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LE HUREPOIX
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Le Hurepoix présente en 1942 l'aspect d'une zone globalement rurale, mais la carte d'état-major de 1938 (ci-dessous) laisse déjà apparaître, à proximité de la ligne de Sceaux, les premiers lotissements ouvriers du début du siècle. La voie ferrée que l'on voit longer la route de Chartres n'était plus ouverte au trafic voyageurs depuis 1939.
HUREPOIX: selon le Larousse, le nom s'applique à un ensemble de plateaux, buttes et vallées qui se développent au sud-ouest et au Sud de Paris. Le Nord du département actuel de l'Essonne, auquel s'ajoute la bordure des Yvelines, constituent le Hurepoix. Le triangle de direction du Parti s'est replié en Hurepoix, mais il ne le savait pas. Non pas que les règles de la clandestinité aient été poussées au point de ne point divulguer aux dirigeants le lieu même de leur résidence. Mais qui connaît le Hurepoix ? Pas même ses habitants. C'était une bonne raison d'aller se terrer là. Dans l'histoire du Parti, on parlera du dispositif de Seine-et-Oise, dénomination que l'on se doit de réfuter, alors que l'ensemble des planques dudit dispositif n'était nullement disséminé sur toute la surface de ce département anneau qui encerclait Paris, mais parfaitement concentré dans la partie Nord du Hurepoix. On lit également, hélas trop souvent, dans des ouvrages d'historiens peu soucieux de précision géographique, que le secrétariat du Parti avait migré dans la vallée de Chevreuse, alors que tous ceux qui connaissent un tant soit peu la région savent bien qu'elle s'articule entre la vallée et les divers plateaux qui la dominent, et sans contestation possible, seule la première résidence de Tillon, à Palaiseau est à classer dans la vallée, alors que Limours, Forges, le hameau du Villiers, dont nous allons apprendre à connaître l'importance, sont à rechercher sur le plateau, et l'agence immobilière qui les mentionnerait en Vallée de Chevreuse s'exposerait aux foudres des lois sur la publicité mensongère.
Randonnée
pédestre dans le Hurepoix
Une fois par mois au moins, Benoît Frachon se rendait à pied chez
Duclos. L'exercice consiste à couvrir une distance de 13 Km à vol d'oiseau,
mais pour un terrien comme Frachon, qui emprunte les voies de communication
civilisées, il faut compter une vingtaine de kilomètres, soit une marche de
cinq heures environ. Frachon est bon marcheur, mais il s'arrête volontiers pour
discuter avec les paysans qu'il peut croiser sur les chemins, sans doute une
occasion de tirer la pipe de sa poche et de prendre le temps de la nettoyer, de
la bourrer, et finalement, de regarder s'envoler les volutes de fumée. Si l'on
regarde la carte, on voit qu'il y a de multiples variantes à travers bois et
champs pour joindre Forges à Villiers.
S'il avait été moins "anar" et plus culturel, comme pouvait
l'être son ami Thorez
, il
aurait peut-être organisé des parcours à thèmes. Par exemple, la tournée
des châteaux l'aurait d'abord mené au château de Janvry. Il aurait auparavant
rejoint le vallée de la Prèdecelle, au hameau de l'Hardillère, puis,
empruntant un sentier forestier à travers les châtaigniers, gravi le coteau du
bois de Limours pour déboucher sur le plateau. Quand il arrive au Hameau de
Chantecoq, il est encore sur la commune de Forges, mais a déjà parcouru cinq
Kilomètres, il a droit à une halte, à moins qu'il ne se l'accorde qu'une fois
arrivé à Janvry, quelques foulées plus loin. .. puis une courte étape
d'abord dans les champs, ensuite dans les bois, l'aurait fait déboucher sur
l'arrière du château de Saint-Jean-de-Beauregard, célèbre pour ses jardins
à la française et ses potagers à l'ancienne, fréquenté au cours des siècles
par une fine sélection de la haute société comme la comtesse de Boigne et la
famille de Wendel. En 1996, Saint-Jean-de-Beauregard est encore un village à
l'ancienne, où le propriétaire du château est propriétaire de toutes les
terres et maire de la commune qui profite de la modernité sous forme d'une
fabuleuse taxe professionnelle versée par le centre commercial Ulis 2, dont le
parking est sur Saint-Jean. Non, Benoît ne devait pas s'attarder sur ces terres
féodales mais bien davantage être attiré par le château de Bel-Ebat, sur les
hauteurs boisées de Marcoussis, juste avant de déboucher sur les champs du
plateau de Nozay-Villejust.
Plus au Nord, loin des châteaux, l'itinéraire des fermes. Benoît
pouvait quitter Forges en fin d'après-midi, se faire inviter le soir à
Beaudreville, et le lendemain matin, empruntant d'abord la voie désaffectée de
la ligne de Chartres jusqu'au hameau de Montjay, il poursuivait sur une route de
campagne à travers champs, là où se dressent maintenant les tours des Ulis,
l'agglomération la plus importante de la région. Passant le lotissement
ouvrier de Mondétour, il se dirigeait ensuite vers la ferme de Courtaboeuf.
Cinquante ans plus tard, Courtaboeuf est le nom d'une zone industrielle du plus
pur style californien; la ferme fait office de salle de réception. Benoît est
maintenant près du but, il reste à parcourir trois kilomètres sur le plateau
au confins duquel il aperçoit de loin les noirceurs touffues du Bois Courtin,
sur la commune de Villejust. Il est un peu fatigué, mais qu'importe, il suffit
de se laisser glisser par le raccourcis à travers bois. Dix minutes plus tard,
Aimé l'accueillera au portail de l'Oasis.
Si l'histoire se passe avant la mi-42, le lendemain, pour la réunion du
secrétariat, Benoît et Jacques, suivis discrètement de Victor, devront
rejoindre le 257 rue de Paris, mais ce n'est plus une randonnée, c'est une
toute petite promenade. A peine plus d'un kilomètre jusqu'au vieux village de
Villebon, sur un coteau où les champs de céréales que Benoît avait sillonnés
la veille laissent place à des jardins de maraîchers; Les Parisiens sont
nombreux, qui débarqués de la ligne de Sceaux avec leurs paniers, recherchent
le petit producteur qui pourra leur faire oublier leur ordinaire de rutabagas
avec de vrais légumes. Villebon surplombe la vallée de l'Yvette. C'est le
soir, en remontant, que la pente leur paraîtra raide. En quelques foulées, ils
sont au bout du jardin de Charles.