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LIMOURS
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Raph
installa Frachon à Forges-les-Bains en Septembre 41 et Duclos déménagea à
Villebon en Décembre 41, mais suivons les Tillon dans leur déménagement à
Limours, au début de l'année 42, juste après que Colette eut mis au monde un
petit Jacques dont on peut calculer qu'il fut conçu au début du printemps 41,
quand les oeuvres de Victor Hugo commençaient à perdre de leur pouvoir de
stimulation. Dix-sept Kilomètres séparent Limours de Palaiseau. A vélo, on devait traverser Orsay et
longer Bures-sur-Yvette, localités rurales et bourgeoises nullement marquées
par le caractère universitaire qu'elles ont acquis après-guerre après que
furent créés le centre atomique de Saclay, l'université d'Orsay et bien
d'autres établissements qui concentrèrent dans le Nord du Hurepoix des armées
de scientifiques et assimilés. C'est Irène Joliot
-Curie
qui la première, en 1942, suggéra de créer un centre atomique sur le plateau
de Gif qu'elle connaissait bien pour avoir été élevée en Vallée de
Chevreuse par ses parents, Pierre et Marie.
Les petites villes de la Vallée de Chevreuse étaient loin de former ce
continuum urbain que nous connaissons à présent; bois communaux et grandes
propriétés séparaient les petites agglomérations. En poursuivant sur la
route de Chartres, à peine plus d'un kilomètre après Bures, le cycliste voit
de dresser devant lui cette fameuse cote de Gometz qui fit caler le cheval de
Victor, mais s'il est jeune et un tant soit peu entraîné, notre cycliste ne
mettra pas pied à terre. Mais sera quand même soulagé en apercevant le
clocher de Gometz-la-Ville, car il sait que sur le plateau, il n'aura plus guère
à lutter que contre le vent d'Ouest. A Gometz-la-Ville, il laisse sur la droite
le hameau de Beaudreville et l'imprimerie des camarades Neunlist
, et il
file sur une route rectiligne, bordée de platanes, divisant les vastes champs
de céréales des confins de la Beauce, quatre kilomètres de départementale
qui le conduisent sur les bords de la cuvette de Limours au fond de laquelle il
pourra se laisser glisser dans la griserie de la vitesse, à moins que son
esprit chagrin n'entrevoie le voyage du retour où ses jarrets devront
rembourser dans la peine le plaisir octroyé.
Gros bourg agricole coincé dans la cuvette formée par la vallée de la
Prèdecelle, à l'écart de la route de Chartres, presque caché dans les bois,
Limours se prévaut du titre administratif de chef-lieu de canton. Sur l'autre
versant de la cuvette, en allant vers Chartres, sur la droite, à un kilomètre
du centre du bourg, une gare désaffectée, ancien terminus de la ligne de
Sceaux, évoque l'heureuse fin du siècle dernier où les transports en commun
offraient au Limourien Paris en moins d'une heure. Une autre voie ferrée,
reliant Massy à Chartes, parallèle à la route, mais franchissant la vallée
de la Prèdecelle sur un somptueux viaduc, n'a guère été ouverte au trafic
que quelques années. En 1939, avec la concurrence routière, l'âge d'or du
chemin de fer touchait à sa fin, et la gare fut fermée définitivement ou
presque, car les Allemands remirent la ligne en service
pour leur propre trafic.
Entre la route de Chartes et la place du Marché, de larges avenues,
vestiges d'un paysage d'ancien régime façonné autour d'un château maintenant
disparu, apanage de Gaston d'Orléans, convergent vers un carrefour où l'on érigea
un monument aux morts au lendemain de la seconde guerre mondiale. A 50 mètres
de ce monument aux morts, 7, avenue du Valménil, maintenant avenue du Général
Leclerc
,
Colette Tillon trouva une petite bicoque qu'un tailleur de Montmartre
avait fait construire sur un terrain de 3000 mètres carrés acheté en 1929.
Colette et Charles ignoraient qu'ils prenaient la place encore tiède de
sous-officiers Allemands que les hasards de l'occupation avaient amenés à
rechercher un cantonnement à proximité du centre de transmission hertzien
planté sur le plateau entre Gometz et Limours. La maison de l'avenue du Valménil
ne bénéficiait pas de l'eau courante. Qu'importe, les voisins d'en face
laissaient de bonne grâce libre accès à leur puits.
De l'autre coté du monument, le gros village traditionnel est regroupé
autour d'une l'église surplombant la place du Marché où l'on vendait, comme
à Arpajon, des haricots chevriers. Privilège d'un chef-lieu de canton, des
commerces de toutes sortes installés dans des boutiques tout autour de la
place, attirent, les jours de marché, les populations des villages voisins:
Pecqueuse, Forges-les-Bains, Janvry, Les Molières. Dans le quartier du monument
aux morts, Charles Tillon se présente sous l'identité de William Rocheteau,
artiste-peintre, venu chercher son inspiration dans un coin paisible avec sa
femme, son bébé et une bonne, Marguerite. Victor Covelet
était
resté seul à Palaiseau pour tenir le 257 rue de Paris, désormais affecté à
la tenue de réunions.