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Robert Aron, premier rôle de la "révolution paxtonienne"

Robert Aron: le fabriqué ou l'authentique    

2 Aron selon le Paxton de 1972

3 Aron selon Rousso, 1987

4 Aron selon Azéma, 1990

5 Aron selon le Paxton de 1997

6 Aron selon Aron, 1954 

1      Robert Aron: le fabriqué ou l'authentique ?

A ce stade, je dois bien insister sur le fait que je n'ai aucun compte personnel à régler avec Paxton. Il a fait son boulot d'historien, d'aller dépouiller des archives et de mettre le résultat de ses recherches à disposition du public. Le jeune historien étranger est parvenu à s'imposer dans un domaine où une excellente connaissance de l'histoire politique française est requise, où l'immense majorité des chercheurs est francophone. Il ne peut être médiocre.

 

Il n'y avait donc aucune évidence pour moi à éplucher un livre de 1972, à me lancer dans la paxtonoloie, en quelque sorte, si au fil des ans la France de Vichy du Paxton de 1972 n'avait été désignée par les historiens les plus en vue dans le domaine concerné, comme le point de départ d'une "Révolution paxtonienne". Par exemple, Vichy 1940-1944, écrit conjointement par Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, réédité en 2004 dans une collection de poche.

"Les années cinquante sont marquées par l'influence conjointe de deux essayistes de renom, André Siegfried et Robert Aron… de l'ouvrage du premier, de la IIIe à la IVe République (1948), on a surtout retenu la formule classique: «Il y a donc un Vichy de Pétain et un Vichy de Laval». C'est ce qu'a repris, en l'étoffant Robert Aron dans son Histoire de Vichy (1944) qui connut un grand succès jusqu'à la fin des années soixante-dix. Deux thèses implicites s'y superposent: la première affirme que Pétain est parvenu à se jouer de Hitler, notamment en pratiquant un double jeu, et conclut donc que le Maréchal a servi de bouclier aux Français; la seconde affirme que Laval a été entravée par l'action de Laval, homme de paille du Reich…[Il est ensuite fait mention de Eberhard Jäckel]

Cette réécriture de la collaboration était effectuée aussi méthodiquement par Robert Paxton; et son livre majeur, La France de Vichy (1973), allait faire date, à la fois parce qu'il montrait ce qui liait la politique de collaboration et la Révolution nationale qui partait d'une même logique qui partait de la conclusion de l'armistice et parce qu'il soulignait fortement la spécificité du Régime et en conséquence les responsabilités qui lui incombaient. "

   

Commençons d'abord par régler un point de détail: Qui est l'inventeur de la "Révolution paxtonienne" ? C'est tout simplement son préfacier de l'édition française, Stanley Hofmann qui fait état, dés 1973 d'un Paxton révolutionnaire 

Préface de la France de Vichy, p.41-44

 "Sur deux points capitaux, l'apport de Paxton est révolutionnaire. D'abord, la thèse: Il n'y a eu ni double jeu, ni passivité (ni a fortiori demi-résistance) d'un Vichy attentiste; il y a une constante et illusoire politique de collaboration… Pour justifier cette politique-là, il faut aussi faire abstraction des résultats. Et c'est là que le bilan dressé par Paxton est particulièrement accablant… Le «bouclier» de Vichy fut plutôt une haire, ou la tunique de Nessus… Un régime dont les défenseurs affirme qu'il a épargné à la France les horreurs de la «polonisation» n'a finalement ni assuré à la nation un niveau de vie ou d'inflation meilleurs que celui des autres Etats occupés de l'Europe occidentale, (le vrai cadre de référence, comme le souligne Paxton), ni évité en 1943 des déportations d'ouvriers pires que celles - justement - qui sévissaient en Pologne…"

 

Ce n'est que plus tard que l'on va faire de Robert Aron, le négatif de la "Révolution paxtonienne". On comprend bien que s'il y a révolution, il faut bien désigner ce qui la précédait. Depuis au moins 1987 (Henry Rousso, le syndrome de Vichy), de très nombreux développements historiographiques donnent la même vision d'une pensée historique qui aurait été dominée par Aron jusqu'à l'irruption de Paxton en 1973. Paxton lui-même reprend complètement à son compte cette vision historiographique dans son avant-propos de 1997. Je reviendrai sur cet avant-propos où Paxton présente sa France de Vichy de 1972 comme une remise en cause des "Thèses aroniennes"

 

Alors, j'ai parcouru l'Histoire de Vichy de Robert Aron et je n'y ai pas vu exactement la même chose que ce qu'en rapportaient Rousso, Azéma ou  Paxton. Absent dans la France de Vichy de 1972, Robert devient omniprésent dans l'avant-propos de 1997. Ceci mérite quelque attention.

 

2     Aron selon le Paxton, 1972

Dans la première édition de la France de Vichy, en 1972, le nom de Robert Aron n'est cité qu'une seule fois, pour une contestation somme toute assez mesurée. C'est dans le dernier chapitre "Bilan: héritage de Vichy" que Paxton aborde la question "Vichy a-t-il évité le pire ?". Il présente d'abord la théorie du Bouclier qui a servi à Pétain d'argumentaire de défense à partir d'août 1944.

 

La France de Vichy, p.413 

"En dépit de ses origines partisanes, la théorie des avantages matériels est très largement acceptée. Robert Aron qui essaie de mettre raisonnablement en balance le pour et le contre à l'aide des dossiers en procès, la seule source disponible en 1954, fait valoir que statistiquement parlant la vie était plus facile en France que dans les autres pays européens. Les reproches qu'encourt Vichy sont d'ordre moral et non matériel. "

 

De cette quasi-absence de Robert Aron dans le texte de 1972, je ne tire évidemment aucune conclusion définitive. Peut-être Paxton pense-t-il déjà que ses thèses sont radicalement contraires à celles d'Aron, mais, jeune historien étranger, il s'abstient d'attaquer de front le vieil intellectuel français et il se contente de l'ignorer.

 

4. Aron selon Rousso, 1987

    En 1987, Henry Rousso est un jeune historien prometteur qui n'est encore connu que pour son premier ouvrage Un Château en Allemagne. Sigmaringen, 1944-1945, (Ramsay, 1980). Le syndrome de Vichy, (Le Seuil) le consacrera comme historiographe de Vichy.

Le syndrome de Vichy, (Le Seuil) deuxième édition (1990,  coll. Points Histoire), p.83

" Robert Aron développera dans son Histoire de Vichy, la thèse du «bouclier» et de l'«épée», variante de la théorie des «deux cordes»  "

   

p.281-282

" Son Histoire de Vichy, écrite avec Georgette Elgey, s'est fondée avant tout sur une grande quantité de témoignages et sur les comptes rendus des procès de Haute Cour, inaccessibles au commun des chercheurs. Robert Aron a d'ailleurs abondamment utilisé, pour tous ses ouvrages, une documentation inédite, fournie par des personnalités du monde politique avec lesquelles il entretenait d'excellentes relations: ses archives regorgent ainsi de documents ou de récits que l'on ne trouve pas en d'autres lieux plus officiels.. Mais ses sources ont toujours le défaut majeur de leur qualité d'«inédit» : elles ont été longtemps incontrôlables, faute d'appareil scientifique dans ses livres, faute pour d'autres d'y avoir accès.

Enorme synthèse de plus de 700 pages, l'Histoire de Vichy décrit, presque au jour le jour, l'évolution de l'Etat français. D'où son caractère de référence pendant une période de plus de quinze ans. Ecrite dans un contexte encore peu propice à la distance académique et prenant à contre-courant l'hostilité dominante, imprégné par la vision des témoins, essentiellement d'anciens ministres ou proches du gouvernement, elle a proposé une version «minimaliste» du régime et de sa politique.

Sa thèse se résume en une position simple : il existe deux Vichy, celui de Pétain et celui de Laval. Par exemple, sur un point essentiel, les entrevues de Montoire des 22 et 24 octobre 1940, loin d'y voir le point de départ de la collaboration d'Etat (un fait admis aujourd'hui par la plupart des historiens, et confirmé par les archives de Vichy), il distingue soigneusement le chef de l'Etat du chef de gouvernement: "Pour le Maréchal, l'armistice n'était, ne pouvait être qu'une pause…… Pour Laval, au contraire, l'armistice devait permettre un retournement des alliances dont Montoire, de façon définitive allait marquer le début…(p.308-309)"

 

De ce point de vue, la collaboration n'est qu'un «malentendu». «Equivoque», le régime l'est plus dans ses déclarations officielles que dans les faits - «Mais les Français ne pouvaient pas le savoir». Robert Aron insistant sur les «négociations clandestines» avec les Alliés, a développé, à l'envie, la thèse du double-jeu. Au passif du régime, il admet, toutefois, , des erreurs de jugement, en particulier sur l'opportunité d'une refonte de la société française en un tel moment. Il sous-estime, en ce sens, l'impact de la Révolution nationale et sa volonté de s'inscrire dans la durée, c'est-à-dire, dans le cadre d'une Europe allemande. "

   

    Je (EdC) suis tout à fait d'accord sur le défaut majeur signalé: Les sources sont incontrôlables. J'expliquerai un peu plus loin que je n'ai pas retrouvé dans la lecture d'Aron que " Sa thèse se résume en une position simple : il existe deux Vichy, celui de Pétain et celui de Laval.". Je n'ai pas vu non plus l'insistance de Robert Aron sur les «négociations clandestines» avec les Alliés, et le développement, à l'envie, la thèse du double-jeu.

5      Aron selon Azéma, 1990

En 1990, se tient un colloque "Le Régime de Vichy et les Français" à l'initiative de l'Institut d'Histoire du Temps Présent (IHTP). Azéma est alors un historien de 53 ans, dont l'ouvrage " De Munich à la Libération : 1938-1944", paru en collection de poche en 1979, est devenu une sorte de bible pour l'histoire de France pour la période considérée. C'est à lui qu'il revient de traiter l'historiographie du Régime de Vichy. Sa communication est intitulée "Vichy et la mémoire savante: quarante-cinq ans d'historiographie". Les actes du colloque seront publiés en 1992 sous le titre "Vichy et les Français"

 

Voici comment Azéma situe Robert Aron 

Vichy et la mémoire savante... dans Vichy et les Français, p.26-27

"D'abord, le livre se veut «un récit». Ensuite, il affiche le parti pris de ne défendre aucune thèse et de formuler des critiques tous azimuts… Ajoutons que Aron entend tout étudier : le régime de Vichy et - surtout- les relations franco-allemandes. Il se réclame enfin d'une objectivité scientifique et ne manque pas de se référer à des «documents inédits»… Il convient, à cet égard de remarquer que l'auteur se contente presque toujours, au mieux, de citer sa source, sans fournir de référence précise. Ce qui fait que son récit s'apparente souvent au devoir d'un mauvais khâgneux qui juxtaposerait des citations sorties de leur contexte à l'appui d'un discours préétabli. Car les thèses, sans être explicitement formulées, sont bien sous-jacentes. Première affirmation : Les responsables de Vichy se sont conduits honorablement contre Hitler, et Vichy a donc bien fonctionné comme un "bouclier". Et tout un argumentaire se met en place: Pétain sait esquiver une collaboration recherchée par Hitler, il ne rompt jamais avec la Grande-Bretagne, envoie Rougier à Londres, approuve la sécession de Darlan en novembre 1942, etc… Darlan reçoit sa part de compliments, mais beaucoup plus rarement Laval (qui est tout de même comparé à Pénélope dans la partie de bras de fer qui l'oppose à Sauckel). Et le lecteur repère aisément la deuxième thèse implicite, celle qui oppose au Vichy de Laval un bon Vichy, dont, il est vrai, rien n'est dit ou presque de la politique d'exclusion et de répression…

…Ce qui ébranla, puis mit à mal la crédibilité des thèses aroniennes dans le milieu universitaire fut l'exploitation - capitale – des archives allemandes et américaines, qui obligeait à récrire l'histoire des années noires, notamment les avatars de la collaboration d'Etat"

  

Et plus loin, p.36, ce jugement définitif

Vichy et la mémoire savante... dans Vichy et les Français, p.36

"Revenons sur la collaboration d'Etat qui avait fait couler tellement d'encre. Si l'on croise les analyses de Jäckel, Paxton et Duroselle,, il n'y a plus rien à attendre de révolutionnaire, et les thèmes aroniens (le Verdun diplomatique, le double-jeu et la semi-résistance des excellences vichyssoises) sont à ranger au placard des accessoires définitivement inutiles de l'Histoire."

 

Le lecteur tardif d'Aron que j'ai été n'a pas repéré les mêmes thèses implicites qu'Azéma et  reste un peu interloqué par la violence avec laquelle l'historien de 1990 s'en prend à l'essayiste mort quinze ans plus tôt. Il se demande ce qui a retenu Azéma de traiter Aron de hyène dactylographique.

 

6      Aron selon le Paxton de 1997

En 1997, une réédition de la France de Vichy de 1973 est précédée, comme il se doit d'un avant-propos de l'auteur qui a ainsi l'occasion de prendre de la distance par rapport à un ouvrage qui a plus ou moins vieilli. Paxton averti le lecteur qu'il n'a pratiquement pas modifié un texte "qui appartient à l'historiographie de son époque" avant de se laisser aller à de légères autocritiques. L'avant-propos de 30 pages reflète donc la pensée de Paxton en 1997.

 

Alors que dans le nom d'Aron n'était cité qu'une seule fois, et avec indulgence, dans le livre de 73, pas moins de 11 pages de l'avant-propos de 1997 sont consacrées à l'exposé des thèses aroniennes et à leur réfutation 

Avant-propos de la France de Vichy, 1997, p.8

"Quand je me suis plongé dans les télégrammes…envoyés par Abetz…je me suis aperçu que les  postulats qui soutenaient l'Histoire de Vichy de Robert Aron ne correspondaient pas à ce que j'étais en train de lire…

…Robert Aron s'appuie sur quatre idées centrales, véritables piliers de l'Histoire de Vichy

  • 1. il y a eu de la part des nazis un Diktat sans appel;

  • 2. Vichy s'est voulu le "bouclier" opposé à ce diktat;

  • 3. Entre le régime et les alliés, il y avait un secret "double-jeu"

  • 4. L'opinion française était prête à reprendre le combat au côté des Alliés quand la situation serait mûre, soit derrière De Gaulle, soit (interprétation parallèle à celle d'Aron, mais qui ne la contredit pas) derrière la Résistance communiste "

 

    Pour les vraies thèses d'Aron on se reportera ci-dessous aux quelques notes que j'ai grapillées, mais ce n'est qu'accessoirement que cette enquête fait le détour par L'Histoire de Vichy, dont je conseille la lecture mais qui ne bébéficie évidemment pas de l'étendue des connaissances accumulées par le travail des historiens après 1954. Ce qui est intéressant, dans cette «réfutation», modèle 1997, des thèses aroniennes, c'est qu'elle représente vraiment ce qu'on peut considérer comme l'aboutissement de la pensée paxtonienne, de la révolutionpaxtonienne, du dogme paxtonien, comme on voudra. 

 

Avant-propos de la France de Vichy, 1997

Les 4 piliers de l'argumentation de Robert Aron 

Le Diktat    Le Bouclier    Le double jeu     L'attentisme de la population

 

Le Diktat

Paxton distingue l'avant et l'après juin 41.

Avant juin 41, la première préoccupation d'Hitler était la guerre à l'ouest, contre l'Angleterre, et pour que l'assaut final se fasse au moindre coût pour l'Allemagne, il importait que la France neutralisée conservât un gouvernement. Citation à l'appui de la confidence d'Hitler à Mussolini, le 18 juin 1940: éviter aux forces d'occupation allemandes les pénibles responsabilités dans le domaine administratif.

Après juin 41, c'est la guerre à l'Est qui devient l'objectif principal, et il devient vital d'arracher à l'Europe occupée et à la France en particulier, des ressources aussi importantes que possible.

Entre les 2 périodes, un point n'a pas changé:Hitler souhaite que l'occupation de la France se fasse avec le moins de soldats possible:

Avant-propos, p.10-12

"…La plupart des Allemands en état de combattre et qui restaient sur le sol français furent envoyées sur le front russe à l'été 1941, ne laissant derrière eux que 60 bataillons de Landesschütz (30000 à 40000 hommes trop âgés pour le front (ref Bernd Kasten, puis Rita Thalmann)… Aucune évaluation raisonnable du Diktat nazi ne saurait passer sous silence la relative faiblesse des troupes d'occupation.

Aujourd'hui, notre jugement sur la réalité du Diktat allemand est beaucoup plus nuancé qu'à l'époque où écrivait Robert Aron. La modération des objectifs initiaux de Hitler sur le sort à réserver à la France, son dédain permanent pour toutes les offres de collaboration venues de Vichy et l'exploitation accrue des ressources du pays qu'il ordonne à partir de 1942, tout cela était connu lors de la parution du présent livre grâce à l'indispensable ouvrage de référence d'Eberahrt Jäckel"

 

Comprenne qui pourra . En ce qui me concerne, j'ai lu et relu maintes fois ces considérations sur le Diktat et j'avoue n'avoir pas compris ce que Robert Aron était censé avoir écrit sur le sujet et par conséquent ce que Paxton voulait démontrer avec ce fameux chiffre de 40000 qui est à l'origine de cette enquête (Voir 40 000 soldats allemands ?).

Le Bouclier

Après avoir noté que c'est Pétain qui parle de «Bouclier»  pour la première fois en août 1944, et que par la suite cette métaphore sera utilisée pour sa propre défense, face à la Haute Cour de justice, et par ses partisans ensuite pour justifier son action, Paxton conteste en ces termes la thèse du bouclier:

Avant-propos, p.12-14  

     " Pour autant, l'image du bouclier n'est pas celle qui s'impose quand on considère la tactique de Vichy face à l'occupant…

       …Il suffit de comparer les concessions que Vichy a été capable d'arracher à l'Allemagne au sort d'autres pays de l'Europe de l'Ouest dont les gouvernements étaient partis à l'étranger: rares sont les cas où Vichy aura réussi (voire essayé) d'obtenir pour la France un traitement meilleur en se réclamant de l'armistice. Ainsi, de tous les pays occidentaux occupés c'est la France qui fournira aux usines allemandes le plus grand nombre d'ouvriers (voir ci-dessous, p.421)

Et, à la page 421 (publié, par conséquent, en 1972)

"La France fut en fait, de tous les pays occupés à l'Ouest comme à l'Est en 1943, celui qui fournit le plus grand nombre d'ouvriers pour les usines allemandes… En novembre 1943, avec des 1 344 000 travailleurs besognant en Allemagne, elle distançait de peu l'Union Soviétique et la Pologne, mais venait très loin derrière elles, en troisième place néanmoins, avec ses 44 000 ouvrières. En outre, le 5 janvier 1944, Sauckel fit savoir qu'il prévoyait de réquisitionner encore un million de Français. Le Reich n'épargna pas Vichy, en l'occurrence."

 

 

Voir le commentaire sur ces chiffres du STO

 

  Le double-jeu

Avant-propos, p.14-16         

"… A la Libération, plusieurs dignitaires de Vichy entreprirent de révéler leurs négociations clandestines avec les Anglais et les Américains, ce que la clôture des archives empêchait alors de vérifier (référence Louis Rougier, Mission secrète à Londres). Robert Aron fait grand cas de ces histoires, qui renforçaient sa thèse d'un attentisme de Vichy: Le régime n'aurait fait qu'attendre le moment favorable où il pourrait reprendre la guerre en ralliant les Alliés…

         …Mais la thèse du double jeu s'est écroulée devant les révélations des archives …Déjà en 1970, je m'interrogeais sur le sens du voyage à Londres du professeur Louis Rougier… de nouvelles recherches ont montré que si Rougier a effectivement eu des contacts à Londres… en revanche, les documents qu'il a publiés à l'appui de ses dires se révélèrent falsifiés.

            Pour que le double-jeu en fût vraiment un les négociations avec l'Angleterre et les Etats-Unis  auraient dû rester ignorées des Allemands. Or ceux-ci étaient parfaitement au courant des importants accords conclu entre Vichy et les Américains pour l'approvisionnement de l'Afrique du Nord en produits de première nécessité… Quant aux contacts avec les Anglais, nous savons maintenant (ce que j'ignorais en 1970), que le gouvernement Flandin avait mis les Allemands au courant des négociations de Madrid au début de 1941… Il n'y a donc pas eu de double jeu."

 

  L'attentisme de la population

Avant-propos, p.16-17 

         "Quant au quatrième pilier de l'argumentation de Robert Aron, l'attentisme de Vichy, à l'unisson d'une population qui penchait plutôt vers les Alliés, il s'appuyait sur l'accord tacite des gaullistes et des communistes, à la Libération, pour laisser entendre que l'opinion publique française s'était rangée dés le début du côté de la Résistance… Mais c'était là occulter les convictions neutralistes de Vichy aussi bien que la "collaboration d'Etat", cette politique délibérée et calculée d'accord avec l'Allemagne au nom de la raison d'Etat bien plus que par sympathie idéologique. (Note: Sur cette distinction, ignorée par Robert Aron, voir  les articles de Paxton et Burrin dans "La France des années noires")"

7      Aron selon Aron, 1954

Je n'ai pas de raison majeure de vouloir réhabiliter Aron. Je conseille de le lire, mais il va de soi que son livre de 1954 est dépassé. Lui-même écrivait explicitement dans sa conclusion (p.736) qu'il était prématuré, en 1954,  de vouloir dresser un bilan de Vichy

 Je veux juste monter qu'on lui fait dire des choses qu'il n'a jamais dites.

 

Robert Aron, Histoire de Vichy, Fayard, 1954

Les "Thèses aroniennes" dans Robert Aron

Attribuée à juste titre à Aron: Version minimaliste et télégrammes secrets 

Attribuées à Aron, en les déformant, 

 La thèse du bouclier et de l'épée    Montoire     Pétain, Laval, Darlan   Le double jeu  

Politique d'exclusion et persécution des Juifs

 

La vraie conclusion de Robert Aron

 

Version minimaliste et télégrammes secrets dans Aron 

Tout n'est pas faux, bien sûr, dans les présentations que font Rousso et Azéma. Lu en 1987, où Vichy a déjà été globalement condamné par les historiens, la version Aron surprend par ses complaisances et ses connivences. Aron a parsemé son récit d'appréciations, surtout en fin de chapitres, et lorsqu'il ne condamne pas, il laisse le bénéfice du doute. Ainsi, en conclusion " La plupart, s'ils se sont trompés, ce dont l'avenir décidera, l'ont fait, en tous cas, de bonne foi et dans la conviction sincère qu'ils servaient la patrie ".En ce sens, on peut parler de version minimaliste.

Concernant les contacts avec les Anglais, il est exact qu'Aron mentionne dans sa conclusion des négociations secrètes et télégrammes clandestins qui atténueraient la version officielle de la politique étrangère. Or, le dépouillement des archives diplomatiques n'a rien révélé de sensationnel en la matière et les historiens ont raison de le dire. Ce n'est pas tant la mission de Rougier qui est en cause, car Aron reste très méfiant vis-à-vis de la narration de Rougier que le télégramme que Pétain aurait envoyé à Darlan pour approuver sa sécession en novembre 1942.

 

 La thèse du bouclier et de l'épée dans Aron

    "Robert Aron développera dans son Histoire de Vichy, la thèse du «bouclier» et de l'«épée», variante de la théorie des «deux cordes»" écrit très légèrement Rousso p.83 . La thèse des deux cordes se réfère à Rémy, gaulliste comme agent de la France Libre, mais pétainiste de cœur, comme tant de traditionalistes.

     La thèse des deux cordes, ou thèse du bouclier et de l'épée, sous-entend que de Gaulle (l'épée) et Pétain (le bouclier) auraient été de connivence pour jouer deux partitions d'une même cœuvre.  Or Aron n'évoque que très rarement de Gaulle sinon au deuxième chapitre lorsque Pétain opte pour l'armistice et de Gaulle pour la poursuite de la guerre. Aron se révèle sans doute pétaino-gaulliste lorsqu'il écrit: "tous deux étaient également nécessaires à la France. Selon le mot que l'on prêtera successivement à Pétain et à de Gaulle «Le Maréchal était le bouclier, le Général l'épée»."

     Ceci étant dit, Aron ne développe aucune thèse sur le sujet. De de Gaulle, il ne sera plus question, et dés la phrase suivante, il dissocie les deux hommes: "Pour l'immédiat, le Maréchal parut avoir raison; pour l'avenir, le général a vu plus juste…"

 

Je vais quand même cîter, pratiquement in extenso, tout ce qui concerne la parallèle entre Pétain et de Gaulle

 

p.23, en conclusion du premier chapitre, "Cangé

"Dans une telle disgrâce, si l'on pouvait un seul instant s'arrêter et méditer ce serait pour s'inquiéter que la France, comme seul recours, n'ait qu'un vieillard chargé de gloire, chargé d'années, qui se souvient encore d'avoir appris son catéchisme par les leçons d'un aumônier, vétéran de la Grande Armée."

 

p.91-94, en conclusion du deuxième chapitre "Bordeaux"

"Pétain et ses ministres  ayant opté pour l'armistice, il importe surtout de préciser et de comprendre les motifs  qui entraînèrent leur détermination:

La raison majeure est la conviction unanime du gouvernement que la victoire allemande est imminente… (L'armistice apporte indéniablement un soulagement presque physique à tous ceux qu'obsède alors le sentiment d'une armée en déroute et d'une population répandue le long des routes. Comparé au sort qu'ont subi d'autres victimes de Hitler, la Tchécoslovaquie, la Pologne, même la Hollande ou la Belgique, celui qu'il assure à notre pays apparaît relativement presque enviable… cela parait suffisant à ce vaincu qu'est la France pour jouer le rôle classique des vaincus grignotant peu à peu la victoire de leurs vainqueurs et assurant peu à peu leur redressement…

… Ainsi les partisans de l'armistice considèrent une paix prochaine et un lent effort de reconstruction française alors que les adversaires de l'armistice supposent, eux, une guerre plus longue, qui, par la victoire apportera un brusque rétablissement de notre pays…

… pour Philippe Pétain, la guerre est finie… Pour Charles de Gaulle, au contraire, la guerre commence seulement… "

 

Suit un développement sur l'honneur vu par respectivement De Gaulle et Pétain.

"… De ces honneurs, il se peut que l'un soit plus instinctif, plus spontané. L'autre existe, sur un mode sans doute moins éclatant, mais il est pourtant réel.

            Le premier correspondait à l'aventure exaltante, mais d'apparence désespérée, dont Charles de Gaulle est l'annonciateur. Le second à l'épreuve lente et douloureuse dont Philippe Pétain ne prévoyait ni la durée, ni la fin.

            Tous deux étaient également nécessaires à la France. Selon le mot que l'on prêtera successivement à Pétain et à de Gaulle Le Maréchal était le bouclier, le Général l'épée.

            Pour l'immédiat, le Maréchal parut avoir raison; pour l'avenir, le général a vu plus juste…"

   

C'est tout ce qu'on trouve, dans un livre de 700 pages sur le thème du bouclier et de l'épée qui n'est manifestement pas l'objet de l'ouvrage. Par contre,  le bouclier  tout court est bien au centre de la problématique de l'ouvrage. Aron aborde ce point très explicitement dans sa conclusion de deux pages. Voir un peu plus loin.

 

Montoire dans Aron

Selon Azéma le "Verdun diplomatique" (il s'agit de Montoire) serait l'une des thèses aroniennes "à ranger au placard des accessoires définitivement inutiles de l'Histoire". Je ne sais plus quel est le thuriféraire de Pétain qui a parlé de Verdun Diplomatique, mais ce n'est pas Aron qui s'en démarque explicitement.

Aron , Histoire de Vichy p.310

"Ainsi, Montoire ne peut être apprécié seulement comme un acte politique: son aspect psychologique et humain est peut-être l'essentiel. Ni "Verdun diplomatique", puisqu'il n'a pas suffi à arrêter la pression des occupants, ni acte de trahison, puisqu'en fait le Maréchal s'y est rendu pour protéger les Français, cette entrevue a causé une des équivoques les plus graves qu'ait connues notre pays, une des atteintes les plus profondes qu'ait subies son unité."

 

Pétain, Laval, Darlan dans Aron

    Selon Rousso et Azéma, Aron défendrait la thèse du bon Vichy, celui de Pétain et celle du mauvais, celui de Laval.

    Non seulement Aron n'emploie jamais ces termes, mais dans sa conclusion, il porte un certain nombre d'appréciations sur Vichy qu'il considère globalement, sans faire de distinguo entre Pétain et Laval, et les bons points mentionnés ne sont pas adressés à Pétain ni les mauvais à Laval. L'impression que dégage la lecture d'Aron (en ce qui me concerne, tout au moins), ce n'est pas la distinction entre un bon Vichy, celui de Pétain et un mauvais, celui de Laval, mais ce  serait plutôt celle entre un bon Vichy, imaginaire et idéal, dirigé par un Pétain idéal, lui-aussi, et le Vichy réel doté d'un Pétain sénile et d'un Laval parfois ignoble, mais d'autres fois surprenant de contradictions.

    Quant à Darlan, s'il est indéniable que parfois Aron prend sa défense, contre qui, je ne sais, mais il semble que dans l'entourage d'Aron, il était attaqué,  il est exagéré de parler de compliments, alors que les blâmes sont eux, bien présents

p.375

       "…Ces travers, si accusés soient-ils, ne suffisent pas à expliquer la haine dont l'amiral est l'objet. Elle surprend d'abord, car le patriotisme de Darlan est incontestable: Le cours du récit le montrera; pendant les quatorze mois de son gouvernement, l'amiral n'a rien abandonné d'essentiel, ni l'Empire, ni la Flotte: il a tenu tête aux Allemands sur bien des points où, nous le verrons, Laval cèdera…"

 

p.429

     "Il semble donc que, pour éviter la polonisation, le gouvernement se soit rallié à une collaboration militaire et l'ait acceptée.

     Darlan, certes, s'en défend: A l'entendre, il est possible à la France d'aider l'Allemagne à gagner le guerre sans être en état de co-belligérance  ses côtés, ni en état d'hostilité contre la Grande-Bretagne.

        Pour donner de la valeur à cet argument, Darlan invoque l'article 10 de la Convention d'armistice qui fait de cette collaboration une obligation…

     …Entre s'abstenir d'actes hostiles et aider efficacement l'Allemagne, la nuance es considérable; Darlan prétend l'ignorer."

 

Le double jeu de Laval dans Aron

Lorsque Paxton parle de double-jeu, il s'agit des relations de Vichy avec les Allemands d'une part et les Alliés d'autre part. Pour Aron, il s'agit, en général, de ce que Vichy peut dissimuler aux Allemands. Contrairement à ce que peuvent laisser croire les allusions aux fameux télégrammes secrets, Aron ne donne jamais l'impression que Vichy ait pu être de mêche avec les Alliés, notamment au moment crucial du débarquement en Afrique du Nord, en novembre 1942 

p.567

     "… (En conseil des ministres du 11 novembre)  Auphan fut le seul à demander  .la suspension des hostilités. Le Maréchal s'inclina, et Laval obtint le vote d'un ordre aux troupes d'Afrique, leur enjoignant de lutter «jusqu'à la limite de leurs forces»

     Ainsi, en cette journée du 11, fut perdue la dernière chance qui s'offrait au Maréchal de réconcilier, sur son nom, l'opinion française toute entière."

   

  Par contre, il insiste de façon récurrente sur le double-jeu des différents dirigeants de Vichy, y compris de Laval. Dans le chapitre Laval, chef d'un Etat satellite (décembre 1942-novembre 1943), Aron note:

p.626

    " Laval apparaît ainsi comme une sorte de Pénélope qui défait par un travail souterrain l'effet des accords publics qu'il passe avec Sauckel.

      Mais en même temps, il continue, sur le terrain de la grande politique à vouloir rétablir des relations plus normales avec les Allemands…"

 

Puis il conclut:

p.631

"Ainsi Laval continue son double jeu, non pas alors par duplicité, mais parce qu'il croit que la situation ambiguë où se trouve la France l'oblige à des efforts apparemment contraires.

D'une part, limiter la main mise nazie sur notre population et sur notre économie

D'autre part, maintenir la France associée à ce Reich dont il imagine toujours qu'il sortira victorieux de la bataille; en septembre 1943, l'effondrement du fascisme ne modifie pas la confiance de Laval en sa politique."

   

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  Le bouclier dans Aron

Aron ne remet pas en question que l'un des objectifs des gouvernants de Vichy est de défendre les intérêts de la France et d'épargner les Français. Je ne conteste donc pas que sur ce point, Aron et Paxton sont radicalement opposés.

 

Par exemple, la Résistance des administrations, p.422.

p.422

     " Le fait est reconnu même par les adversaires les plus déclarés de Vichy. Le procureur général Mornet et le premier président Montgibeau déclarent, au procés du Maréchal, que «l'administration française avait fait tous ses efforts pour freiner les exigences allemandes».

     Freinage ouvert, celui de Caziot, ministre de l'Agriculture, quand les Allemands exigent de pouvoir réqauisitionner les chevaux eb zone sud. Caziot refuse: les occupants décident de tourner l'obstacle en faisant appel à des courtiers marrons, chargés d'acheter pour eux les animaux. Deux de ces maquignons, signalés au ministre, sont arrêtés en gare de Chartres…

       Dans l'industrie, la «résistance» se manifeste tantôt par des refus gouvernementaux de ce genre, tantôt par l'intervention de Comités d'organisation créés d'ailleurs spécialement pour protéger les entreprises.

     Charbin, secrétaire d'Etat au Ravitaillement, participe avec ampleur à cette lutte de tous les instants. Il prend deux sortes de mesures: d'abord protéger notre agriculture contre les réquisitions nazies… En même temps, il a l'idée ingénieuse d'organiser un circuit de ravitaillement qui échappe au contrôle allemand: Le 23 octobre 1941, il instaure les «colis familiaux», véritable marché parallèle.

     De toutes les administrations, ce fut celles du ministère des Finances qui, sous l'impulsion de Bouthillier, eut le plus à intervenir pour freiner les exigences allemandes…."

 

Je ne sais pas quelle est la part de vérité dans les différentes affirmations citées dans cet extrait. Ce que je sais, par contre, c'est qu'on n'en trouve pas la réfutation dans Paxton. On ne la trouve pas non plus dans Azéma qui se contente, sous couvert de paxtonisme, de balancer  «aux oubliettes de l'histoire» «la semi-résistance des excellences vichyssoises»

 

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Politique d'exclusion et persécution des Juifs dans Aron

L'abolition des droits de l'Homme concrétisée par les lois d'exclusion contre les francs-maçons (août 1940) et les Juifs (octobre 1940) sont traités à peu près convenablement sur 13 pages (220-233).

Aron note p.225

p.225

     "La plupart de ces mesures d'exception, inspirées des principes nationalistes et antirépublicains de la Révolution nationale ne provoquèrent pas de grand débat au sein du conseil des ministres; elles apparaissent à un gouvernement autoritaire comme une réaction normale et indispensable contre les responsables présumés de la décadence française…"

   

Pétain est signalé comme ayant particulièrement insisté pour exclure les Juifs de la Justice et de l'Enseignement (p.230), et puis:

p.231

     "En s'alignant ainsi sur la définition allemande, la loi française apparaissait plus sévère que celle de quelques pays satellites du Troisième Reich,. En Hongrie, les personnes de sang juif , baptisées avant 1914, et dont les ascendants avaient habité le pays avant 1848, n'étaient pas considérées comme juives… De même, en Slovaquie… "

   

Sur les camps multiples, p.394-396

p.394-396

     "A la même époque, les camps regorgent de monde. Tandis qu'en marc 1940, le total des emprisonnés s'élevait à 18000, en 1842, ils sont 50000, sans compter dans les camps de concentration 30000 internés administratifs… Sui sont ces détenus et comment vivent-ils ?…"

     

Sur la Haute-Cour, en août 1941, 4 pages, p.414-418….

 

Sur le deuxième statut des Juifs,

 p.419-420

"S'alignant sur les mesures nazies en zone occupée, il ne tient pas compte des promesses formulées au moment du premier statut, d'octobre 1940.

     

Rafles du Vel d'Hiv, déportations de Juillet-octobre 42 

 p.504-506

"Que pense la population d'un gouvernement qui tolère de telles infamies ? Le Maréchal au cours de ses voyages est toujours très acclamé…"

     

p.527-528

"Laval, arithmétiquement parlant, a peut-être sauvé des vies humaines, mais il a associé le gouvernement de Vichy à une besogne déshonorante…"

     

Finalement, contrairement à ce que suggère Azéma, le lecteur d'Aron peut prendre connaissance dés 1954, des différents aspects de la politique répressive de Vichy, y compris sur "les camps qui regorgent de monde" mais ne sont connus ni du Paxton de 1972, ni de l'Azéma de 1979,. En pointant le dilemme de Laval qui sauve peut-être des vies humaines, mais qui déhonore Vichy, il est plus en phase, en 1954, avec le Hilberg de 2006, que ne le sera jamais Paxton.

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La conclusion d'Aron

La conclusion de l'Histoire de Vichy n'occupe guère plus de deux pages. J'aurais pu la reproduire in extenso, mais finalement, je reproduis certains extraits (en italique), et les autres passages sont résumés sous forme de tableau

"… Est-il possible de dresser le bilan du gouvernement de Vichy ? L'entreprise serait tentante, mais, à voir les choses objectivement, elle apparaît difficile, et, en tous cas, prématurée. S'agirait-il de dresser un bilan matériel ou bien un bilan moral ?"

   

Bilan Matériel

Pour Contre

Grâce à la permanence d'un gouvernement en France, les exactions de l'occupant ont été freinées.

Déportations de travailleurs moindres et plus tardives que dans les pays dépourvus de gouvernement.

Les Israélites ont bénéficié jusqu'en novembre 1942 d'un refuge en zone libre.

Le Reich a tiré bénéfice d'avoir un gouvernement qui acceptait, même verbalement de collaborer et qui s'est chargé, dans certains cas d'exécuter ses décisions

Bilan Moral

Pour Contre

La désunion n'est pas imputable à Vichy, mais à Londres ou à Alger dont la dissidence constitue un attentat contre l'unité française.

Désunion entre Français résultant des manifestations gouvernementales en faveur de l'occupant, lesquelles étaient contraire aux aspirations de la majorité de la population

…Le problème n'est pas d'ordre logique, mais de nature passionnelle… Tout au plus est-il possible d'énumérer quelques faits, qui, eux, semblent indiscutables et non soumis à révision.

 

Ø      Œuvre législative (lois sociales, lois sur la famille, sur les professions libérales, associations cultuelles, extension de la protection du travail)

Ø      Personnel de Vichy. La possibilité de l'accusation de trahison est limitée à un très petit nombre d'entre eux. "La plupart, s'ils se sont trompés, ce dont l'avenir décidera, l'ont fait, en tous cas, de bonne foi et dans la conviction sincère qu'ils servaient la patrie."

Ø      "…Dans la mesure où les dirigeants de l'Etat Français croyaient à la vertu des principes qu'ils préconisaient et des institutions qu'ils instauraient, devaient-ils les compromettre en un temps où pesaient sur eux tant de fatalités étrangères à ces principes et contraires à ces solutions ?…"

Ø      Equivoque: "Si l'on en juge d'après les déclarations officielles… Vichy, à partir du départ de P.E.Flandin joue le jeu de l'occupant… En réalités, négociations secrètes, télégrammes clandestins mesures dilatoires, toutes impossibles à percevoir par l'opinion, ne cessent de réduire la collaboration proclamée. Mais cela, les Français ne pouvaient pas le savoir."

 

    "Tels sont à l'heure actuelle, les quelques éléments perceptibles dans un bilan qui n'est pas encore dressé et qui ne peut pas l'être encore, avant que les passions soulevées par ces quatre années ne soient en voie d'apaisement. Il convient sans doute à l'avenir le soin de formuler la conclusion.

    Tout au plus peut-on, pour finir, constater que Vichy, avec ses velléItés, ses contradictions, ses échecs, apparaît comme une époque d'une amertume infinie, dont tous, quelque soit leur camp, peuvent ressentir l'infinie tristesse."

 

 

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