car il semble bien viscéral, l'antifascisme de ces communistes qui se sont engagés en masse pour l'Espagne. Mais elle est carrément aveugle, leur fidélité à l'URSS. Staline  peut bien massacrer des communistes russes par dizaines de milliers, les communistes français le considèrent comme un Dieu. Ils ne savent pas, croient que ce sont forcément des racontars de la presse bourgeoise, ou pire, des trotskistes. Tous ces délégués au Komintern qui font la navette entre Paris et Moscou, peuvent-ils ignorer que sur un effectif de 492 personnes comptabilisées au Komintern, 112 ont été arrêtées en 37 ou en 38, et dans la plupart des cas, fusillées ? Oui, ils le peuvent. Les hommes de foi n'ont d'yeux et d'oreilles que pour ce à quoi il croient.

            Donc, les communistes sont troublés, et à la base, il y a bien quelques défections, mais dans l'ensemble ils ne mettent pas en doute le bien-fondé du pacte, car Staline  doit bien avoir ses raisons. Pas question de désavouer le pacte, mais aucune explication, aucune consigne ne leur est parvenue par les canaux habituels de l'Internationale. Alors, ils envoient à Moscou, pour recevoir des explications, Arthur  Dallidet, qui part accompagné d'un de ses adjoints, Georges Beaufils . En attendant les explications, ils votent à l'Assemblée les crédits de guerre le 2 Octobre et Thorez , mobilisé, rejoint son unité à Arras.

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Daladier  dissout le Parti

            Mais la rupture était déjà consommée avec le premier ministre de l'époque, Daladier , une vieille connaissance des communistes. Dés 1934, c'est lui, radical de gauche, que Thorez  était allé chercher pour amorcer des pourparlers au-delà des socialistes et jeter les bases du Front Populaire. En 1938, au retour de Munich où il avait signé avec Chamberlain  et Hitler  le fameux traité, il retrouve les communistes, mais cette fois-ci, contre lui. En août 39, il attaque et interdit la presse communiste dés le 26 août, et dissout le Parti le 26 septembre. Ainsi agressé, le parti peut-il plus facilement faire taire les états d'âme. On serre les boulons et on défend la forteresse assiégée. Comme tout corps vivant, le Parti lutte pour sa survie. Par sa stupide répression, Daladier a largement contribué à cette survie. Il était temps, car les nouvelles directives qui commencent à filtrer de Moscou auraient pu provoquer une dislocation intérieure, un effondrement des charpentes de foi qui soutiennent tout l'édifice communiste.

            Il semble que Dallidet et Beaufils  n'aient pu rencontrer à Moscou que des personnalités de second plan qui leur ont raconté que l'URSS n'avait fait que se défendre, qu'on ne désespérait pas de conclure une alliance avec la France et l'Angleterre. On a baladé Beaufils à Stalingrad avec force visites d'usines. Dallidet avait pu rentrer à Paris à temps, le 4 septembre, jour de la déclaration de guerre, mais Beaufils sera surpris à Stalingrad et mettra trois bonnes semaines pour regagner son bureau de recrutement à La Rochelle. C'est à la fin du mois de septembre que Dimitrov  fait parvenir à Paris des directives beaucoup plus sérieuses, transmises par Raymond Guyot , en poste à Moscou en tant que secrétaire général des jeunesses de l'IC. Maintenant, il n'est plus possible de biaiser, ordre est donné de cesser les attaques contre les Allemands et de ne plus dénoncer que la "guerre impérialiste" des Anglais et des Français. Grâce à Daladier , le Parti pourra assumer toutes les abjections auxquelles l'IC contraindra ses dirigeants jusqu'à la fin 40, et les communistes qui quitteront le Parti pour cause de désaccord avec le pacte seront l'exception plus que la règle. Dans le groupe parlementaire où les défections sont particulièrement nombreuses, on ne compte finalement sur les 72 députés du groupe que 23 démissions, dont 2 membres du Comité Central.

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Mobilisés, clandestins ou internés

            Pour la vie quotidienne des communistes, le fait majeur à partir du 26 septembre 1939 est qu'on ne peut plus être communiste que mobilisé, clandestin ou emprisonné. Cette règle restera en application jusqu'à la Libération, en août 44, à ceci près qu'à partir de juin 40, le choix se réduira à la dernière alternative, clandestin ou emprisonné, et on ne parle pas des fusillés. En septembre 39, tous les hommes jusqu'à 40 ans sont mobilisés. Thorez , donc, en est, Raymond Dallidet également, mais pas son frère Arthur , qui est réformé. Duclos, Frachon et Tillon ont passé la limite d'âge. Sentant venir la répression, Tillon avait décidé de ne plus dormir chez lui dès le 4 septembre. Duclos en fera autant le 2 octobre. Un bon nombre de responsables, moins prudents, se feront cueillir. Ainsi, La moitié du Comité Central et trois membres du Bureau Politique, Cachin , Sémart  et Billoux  se retrouveront incarcérés

            En septembre 1939, Auguste Lecoeur n'est pas encore un dirigeant national, mais il est quand même secrétaire fédéral du Pas-de-Calais. Voici comment il se rappelle cette époque: "Rien n'était plus naturel pour un militant communiste comme moi que de défendre la politique de l'Union Soviétique. Voilà un aspect psychologique de ce comportement qui demande à être expliqué... Mon attachement au Parti résultait avant tout de mon enthousiasme  pour la Révolution Russe et de ma confiance dans l'Union Soviétique et le Parti bolchevik... Aussi aberrant que cela puisse paraître, sur un stade, j'était rempli d'aise qu'un Soviétique l'emportât sur un Américain, un Anglais ou même un Français. En 1939, pour un communiste, les choses étaient toutes simples. Les pays capitalistes avaient voulu entraîner l'URSS dans un guet-apens, et l'URSS, à temps, avait retourné contre eux leurs propres armes. Si l'intérêt supérieur de l'Union Soviétique exigeait qu'elle traite avec l'Allemagne fasciste, en quoi cela pouvait-il me gêner ?..." Auguste poursuit donc la diffusion de "l'Enchaîné", le journal communiste du Nord, et participe à des réunions pour la défense du pacte. C'est pourquoi, lorsqu'il fut mobilisé, il se retrouva dans une "prison départementale militaire", gardé par des gendarmes débonnaires, jusqu'au mois de janvier. Ensuite, il fut affecté dans une compagnie qui tenait position sur la ligne Maginot.

            Malgré le petit nombre de défections au sein de l'appareil, le Parti, dans son ensemble, était complètement désorganisé. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il semble bien que l'hypothèse de la mobilisation n'ait pas été envisagée dans la mise en place de l'appareil clandestin. C'était, on se souvient, une condition de l'adhésion à l'Internationale, de maintenir en place un appareil clandestin avec des planques, des caches de rechange, des imprimeries. Ainsi, même si le Parti pouvait mener une vie légale, ce qui était le cas avant septembre 39, il devait pouvoir supporter l'instauration d'une dictature de type fasciste ou plonger de lui-même dans l'action illégale. Mais la plupart des responsables étaient des hommes jeunes qui s'en allèrent peupler les casemates de la ligne Maginot. La conjonction de la mobilisation et de la dissolution du Parti provoqua cette désorganisation que  la mise sur pied d'un appareil clandestin avait précisément pour vocation d'éviter.

            Il faut également dire quelques mots de l'affaire Gitton. Gitton était secrétaire à l'organisation, et à ce titre, partiellement responsable de l'appareil clandestin. Mais Gitton fait défection et se présente à un commissariat de police. Le 12 septembre, Duclos informe Tillon que Gitton était un indicateur de Police. Léon Blum  en avait discrètement informé Ceretti  dès 38, mais on avait cru à une intoxication. En fait, une grosse partie de la responsabilité de l'appareil illégal échappait sans doute à Gitton et était déjà confiée à son remplaçant, Maurice Tréand, mais celui-ci est mobilisé, et quand il parvient à se faire réformer au mois de novembre, c'est pour s'occuper de l'organisation du groupe de Belgique et des liaisons entre Paris et Bruxelles.

            Pour tout arranger, l'Internationale avait décidé de regrouper l'appareil du Komintern et l'essentiel de la direction française en Belgique. Fried y était déjà installé le 23 août 39, Ceretti  reçut le premier l'ordre de le rejoindre, et par la suite Thorez , Duclos, Ramette et Tréand. Ceretti qui avait fait une première visite à Thorez, en garnison à Chauny, pour le convaincre de déserter, était rentré bredouille. Il s'agissait en effet d'un acte politique d'une portée considérable, et Thorez ne franchit pas le Rubicon ce jour-là. Il fallut qu'un ordre officiel de Dimitrov  lui soit transmis par Mounette  Dutilleul pour qu'il finisse par obtempérer. Voilà comment les choses se sont passées.

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La désertion de Thorez

            Pour Mounette , l'histoire de la désertion de Thorez  commence le 27 septembre au lendemain de la dissolution du parti, à son domicile du 15ème arrondissement où se tient une réunion secrète entre Duclos, Frachon et Marc Dupuy , membre du Comité Central et futur député de la Gironde. Mounette, Marie-Claude Vaillant-Couturier et Gilberte Duclos sont également présentes dans l'appartement mais ne participent pas à la réunion, elles sont aux prises avec un magnifique poulet que Dupuy a apporté de sa province.

            A l'issue de la réunion, Mounette  est chargée de remettre un message à Fried . Elle est à Bruxelles le 29 septembre, et Fried lui demande d'apprendre par coeur un message de 20 lignes qu'il vient de recevoir, crypté, de Moscou. C'est la ligne officielle qu'il conviendra désormais de suivre. "Cette guerre est une guerre impérialiste avec laquelle nous n'avons rien à faire..." Mounette communique le message le lendemain à Duclos et Frachon, et le soir même, Arthur  Dallidet lui confie la mission de transmettre le message à Thorez . Le 2 octobre, elle arrive à Chauny, en compagnie de Jeannette Vermersch , dans une 11CV conduite par Pelayo . Ils parviennent à trouver le logement "en ville" que Maurice Thorez occupait en qualité de  chauffeur du capitaine, et Mounette lui débite son message. Thorez, raconte-t-elle ne la laisse même pas terminer et lui demande "Qu'en pensent Jacques et Benoît ?" Elle lui répond "Qu'il est temps que tu reprennes ta place à la direction du parti." Et Thorez décida de partir sur le champ. Les filières de passage de la frontière belge étaient parfaitement rodées, un diplomate Chilien fut mis à contribution. Maurice, Jeannette et leur fils de trois ans voyagèrent séparément, mais se retrouvèrent quelques jours plus tard.

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L'organisation du Parti fin 39

            Quel est le fumeux stratège de l'IC qui a eu l'idée de couper le parti, aux prises aux pires difficultés, de la plus grosse partie de sa direction, regroupée en Belgique ? Certes, la frontière franco-belge n'est pas la grande muraille de Chine, et il y a assez de militants parmi les frontaliers, y compris parmi les douaniers pour établir des liaisons entre le centre de Bruxelles et le centre de Paris, mais une frontière reste une frontière, surtout en temps de guerre. Ainsi, le 8 Octobre, Frachon est convoqué pour une réunion à Bruxelles. Il part avec Mounette  et un autre camarade, Montel .

Témoignage de Mounette Dutilleul

            "Arrivés à Lille, on rencontre Martha Desrumeaux  et puis les deux petites institutrices, Paule et Marie-Elisa Nordman  ainsi que le vieux père Colette, qui habitait sur la frontière et qui était cousin de presque tous les douaniers de la région. Par lui, c'était donc très facile de connaître toutes les heures de ronde. Il y avait quand même pas mal de monde bien disposé à nous laisser passer sans trop nous voir.

            Le père Colette, donc, nous dit: "A minuit, on ferme toutes les frontières, il y aura un renforcement de toutes les gardes, on va mettre des gardes mobiles et des militaires, au total, quatre cordons à passer". Autrement dit, comme nous étions arrivés très tôt le matin, c'était facile de passer dans un sens, mais le retour après la réunion, donc, tard le soir, s'annonçait beaucoup plus problématique.

            Frachon n'a rien dit, il a beaucoup fumé. On était dans une telle tabagie qu'on ne le voyait presque plus. Les deux institutrices ne disaient rien, Martha était contre le passage en disant "tu ne reviendra pas" et Benoît ne disait rien. C'est au dernier moment, sans s'adresser même aux autres, qu'il m'a dit: "Tu vas passer, toi, et voilà ce que tu leur diras... Mais moi, je ne passe pas, car ma place est ici. C'est en France qu'on va demander aux ouvriers, ils ont déjà tant donné, et on va leur demander encore plus, ma place est là, je reste. Les camarades comprendront! tu leur expliqueras!"

            Et les camarades ont compris. Maurice a fait une lettre que j'ai rapportée à Benoît le soir même, où il disait, entre autres "Fais attention au Parti comme à la prunelle de tes yeux". Clément (Fried ) avait approuvé tout de suite. Il avait même dit cette phrase qui m'avait frappée "C'est un chef !".

            Benoît ne parlait pas, il avait dit ce que je devais répéter, et c'est tout. Il se décidait brutalement, mais ce n'était pas sur un coup de tête. Je n'ai jamais connu de coup de tête avec Benoît. Il a toujours été très calculé. Il donnait d'ailleurs l'impression d'être à la fois un ouvrier et un paysan, parce qu'il avait les pieds sur terre."

            Les dirigeants qui ne sont pas mobilisés par l'armée et que l'IC ne transfère pas à Bruxelles sont envoyés dans les différentes régions. Ainsi, Tillon sera responsable Régional à Bordeaux, Monmousseau à Marseille et Havez en Bretagne.

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Les débuts de la répression

            A Paris, le Parti maintient une activité minimum: distributions de tracts, parution épisodique de l'Humanité clandestine. C'est à Florimond Bonte  que revient le redoutable honneur de défendre la ligne du Komintern devant l'assemblée des députés. Son immunité parlementaire n'est pas encore levée, mais son arrivée dans l'hémicycle provoque une tempête. Il n'a pas même le temps de sortir son texte, préparé par Frachon et Monmousseau, que le président Herriot  ordonne aux huissiers de l'expulser. 317 municipalités contrôlées par le PC sont dissoutes, et 2800 élus déchus de leur mandats. Au total, il y aura plusieurs milliers d'arrestations. La répression s'est installée jusque dans la CGT, réunifiée depuis 1936, mais toujours tenue en main par Jouhaux . Dès le 18 septembre, le bureau confédéral excluait de la CGT tous ses membres qui ne souscriraient pas à sa condamnation du pacte. Dans de nombreux syndicats de base, les communistes étaient majoritaires, ils seront dissous par le ministre de l'Intérieur, 620, au total.

            Le 25 août, au lendemain de la nouvelle du pacte, interrogé par Damien, le concierge de la rue Le Pelletier siège du Parti, Tillon lui avait confié: "ça va être la guerre, peut-être mondiale! Les Munichois l'ont voulue contre l'URSS qui n'en veut pas pour elle. Je suis sûr qu'en définitive, le régime des Munichois s'y perdra. Mais nous, en attendant, on va drôlement payer."

            Le Parti n'en avait pas fini de payer.

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