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PALAISEAU
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A Gometz, les Neunlist
sont
vraiment immergés dans la campagne, mais à Palaiseau, la communauté
Tillon-Covelet
s'établit
dans un quartier de grande banlieue où se juxtaposent à l'époque des
quartiers populaires et des zones de pavillons plus huppés, souvent résidences
secondaires de bourgeois parisiens. La maison que Marguerite Covelet avait dénichée
répondait aux normes de sécurité qui incluaient une sortie de secours au fond
du jardin. L'agglomération de Palaiseau était tout en longueur, et la maison
du 257 rue de Paris en était située à l'extrémité, entre les stations de métro
Palaiseau et Palaiseau-Villebon, mais plus près de Palaiseau-Villebon. Laissons
Charles Tillon raconter son installation. On est en janvier 41, Charles vit
enfermé dans une planque, à Paray-Vieille-Poste, et, en accord avec Arthur
, décide
de faire monter les Covelet de Bordeaux:
"Quinze jours plus tard, Dallidet m'amenait Victor (Covelet
)
dans un petit restaurant de la porte d'Italie... Transis de froid dans Paris,
mes amis Covelet m'apportaient des nouvelles reçues de Rennes. Les gendarmes, périodiquement,
questionnaient mes parents et repartaient en haussant les épaules: "C'est
pour notre rapport, on le recherche plus que jamais, votre fils."
J'expliquai à mes Bordelais que je leur demandais de louer un pavillon avec un
jardin aussi enclos que possible dans une localité située sur la ligne
Palaiseau-Orsay. Ils y vivraient en rentiers craintifs, avec "leur nièce"
Colette... La fine Marguerite chercherait dans les agences. Dallidet leur
procurerait des meubles d'une ancienne planque de Frachon. Un mois plus tard,
Dallidet, qui serait le seul à connaître la nouvelle adresse du ménage
Covelet, m'amenait au 257, rue de Paris à Palaiseau. Une neige récente
patinait le sol. On avait quitté la gare précédente les derniers et rôdé
avant de venir sonner devant un vieux portail bleu charron délavé. Victor nous
attendait. Une cour étroite, deux marches, les amis habiteraient au
rez-de-chaussée. Ils jubilaient d'avoir trouvé une bonne planque en passant
par une agence et signé un bail avec le propriétaire qui exigeait des
locataires "aimant l'ordre et la tranquillité". Justement, les
Covelet aimaient ça.
Marguerite se mit à porter un chapeau sur ses cheveux blancs et fréquenta
la messe. Enfin, ils avaient tous deux de si bonnes bouilles ! Victor rayonnait:
"Regarde cet alignement de poiriers les bras en croix le long de la
palissade qui enclôt le jardin, et ces pommiers tout au fond, et ce petit
chemin d'amoureux qui permet de rejoindre la route de Villebon et les champs...
On pourrait éviter la grand-rue" Il allait soigner le jardin, élever les
lapins... Les rongeurs, c'était la nourriture nationale. Je n'avais plus qu'à
attendre l'arrivée de Colette. Dallidet avait inspecté les lieux. Le petit
portail au fond des quarante mètres de jardin et qui donnait une double issue
par un petit sentier entre les haies, ça peut servir...
...(Après
une entrevue avec Duclos), je rentrai à
Palaiseau, étonné de devoir continuer à vivre comme une endive et me
demandant pour quelle raison le secrétariat à trois annoncé par Frachon comme
si nécessaire en octobre 40, ne se réunissait pas. J'occupais mon temps à
relire ma maigre provision de bouquins et me repaître des "Châtiments"
et de "L'année terrible" du Père Hugo, d'où je tirais les vers les
plus adaptés aux crimes de 1940 et aux châtiments nécessaires.
Palaiseau, patrie du petit Bara, s'étirait le long de la rue de Paris où
les commerçants, comme ailleurs, affichaient le portrait de Pétain dans leurs
vitrines vides. Colette était arrivée de Bordeaux. Victor Covelet
,
maigrissant à vue d'oeil, prenait le métro pour aller à Paris acheter
quelques petits pains durs au marché noir. Sous chaque toit, la vie animale dépendait
de chaque bouchée comptée en famille. L'antifascisme retrouvait un timide
chemin par les ventres affamés..."
Le 257, rue de Paris, qui fut habité au lendemain de la guerre par l'écrivain
Jean-Pierre Chabrol, alors jeune journaliste à l'Humanité,
a été rasé quelques années plus tard, quand fut percée l'avenue du 8 Mai
1945.