Accueil site EdC          

L'Affaire Paxton (2007) L'auteur, contact

Le soupçon

40000 soldats en France ?

Les Chiffres du STO

Déportation des Juifs

L'entêtement

Robert Aron: le vrai et le fabriqué

Conclusion

Annexe: 

Les effectifs allemands en France.

Liens

Télécharger (pdf)

"L'affaire Paxton"

Service Après vente (Après 2007)
 (2007)
L'Affaire Paxton

Avril 2009

La déposition de Paxton au procés Papon et les commentaires EdC

Avril 2010

Commentaires sur ces pages, 3 ans après

Août 2011

Le point sur les Landesschützen, Loïc Bonal

Novembre 2011
A propos de l'article de Paxton et Lieb:
Il faut sauver le soldat Paxton

 Les chiffres du STO

1   Quels sont les chiffres et que disent-ils ?

2    Les chiffres du STO selon Paxton

3    Conclusion sur les chiffres du  STO

Comme chacun le sait, le STO (Service du Travail Obligatoire) tient une place importante dans l'histoire de Vichy, l'histoire des relations franco-allemandes et l'histoire de la Résistance. A partir de la fin de 1942, quelque 600000 travailleurs français iront rejoindre en Allemagne, au titre du STO, les prisonniers de guerre et les travailleurs volontaires.

   Quels sont les chiffres et que disent-ils ?

Les Réfèrences indiquées "Durand" renvoient à Yves Durand, "Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale", Editions Complexes, 1997

 Prisonniers de guerre pendant la seconde guerre mondiale (Durand, p.619)

Polonais

900000

dont 695000 aux mains des Allemands

Français

1800000

 

Belges

215000

restés dans les camps fin 40, après libération des Flamands

Grecs

50000

 

Soviétiques

5000000

 

Italiens

1336000

dont Internati: 350000

Hongrois

130000

 

Roumains

100000

 

Britanniques

130000

 

 

Travailleurs étrangers dans le Reich - d'après Ulrich Herbert - (Durand, p.636)

 

Population

1939

(Millions)

Sept 41

 1941

en %

Nov 1942

Déc 1943

Sept 44

 1944

en %

Polonais

34.7

1007561

47.1%

 

 

1701412

18.5%

Soviétiques

170.4

 

 

1612000

 

2174644

36.4%

Yougoslaves

 

108791

5.1%

 

 

324954

 

Tchèques

 

 

 

193000

 

 

 

Slovaques

 

 

 

 

 

37550

 

Hongrois

9.2

34990

1.6%

 

 

 

 

Italiens

43.1

271667

12.7%

 

 

287347

4.8%

Danois

3.8

28891

1.3%

 

 

 

 

Hollandais

8.7

92995

4.3%

153764

274368

254544

4.3%

Belges

8.3

121506

5.6%

130989

222851

199437

3.4%

Français

41.3

48567

2.3%

134518

666610

646421

10.8%

 En survolant ces tableaux, on peut d"abord  faire quelques observations très simples:

Les prisonniers de guerre ne sont pas décomptés dans le tableau des travailleurs étrangers d'Ulrich Herbert. Pour les Français, les Soviétiques et les Italiens, le nombre de prisonniers de guerre est toujours beaucoup plus important que celui des autres travailleurs.

Concernant les travailleurs étrangers, ce sont d'abord les Polonais qui ont été déplacés massivement au début de la guerre, puis les soviétiques à partir de 1941, ce qui est dans la logique de la politique nazie visant à mettre en esclavage les populations slaves. La déportation des travailleurs occidentaux ne devient substantielle qu'à partir de 1943. Par rapport à la population, les plus représentés sont les Hollandais, les Belges et les Français, c'est-à-dire, la configuration inversée des prisonniers de guerre.

En résumé, ce qui domine la configuration des travailleurs étrangers en Allemagne, c'est le contingent de prisonniers de guerre initial, celui que les nazis ont bien voulu libérer, en gros, selon le critère de leur germanité et la détermination à asservir les populations. Prendre le chiffre des travailleurs déplacés comme indicateur de l'efficacité d'une politique de collaboration devient de ce fait un exercice extrêmement scabreux

 

Haut

2      Les chiffres du STO selon Paxton

Paxton fait intervenir le STO comme indicateur pour mesurer l'effet "Bouclier" revendiqué par Pétain: Si le régime de Vichy avait vraiment eu un effet de bouclier, le prélèvement forcé de travailleurs devrait être moindre en France comparée à d'autres pays. En fait, Paxton récuse la comparaison avec la Pologne et se limite aux pays occidentaux.

 

Paxton Commentaires

Paxton,  France de Vichy, p.424

 

"…Un calcul très simple montre d'ailleurs que  proportionnellement, la réquisition de main d'œuvre a été aussi lourde en France qu'en Belgique et un peu plus qu'en Hollande. Le total des ouvriers travaillant en Allemagne, y compris les prisonniers de guerre, représentait environ 3,3% de la population en France, à peu près 3,4% en Belgique et 3% aux Pays-Bas. Vichy n'a joui d'aucun répit réel , ni dans une zone ni dans l'autre."

 

Paxton, , France de Vichy, p.14 (Avant-Propos)

"…rares sont les cas où Vichy aura réussi, (voire essayé), d'obtenir pour la France un traitement meilleur en se réclamant de l'armistice. Ainsi, de tous les pays occidentaux occupés, c'est la France qui fournira aux usines allemandes le plus grand nombre d'ouvriers."

Différentes comparaisons sont possibles: Le chiffres des travailleurs déplacés, hors prisonniers de guerre ou bien le chiffre des ouvriers en Allemagne, prisonniers et autres travailleurs combinés.  En additionnant les prisonniers de guerre aux travailleurs déplacés Paxton obtient un chiffre qui semble favorable  à la thèse qu'il défend.

 

En 1997,  Paxton revendique toujours cette comparaison. En fait, il ne précise pas vraiment de quoi il parle. Il ne précise pas non plus comment dans le tiercé Belgique-France-Hollande, la France a glissé de la deuxième à la première place.

 

Ce qui rend complètement tendancieuse l'utilisation de cette comparaison dans l'évaluation de la collaboration, c'est le poids des prisonniers de guerre dont l'état initial au moins en 1940 n'a rien à voir avec la collaboration.

 

Préface de Stanley Hoffmann, France de Vichy, p.43-44 

"…Un régime dont les défenseurs affirment qu'il a épargné à la France les horreurs de la "polonisation" n'a finalement ni assuré à la nation un niveau de vie ou d'inflation meilleur que celui des autres états occupés d'Europe occidentale (le vrai cadre de référence, comme le souligne Paxton), ni évité en 1943, des déportations d'ouvriers pires que celles - justement -qui sévissaient en Pologne…"

 

Cet extrait de la préface de Stanley Hoffmann est là comme exemple de la complaisance d'autres historiens avec les manipulations de chiffres spécieuses pratiquées par Paxton.

Commentaire

Que la comparaison avec les autres pays occidentaux est le "vrai" cadre de référence est une vérité assénée en force - j'y reviendrai. Pourquoi parler ensuite de la Pologne pour sortir un argument des plus spécieux: Les déportations en 1943 sont plus importantes en France qu'en Pologne ?  En fait, après avoir déporté tout ce qu'il pouvaient en Pologne, les nazis se tournent vers les pays occidentaux, et il y a fin 43 beaucoup plus de travailleurs déportés polonais que français. 

Paxton,  France de Vichy, p.364

 "…Enfin, en février 1943, ce sont des classes d'age entières qui seront soumises au STO. Après le retour de Laval au pouvoir, la France devient donc, la Pologne mise à part, le plus large réservoir de main-d'œuvre étrangère du Reich, et elle est, de tous les pays occupés, celui qui fournit le plus grand nombre d'ouvriers qualifiés.

Une note renvoie à Homze, Milward et Herbert.

Commentaire

La note qui renvoie à Homze, Milward et Herbert parait des plus savantes, alors que la l'assertion qu'il s'agit de justifier est une porte ouverte. Que la France dont la population est cinq fois plus nombreuse que la Belgique ou la Hollande fournisse un plus grand nombre d'ouvriers qualifiés, n'est pas une surprise.

 

 

Paxton, France de Vichy, p.421

 "En novembre 1943,  avec ses 1 344 000 travailleurs besognant en Allemagne, elle (la France) distançait de peu l'Union Soviétique et la Pologne, mais venait loin derrière elles, en troisième place néanmoins, avec ses 44 000 ouvrières. En outre, le 5 janvier 1944, Sauckel fit savoir qu'il prévoyait de réquisitionner encore un million de Français. Le Reich n'épargna vraiment pas Vichy en l'occurrence."  

Citation Homze, p.195

Commentaire

Pour obtenir un chiffre qui semble apporter de l'eau a son moulin, encore qu'il s'agisse d'une comparaison avec des pays de l'Est dont il conteste par ailleurs la pertinence, Paxton commence par sortir les femmes de ses statistiques. Ensuite il ne peut obtenir ce classement que s'il additionne pour les Français les prisonniers et les autres travailleurs, mais qu'il ne le fasse pas pour les Polonais.

Le Reich a-t-il été aussi sauvage avec la France qu'avec l'URSS ? Il ne reste pas beaucoup d'hommes en état de travailler dans les camps de prisonniers soviétiques parce que les nazis les avaient tout simplement laisser crever de faim. 

 

Haut

 

3      Conclusion sur les chiffres du  STO

La première faute de Paxton est de postuler avec acharnement que la comparaison avec les autres pays occidentaux est a-priori pertinente. Je ne veux pas dire que la comparaison avec la Pologne soit plus pertinente, mais le fait que d'une façon générale, les nazis n'aient pas fait preuve, à l'ouest, de la même sauvagerie qu'à l'est n'implique pas qu'ils aient considéré à l'identique tous les pays occidentaux.

 

Heureusement, sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, les autres historiens ne suivent pas Paxton comme Stanley Hoffmann dans son introduction. Philippe Burrin note sans ambages que "la France formait une catégorie à elle seule, ne serait-ce que parce qu'elle était ou avait été une grande puissance, la seule à être vaincue et occupée par l'Allemagne nazie" (Vichy et les expériences étrangères, dans Vichy et les Français, Fayard", 1992). Parmi les autres catégories de pays occupés que définit Burrin, il y a les pays slaves de l'est européen, dont les populations sont destinées à être réduites "au statut d'ilotes analphabètes et dénationalisées", les pays du Nord-Ouest européen (Norvège, Danemark, Pays-Bas), supposés germaniques et plus ou moins destinés à être absorbés au grand Reich,

 

Très concrètement le statut germanique de ces pays se traduit par la libération des prisonniers, ou par l'absence de prisonniers, au Danemark, sans aucune contrepartie négociée. La libération des prisonniers est également appliquée à l'Alsace rattachée autoritairement au Reich. Il n'y a que la moitié wallonne de la Belgique qui puisse être rangée dans la même catégorie que la France.

 

La deuxième faute de Paxton réside dans la contradiction qu'il y a à  postuler à la fois que la politique de Vichy a une marge de manœuvre, c'est-à-dire qu'elle n'était pas complètement déterminée par le Diktat allemand, mais qu'en aucun cas la politique de collaboration menée par Vichy n'ait pu adoucir les conditions de vie des Français.

 

Dans le cas du STO, en particulier, il est légitime de se demander si ce n'est pas l'action de Laval et Bichelonne qui aboutit à la révision à la baisse des prétentions allemandes en matière de STO au profit d'une production sur le sol français. Sans doute l'Allemagne y est elle gagnante, mais, ce n'est peut-être pas glorieux, les Français qui ne partent pas le sont aussi. Au lieu de traiter la question, comme le fait par exemple Rousso (voir ci-dessous), Paxton manipule des chiffres pour faire semblant de démontrer la thèse qu'il avance: La collaboration n'a pas pu être avantageuse pour les Français.

 

"… Entre 1942 et 1944, Sauckel va exiger près de 2 000 000 travailleurs français. Le gouvernement de Laval, soumis à d'énormes pressions, accepte, dans la logique de la collaboration d'état, de couvrir par des lois françaises (dont celles du STO) les exigences de Sauckel. Au total, ce sont 670 000 travailleurs qui vont partir de force, s'ajoutant aux 70 000 volontaires, et surtout aux 1,5 million de prisonniers de guerre "transformés", soit plus de 90% des captifs qui sont utilisés comme agriculteurs, manœuvres, ouvriers etc. Cette politique ne fut tempérée que par le conflit opposant Sauckel et Speer, ce dernier étant partisan d'exploiter cette main-d'œuvre en France même… D'où la création après des accords avec Jean Bichelonne, ministre de la Production industrielle, en septembre 1943, d'une nouvelle catégorie d'entreprises protégées (Les Sperrbetriebe ou entreprises «S»)" (Henry Rousso, L'économie: pénurie et modernisation, in "La France des années noires", T1, le Seuil collection Points p.470)

 

 

 

Précédent   Suite

Haut