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Histoire d'une falsification
Vichy et la Shoah dans l'histoire officielle et le discours commémoratif

( janvier 2023)
mise à jour 09/10/2023
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L'auteur, contact

C'était en 2007
L'Affaire Paxton
C'était en 2014 Alain Michel et l'affaire Zemmour
C'était en 2020   Laurent Joly, une certaine idée de la science
Décembre 2021  Vichy, Zemmour,Joly, saison 2021
Décembre 2021  Par René Fiévet, critique de L'Etat contre les Juifs
Janvier 2022  Falsification et perversion


Histoire d'une falsification, le livre, janvier 2023

Critiques de presse

La critique de Laurent Joly mars 2023

Réponse sur les médias qui nous donnent la parole
Réponse sur les professionnels et les amateurs
Réponse sur le moindre mal.

La critique de Laurent Joly septembre 2023

Bonus

Une falsification ordinaire dans le cinéma: Simone, le voyage du siècle
à propos de Simone Veil

  Entretien avec ChatGPT sur la Doxa, Vichy, etc...




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Résumé
La commémoration du 80ème anniversaire de la « rafle du vel d’hiv » le 17 juillet 2022, a donné lieu à un exemple édifiant d’instrumentalisation politique de l’histoire.

Devant le flot d’approximations hasardeuses, d’affirmations erronées, d’élisions proférés jusqu’au plus haut niveau de l’État, cet usage de l’histoire à des fins idéologiques, cet oubli des règles élémentaires de la recherche historique, ce naufrage de l’histoire scientifique et critique, les auteurs rendent sa complexité à une question qu’on ne saurait réduire à une initiative purement vichyste, au point d’effacer les circonstances - la défaite, l’armistice, l’occupation- et le rôle essentiel de l’occupant nazi quasirs de cet ouvrage, venus d’horizons différents, mais épris d’un même souci de rigueur, ont souhaité redonner sa cment absent des discours officiels.
Cette culpabilisation, ces dérapages des discours commémoratifs s’inscrivent dans une dérive idéologique suscitée par quelques historiens et largement relayée dans les media grand public, dérive qu’il convient également de mettre en lumière et d’analyser.

Jean-Marc Berlière, Emmanuel de Chambost, René Fiévet, Histoire d'une falsification, Vichy et la Shoah dans l'histoire officielle et le discours commémoratif, L'Artilleur, janvier 2023

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Genèse du livre

Sur des pages de ce site créées en 20202021 et 2022, j'avais eu l'occasion d'épingler les accomodements d'un certain nombre d'historiens avec la science historique en même temps qu'était lancée, sous prétexte de combattre l'extrême-droite et la menace Zemmour, une chasse aux sorcières vis-à-à-vis de tous les historiens qui se risquaient à écrire qu'à partir de juin 1942, lors de la mise en oeuvre de la solution finale nazie, le gouvernement Laval avait bel et bien tenté de protéger les Juifs français de la déportation. Jean-Marc Berlière, spécialiste reconnu de la police et auteur de La police des Temps noirs  avait carrément été étiqueté "révisionniste" par Laurent Joly pour avoir soutenu les thèses d'Alain Michel que les habitués de ce site connaissent bien.

Jean-Marc Berlière et moi étions depuis longtemps sur la même longueur d'onde. Le discours que le président Macron prononça à Pithiviers le 16 juillet 2022, à l'occasion de la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv, nous décida à réagir et à nous lancer dans l'aventure de ce livre. Une fois de plus, "Vichy" apparaissait comme le principal acteur de la persécution des Juifs. Le discours présidentiel présentait en effet les déportations de Juifs vers l'Est comme une conséquence de la politique antisémite de Vichy ménée depuis octobre 1940. René Fiévet (Voir sur ce site l'article où il décortique les contradictions de Laurent Joly) a renforcé notre équipe pour donner à notre travail un éclairage original.

Je reprends la présentation qu'en a faite René Fiévet pour l'association HSCO dont nous sommes tous les trois membres:

"La structure du livre a été très facile à déterminer, en s’appuyant sur les points forts de chacun : l’histoire pour Jean Marc Berlière, l’historiographie pour moi-même (j'ai repris certaines observations publiées sur ce site), et l’analyse des politiques mémorielles en ce qui concerne René Fiévet. L’idée de base est la suivante : on assiste depuis une trentaine d’années à une surenchère mémorielle qui se traduit par un récit faux historiquement, sous l’impulsion d’historiens devenus idéologues, avec des conséquences directes sur le discours public mémoriel.   

Le cœur du livre est bien sûr l’analyse historique, prise en charge par Jean Marc, qui s’attache à rétablir la vérité historique. Surtout, il remet au premier rang l’écrasante responsabilité des Allemands dans le drame de la déportation, totalement absente du discours d’Emmanuel Macron. S’agissant de la responsabilité française, Le livre s’écarte de la version développée par Serge Klarsfeld, totalement axée sur le rôle exclusif de Bousquet dans les négociations avec les Allemands, présenté comme une sorte d’électron libre uniquement guidé par ses propres objectifs personnels (l’autonomie de la police française). Le livre développe l’idée que Bousquet, en réalité, n’a fait qu’obéir aux instructions de Laval et que, contrairement à la thèse de Klarsfeld, le marchandage protection des juifs français contre livraison des juifs étrangers est au cœur de la négociation entre Vichy et les Allemands. De ce point de vue, le livre se situe clairement dans la lignée des travaux de l’historien Alain Michel. 

Ensuite, Emmanuel analyse les dérives de l’historiographie. Sa thèse est que ce phénomène n’est pas le seul fait des historiens, mais semble aussi avoir répondu à une demande des milieux intellectuels français à partir des années 70, sans doute en réaction au discours gaulliste-résistant des années d’après-guerre. Cette conjonction entre historiens et milieux intellectuels a été par la suite largement relayée par les médias qui jouent dorénavant un rôle déterminant dans le récit historique actuel sur cette période. Emmanuel fait son miel de la source inépuisable d’erreurs et inexactitudes diffusées dans les médias avec, hélas, la complicité active des historiens idéologues. Il pointe aussi les contradictions de Serge Klarsfeld, et notamment les différences entre ses écrits d’hier (Vichy-Auschwitz en 1983) et d’aujourd’hui. 

Dans la troisième partie, consacrée aux politiques mémorielles, René développe l’idée selon laquelle ces historiens idéologues (Serge Klarsfeld, Annette Viewiorka, Pascal Ory, Laurent Joly …) sont devenus des historiens organiques de la mémoire nationale (au sens où l’entendait Antonio Gramsci), exerçant une influence directe sur le discours présidentiel. Ce qui caractérise ces historiens, ce n’est pas leur production intellectuelle, c’est leur place dans le champ politique et social. Il procède à une longue analyse de l’évolution de ce discours présidentiel au cours des trente dernières années, en abordant notamment un certain nombre d’aspects juridiques souvent méconnus (l’ordonnance du 9 août 1944, le décret du 3 février 1993, la loi du 10 juillet 2000, la jurisprudence du Conseil d’Etat, et notamment le fameux arrêt Papon de 2002). Sa thèse est que ce discours volontairement culpabilisateur (« la faute de l’Etat », « la faute de la France », « un crime commis en France par la France », dixit François Hollande) est un discours pétainiste au strict sens politique du terme, en ce sens qu’il postule que la souveraineté française au cours de cette période a bien été représentée par le régime du maréchal Pétain. En effet, sans cette re-légitimation du régime de Vichy, on ne peut pas établir de culpabilité nationale. Il appelle cela le « pétainisme légitimiste ». C’est le formidable paradoxe du discours mémoriel actuel qui relègue au rang des accessoires la France libre et la Résistance, dont le seul rôle dans notre histoire a été de « sauver l’honneur », mais rien de plus."




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Les critiques dans la Presse

Alain Michel, Le Figaro-Histoire, février-mars 2023

Transformer une indignation en une démonstration rigoureuse et scientifique n’est pas monnaie courante. L’indignation fut celle de Jean-Marc Berlière, Emmanuel de Chambost et René Fiévet après le discours prononcé par le président de la République le 17 juillet 2022 […] qui accumulait les les poncifs et les idées reçues sur le déroulement de la Shoah en France […] une doxa qui peut se résumer ainsi : le gouvernement de Vichy a désiré, organisé et réalisé les arrestations et déportations de près de 80000 Juifs vivant en France, presque tous assassinés à Auschwitz […] Les trois auteurs ont décidé de proposer un ouvrage qui permet au public non seulement de comprendre les problèmes que pose la « doxa » mais également de découvrir de manière plus exacte, plus historique, de quelle façons les nazis ont appliqué la solution finale de la question juive dans l’hexagone, et quelle part y a pris le gouvernement de Vichy.


Jean-Louis Panné, L’Ours, avril 2023

En démontant les dérives et contradictions des tenants d’une histoire soumise à des intérêts idéologique, les trois auteurs nous ramènent vers l’Histoire tout court. Un travail sans concession, qui doit faire date et qui montre qu’on ne peut pas inféoder l’histoire à une quelconque idéologie au risque de distordre les faits et nourrir, par là, une vision faussée d’une époque suffisamment sombre.


Jean Lopez, Science et vie Guerres et Histoire n°74

Le ton est celui du pamphlet, mais l’argumentation est celle d’historiens. Où l’on s’aperçoit que décidément, Vichy « est un passé aui ne passe pas », selon la formule d’Eric Conan et Henry Rousso. Où l’on découvre également que si l’on crie « Vichy » les couloirs des universités se transforment en champs de tir … A lire pour comprendre le débat sur le fond, les manœuvres, les intimidations..


Limore Yagil, Cahiers Bernard Lazare, Septembre 2023

En lisant ce livre courageux, le lecteur apprendra beaucoup sur Vichy et les Juifs, les déportations, les manipulations de l’histoire par bon nombre d’historiens inscrits dans l’héritage de Paxton.

Enfin un livre qui ne réduit pas le régime dit de « Vichy » au r^^ole de supplétif des nazis. Enfin un livre mettant en évidence le festival d’imprécisions d’approximations et d’erreurs relatives au rôle tenu par la France et son « gouvernement » dans la tragédie de l’Occupation. Pour mieux comprendre notre passé et notre présent et avenir, il est vivement recommandé de lire cet important ouvrage.






La critique de Laurent Joly mars 2023

En mars 2023, deux mois après la publication de notre Histoire d'une falsification, les Editions Calmann Levy publièrent sous un nouveau formatage le numéro 212 de la revue RHSHO, publié en 2020 (La France et La Shoah: Vichy, l'occupant, les victimes, l'opinion). L'introduction de Laurent Joly a été complètement refondue. Notre livre y est attaqué dans une longue note de bas de page, la note 18.

« [...] Caduque sur le plan scientifique et cantonnée à la littérature pétainiste à partir des années 1950-1960, la controverse sur le « moindre mal » a rebondi depuis une dizaine d’années hors du cercle (toujours plus restreint) des défenseurs du régime pétainiste. S’élevant contre une supposée doxa incarnée par Paxton et Klarsfeld, l’historien israélien Alain Michel en a renouvelé les termes dans un ouvrage, Vichy et la Shoah, publié en 2012 [...]

S’il a suscité la consternation des spécialistes, cet enrobage « scientifique » des vieilles justifications pétainistes n’a pas échappé à l’attention des milieux d’extrême droite. Dès 2014, dans son best-seller Le Suicide français, Éric Zemmour s’appuie sur Vichy et la Shoah afin de mettre en pièces la célèbre étude de l’historien américain Robert Paxton, [...]

Cette offensive, à première vue déroutante, interroge. Sur le plan international, elle s’assimile aux « falsifications sur la Shoah » (Holocaust distortion) [...]

Les polémiques sur Vichy lancées par Zemmour relèvent du même phénomène, désormais relayées, épisodiquement, par de grands médias conservateurs ou populistes [Note 18].

Note 18: Dans la revue Le Figaro Histoire, Alain Michel a ainsi pu promouvoir sa grande idée (« le bilan final de la Shoah, plus modéré qu’ailleurs, est d’abord et avant tout le résultat » de l’action de Vichy), avant d’achever de se décrédibiliser dans un entretien accordé au mensuel Causeur : « [La] seule erreur [de Zemmour] tient dans sa présentation du sujet. Quand il dit : “Pétain a sauvé les Juifs de France”, c’est inexact. Ce n’est pas Pétain, c’est Laval, aidé par Bousquet » ! Cité par Stéphane Amar, « Alain Michel : “Vichy désirait protéger tous les Français, dont les Juifs” », Causeur, novembre 2021, p. 59. Voir aussi la tribune publiée par Jean-Marc Berlière, historien proche de Michel, sur les sites internet de Causeur et de Front populaire en août 2022 : l’auteur, qui peine à comprendre ce qui s’est réellement joué en 1942 (il ne prend pas la mesure de la concession absolument exorbitante du chef de la police René Bousquet aux Allemands le 2 juillet 1942, qui, précisément, fait dès lors de Vichy un complice de la politique nazie, contrairement à 1941 et à 1943-1944, où l’État français était et redeviendra l’exécutant des rafles antijuives décidées par l’occupant), multiplie les explications confuses, les poncifs et les saillies grandioses : « Peut-on suggérer aux “autorités” et aux médias que les prochaines commémorations soient traitées avec un peu plus de rigueur par respect pour les victimes auxquelles on doit la vérité et pas des reconstitutions hasardeuses ? » En pleine dérive, Berlière a cosigné un pamphlet avec deux amateurs d’histoire, cadres supérieurs à la retraite invoquant une approche « scientifique et critique de l’Occupation » : Histoire d’une falsification (L’Artilleur, 2023). Pour ces grands détracteurs, qui n’écrit pas que les dirigeants de Vichy ont protégé les Juifs français en sacrifiant les étrangers est un « historien officiel » à la fois idéologue, sectaire, opportuniste et malhonnête ! L’inversion du titre de l’essai La Falsification de l’Histoire, publié par l’auteur de ces lignes, notamment pris pour cible, est significative. C’est bien la réalité historique, établie par des décennies de recherches et des milliers de travaux, que Berlière et ses amis sont amenés à inverser. Encore une fois, si les Juifs français ont davantage survécu que les Juifs étrangers, c’est précisément parce que Vichy souhaitait se débarrasser de ces derniers. Transformer cette complicité criminelle au génocide des Juifs par les nazis en politique de « moindre mal » (qui loin d’ailleurs de protéger les Juifs français les a, au contraire, exposés au pire, dès l’été 1942, avec la livraison de plusieurs milliers d’enfants nés en France) relève de l’erreur de raisonnement ainsi que d’une méconnaissance des marges de manœuvre des dirigeants pétainistes et de leurs justifications de l’époque. Quant aux approximations sur le sujet dans les médias ou le discours commémoratif, les spécialistes n’ont pas attendu un tel pamphlet, débordant d’aigreur et d’une présomption insensée, pour les pointer.»

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Commentaires EdC
Nous avions attaqué Joly, il répond, c'est de bonne guerre.
Commentaire 1: Sur les grands medias conservateurs ou populistes
Laurent Joly place les interventions d'Alain Michel ou la publication de notre livre comme une réplique de la pensée d'Eric Zemmour, réthorique cousue de fil blanc, mauvaise foi évidente et inversion de la réalité: Nos écrits, les miens, ceux d'Alain Michel et de Jean-Marc Berlière ont précédé l'entrée en lice de Zemmour. Je l'ai expliqué, il y a plus de 7 ans sur cette page. Parmi les médias qui parlent de nous, on trouve Causeur, Front populaire, le Figaro Histoire (et heureusement quelques autres) alors que d'autres, par exemple Le Monde ou Libération, ou l'audiovisuel du Service public, nous ignorent. C'est précisemment un des sujets centraux de notre livre, que des médias se revendiquant explicitement ou implicitement de la gauche, décident à la fois à qui il convient de laisser la parole et ce que doivent dire ceux à qui on donne la parole, le fameux "C'est cela qu'il faut dire" de Léa Salamé. Il fut un temps où Libération, tout gauchiste qu'il fut, militait pour la liberté d'expression. Ce temps est révolu. Ceux qui sont fidèles à la liberté d'expression - je me revendique comme tel - sont donc contraints à aller s'exprimer  là où ils peuvent.

Commentaire 2: des professionnels et des amateurs
Dira-t-on que c'est de bonne guerre de la part de Laurent Joly de brocarder les amis de Berlière « amateurs d'histoire, cadres supérieurs à la retraite » ? L'amateur que je suis est assez senior pour avoir entendu de Gaulle évoquer le «quarteron de généraux à la retraite »... Jean-Marc Berlière a toujours assumé de travailler avec des "amateurs". Personne n'avait encore songé à lui reprocher. L'amateur que je suis (qui avait publié son premier ouvrage sur la Seconde guerre mondiale plusieurs années avant que Laurent Joly n'en publie un) a su montrer avec quelque succés, je crois, à propos des Juifs du Vaucluse, que le travail d'un Isaac Lewendel, amateur mais rigoureux, invalidait complètement la contribution d'un professionnel qualifiée de "scientifique" par d'autres professionnels.

Commentaire 3 : sur la controverse du moindre mal
Alain Michel et Jean-Marc Berlière, estampillés "révisionnistes" en 2020, échappent en 2023 à cette étiquette qui se voulait infamante. mais se voient  taxés de ressuciter une controverse du « moindre mal » qui aurait été rendue caduque sur le plan scientifique. Notre ouvrage lui-même aurait « transformé cette complicité criminelle au génocide des Juifs par les nazis en politique de moindre mal  ». Le « moindre mal » est une formulation pour justifier une politique, a priori ou a posteriori, ce n'est pas une thèse historique. En tous cas, ce n'est point la notre. Par contre nous sommes fermes sur un point: La complicité criminelle de Vichy n'autorise pas à écrire ou à dire n'importe quelle contre-vérité. Par exemple celle que nous citons à la page197: Interrogé sur BFMTV en septembre 2021 « Est-ce qu'à aucun moment on peut dire que l'État français du maréchal Pétain et de Pierre Laval a protégé les Juifs français ? ... Est-ce que c'est une fake news ?  » « C'est une totale fake news ! » a répondu Laurent Joly tout en sentant son nez s'allonger de 10 cm.



La critique de Laurent Joly septembre 2023

Laurent Joly, Anatomie d’une falsification historique. Lecture d’un récent pamphlet sur Vichy et la Shoah dans l’Histoire officielle et le discours commémoratif, dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2023/3 (n°72), pp.151-171

Voir Le journal de guerre de Paul Morand et l'utilisation abusive qu'en fait Laurent Joly.





Simone, le voyage du siècle, film d'Olivier Dahan sorti en 2022

Je n'avais pas l'intention d'aller voir Simone, le voyage du siècle, film biographique sur Simone Veil, réalisé par Olivier Dahan et qui souffrait, il faut le dire de très méchantes critiques de la part des cinéphiles. Le hasard en décida autrement, et je fus l'un des 2,4 millions de spectateurs comptabilisés par le box-office en janvier 2023, ce qui est un très joli score. C'est en toute connaissance de cause que je peux confirmer que le film est très mauvais d'un point de vue cinématographique.
La médiocrité cinématographique n'autorise pourtant pas la falsification historique. Olivier Dahan n'avait guère d'effort à fournir pour reconstituer la vie de Simone, il disposait d'un copieux corpus constitué de multiples entretiens télévisés  et de deux biographies, la première commise par le journaliste Maurice Szafran, datant de 1994, et la deuxième, en réalité une autobiographie publiée en 2007 alors que Simone Veil avait 80 ans.

Dans le film, l'arrestation de Simone Jacob (c'était son nom de famille) à Nice le 30 mars 1944 ainsi que celle de sa famille est mise en scène comme une opération conduite par des miliciens reconnaissables à leurs uniformes et leurs grands bérets.

Cette mise en scène est résolument contradictoire avec le récit de Simone Veil (Une vie, Stock, 2007, p.47)

"Le lendemain [des épreuves du bac], j'avais rendez-vous avec des amies pour fêter la fin des examens. Je m'y rendais avec un camarade lorsque soudain, deux Allemands en civil nous arrêtèrent pour un contrôle d'identité. Ils étaient escortés d'une de ces russes dont Nice regorgeait alors et dont certains n'avaient eu aucun scrupule à se mettre au service des Allemands..."

Récit de 2007 en tout point semblable au récit qu'en fit Maurice Szafran en 1994 (Simone Veil, destin, J'ai lu, 1994))

Le récit par ailleurs concorde parfaitement avec ce que nous savons des arrestations en zone libre en 1944: la police allemande, désignée généralement par "Gestapo" mène les arrestations de juifs avec le concours des supplétifs qu'ils trouvaient dans différents milieux (La pègre, les Russes blancs ...) , mais qui ne portaient pas des uniformes de miliciens. L'accessoiriste qui a préparé des uniformes de miliciens pour cette scène de l'arrestation a nécesairement mis en oeuvre un scénario précis. Qu'est-ce qui a poussé Olivier Dahan à travestir délibérément ses sources ? J'espère que la question lui sera posée un jour et qu'il y répondra.

Sautons 63 ans, nous sommes le 18 janvier 2007, Simone Veil devenue présidente de la fondation pour la mémoire de la Shoah prononce un discours à l'occasion d'une cérémonie au Panthéon en hommage aux Justes de France (Une vie, annexe, p.384)

"J'ai toujours dit, et je le répète ce soir solennellement, qu'il y a eu la France de Vichy, responsable de la déportation de soixante-seize mille Juifs, dont onze mille enfants, mais qu'il y a eu aussi tous les hommes et toutes les femmes, grâce auxquels les trois quarts des Juifs de notre pays ont échappé à la traque."

Simone alors agée de 80 ans, personnalité adulée et sollicitée de toutes part n'a peut-être pas écrit elle-même son discours. Peu importe, le discours d'une présidente de la fondation pour la mémoire de la Shoah se doit d'être klarsfeldien, et même ultra klarsfeldien puisque c'est l'ensemble des 76000 Juifs de France déportés qui sont imputés à Vichy.

Quelque mois plus tard, Simone publie Une vie . A la page 329, après une évocation du film Le Chagrin et la pitié , vis-à-vis duquel Simone Veil est très sévère (à l'époque, au conseil d'administration de l'ORTF, elle s'opposa au financement du film par l'ORTF).

"Par la suite, j'ai constaté que je n'étais pas le seule à mener ce combat. L'association que préside Serge Klarsfeld à publié à l'époque [on ne sait pas très bien de quelle époque il s'agit] une brochure dont la lecture m'a étonnée. Y sont énumérées des actions entreprises par le gouvernement de Vichy pour s'opposer aux Allemands ! Serge Klarsfeld y fournissait des arguments concrets à l'appui de sa thèse: refus d'obtempérer de l'adminiustration dans certains cas, retards dans la mise en oeuvre des ordres allemands ou des décisions de Vichy... Il n'est pas jusquà la rafle du Vel d'Hiv qu'il n'ait revisitée dans certains de ses aspects. En fait, il développe publiquement des thèses qui furent longtemps les miennes...]

Où l'on voit donc la même personne charger au-delà du raisonnable "la France de Vichy" et revendiquer par ailleurs une vision subtile de la complexité de l'Occupation.  Je ne connais pas la brochure à laquelle Simone Veil fait allusion, mais le fait est que le Klarsfeld des années 1980, celui du Vichy-Auschwitz est rigoureux et équitable -.


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Entretien avec ChatGPT

En ce mois de janvier2023, on parle beaucoup de ChatGPT, ce robot créé par OpenAI qui sait prposer des lignes de code en langage C pour résoudre un problème posé (j'ai vérifié, il le fait bien), faire de beaux discours et développer des synthèses des connaissances dont il a fait l'apprentissage. Le dialogue qui suit est amusant. Nécessairement, le discours de ChatGPT va refléter ce qui traine dans le corpus des ressources qui ont été préalablement compilées. Ne connaissant pas le corpus qui a servi à son apprentissage, je me garderai bien de tirer des conclusions hatives. Les questions que j'ai posées à ChatGPT sont marquées Q et ses réponses R.

Q. Je dois faire un discours pour la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv et je n'ai pas d'idées. Pouvez-vous m'aider ?

R. La rafle du Vel d'Hiv a eu lieu le 16 et 17 juillet 1942 à Paris, durant l'Occupation allemande de la France. Les forces de police françaises, avec l'aide de collaborateurs, ont arrêté plus de 13 000 Juifs, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées, qui ont été détenus dans des conditions inhumaines avant d'être déportés vers des camps de concentration et d'extermination nazis.

Dans votre discours, vous pourriez parler de l'importance de se rappeler l'histoire de la rafle du Vel d'Hiv et de ses victimes, afin de ne jamais oublier les horreurs de l'Holocauste et de continuer à lutter contre l'antisémitisme et toutes les formes de haine. Vous pourriez également parler de la résilience et du courage des survivants et de leurs descendants, ainsi que de la nécessité de continuer à travailler pour construire une société plus juste et plus inclusive.

Q. Est-ce que je dois parler des Allemands ou uniquement de la police française ?

R. Il est important de rappeler que la rafle du Vel d'Hiv a été menée par les forces de police françaises, avec l'aide de collaborateurs, pendant l'Occupation allemande de la France. Il est donc approprié de mentionner les responsabilités des différents acteurs de cet événement tragique. Cela étant dit, il est important de souligner que les Allemands étaient les instigateurs de l'Holocauste et que les forces de police françaises ont agi sous leur autorité et leur contrôle direct. Il est donc important d'être clair sur les responsabilités de chaque groupe dans cet événement.

Il est également important de rappeler que les Français ont également résisté à l'occupation allemande et à la collaboration, et que beaucoup ont aidé les Juifs et d'autres personnes persécutées. Il est donc important de rappeler la complexité de l'histoire et de ne pas réduire les événements à une seule perspective.

En somme, Il est important de rappeler la complexité de l'histoire et des responsabilités de chacun, sans minimiser les actions des uns ou des autres. Vous pourriez également souligner que l'Holocauste était un crime contre l'humanité, commis par l'Allemagne nazie, mais que des responsabilités ont été prises par les autorités françaises de l'époque, qui ont permis la mise en œuvre de ce crime.

emmanuel.dechambost@yahoo.fr
Q. Est-ce que la police française a arrêté des Juifs français ou uniquement des Juifs étrangers ?

R. La plupart des personnes arrêtées lors de la rafle du Vel d'Hiv étaient des Juifs français, bien que des Juifs étrangers aient également été arrêtés. Les autorités de Vichy, qui gouvernaient la France pendant l'Occupation allemande, ont promulgué des lois discriminatoires contre les Juifs, qui ont permis aux forces de police françaises de rechercher et d'arrêter des Juifs français, ainsi que des réfugiés et des immigrés juifs. Les autorités françaises ont également coopéré avec les Allemands pour identifier et rechercher les Juifs qui se cachaient. Les personnes arrêtées ont été détenues dans des conditions inhumaines avant d'être déportées vers des camps de concentration et d'extermination nazis, où la plupart ont péri.


Q. Le port de l'étoile jaune a-t-il été imposé aux Juifs français par les Allemands ou par le gouvernement de Vichy ?

R. Le port de l'étoile jaune a été imposé aux Juifs français par les autorités françaises de Vichy, qui étaient au pouvoir pendant l'Occupation allemande de la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Le 2 juin 1942, le gouvernement de Vichy a publié une loi qui obligeait les Juifs de France à porter une étoile jaune sur leur vêtement. Cette loi était basée sur des lois similaires adoptées par les nazis en Allemagne et dans les pays occupés. Les Allemands ont approuvé cette loi française et ont aidé les autorités françaises à la mettre en œuvre. Il est important de noter que cette loi a été adoptée de manière indépendante par le gouvernement de Vichy, qui était un régime collaborationniste et non un gouvernement légitime de la France.


Q. Laurent Ruquier est-il de gauche ?

R. Laurent Ruquier est un animateur de télévision et de radio français, ainsi qu'un animateur de théâtre et de télévision, il est connu pour ses émissions de divertissement telles que "On a tout essayé" et "Les Grosses Têtes". Il est également un chroniqueur et un animateur de radio, il anime l'émission "On va s'gêner" sur Europe 1. En ce qui concerne son appartenance politique, il se décrit lui même comme de gauche, il soutient des idées progressistes, il est critique envers le gouvernement actuel et il est pro-européen. Il a également été critique envers certains aspects de la gauche française. Cependant, il n'est pas un membre d'un parti politique précis.


Mes commentaires (EdC)

J'ai évidemment été très impressionné par la pertinence et la qualité réponses (à condition de ne pas insister lorsqu'on tombe sur une lacune). Curieusement, beaucoup d'informations qui sont clairement disponibles sur wikipedia ne sont pas connues de ChatGPT. Il s'agit sans doute de ne pas enfreindre la licence Creative Commons.

Concernant le discours de commémoration, les propositions de ChatGPT sont au moins aussi bonnes que celle du conseiller du président Macron qui a écrit le discours de Pithiviers. Néanmoins, le robot ressort l'erreur ancienne selon laquelle les policiers français auraient été accompagnés de "collaborateurs". Pour les questions subsidiaires, concernant l'arrestation des juifs français et le port de l'étoile jaune, ChatGPT tombe dans les idées reçues - et fausses - notamment celle qui attribue au gouvernement de Vichy le port de l'étoile jaune. Et pourtant, beaucoup de livres sont  biaisés, je n'en connaissais pas qui fussent aussi clairement erronés. Où ChatGPT a-t-il été chercher cette information ?





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